Fig. 1 Localisation de la fouille.
D’après Géo Atlas La France vectorielle 2, CD-Rom, Graphi-Ogre, 1997.
Fig. 2 Localisation de la parcelle.
D’après le plan cadastral actuel. Feuille 000 AT 01, 2010, redessiné par Julia Wilson (Inrap).
- 1 Peixoto, Celly, Claude et al. 2011.
1Cette opération a été motivée par une importante opération immobilière concernant un groupe d’immeubles situés aux 140a-144, rue de Rivoli, 44-46, rue de l’Arbre-Sec, et 9-11, rue du Roule, dans le 1er arrondissement de Paris (fig. 1 et 2). L’intervention, qui s’est déroulée en 2009, d’une durée de cinq semaines, a été confiée à l’Inrap1. La configuration particulière de la parcelle, insérée dans le cœur d’un îlot urbain, a généré de nombreuses contraintes liées à la protection des murs mitoyens (fig. 3).
Fig. 3 Vue générale de la fouille.
Cl. Xavier Peixoto, Inrap
2Le secteur se situe sur un bourrelet alluvial de bord de berge tardi-glaciaire. Celui-ci s’étend de la partie occidentale des Jardins des Tuileries jusqu’aux environs de la rue du Pont-Neuf. À l’extrémité orientale de ce plateau insubmersible, après une échancrure située aux alentours de la colonnade du Louvre, se trouve une légère éminence sur laquelle s’est installée l’église Saint-Germain-l’Auxerrois à l’époque mérovingienne. Le terrain est très proche de la nécropole qui se constitue autour de l’église. Il se trouve sur un des tracés présumés de la première enceinte urbaine médiévale de la rive droite. La présence de celle-ci sur la parcelle a été confirmée.
- 2 Sauval 1724, texte écrit vers 1660, t. 2, p. 29-30, 65-103.
- 3 La Mare 1722-1738, p. 71-74.
3Son existence, son tracé et sa datation ont intrigué de nombreux historiens de Paris. Bien qu’elle n’ait laissé aucun vestige construit dans la topographie parisienne, l’enceinte primitive a été pressentie dès le xviie siècle2. De La Mare est le premier à présenter un dossier avec des pièces justificatives3. Les travaux sur l’enceinte s’appuient principalement sur la mention de deux portes ne pouvant appartenir à l’enceinte de Philippe Auguste, car situées largement en arrière de celle-ci : la Porte Baudoyer (légèrement à l’est de la place du même nom) et l’Archet Saint-Merry (rue Saint-Martin au nord de l’église Saint-Merry).
- 4 Bonnardot 1852, p. 9-22.
- 5 Berty 1855, p. 513-519.
- 6 Halphen 1909, p. 12-13, 28, 65, 67.
- 7 Lombard-Jourdan 1985, p. 40-49 ; Rouleau 1975, p. 46-48 ; Derieux 1998.
- 8 Dulaure 1825-1828, p. 248-250.
4Au xixe siècle, Alfred Bonnardot reprend la question4. Adolphe Berty tente une étude d’ensemble5, critiquée ensuite par Louis Halphen6. Ces auteurs, comme d’autres plus récents7 proposent des tracés plus ou moins approchants, qu’ils englobent ou non la Porte de Paris (Châtelet), dans lesquels le bourg Saint-Germain-l’Auxerrois se trouve à l’extérieur de l’enceinte. Seul Jacques-Antoine Dulaure suppose qu’elle enserre Saint-Germain, mais avec un tracé trop proche de la Seine excluant les églises Sainte-Opportune et Saint-Merry8.
- 9 Friedmann 1959, p. 212-217.
- 10 Chastel 1967.
- 11 Fleury 2001, p. 46-49 ; Lorentz et Sandron 2006, p. 28 ; Gagneux et Prouvost 2004, p. 16-21.
5Adrien Friedmann est le premier à proposer de façon argumentée le tracé exact, qui rejoint, à partir de l’Archet Saint-Merry, l’église Saint-Germain (et passe sur la parcelle du 144, rue de Rivoli)9. Le passage de l’enceinte dans l’îlot qui nous occupe ici est ensuite discuté dans le détail par une étude de topographie historique d’André Chastel10. C’est ce tracé, englobant Saint-Germain-l’Auxerrois, qui prévaut dans les propositions récentes11. Du fait de l’incertitude quant à sa datation, cette enceinte est appelée en bibliographie tantôt « enceinte carolingienne », tantôt « enceinte du xie siècle ».
Fig. 4 Plan et coupe stratigraphique du fossé d’enceinte.
DAO Julia Wilson, Inrap
6L’ouvrage se présente comme un large creusement qui occupe la plus grande partie de la parcelle (fig. 4). Il est bien conservé et a pu être reconnu sur toute sa largeur. La structure correspond à un fossé sec, dans lequel aucun dépôt hydromorphe n’a été relevé. Deux états ont été mis en évidence, le premier étant presque entièrement oblitéré par le second.
Fig. 5 Vue des deux états du fossé d’enceinte.
Cl. Xavier Peixoto, Inrap
7Ce premier état de l’enceinte a été difficile à appréhender. Seul le fond du creusement (structure 341) subsiste (fig. 5). Il présente la même direction que le fossé du second état. Son axe lui est parallèle, décalé de 1,40 m vers le sud. Le creusement présente un profil en V très accusé, sa rive sud (du côté de la ville) offre un angle de 45° par rapport à l’horizontale. La rive opposée semble présenter un angle légèrement plus ouvert. Les remblais sont des couches stériles de sables et graviers provenant du processus de stabilisation des parois. Des sables blancs meubles très fins (US 381) se sont sans doute déposés dès le creusement même du fossé. Des sables et graviers jaune foncé (US 379) et des sables grossiers plus compacts (US 380) correspondent à l’érosion des parois.
8Les bords de ce second fossé sont parallèles à ceux de la parcelle. La rive sud s’ouvre à moins d’un mètre du mur mitoyen. Elle a pu être observée sur toute la longueur de l’emprise. La rive nord ayant été réentaillée par des carrières de sable postérieures, la largeur d’origine est difficile à cerner avec précision. Elle pouvait cependant atteindre une dizaine de mètres de largeur. Le fossé est conservé sur une hauteur de 3,20 m, avec un fond à l’altitude moyenne de 29,60 m NVP (Nivellement Ville de Paris). Le profil forme un V légèrement plus évasé que dans le premier état, la rive sud présentant un angle plus ouvert de 50°.
9La structure est superficiellement arasée. Son ouverture actuelle se lit dans le substrat alluvial, sous la dalle des sous-sols récents qui occupaient la parcelle. L’arasement à restituer, qui correspond au sommet des sables et à l’horizon humifère du haut Moyen Âge, doit être assez faible, sans doute de l’ordre de 0,50 m.
