1La tour d’Entressen est une petite fortification privée du xiv^e s. inscrite à l’ISMH, située sur la rive NE de l’étang du même nom, à l’est de la plaine de la Crau. Grâce aux recherches documentaires de J.-P. Lagrue, on parvient à suivre la constitution progressive de la localité dans les sources écrites. La position de l’étang à la limite des domaines d’Arles et d’Istres en fait un enjeu dans les conflits territoriaux entre les deux communautés. Lieu-dit en 1267, manse en 1321, Guillaume II de Baux seigneur d’Istres y crée un péage sur la route d’Arles peu avant août 1333. C’est probablement à ce moment qu’est édifiée la bastide mentionnée en 1377. Dans la Provence des xiii^e et xiv^e s., la bastida est une fortification privée disposant d’un territoire propre intégré à celui d’un castrum. Cette hiérarchie découle souvent d’une démographie et de ressources moins importantes liées à l’exploitation de terroirs de défrichement. La fondation de la bastide semble ici être le fruit de la volonté de Guillaume II d’affirmer la limite septentrionale de son territoire et d’en structurer l’exploitation. Avant que la tour soit confortée et mise en valeur, la CRMH en a demandé une étude archéologique du bâti.

2La tour d’Entressen est un édifice carré d’environ 8,50 m de côté et atteignant 16,50 m de hauteur (fig.). Son bel appareil de pierre de taille utilise un calcaire coquiller local. La tour conserve les consoles et quelques-unes des arcades des mâchicoulis tandis que presque toute trace du crénelage a disparu. Le volume était initialement divisé en trois niveaux planchéiés d’environ 5,50 m. de hauteur chacun. On entrait dans l’édifice par une modeste porte de plain-pied à l’est. On ignore en revanche comment était disposé l’escalier interne qui desservait les deux étages et le toit-terrasse. Deux fenêtres hautes éclairaient faiblement le rez-de-chaussée. Le premier étage disposait de deux grandes fenêtres à coussièges, l’une à croisillon au sud et l’autre décorée d’un trilobe gothique ajouré au nord. Bien qu’il s’agisse de l’étage noble de la tour, aucune cheminée ne semble avoir existé au xiv^e s. Le dernier niveau ne conserve de l’état du xiv^e s. qu’une fenêtre à coussièges de plus petites dimensions, à l’ouest. Les ouvertures de tir étaient concentrées sur le parapet du toit-terrasse. Protégée par une enceinte bordée d’un fossé, la tour était située en retrait du dispositif défensif et revêtait une fonction autant résidentielle que militaire.

3Dans la première moitié du xvi^e s. la tour est entièrement remodelée par les Foissard qui la détiennent depuis 1476. Dans le périmètre de l’enceinte, une chapelle privée est construite dans les années 1500 et de nombreux travaux sont réalisés sur des dépendances avant 1582 (logis, étable, four, poulailler, pigeonnier, etc.). Une tourelle d’escalier en vis carré est accolée à sa façade orientale. Elle conditionne le redécoupage du volume et condamne la porte primitive. La plupart des ouvertures médiévales sont conservées mais restructurées pour s’adapter aux nouveaux planchers. La démultiplication des étages impose tout de même la création de nouvelles fenêtres. Parmi les cinq niveaux créés, seul le rez-de-chaussée est couvert d’une voûte. Les niveaux supérieurs utilisent des planchers en partie conservés. Le second étage diffère des autres par ses dimensions plus importantes. Il reprend le volume du premier étage du xiv^e s., en réutilise les grandes fenêtres à coussièges, mais est agrémenté d’une cheminée monumentale sur le mur ouest. En partie sommitale, le mâchicoulis ainsi que le parapet sont soigneusement adaptés à la tourelle d’escalier et témoignent d’une fonction militaire intacte. Les sources écrites contemporaines attestent qu’une enceinte et son fossé protégeaient toujours le site.

4De manière générale, la tour d’Entressen est très représentative des fortifications édifiées en Provence occidentale et en Comtat Venaissin au xiv^e s. La standardisation des éléments d’architecture (mâchicoulis sur consoles en particulier) et la mise œuvre des maçonneries coïncident avec une période à laquelle les constructions et surtout les reconstructions de fortifications privées et collectives augmentent considérablement. La fondation d’une bastide dans la première moitié du xiv^e s. est en revanche plus atypique dans un contexte de regroupement des populations et d’urbanisation dont témoignent les nombreuses d’enceintes urbaines contemporaines.

Istres, la tour du xiv^e s. et sa tourelle d’escalier du xvi^e s.

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Cliché M. Dadure