1La maison dite « synagogue » de Trets a fait l’objet d’une étude de bâti. Cette opération fait suite à un diagnostic réalisé durant l’hiver 2009-2010 qui a consisté en des sondages ponctuels et en une analyse des maçonneries les plus accessibles. Cette première investigation a permis de caractériser cette maison comme un édifice polyvalent, avec un rez-de-chaussée dévolu à des espaces utilitaires, différents niveaux de cave, un premier étage noble ouvrant sur la rue par de belles baies géminées, et enfin un second étage plus tardif. Vraisemblablement bâti à la fin du xiii^e s., cet édifice composite semble avoir subi de fréquents remaniements au fil du temps. Une importante phase de travaux intervient au xv^e s., avec notamment une modification de la hauteur des étages, l’adjonction d’un niveau supplémentaire, et la partition des espaces en de plus petites pièces. Cette phase coïncide par ailleurs avec la mise en vente de la synagogue consécutive au déclin de la présence juive à Trets.

2Toutefois, le diagnostic n’a pas permis la découverte d’éléments archéologiques en lien avec l’existence de cette communauté juive, et, les textes dépouillés jusqu’à ce jour ne permettant pas de localiser exactement la synagogue, seule la tradition locale permet de la supposer à cet emplacement. Aucun graffiti n’est mis au jour, ni aucune trace du mikveh et de la bimah.

3L’étude de bâti de l’été 2014 a donc pour but de reprendre ces investigations, à la fois par de nouvelles recherches en archives, ainsi que par de nouvelles observations de bâti. La mise en place de deux échafaudages contre le mur de refend nord de la maison a permis l’accès à de petites pièces au nord du site, jamais observées jusqu’à présent puisqu’uniquement accessibles par ce système d’échafaudage.

4L’étude documentaire témoigne des difficultés à localiser clairement la synagogue de Trets, du fait notamment du déficit des sources écrites. Les fonds notariés qui sont la source principale, se révèlent particulièrement délicats et longs à étudier. Cette étude qui n’a pu localiser avec précision l’emplacement de la synagogue, révèle néanmoins que l’association de la rue Paul Bert avec la rue de la Juiverie, admise depuis un siècle, est erronée. La rue de la Juiverie pourrait être plus au sud du centre historique. Ainsi la maison médiévale rue Paul Bert ne serait pas la synagogue, mais plutôt une demeure bourgeoise.

5Les résultats de l’étude de bâti apparaissent contrastés. Comme lors du diagnostic, aucune trace de la présence juive n’a pu être détectée plors des décroutages d’enduits successifs qui n’ont pas révélé de graffitis. Par contre, cette nouvelle étude a permis de préciser les phasages établis lors du diagnostic.

6Quatre phases principales ont été mises en évidence depuis la construction de la maison polyvalente à la fin du xiii^e s. jusqu’à nos jours. Dans son premier état de mise en œuvre, la maison se développe sur un niveau de caves, un rez-de-chaussée et un seul étage. Le rez-de-chaussée se compose d’un vaisseau rectangulaire, séparé par un mur d’un second vaisseau se développant au nord, ouvert au NO par un arc diaphragme permettant l’accès à un possible espace de cour. Ce vaisseau est calé entre deux pignons, celui à l’ouest n’étant pas connu, puisqu’il a été détruit lors des réaménagements et agrandissements du xv^e s. Ce niveau est ouvert sur la rue par une belle porte charretière et une porte piétonne. On accède à l’étage noble par une tour d’escalier située à l’est. Cette cage d’escalier en vis est conservée dans son premier état dans le niveau de cave, tandis que le rez-de-chaussée et l’étage ont été remaniés au xv^e s. Ainsi, cette première étape de mise en œuvre concerne les murs structurants de la maison  : le mur gouttereau nord, le mur sud donnant sur la rue, le mur de partition séparant la demeure en deux vaisseaux rectangulaires, orienté E-O, et enfin les deux pignons et la cage d’escalier. Deux murs de refend N-S semblent également appartenir à cette phase  : l’un permet de scinder en deux la zone de cour dans la partie NO de la maison, l’autre vient créer une partition dans le vaisseau rectangulaire principal, en rez-de-chaussée.

7Aux xv^e et xvi^e s., de profonds réaménagements sont visibles. Un étage supplémentaire est ajouté, grâce à la diminution de hauteurs des étages, il implique donc le changement de tous les niveaux de planchers. La cage d’escalier est modifiée et un étage supplémentaire est également ajouté. Une seconde cage d’escalier est créée au cœur du bâtiment. Le pignon occidental est détruit afin d’intégrer de nouveaux espaces et d’agrandir ainsi la surface. Une nouvelle porte est percée dans la façade côté rue. Toujours en façade, les baies géminées sont remplacées par des fenêtres à meneaux. De nouveaux murs de refend sont édifiés afin de diviser de grands espaces sans doute devenus inutiles. L’arc diaphragme est englobé dans une maçonnerie et devient peu visible. Ces nouveaux murs créent de petites pièces en enfilade, pour lesquelles on perce des portes dotées de stucs permettant une bonne circulation d’une zone à l’autre. Des niches et placards sont aménagés. Ces transformations semblent correspondre à un changement de statut de la maison qui devient essentiellement résidentielle. Cette modification pourrait correspondre à la date de mise en vente de la synagogue et au départ des juifs de Trets. Toutefois, cette seule coïncidence ne peut suffire à en déduire qu’il s’agit bien ici de l’ancienne synagogue, et les résultats de l’étude documentaire nous incitent d’ailleurs à la plus grande prudence sur ce point.

8Dans un troisième temps, l’époque moderne voit les fenêtres à meneaux remplacées par des fenêtres sans remplage. L’escalier en vis desservant la partie médiane de la maison est détruit et remplacé par un nouvel escalier, actuellement conservé. De nouvelles caves sont installées, disposant de cuves à vin tapissées de carreaux vernissés.

9Enfin, la période contemporaine connaît également sa part de modifications  : certaines pièces servant encore d’habitation jusque dans les années 2000 sont réutilisées en cuisine. Des enduits et papiers peints récents sont posés, tandis que des cloisons en briques sont parfois rajoutées pour scinder de nouveau les espaces.

10Cette maison sise rue Paul Bert à Trets est complexe car elle a subi de multiples évolutions au fil du temps du fait des différents propriétaires. Il est donc délicat d’imaginer son aspect d’origine tant les maçonneries sont marquées par les modifications incessantes. Les données historiques récoltées permettent de douter de son identification comme synagogue, puisque la rue Paul Bert n’est peut-être même pas l’ancienne rue de la Juiverie. Cette nouvelle opération a néanmoins permis de préciser les phasages et de mieux percevoir la chronologie de ces réaménagements, apportant ainsi une meilleure connaissance de cette maison polyvalente médiévale de la cité de Trets.