10La dynamique de remplissage est différente sur les deux rives. Au sud, c’est-à-dire du côté de la ville, les pendages des strates sont beaucoup plus prononcés, avec des différences assez marquées entre les couches, ce qui est l’indice de déversements ou d’effondrements des terres du talus. Sur le côté nord, au contraire, les pendages sont plus atténués et les transitions entre les strates sont plus diffuses, avec un processus plus lent et plus naturel.
11Des couches se sont accumulées avant que le creusement ne prenne son profil d’équilibre. Étant donné la pente prononcée des rives et la nature sableuse du substrat alluvial, ce laps de temps a pu être assez court.
12Le premier niveau est une fine strate de graviers (de 5 à 20 cm d’épaisseur maximum) qui se rencontre sur toute la longueur du fossé (fig. 4, US 376). Il s’agit d’éléments qui ont roulé au fond lors du creusement de la structure.
13Dans un second temps, des comblements se déversent depuis le bord sud du fossé, avec un fort pendage. Vers le centre de l’emprise, un niveau de limon brun sableux homogène, contenant peu d’inclusions, semble témoigner d’un processus lent de dépôt de limons humifères provenant de la surface ou du talus. Vers l’est, les sédiments sont différents, avec des sables beiges très fins, sans graviers (fig. 4, US 375), puis des limons sableux bruns (US 374 et US 373). Dans l’US 373, la présence de petits paquets de limon, qui signalent des mottes (US 373a), ou des poches de sable (US 373b) sont des indices d’un comblement rapide. Cette couche est la seule, dans les premiers niveaux de comblement du fossé, à évoquer un remblai. À l’ouest de l’emprise, il s’agit de sédiments alluviaux remaniés, sables et graviers, sans aucune inclusion de limons.
14Dans un troisième temps, depuis la rive nord, s’accumulent des niveaux de sables et graviers. La grande majorité de ces US d’alluvions remaniées sont stériles, dépourvues d’inclusions, notamment des limons de surface (fig. 4, US 372, 371, 370).
15Les niveaux supérieurs sont composés de limons bruns à beige, à dominante humifère, et témoignent d’un comblement lent par érosion naturelle des niveaux de surface. Les limites entre les strates sont diffuses et présentent des transitions lentes. Après une première série de comblements (fig. 4, US 369), on observe la présence d’une strate caractéristique (US 367). Il s’agit d’un limon brun compact, avec une teneur argileuse plus importante, et contenant des pierres et des moellons calcaires. Ces derniers sont de petit module : de 10 à 15 cm de côté en parement. Cette couche est la seule, sur toute la hauteur de remplissage du fossé, à contenir des inclusions anthropiques en quantité significative. Elle témoigne aussi d’une pause dans le processus d’érosion lente des parois, avec un début de formation hydromorphe. Au centre de l’emprise, cette US présente une forme en V nettement marquée qui semble l’indice d’une intervention anthropique, d’un recreusement. Ce curage n’a concerné qu’un endroit très ponctuel du fossé : une dizaine de mètres à l’ouest, il n’est plus discernable.
16Au-dessus, se trouvent des limons sableux beiges (fig. 4, US 366 et US 352/353), quasiment vierges en mobilier archéologique, qui montrent que le processus de délitement lent des parois et du talus a repris.
Fig. 6 Restitution du tracé de l’enceinte.
D’après Lorentz et Sandron 2006, p. 28, redessiné par Paul Celly, Inrap.
17L’existence de l’enceinte primitive de la rive droite n’a été attestée pour la première fois par l’archéologie qu’en 1995, à l’occasion d’une fouille de sauvetage dirigée par A. Prié (AFAN) au n° 15 de la rue du Temple12 (fig. 6). Cette opération a mis en évidence un fossé dont la largeur minimum avait été estimée à 11 ou 12 m. La profondeur conservée était d’environ 2,75 m, entre les cotes 32 m NVP à l’ouverture et 29 m NVP au fond. Ces dimensions et ces altitudes sont similaires à celles du fossé du 140a, rue de Rivoli.
18Dans la section de la rue du Temple, quatre états successifs avaient pu être distingués13 : un état d’origine présentant des rives très évasées (deux tessons carolingiens seulement), deux recreusements successifs (sans éléments de datation), et une phase de comblement final (en plusieurs étapes, aux xiie et xiiie siècles).
19La dynamique de remplissage est proche de celle de la rue de Rivoli, avec des couches à très fort pendage le long de la rive sud (côté levée de terre) et des pendages moins accentués à l’opposé.
20La fouille n’a livré aucune information concrète sur l’architecture de l’enceinte. Cependant, à partir du volume extrait par le creusement, il est possible d’évaluer la hauteur approximative de la levée de terre. En restituant une pente à 45 % pour le talus, il est possible d’élever un remblai d’environ 2 m de hauteur présentant un sommet plan de 3 m de largeur, suffisant pour construire la palissade et aménager un chemin de ronde.
21L’absence de pierres dans le remplissage est normale dans le cas d’une architecture de terre et de bois. À noter toutefois qu’une quinzaine de moellons calcaires de petit module (de 10 à 15 cm de hauteur) ont été retrouvés, comme pour rappeler que certaines parties de la fortification pouvaient être construites en dur, notamment les portes ou la base des tours. Cet usage conjoint est attesté par quelques exemples. Au moment du siège par les Normands en 885, le châtelet qui verrouille l’entrée du Grand Pont présente une base construite en pierre, qui est surélevée par un étage de bois :
La tour ne présentait pas encore un billant aspect. Elle n’était pas finie. Seules ses fondations se trouvaient solidement bâties et s’élevaient quelque peu au dessus du sol ; elle les montrait avec joie et aussi les meurtrières qui y avaient été pratiquées. Mais la nuit même qui suivit la fin du combat, elle s’accrut en hauteur d’un étage sur toute sa surface. Un ouvrage de bois s’ajouta ainsi en se superposant à la forteresse, désormais égale à une fois et demi ce qu’elle était14.
22L’usage simultané du bois et de la pierre est également attesté, en 869, dans la fortification du monastère de Saint-Denis : « Karolus ad monasterium S. Dyonisii perrexit… et castellum in giro ipsisus monasterii ex ligno et lapide conficere coepit ». Elle présente un plan légèrement ovalaire et mesure 250 m dans sa plus grande largeur15. Il s’agit de la fortification la plus proche géographiquement et chronologiquement de celle de la rive droite.
- 16 Espinas 1946, p. 38-39.
23La fortification du monastère de Saint-Omer (antérieure à 891), décrite dans les Gesta abbatum Sithiensium et les Miracula sancti Bertini16, possède un rempart constitué de bois, de terre et de gazon (fuste, gleba et cespite), cespes signifiant la motte de gazon en forme de brique, avec des fossés profonds et larges, et une palissade crénelée (tabulata propugnaculi), derrière laquelle étaient disposées des machines de guerre (instrumenta bellica).
- 17 Berty 1854-1855, p. 516, p. 519, n. 1.
