1Le château de Sainte-Suzanne, localisé au NE du département de la Mayenne, est installé au sommet d’un éperon rocheux. L’enceinte castrale enserre une tour-maîtresse quadrangulaire attribuée au xi^e s. et un logis du xvii^e s. La restauration de la tour maîtresse a débuté en 2002 par les murs sud et est, elle s’est achevée en 2003 avec les murs nord et ouest. L’étude de bâti, réalisée sur les deux campagnes, apporte de nombreux renseignements sur la conception architecturale du bâtiment. Le monument se développe sur trois niveaux, mais la partition classique, cellier – étage de réception – étage privatif, n’est peut-être pas celle qui a été adoptée à Sainte-Suzanne. Si l’attribution du niveau bas comme cellier est certaine, celle des deux niveaux supérieurs reste douteuse. Les observations montrent que les quatre murs ont été construits simultanément et progressivement par « bandes » de quatre à cinq assises. Les matériaux utilisés en parement ont été extraits sur place (petits blocs de grès). En revanche, ceux utilisés pour les contreforts ou les piédroits des baies (grès roussard, granit et grison) ont été acheminés depuis des carrières extérieures. Plusieurs phases ont pu être mises en évidence. La première (xi^e-xiv^e s.) correspond à la construction du bâtiment et à quelques modifications externes (installation d’un hourd). Une deuxième phase est liée à une remise en état du donjon à la fin du Moyen Âge. Les travaux entrepris à cette période sont importants : percement d’ouvertures, réfection complète du pont-levis, mise en place de nouvelles structures et pose d’enduits. Le bâtiment a été à cette époque l’objet d’un regain d’intérêt et a conservé un rôle prépondérant dans le site castral. Il est cependant impossible de savoir jusqu’à quelle date ce nouvel usage a perduré. Une troisième phase (xvii^e-xix^e s.) correspond à deux types de travaux bien différents, d’abord la condamnation du bâtiment par le bouchage de plusieurs ouvertures, ensuite le second une restauration visant à mettre en valeur le donjon, peut-être contemporaine de son classement au titre des Monuments Historiques en 1862. Enfin, une quatrième phase correspond à une importante campagne de restauration du milieu au xx^e s. L’essentiel des éléments architecturaux conservés appartiennent en fait à la construction d’origine. Les observations et informations les plus novatrices recueillies cette année concernent d’ailleurs cette phase. Ainsi, les éléments de confort sont variés et nombreux. En effet, l’on peut dénombrer au niveau 1 une cheminée, trois latrines, deux éviers ; au niveau 2 une cheminée et deux latrines. À cela s’ajoutent des salles (interprétées comme des garde-robes ou des chambres privées) aménagées dans l’épaisseur des murs, et une exceptionnelle salle cachée d’accès difficile, interprétée comme une salle « au trésor ». Plusieurs de ces éléments (éviers, salle au trésor notamment) semblent constituer des cas uniques, d’exceptionnelle qualité, jamais mentionnés dans des bâtiments de même époque. Une autre caractéristique du monument est que plusieurs aménagements (cheminées et latrines du mur ouest) ont été condamnés, avant même d’avoir été terminés et utilisés. Il faut remarquer ici la très grande qualité architecturale des cheminées, notamment celle du niveau 2 dont le large conduit ovale est parfaitement appareillé. Condamner de tels éléments renvoie à des ­événements qui nous échappent, mais qu’il faudra peut-être rechercher dans le contexte historique et relier à un changement de vocation du bâtiment, plus militaire que seigneurial. Bien des questions demeurent en suspens : ainsi, aucune trace n’a permis de restituer les circulations verticales à l’intérieur du bâtiment ; le mode de couverture reste également une inconnue et l’attribution fonctionnelle des niveaux 1 et 2 ne peut être tranchée avec certitude. La chronologie demeure au centre des débats. Les résultats des analyses ¹⁴C faites sur les murs sud et est sont étonnants puisqu’ils fournissent de manière homogène une datation centrée sur le x^e s. La seule hypothèse permettant d’expliquer une chronologie aussi précoce est celle de l’existence d’un bâtiment en bois antérieur, brûlé lors de la construction du donjon. Il faudra cependant attendre les résultats des prélèvements opérés cette année pour voir si cette datation se confirme.