1En mars 2012, un diagnostic archéologique réalisé par l’Inrap a mis en évidence un ensemble de sépultures et de fosses de stockage de céréales (silos) au lieu-dit Lagneau. La zone concernée se situe à l’extérieur du bourg, en rive gauche de la Garonne, en bordure du canal latéral. Le site se trouve près du lieu-dit Saint-Martin, toponyme en lien avec un prieuré fondé en l’an 1012 par les moines de l’abbaye de Saint-Sever en Gascogne. L’objectif des fouilles menées de mai à juin 2013 sur la parcelle de Lagneau Est était de comprendre la chronologie des utilisations du site comme cimetière et comme zone d’ensilage.

2Les vestiges les plus nombreux sont ceux d’un cimetière (environ 125 sépultures) et d’un site d’ensilage (environ 100 silos). Ils se développent de part et d’autre de deux grands murs orientés E-O, l’un situé à l’extrémité nord de la parcelle, le second en partie sud. Le mobilier associé au mur nord indique une première occupation de la fin de l’antiquité romaine (fin du iii^e- début du iv^e s.). Les vestiges les plus anciens sont donc ceux d’un bâtiment gallo-romain (villa ?) installé sur le rebord de pente au NE de la parcelle. Ce bâtiment est très arasé car les matériaux de construction ont été en grande partie récupérés, mais il semble être occupé jusqu’aux iii^e-iv^e s.

3La seconde occupation ne se manifeste que bien plus tard (un peu avant le xii^e s. ?), représentée par des silos à grains et des sépultures en pleine terre, qui se développent parallèlement de part et d’autre des vestiges des deux murs nord et sud. Le cimetière s’agrandit en même temps que l’aire de stockage se déplace légèrement car certaines sépultures recoupent des silos abandonnés.

4L’occupation du site en zone d’ensilage perdure vraisemblablement pendant quelques décennies puisque des silos viennent à leur tour s’installer sur des sépultures.

5Cent vingt trois sépultures, dont la majeure partie ne présente ni trace de cercueil ni mobilier, ont été entièrement fouillées. Celles situées en partie sud du site sont creusées en pleine terre dans des fosses larges et profondes, alors que celles de la partie nord sont très peu profondément enterrées. Plusieurs orientations ont été observées, montrant sans doute plusieurs phases ou regroupements familiaux. Une datation 14C faite sur un des squelettes de la partie sud du cimetière (Conventional radiocarbon age : 860±30 BP) donne un âge calibré entre 1160 et 1220, plaçant une (des ?) phase(s ?) d’occupation du cimetière paroissial vers la fin du xii^e s. Pour le moment, on ignore si les sépultures illustrant des orientations et des pratiques funéraires différentes sont de la même période chronologique. Les études archéoanthropologiques menées actuellement permettront de caractériser les données biologiques de la population inhumée, de cerner l’évolution des pratiques funéraires et de proposer un phasage chronologique des sépultures.

6Quatre vingt dix neuf silos avérés ont été fouillés, auxquels s’ajoutent 55 fosses mal caractérisées. Certaines contenaient des scories et des fragments de terre rubéfiée, indices d’une occupation ponctuelle du site comme atelier métallurgique ou forge. Bien que les silos présentent des profils variés, la majeure partie est de type « en bouteille ». Les analyses carpologiques menées actuellement sur les graines et noyaux présents dans les silos permettront de déterminer quels grains ont été stockés et pour quelle population.

7Deux aménagements de type grenier sur poteaux ont pu être mis en évidence. Il s’agit d’une part d’un grenier carré à quatre poteaux et d’autre part d’une structure rectangulaire à six poteaux, malheureusement dépourvus de mobilier.

8La céramique semble homogène et contemporaine. D’un point de vue typologique, elle s’apparente au vaisselier régional du Bergeracois, d’Aquitaine ou de Midi-Pyrénées. De grandes jattes modelées, des oules et des pégaus côtoient des cruches à bec disproportionné. Les décors sont rares et frustes. L’étude céramologique sommaire permet de proposer une période d’occupation comprise entre la seconde moitié du xii^e et la fin du xiii^e s. Quelques objets métalliques liés au travail agricole ont été trouvés, ainsi que des fragments de meule.

9Les recherches documentaires doivent nous orienter sur la mise en place, le fonctionnement et la durée de vie de ce cimetière paroissial et de cette aire d’ensilage près du prieuré Saint-Martin. Les premières recherches entreprises permettent en effet de rattacher de manière indiscutable ce terroir de Buzet au prieuré Saint-Martin fondé par l’Abbaye de Saint-Sever en l’an 1012. Il pourrait s’agir ici très concrètement de l’établissement d’un prieuré à la période charnière du début du xii^e s. par l’abbaye mère afin que les terres qu’elle possède déjà prennent le statut de paroisse.