24Dans la topographie parisienne, les toponymes de barres et de carneaux rappellent peut-être l’architecture de bois de l’enceinte. Le premier nom se serait conservé dans celui de la rue des Barres, au chevet de Saint-Gervais. Une maison joignant le cimetière Saint-Gervais est signalée en face « la meson des Barres a querniax » entre 1247 et 1251. En 1280, est citée la maison de Jean des Carniaux « per quam muri veteres Parisienses ire solebant17 ».
- 18 Abbon 1942.
- 19 Richer 1930-1937.
25Le fossé du premier état de l’enceinte (US 341) n’a livré qu’un seul tesson, un fragment de panse peu caractéristique en pâte granuleuse. Il est datable du haut Moyen Âge, éventuellement de la période carolingienne. Il faut donc s’en tenir aux textes pour définir un terminus post quem, d’abord le récit du siège par les Normands en 885-88618 puis celui du siège par l’empereur Otton en 97819.
- 20 Noizet 2009-2010, p. 3.
26Récemment, une donation datant d’avril-mai 878 a été interprétée comme une première mention indirecte de l’existence de l’enceinte20. Le roi donne alors des prés à la collégiale Sainte-Opportune, à côté de Montmartre et aux Champeaux à proximité de la porte de la ville : « prata juxta Montem martyrum et Campellos insuper prope portam ejusdem civitatis ». Cette porte pourrait être identifiée à l’Archet Saint-Merry. Cet arc est l’un des jalons indiscutables permettant de positionner l’enceinte (voir infra). Il est situable au sud du carrefour entre la rue Neuve Saint-Merry et la rue Saint-Martin. Il est effectivement aux Champeaux, cela indiquerait donc que la fortification est déjà construite en 878. Nous ne retiendrons cependant pas ce texte dans cette discussion. Il faut d’abord souligner que la donation nous explique l’origine de la configuration particulière de la censive en deux parties : l’une dans le marais de la rive droite, c’est-à-dire l’ancien bras mort, l’autre autour de l’église. Or cette dernière n’est guère plus éloignée du Châtelet (250 m environ) que de l’Archet Saint-Merry (200 m). Les prés « juxta Campellos » peuvent être considérés proches des deux portes successives de la ville. La notion de proximité dans la phrase semble enfin toute relative, la seconde partie de la censive, correspondant à l’ancien marais, étant dite juxta Montmartre, distante pourtant d’environ 900 m. A fortiori, la première porte de Paris (Châtelet) peut donc être également considérée comme proche des Champeaux. Par ailleurs, si l’enceinte est construite, pourquoi les terrains sont-ils encore dits « à côté des Champeaux » ? À notre sens, le texte se réfère plutôt à un moment où les Champeaux ne sont pas encore amputés par le creusement du fossé.
27La majorité des historiens pensent que l’enceinte est postérieure au siège de 885-886, car elle n’est pas mentionnée dans le récit d’Abbon21. Il peut être utile de résumer les passages où il est question des défenses de la ville sur la rive droite. Dès le début du poème, Abbon donne une description des fortifications, dans laquelle ne sont mentionnés que le rempart du Bas-Empire et les deux ponts fortifiés, le Grand Pont pour la rive droite et le Petit Pont pour la rive gauche :
Un fleuve étend autour de toi en un cercle parfait ses bras qui caressent tes murs. À ta droite et à ta gauche, sur tes rives, des ponts se dressent, barrant les ondes. On y voit des tours qui veillent sur eux de part et d’autre, vers l’intérieur de la ville et au-delà du fleuve (v. 15 à 19).
28La bataille commence, en novembre 885, au pied d’une tour, le texte ne précise pas sur quelle rive (v. 63). Il s’agit bien d’un des deux ouvrages commandant les ponts, les Normands étant refoulés dans l’eau (v. 103-105). L’action se déroule ensuite clairement rive droite :
Les Danois parcoururent les rives de la Seine dans la région dépendant du bienheureux Denis et ils travaillent à installer non loin de Saint-Germain-le-Rond un camp dans les ouvrages duquel se mêlent des pieux, des pierres et de la terre (v. 173-176).
29Plus exactement, ils s’installent circa cette église, ce qui pourrait également se traduire par « autour ». Les Normands fabriquent ensuite des machines et lancent une nouvelle attaque contre la tour, que l’on peut identifier clairement cette fois à celle qui garde le Grand Pont, puisque nous sommes rive droite. Elle est décrite comme une citadelle entourée de fossés (v. 303-304 ou 357-360, 370-371). Ce sont trois barques lancées sur l’eau qui tentent d’incendier le pont ou la tour, montrant que les deux éléments sont liés et que le siège se déroule au bord de la Seine (v. 375-380). L’attaque échoue et les Normands se retirent, nous sommes en février 886. Leur camp (oppida) est alors cité pour la seconde fois, mais sans aucune précision topographique (« ils reportent furtivement leurs claies dans leur camp », v. 426). Dans le livre II, l’action se déplace sur la rive gauche et sur l’île, la rive droite n’apparaît presque plus car après une incursion du duc d’Austrasie Henri dans leur camp pour y enlever des chevaux, les Danois quittent « la rive de Saint-Germain-le Rond » (v. 35), le texte ne donnant pas plus de précisions topographiques sur la position exacte du camp.
30À aucun moment, il n’est fait allusion à une enceinte urbaine sur la rive droite. Au contraire, les combats se concentrent au pied d’une tour qui garde le Grand Pont, c’est-à-dire dans le secteur du Châtelet. L’enceinte de la rive droite n’est donc toujours pas construite. Le camp des Normands se trouve circa Saint-Germain-l’Auxerrois, c’est-à-dire autour ou dans les environs de l’église.
Fig. 7 Tracé de l’enceinte primitive de la rive droite et de l’enceinte présumée de Saint-Germain.
Fond de plan : Atlas de la censive de l’Archevêché publié en fac-similé par Armand Brette [Brette 1906], DAO Julia Wilson, Inrap.
31Il faut tout de même évoquer une hypothèse : le premier état du fossé relevé par la fouille pourrait-il correspondre au retranchement fait par les Normands circa Saint-Germain ? L’idée que l’enceinte urbaine primitive soit venue se raccorder à celle du camp normand établi lors du siège de 885-886 (et/ou d’une enceinte monastique autour de Saint-Germain-l’Auxerrois) a été souvent avancée, leur point de rencontre étant alors situé au niveau de la rue de l’Arbre-Sec. Cette fortification serait conservée par un tracé plus ou moins circulaire lisible dans le parcellaire ancien (fig. 7). On note que le premier état du fossé ne s’accorde pas avec ces indices parcellaires, puisqu’il s’étend largement au nord de l’église et son bourg. Selon une seconde possibilité, le camp aurait pu être installé à la limite nord du bourg sur une zone libre de constructions. Enfin l’hypothèse impliquerait de repousser la création de l’enceinte primitive au xie siècle (second état, voir infra § 1.5.2). Pour l’instant, devant l’absence d’éléments de preuve, la thèse ne peut être soutenue.
