1L’habitation Loyola représente l’une des plus importantes plantations sucrières de l’époque coloniale pour la Guyane française. Elle couvrait plus de mille hectares et servait, selon les époques, à la production de café, cacao, canne à sucre, indigo et coton, dans le but de financer des missions d’évangélisation chez les populations amérindiennes d’Amérique du Sud. Son ampleur et son importance économique traduisaient la bonne gestion du site par les jésuites et la complexité de cette organisation. À l’époque, la force d’une habitation se mesurait par le nombre d’esclaves ; à son apogée, Loyola en comptait plus de 400. Malgré cet aspect sombre de l’histoire, cette plantation représente une période importante de l’époque coloniale.

2Depuis 1994, le complexe d’habitation de Loyola fait l’objet d’une campagne de fouilles archéologiques annuelle. Cette année, les travaux se sont principalement concentrés sur l’espace du cimetière. Bien que la présence de fosses d’inhumation avait été validée lors d’un sondage exploratoire en 1997, nos connaissances du cimetière restaient très limitées. Les objectifs principaux de l’intervention étaient donc de combler ces lacunes. Pour ce faire, nous avons tenté de retracer ses limites, de comprendre le mode de gestion et l’organisation de l’espace sacré par les jésuites, d’identifier les pratiques funéraires et de déterminer la fonction d’un espace délimité par des structures de pierres. Plus de onze tranchées ont été creusées de manière à couvrir le maximum de superficie du cimetière.

3Malgré la rareté des éléments mobiliers et l’absence de matière organique due à la forte acidité des sols guyanais, la mise au jour de deux niveaux superposés de fosses d’inhumation contenant, pour certaines, des ornements corporels (bijoux) et des objets religieux s’est révélée une source importante d’informations sur le cimetière. En effet, des perles de verre noires, bleues et blanches, un anneau en argent ainsi que les restes d’un Christ de crucifix en cuivre ont été retrouvés lors du tamisage du sol des fosses. Les documents d’archives spécifient que les défunts étaient inhumés dans un simple linceul, or une fosse contenant des clous de cercueil encore en place a été identifiée. De plus, un cimetière pour enfants est mentionné à plusieurs reprises dans les sources historiques. L’intervention archéologique a révélé la présence de petites fosses entourées de fosses de très grandes tailles (associées à des adultes).

4Des vestiges parallèles de pierres ont aussi été mis au jour dans une section du cimetière. Ces structures dont la fonction apparaît encore nébuleuse témoigneraient vraisemblablement d’une occupation postérieure aux jésuites, ou bien, contemporaine des dernières années de leur installation. Nous pensons qu’elles étaient associées à la purgerie, bâtiment situé à proximité du cimetière.

5Tous ces éléments remettent en question nos connaissances sur les pratiques funéraires des jésuites. Lors de la prochaine campagne prévue pour l’été 2014, nous prévoyons d’étendre l’aire de fouilles en espérant mieux comprendre l’organisation de l’espace du cimetière et de son possible réaménagement à la fin de leur occupation.