1Dans le cadre d’un projet de restauration et d’aménagement, un diagnostic d’archéologie préventive a eu pour objectif d’étudier l’Hôtel du roi René. Ce bâtiment s’est substitué à l’ancienne Livrée du cardinal Jean Allarmet de Brogny, évêque de Viviers, acheté en 1476 par le roi René aux chartreux de Villeneuve-lès-Avignon. Le prince, qui y séjourna jusqu’en 1478, confia sa décoration à Nicolas Froment. Mis en location en 1489, puis vendu au cours du xvi^e s., le bâtiment devint au xvii^e siècle la propriété de religieuses.

2Les parties les plus anciennes de l’édifice semblent remonter au xiii^e s. De cette époque, il reste les deux murs de l’espace B (la cage d’escalier) MR 56 et MR 57. Bâti en moellon de calcaire coquillier, l’appareil est disposé en opus spicatum. À l’extérieur, ces deux murs sont chaînés et présentent une construction similaire. La porte en arc brisé PR 69 peut remonter à cette époque. Les constructions les plus importantes se font au cours du xiv^e s. avec la création de la grande salle d’apparat bâtie contre l’espace B.

3Ce bâtiment aux dimensions importantes (23 m de longueur par 8 m de largeur) est construit en une seule campagne. Une cheminée est bâtie dans l’épaisseur du mur pignon ouest (planches 1 et 2). Ce bâtiment possède un premier étage, aujourd’hui disparu. Il est possible de voir dans la saignée observée dans les murs MR 58 et MR 91 l’emplacement du plancher SL 104. Les cavités d’encastrement des poutres du plancher (US 105) sont visibles de chaque côté du conduit de cheminée (fig.).

4Cet étage était desservi depuis l’ouest et la cage d’escalier (espace B) par une porte (PR 73) en arc brisé avec arrière-voussure en arc de cercle (planches 2 et 3). Une autre porte peut être rattachée à cette période (PR 146). Percée dans le mur nord (MR 91), une partie seulement de l’arc est conservée.

5À la suite de la construction du grand tinel (premier tiers du xiv^e s.), l’espace B subit une surélévation : les murs MR 56 et MR 57, construits en moellons, sont surélevés en pierres de taille (MR 80 et 83) (planche III). Deux ouvertures identiques (FE 82 et 84) sont ménagées au moment de la surélévation. Les deux surélévations MR 80 et 83, contemporaines, viennent s’appuyer contre le mur ouest du grand tinel (MR 58). Deux portes (PR 69 et PR 81), présentes aux premier et second niveau sur le mur MR 56, offrent les mêmes caractéristiques que celle du premier étage PR 73.

6À la fin de la première moitié du xiv^e s., la tour de la livrée est construite contre l’espace B. Les murs MR 2 et MR 56 sont appuyés l’un à l’autre. De plus, la création de la tour de la livrée est venue obstruer la fenêtre (FE 82) de la surélévation de MR 56 en MR 80, ce qui démontre que la tour est postérieure à la surélévation de MR 56.

7Des aménagements importants sont réalisés au cours du xv^e s. En ce qui concerne le grand tinel, un plafond peint (PL 128) est installé pour compartimenter l’espace et créer un comble au-dessus. Ce plafond, portant les armes du roi René, est datable de la fin du xv^e s. (1476-1480).

8Au xvii^e siècle, les Ursulines, ayant besoin d’un lieu de culte plus grand, transforment le grand tinel en chapelle. Pour ce faire, elles suppriment le plancher du premier étage (PL 104) et créent une grande voûte (VT 127) ; elles intègrent des éléments peints du plancher du xiv^e s. aux nouveaux aménagements nécessités par la création de la voûte (planche 1).

9Au rez-de-chaussée, les religieuses aménagent trois cloisons (CL 92) avec les deux piliers en pierre (PI 193) pour rétrécir la grande salle et créer une sorte de chœur. Ce rez-de-chaussée est alors décoré par trois arcs dont deux aveugles sur le mur sud et nord (MR 91) (planche 1).

10La plupart des aménagements visibles au-dessus du chœur sont à rattacher aux Ursulines. Au premier étage, au-dessus du chœur, les religieuses aménagent une sorte de galerie technique (SL 97) accessible depuis PR 99 (planches 1 et 2). Au second étage du tinel, le mur (MR 58) présente la trace d’une toiture primitive plus pentue que celle visible actuellement (planche 2). C’est à la fin du xvi^e ou au xvii^e s. que le bâtiment est rehaussé et que la toiture est relevée.

11Sur le plan du décor, des restes de peintures murales médiévales ont pu être observés. Le premier étage de la tour présente encore de grands enroulements de rinceaux. Ce thème est fréquent dans les habitations avignonnaises à l’époque pontificale. Il ne subsiste plus aujourd’hui que le tracé, dessiné d’une main ferme, des rinceaux sur des fonds alternativement gris et bruns, dégradation de teintes primitivement bleues et rouges. La cage d’escalier (espace B) a conservé une frise alors que le second étage du tinel a conservé un décor monumental (US 132), datable du xiv^e s. Au xv^e s., des faux-joints rouges et rouges et noirs matérialisent le nouveau décor. Enfin, dans le grand tinel, au premier étage, les murs présentent un décor (US 122) représentant un motif symétrique de style Renaissance, attribué à la famille de Peretz ou de Joyeuse, à la fin du xvi^e s. (fig.).

Avignon, Grand tinel/Chapelle – mur pignon ouest, coupe SN.

Agrandir Original (jpeg, 600k)

DAO G. Baro