32En octobre 978, le roi de Germanie Otton vient mettre le siège devant Paris. Le récit nous en a été fourni par Richer de Reims22. Otton poursuit le roi carolingien Lothaire qui est venu se mettre sous la protection d’Hugues Capet. L’armée germaine arrive de Compiègne et installe ses tentes en vue de la ville. Les éléments topographiques donnés par le texte, à propos d’un duel devant la porte de la cité, signalent que la rive droite n’est toujours pas fortifiée : « Les deux armées, séparées par la Seine, ne se rapprochaient point. Le duc rassemblait en effet des forces de l’autre côté du fleuve » (LXXV, liv. III), un soldat s’avance jusqu’au rempart : « il vient au pont jusqu’à l’endroit où se trouvaient des portes munies de barres et de chevilles de fer… les gardiens rapportèrent… quelle espèce d’homme il y avait aux portes du pont » (LXXVI, liv. III). Richer ne mentionne donc comme structure défensive que le pont fortifié, déjà cité par Abbon. Par ailleurs, si à cette époque l’enceinte avait été construite, les deux armées se seraient fait face sur la rive droite. Les troupes de Lothaire et d’Hugues auraient été affectées à sa défense et non positionnées sur la rive gauche.
33Le récit du siège a été rédigé postérieurement, entre 991 et 998, par un moine de l’école épiscopale de Reims. Ce n’est donc pas un témoin oculaire du siège, comme avait pu l’être Abbon un siècle auparavant. Le texte de Richer a été souvent attaqué pour ses partis pris politiques, pour des approximations visant à obtenir des effets littéraires, et à propos de transpositions de passages des annales de Flodoard, qui rapporte des événements anciens de 922 à 966. C’est peut-être pour cela que son texte est peu utilisé par les historiens pour dater l’enceinte, excepté, récemment, par Michel Fleury23. Pour notre part, nous accorderons du crédit à Richer dans ce cas précis. L’épisode rapporté est cette fois très récent. Il nous paraît également impossible qu’il ait fourni une description topographique complètement erronée concernant la fortification de Paris sur la rive droite, alors que nombre de ses lecteurs avaient été témoins de l’événement.
- 24 Terroine et Fossier 1966, p. 43-47, 53-58 et 62-67.
34Deux diplômes de la fin du xe siècle mentionnent une chapelle appartenant aux moines de Saint-Magloire, dans le lieu où se situent leurs sépultures, située « non loin des remparts » (« non procul a moenibus »). L’abbaye Saint-Magloire se trouve sur la route de Saint-Denis, légèrement au sud de ce qui sera plus tard la rue de la Grande-Truanderie. À l’époque moderne, le domaine des moines s’étend au sud de l’église jusqu’à la hauteur de la rue de la Cossonerie (fig. 6). La chapelle devait donc se situer dans ce secteur, non loin de l’enceinte primitive qui passe à 150 m de là, au sud de la rue de la Ferronnerie. Les moenia dont parlent ces textes ne peuvent correspondre qu’à la fortification. Ces diplômes ont été étudiés dans le cadre d’une publication d’ensemble du chartrier de Saint-Magloire24. Le premier se présente comme un document attribué aux rois Lothaire et Louis V entre 979 et 986, mais il s’agit d’un faux entièrement forgé durant le premier tiers du xiie siècle. Il faut donc l’écarter de notre discussion. En revanche, le second aurait bien été dressé sous le règne de Robert le Pieux, ou peu après. On peut considérer qu’il s’agit de la copie d’un diplôme authentique interpolé (les interpolations étant une clause d’exemption et une phrase relative aux moines étrangers). Il n’y aurait donc pas lieu de mettre en doute toutes les informations contenues dans l’acte, notamment celle sur la position de la chapelle à proximité des remparts. Le terminus ante quem que nous retiendrons sera donc la date de la charte attribuée à Robert le Pieux, c’est-à-dire 997-998.
- 25 Martin 1999, p. 446-447.
- 26 Chédeville 1980, p. 44.
- 27 Ibid., p. 44.
- 28 Ibid., p. 40.
- 29 Ibid., p. 44.
- 30 Ibid., p. 44
- 31 Ibid., p. 44
- 32 Ibid., p. 44-45.
35En définitive, l’érection de l’enceinte urbaine de la rive droite pourrait être intervenue entre 978 et 997-998, c’est-à-dire durant le dernier quart du xe siècle. L’analyse de cette fortification pourrait être intégrée à une problématique beaucoup plus large, celle concernant la croissance des bourgs à la périphérie des cités, dans cette période charnière qu’est le xe siècle. Les centres urbains connaissent, après une longue période de déclin, une renaissance flagrante au xie siècle25. Mais les prémices de ce renouveau peuvent se situer dans certains cas dès le xe siècle, à des rythmes différents selon les lieux et les contextes. Dans les villes épiscopales comme Paris, qui disposent généralement d’un rempart hérité de l’Antiquité, on assiste au développement de bourgs monastiques ou marchands à la périphérie de la cité. Les faubourgs marchands, comme c’est le cas pour celui d’Outre-Pont, peuvent prospérer autour d’un pont ou d’un port fluvial. Ces nouveaux centres vont se doter d’enceintes indépendantes ou accolées. Quelques-unes sont anciennes : celle du bourg Saint-Vaast à Arras a été élevée entre 883 et 88726, dès avant la fin des invasions normandes. La première enceinte en bois de Châteauneuf-lès-Tours est édifiée entre 915 et 91927. À Metz, avant 917, l’évêque incorpore le suburbium qui s’est constitué entre la cité et le fleuve dans la fortification28. Le castrum de Saint-Remi de Reims date de 923-92529. Un castellum est attesté à Saint-Martial de Limoges vers 92030. À Poitiers, Saint-Hilaire aurait été fortifié après 93731. La seconde enceinte en pierre de Châteauneuf-lès-Tours est datable de la fin du xe siècle32.
36Il peut cependant paraître surprenant que la fortification de la rive droite ait été entreprise sur une échelle très large, en anticipant le développement commercial et urbain du faubourg d’Outre-Pont. La seule justification en serait la volonté d’enclore, en plus du quartier de Grève et du bourg Saint-Gervais, des églises plus excentrées : Saint-Merry, Sainte-Opportune et Saint-Germain-l’Auxerrois.
- 33 Bautier 1978, p. 32-34.
- 34 Boussard 1976, p. 73-75.
37L’enceinte n’est en aucun cas le signe d’un rôle nouveau de capitale pour Paris. En effet, les Robertiens n’ont jamais fait de la ville leur centre politique33 : Eudes tenait ses assemblées générales à Orléans (889 à 891), à Verberie en 892. S’il vient à Paris en 889, c’est à l’occasion d’une campagne contre les Normands. Son frère Robert était autant comte de Paris que de Tours, autant abbé de Saint-Denis que de Saint-Martin de Tours. Les derniers Carolingiens gouvernent à partir de Compiègne, de Laon ou de Reims. La situation ne change guère avec Hugues Capet, qui lui-même passa peu de temps à Paris34. Au début du xie siècle, on voit encore Robert le Pieux partager son temps entre Paris et Orléans, Senlis, Étampes, Melun, Avallon ou Auxerre.
38À l’inverse du premier état du fossé, le second état est bien daté : il a été recreusé intégralement dans le courant du xie siècle.
39La soixantaine de tessons retrouvés aussi bien dans les couches d’effondrement des bords que du comblement progressif à dominante humifère appartient à deux ensembles distincts (étude par Annie Lefèvre, Inrap). Le premier, résiduel, est attribuable à une période couvrant la fin du viiie et le début du xe et le second au xie siècle.
40L’une des strates (US 362) déversées dans un premier temps depuis le bord sud du fossé (second état) a livré trois tessons de panse, dont un antique résiduel et un en pâte blanche à décor peint qui appartient au xie siècle (peut-être de la première moitié du siècle).
Fig. 8 Céramique d’époque carolingienne et médiévale provenant du second état du fossé.
Dessin Annie Lefèvre
41Les US 318 (cinq fragments) et 319 (quinze fragments) appartiennent aux niveaux de sables et graviers stériles provenant du bord nord du fossé (équivalentes respectivement à 370 et 371). Elles associent des éléments carolingiens et des tessons plus récents. Pour 318, deux tessons en pâte granuleuse sont associés à trois fragments en pâte fine sableuse (xie-xiie siècle), un petit rebord en bandeau permet de préciser la datation vers le milieu du xie siècle (fig. 8, n° 7). Pour 319, les éléments plus anciens sont six tessons de panses en pâte granuleuse, et un bord de cruche à décor incisé ondé (fig. 8, n° 9), d’un type qui apparaît dans le courant du viiie siècle et se rencontre jusqu’au début du xe siècle. Trois éléments en céramique peinte et polie sont également à rattacher à la période carolingienne (seconde partie du viiie ou ixe siècle) dont un fragment de mortier (d’un type qui se généralise au cours du viiie siècle et perdure durant les ixe et xe siècles). Le second lot issu de l’US 319 est plus réduit, il comprend trois panses en pâte blanche ou beige orangée qui se situent plutôt dans le xe siècle.
42L’US 317 a livré le lot le plus important avec quarante-sept tessons. Il s’agit d’un regroupement de strates (équivalentes aux US 368, 369, 366, 367). Elle correspond à la seconde étape de comblement du fossé par des limons bruns à dominante humifère. Elle offre la même composition avec un ensemble carolingien et un autre médiéval. Le premier comprend des pâtes granuleuses (un rebord en gouttière peut être attribué à la seconde partie du viiie siècle ou au début du ixe siècle [fig. 8, n° 1], tandis qu’un rebord rectangulaire est caractéristique du ixe siècle [fig. 8, n° 3]) et des pâtes fines peintes et polies (une cruche des viiie-ixe siècles). Le second ensemble est attribuable au xie siècle, avec des bords en bandeau d’oules et des bords de cruche (fig. 8, n° 2-4).
43L’US 302 (huit fragments) correspond au mobilier qui n’a pas pu être rattaché à une strate en particulier. Outre un tesson résiduel antique, quatre fragments sont à rapporter à la période carolingienne (dont un peint et poli attribuable au ixe siècle) et trois au début de la période médiévale (dont un rebord en bandeau du milieu ou du troisième quart du xie siècle [fig. 8, n° 8]).
44Comment expliquer la proportion importante de céramique résiduelle du viiie ou du ixe siècle dans le second état du fossé ? Elle est présente dès les premiers effondrements sableux (US 362, 318 et 319), mais aussi dans les comblements supérieurs (US 317). Ces éléments carolingiens peuvent être issus des comblements du premier état du fossé : ces sédiments, remaniés par le recreusement, ont pu servir à reconstituer le talus. Ce mobilier résiduel serait redescendu dans le fossé avec l’érosion progressive de la levée de terre.
45Remarquons cependant la rareté d’éléments typiques du xe siècle, qui est la période supposée de fonctionnement de ce premier état. Ce matériel résiduel pourrait donc plutôt provenir d’une occupation antérieure à la construction de l’enceinte, par exemple une zone d’habitat dépendant du bourg Saint-Germain.
46La fouille aura révélé que l’ouvrage défensif continuait à remplir pleinement sa fonction durant le xie siècle, avec un recreusement intégral de son fossé. Cette période est à la fois un moment d’affaiblissement extrême du pouvoir royal et celui du début de la renaissance urbaine pour Paris. Robert le Pieux (996-1031) est à l’origine de la reconstruction du palais de la cité et des abbayes de Saint-Germain-des-Prés et de Saint-Germain-l’Auxerrois. À partir de son règne, très progressivement, les autres villes du domaine royal, « comme Orléans et Senlis, vont rentrer dans l’ombre, alors que Paris s’accroît et voit renaître son rôle de marché, de place-forte et de centre culturel35 ». Les débuts du développement commercial et urbain de la rive droite sont ainsi placés au xie siècle, bien que ce fait soit encore peu documenté par l’archéologie. Les raisons de remettre en état les défenses de la rive droite ont été nombreuses tout au long du siècle. Durant le règne d’Henri Ier (1031-1060), les conflits se succèdent avec les grands vassaux, dans les années 1030 avec le comte de Blois, dans les années 1040 avec le comte d’Anjou, dans les années 1050 avec le duc de Normandie. Ce dernier affrontement continue sous le règne de Philippe Ier (1060-1106), suivi d’une opposition avec le comte de Flandre. Le roi de France est aussi en lutte avec des seigneurs de moindre importance, comme les comtes de Meulan.
- 36 Bautier 1981.
- 37 Clément 1818-1830, vol. 17, p. 222-226 ; Houth 1981.
- 38 Châtelain 1983, p. 171.
47Or, ces derniers sont possessionnés sur la rive droite où ils tiennent en fief le monceau Saint-Gervais. Leur famille a été en conflit avec le roi à de nombreuses reprises au xie siècle et jusqu’au début du xiie siècle, moment auquel Louis VI confisque le fief, après une bataille victorieuse contre Robert de Meulan en 1111. De ce fait, on a pu considérer qu’il était inconcevable que les bourgs de la rive droite, possédant des existences juridiques propres, aient pu être réunis dans une même enceinte au xie siècle36. Après la mise en évidence par la fouille d’une réfection du fossé à cette période, il faut se repencher sur cette affirmation. En réalité, avant 1080, les alliances du comte alternent entre le soutien à d’autres grands féodaux et celui au roi37. Un premier différent a lieu en 1015 lorsqu’il soutient le comte de Sens contre Robert le Pieux. Il y a un nouveau conflit contre le roi en 1037, avec les comtes de Chartres et de Champagne. Henri Ier les battit complètement et confisqua le comté en 1041 pour félonie. Mais celui-ci n’est réuni au domaine de la couronne qu’un court moment car, dès avant 1050, le comte rentre en grâce et est remis en possession de ses domaines. On retrouve le comte Galeran II aux côtés du roi de 1058 à 1062, contre le duc de Normandie. En définitive, l’argument avancé par Bautier est donc loin d’être valable pour tout le xie siècle, puisqu’il y a de très longues périodes d’accord entre le comte et le roi. De fait, ce n’est qu’après 1080-1081, date à laquelle Robert de Meulan succède à son oncle Hugues, que le comte de Meulan opte définitivement pour le camp du duc de Normandie. L’opposition culmine en 1109-1111, avec notamment une incursion du comte Robert dans Paris, avant sa défaite finale38.
Fig. 9 Fiefs et censives dans l’îlot du Roule.
D’après Chastel 1967, fig. 1, redessiné par Julia Wilson, Inrap.
48Entre Saint-Germain et la rue Saint-Martin, les indices de la présence du fossé proviennent soit des limites viaires fossiles soit des délimitations de censives, fiefs ou paroisses. En partant de l’église, se rencontre d’abord la rue des Fossés-Saint-Germain. Cette voie marque également la frontière entre la censive de l’archevêché et celle de Saint-Germain-l’Auxerrois (fig. 9). Ensuite, au-delà de la rue de l’Arbre-Sec, pratiquement jusqu’à la rue de Tirechappe, ce sont les limites de censives qui nous signalent l’enceinte. C’est à l’est de cette rue que deux tracés, très proches, sont possibles. L’un, plus au nord, suit les limites de fiefs et de censives, le second suit la limite viaire de l’impasse des Bourdonnais. Or, nos recherches viennent de montrer que le fossé a été remplacé par une voie (voir infra § 2), se dirigeant dans la direction de la rue de la Fosse-aux-Chiens (nom ancien de l’actuelle impasse). C’est pourquoi il paraît plus judicieux de choisir le tracé induit par la limite viaire, plutôt que celui des limites de censives. L’écart atypique du fief du Roule, de forme rectangulaire allongée, situé au bout de l’impasse, nous paraît en effet marquer un lotissement de l’emprise du fossé, de la même façon que pour la parcelle rectangulaire du 140a, rue de Rivoli. Il est donc assez probable que l’actuelle impasse des Bourdonnais soit située exactement à l’aplomb du fossé. Elle constituait d’ailleurs sans doute la continuation de la voie découverte par la fouille. Il est également possible que les limites de fiefs et censives signalent une extension de l’enceinte. Au-delà de la rue des Bourdonnais, la trace de l’enceinte dans le parcellaire est ensuite effacée. Cependant, plus loin, entre la rue de la Ferronnerie et Sainte-Opportune, c’est l’anomalie dans le découpage entre la censive de l’archevêché et celle de Sainte-Opportune qui permet de suivre le passage du fossé (fig. 10). Au-delà de la rue Saint-Denis, dans le même axe, on trouve à nouveau une rue, la rue Troussevache, qui marque une nouvelle fois partiellement la frontière entre la censive de Saint-Martin-des-Champs et celle du Roi.
Fig. 10 Découpage des censives au nord de Sainte-Opportune.
- 39 Friedmann 1959, p. 215-216.
- 40 Lasteyrie 1887, n° 32, p. 44.
49Le premier à proposer ce tracé, englobant le bourg Saint-Germain, est Adrien Friedmann39 pour qui cette proposition permettait de résoudre un problème de topographie dans l’interprétation d’un diplôme apocryphe, daté de 820, mais fabriqué au xe ou xie siècle : « … precepimus etiam atque jubemus ut de regali via ex parte sancti Germani a sancto Mederico usque a locum qui vulgo vocatur Tudella in ruga sancti Germani neque aliis viis minoribus que tendunt ad monasterium ejusdem prenominati sancti Germani ullus missus dominicus aliquam judicariam potestatem ibi exerceat40 ». Ce document exempte de la juridiction royale la rue Saint-Germain-le-Rond (ruga sancti Germani) et les autres voies mineures (aliis viis minoribus) qui se dirigent vers l’église. La limite de ce territoire s’étend de Saint-Merry, sur la route royale (regali via) de Senlis (rue Saint-Martin) à un lieu communément appelé Tutelle (locum qui vulgo vocatur Tudella). Ce lieu-dit a provoqué nombre de commentaires et d’essais d’identification. À quoi pouvait correspondre cette limite ? Friedmann propose d’y voir « les murs du roi » ou « un châtelet verrouillant l’enceinte sur la Seine ». En outre, si le texte ne mentionne pas de limite au nord (le chemin du Roule, future rue Saint-Honoré, comme on aurait pu s’y attendre), c’est qu’il existe une limite évidente, en l’occurrence celle de l’enceinte primitive.
- 41 Le Roux de Lincy et Tisserand 1867, p. 109-110.
- 42 Noizet 2009-2010, p. 3-6.
- 43 Peixoto, à paraître en 2014.
50Au-delà de la rue Saint-Martin, le tracé de l’enceinte est beaucoup mieux assuré, grâce à la découverte en 1995 de l’enceinte au 15 de la rue du Temple, grâce à de nombreuses anomalies parcellaires mais aussi grâce à la localisation de deux toponymes, l’Archet Saint-Merry et la porte Baudoyer (fig. 6). Ce sont eux qui ont d’abord signalé aux historiens l’existence d’une enceinte oubliée, et cela dès le xive siècle, lorsque Raoul de Presles en eut la première intuition « depuis fu habitée et fermée Paris jusqu’au lieu qu’en dit à l’Archet Saint Merry ou il appert encore le côté d’une porte41 ». La position de ces deux points a été récemment discutée42, plaçant l’Archet (ou petit arc) légèrement au sud du carrefour entre la rue Neuve-Saint-Merry et la rue Saint-Martin (entre les n° 92 et 100) et la porte Baudoyer, à l’est de la place actuelle, sur le côté sud de la mairie du 4e arrondissement. La fouille du Mémorial Juif, rue des Justes, en 2001, permet de repousser le retour du fossé vers la berge au niveau de l’actuelle rue du Pont-Louis-Philippe43.
Fig. 11 Plan général, position de la rue et des carrières de sable et coupe stratigraphique de la rue.
DAO Julia Wilson, Inrap
Fig. 12 Vue d’ensemble de la rue.
Cl. Julien Avinain, Inrap
Fig. 13 Vue en coupe de la rue.
Cl. Julien Avinain, Inrap
Fig. 14 Diagramme stratigraphique.
DAO Paul Celly, Inrap
Fig. 15 Vue de la rue et détail de pas de chevaux.
Cl. Paul Celly, Inrap
51Alors que le fossé est remblayé aux trois-quarts, une rue est installée au-dessus de son remplissage (fig. 11 et 12). Le creusement de l’enceinte est alors encore nettement marqué dans la topographie. En effet, alors que le niveau de surface devait se trouver en altitude vers 33,50 m NVP, le fossé n’est rebouché que jusque vers 31,70 m NVP. Il dessine donc comme une sorte de large chemin creux, profond d’environ 1,80 m.
52Ce chemin étant recoupé sur son côté nord par une série de fosses d’extraction postérieures, il faut restituer une largeur d’environ 2,60 m. En stratigraphie, cette séquence de voirie représente au maximum une trentaine de centimètres. Elle est essentiellement composée de deux niveaux (fig. 13-14).
53La voirie est d’abord marquée par une couche de préparation de sables et de graviers jaune, indurée (fig. 11, US 348). Elle est recouverte par un fin ruban de graviers damés (US 347), qui constitue le premier revêtement de la voie. Le niveau d’occupation, un limon sableux gris foncé (fig. 11, US 346), a été formé par des boues ramenées par ruissellement. Il est quasiment vierge d’éléments anthropiques, ce qui tend à indiquer une occupation humaine peu dense à proximité. Il est en revanche caractérisé par de nombreuses empreintes de pas de chevaux ou d’ânes. Le négatif des fers présente une largeur de 10 à 12 cm (fig. 15). Il est recouvert par un apport de limons, stérile en mobilier archéologique.
54La voirie connaît ensuite une réfection, avec l’apport d’un nouveau revêtement (fig. 11, US 345), une couche compacte de graviers et de petits galets dans une matrice sableuse ocre. La couche d’occupation est constituée par une pellicule de sédiment sableux brun, contenant peu d’éléments anthropiques. C’est ce dernier niveau qui a fourni l’estimation chronologique la plus fiable : il a livré sept fragments d’un même pichet glaçuré datable de la seconde moitié du xiie siècle. La couche de préparation 348 ne contenait qu’un unique fragment de panse en pâte granuleuse fine rose (xe siècle, éventuellement xie siècle), sans doute résiduel, étant donné la datation du xie siècle du fossé sous-jacent.
55Cette voie n’est pas un simple sentier formé par le piétinement, mais une rue constituée avec des matériaux rapportés. On constate un tri des éléments utilisés pour le revêtement, avec des graviers, probablement récupérés et tamisés dans le substrat alluvial, et avec les sables jaunes qui servent de couche de préparation dans le premier état ou de matrice dans le second. Les deux niveaux de voirie relevés sont manifestement damés, ils sont plans et présentent un bord régulier au sud, le bord nord étant oblitéré par des carrières de sable. Cette voirie reste toutefois modeste et sommaire, tant dans les quantités de matériaux utilisés que dans leur mise en œuvre.
56Dans le parcellaire ancien, le tracé de la rue recouvrant le fossé peut être prolongé grâce à d’autres limites viaires, qui ont survécu partiellement jusqu’à la période moderne. Ce tronçon s’intercale entre la rue des Fossés-Saint-Germain (actuelle rue Perrault) et le cul-de-sac de la Fosse-aux-Chiens (actuelle impasse des Bourdonnais). Nous pouvons supposer désormais que cette voirie se développait sur une distance d’au moins 400 m, entre l’église et l’impasse des Bourdonnais. Peut-être se poursuivait-elle jusqu’à la rue Saint-Martin ; la rue Troussevache, qui présente la même direction, pourrait en être l’indice. Ce chemin dessinerait alors une voie périphérique, remplaçant les fossés de l’enceinte défensive devenue obsolète. Toutes proportions gardées, c’est ce qui se passera à Paris avec le rempart de Charles V et les Grands Boulevards ou avec l’enceinte de Thiers et les Boulevards des Maréchaux.
- 44 Dumolin et Rochegude 1923, p. 198.
- 45 Friedmann 1959, p. 216.
57Deux érudits du début du xxe siècle44 avaient déjà eu l’intuition de relier la rue Perrault à l’impasse des Bourdonnais. Cependant, curieusement, ils ne furent repris qu’une seule fois : « A-t-on assez remarqué que la rue des Fossés-Saint-Germain se prolongeait au xiiie siècle jusqu’à la rue de la Fosse-aux-Chiens ?45 ». Cette hypothèse vient donc d’être validée.
- 46 Halphen 1909, p. 12.
- 47 Friedmann 1959, p. 215, note 4.
58La configuration profondément encaissée de cette voie nous fournit une explication sur la permanence du toponyme fossé Saint-Germain au début du xiiie siècle. En 121146 puis en 124147 une maison est encore située « in fossato Sancti Germani », ce qui n’est plus étonnant si l’on sait que le terrain pouvait encore être marqué par une forte déclivité. Le toponyme Fosse-aux-Chiens a probablement pour origine la même particularité.
Fig. 16 Creusements polylobés de la carrière de sable.
Cl. Paul Celly, Inrap
59La voie est ensuite abandonnée et remplacée par une carrière de sables (fig. 16). Cette dernière a entamé la partie nord du chemin et son talus, épargnant seulement la moitié sud du revêtement de la voirie. Il est d’ailleurs probable que celle-ci ait été conservée comme bande de circulation et de roulement. Le choix du chemin creux pour implanter une fosse d’extraction des sables alluviaux présente un avantage pratique, à savoir disposer d’une plateforme intermédiaire de travail déjà encaissée dans le sol de près de deux mètres. La carrière se présente, dans le creux de l’ancien fossé, comme un très large creusement polylobé. Au contraire, vers l’extérieur, le bord de la carrière apparaît rectiligne, rigoureusement parallèle à l’actuelle limite parcellaire. Cette particularité peut s’expliquer par le fait que les terrassiers se sont contentés de reprendre la rive nord du fossé.
60Les différents remplissages sont tous quasiment stériles en éléments anthropiques. Il s’agit essentiellement de strates de limon brun sableux humifère alternées de couches de substrat remanié, des sables gravillonnaires jaunes.
61L’extraction devait se faire irrégulièrement en fonction des besoins. C’est ce qu’indiquent les alvéoles qui correspondent à autant de phases de creusement différentes, ainsi que les recoupements que l’on observe entre les remplissages. Trois fosses ont été distinguées (309, 310 et 313).
62Les matériaux extraits sont les sables et les graviers, leur destination principale devant être la construction et l’aménagement des voiries. Le développement urbain de ce secteur, consécutif à l’essor des halles voisines, fondées en 1137, a dû en effet exiger des volumes importants de ces matériaux.
Fig. 17 Céramique du xiie siècle et du début du xiiie siècle provenant de la carrière de sable.
Dessin Caroline Claude, Inrap
63Ces fosses d’extraction sont mal datées, car elles se sont révélées très pauvres en mobilier. La fosse 309 a livré trente-cinq fragments céramiques, dont trente et un proviennent de la même cruche à bec tubulaire datable du xiie siècle-début du xiiie siècle (fig. 17, n° 2). La fosse 311 contenait deux fragments datables du xiie siècle, à placer plutôt dans la seconde moitié du siècle. La fosse 314, qui a livré trente tessons (dont la moitié est résiduelle, du viiie au xe siècle) est datable, par des fragments d’un pichet identique à celui trouvé dans la couche d’occupation de la voirie, de la seconde moitié du xiie siècle (fig. 17, n° 1). Les comblements sommitaux de la carrière (US 335), qui ont livré vingt et un tessons (dont onze carolingiens résiduels), sont datables du xiie siècle par huit fragments, dont cinq appartiennent au pichet issu de la fosse 314.
- 48 Peixoto et Celly 1998, p. 23-26.
64Les fouilles du parking du boulevard de Sébastopol avaient déjà mis en lumière une exploitation des sables sous la forme d’un ensemble de cinq très larges fosses d’extraction, qui se situent dans une fourchette chronologique similaire. Le mobilier était peu abondant, cependant la seule fosse à avoir pu être datée précisément est à placer dans le troisième quart du xiie siècle, ce qui correspond au développement des halles48.
Fig. 18 Plan général des structures du bas Moyen Âge et de la période moderne.
DAO Julia Wilson, Inrap
65Les premiers indices d’un habitat sont assez tardifs puisqu’ils se rapportent à la fin du xiiie siècle ou au début du xive siècle (fig. 18).
Fig. 19 Vue des vestiges de la fin du xiiie ou du début du xive siècle.
Cl. Yann Grillot, Inrap
66Un sol en plâtre (US 332) est directement lié à un puits (structure 333) et semble destiné à assainir les abords proches de la structure (fig. 19). Il est aménagé à la surface d’un remblai stérile de gravats de plâtre (US 334), rapporté pour effacer la déclivité que forme encore l’ancien fossé.
67Le creusement dessine un L à l’angle légèrement ouvert, chaque branche mesurant environ 3 m de longueur sur 1,20 m de large (structure 303). Le matériel céramique (étude par Caroline Claude, Inrap) est atypique par la proportion extrêmement importante de récipients réservés à la table – près de 80 %, avec notamment des pichets et des coupelles – au détriment de ceux destinés à la cuisson, le ratio étant généralement inverse dans les contextes domestiques. Une autre particularité est l’absence de pièces de qualité ou d’importation (une seule forme en grès), et le nombre de vases de second choix, présentant des défauts de fabrication.
68La structure a également livré un lot de faune dont l’étude (Olivier Cotté, Inrap) met en lumière la variété des activités menées dans la parcelle : la pelleterie pour le chien et les bovins, la découpe de gros ou de demi-gros essentiellement sur les bovins mais aussi les caprinés, la préparation culinaire et la consommation (caprinés, porc et coq). La structure est atypique car ce sont le chien et le coq qui constituent les espèces les plus fréquentes. Les espèces sauvages sont discrètes (moins d’une dizaine de restes : cerf, corneille, perdrix, lapin et lièvre).
69Cette structure quadrangulaire a livré vingt-six formes caractéristiques des dépotoirs domestiques urbains de cette période : un poêlon/jatte, une dizaine de coquemars à bords éversés hauts, quatre pichets à col convexe (qui remplacent les pichets présents dans la fosse 303), deux coupelles et trois tirelires. Les grès du Beauvaisis restent encore rares avec seulement deux pichets. L’ensemble parisien le plus proche morphologiquement est celui provenant de la fosse 2 du parvis de Notre-Dame49.
- 50 Rouleau 1975, carte III ; Mallet 1967, fig. 3.
- 51 Rouleau 1975 ; Mallet 1967 ; Chastel 1967, p. 26-29.
70L’emprise de l’ancien fossé a ainsi été intégrée dans l’îlot urbain formé par la création de la rue Tirechappe à l’est et la rue de l’Arbre-Sec à l’ouest. Cette dernière est réputée remonter au xiiie siècle50. Bernard Rouleau et Françoise Mallet, ainsi qu’André Chastel51, semblent considérer que la construction de l’enceinte de Philippe Auguste (1200) a été le signal de l’urbanisation du secteur, mais celle-ci a pu commencer plus tôt, dès la fondation du marché des Champeaux (1137).
- 52 Géraud 1837, p. 18-21.
- 53 Guillot de Paris 1875.
71Si nous ignorons la date exacte de la formation du quartier, il est pleinement constitué à la fin du xiiie siècle, lorsque sont établis les rôles de la taille52 ou qu’est rédigé le Dit des rues de Paris53. Dans le rôle de 1292, la rue Tyrechape apparaît sous son propre nom et il faut reconnaître le côté oriental de la rue de l’Arbre-Sec dans le rang de « la rue de la Croiz-du-Tiroer de la place aus Marcheans jusqu’à la croix » et la rue de Bethisy dans « la rue Guillaume Bourdon jusqu’à la meson au conte de Pontif ». Cet hôtel des comtes de Ponthieu occupe la grande parcelle alignée sur l’ancienne enceinte sur laquelle porte la fouille.
- 54 Michaelsson 1951, p. 9.
72La parcelle correspondant à l’ancien fossé apparaît donc dans les textes pour la première fois dans le registre de la taille de 1292. Dans l’itinéraire des collecteurs, le terme de la seconde quête de la paroisse est marqué par la maison du comte de Ponthieu ou par le carrefour du comte de Ponthieu, comme dans le registre de 1313 « [la seconde queste Saint-Germain]… Le fossé Saint-Germain : du barbier jusques au carrefour au conte de Pontis54 ». Le carrefour est celui de la rue de l’Arbre-Sec avec la rue de Bethisy. Dès la fin du xiiie siècle, les comtes de Ponthieu y possèdent donc une maison. Elle va quitter rapidement leur patrimoine, mais leur nom restera attaché à la parcelle jusqu’à la fin du xviiie siècle (cave de Pontis puis hôtel de Ponthieu). L’hôtel de Ponthieu appartient à un petit groupe de demeures aristocratiques qui se sont développées à la périphérie du noyau d’origine du bourg Saint-Germain et à l’intérieur de l’enceinte primitive. Ils sont de taille plus réduite que les grands hôtels possédés par des grands de la cour ou la famille royale et qui se constituent de part et d’autre du rempart de Philippe Auguste. En 1359, la maison est confisquée par Charles, régent pendant l’emprisonnement du roi Jean. Le sol en plâtre et le puits relèvent de cet hôtel.
Fig. 20 Plans parcellaires reconstitués à partir des censiers de l’Évêché.
D’après Chastel 1967, redessiné par Julia Wilson, Inrap
- 55 AN, S* 1254, censier de l’archevêché, 1399, fol. 61.
73On retrouve trace de la parcelle en 1399, dans les censiers de l’évêché55 : « la grant maison dudit Charlot [de Pontalie], qui fut Jehan Pizdoe, et fu maistre Jehan de Pontalie, que l’en dit cave de Pontis, qui fait le coing, et fut au conte d’Ambomale et avant maistre Jehan de Meurlenc » (fig. 20). Par conséquent, au moment où est utilisée la fosse au plan en L (st. 303), elle est probablement dans les mains d’une grande famille de bourgeois de Paris, soit les Pontalie, soit les Pizdoe. La structure se trouve au fond de la parcelle, à l’arrière du jardin, donc la zone la plus éloignée des parties nobles de l’hôtel, et sans doute aussi des cuisines. C’est pourquoi le caractère culinaire des rejets est peu marqué. Les chiens, dont les carcasses ont été abandonnées, correspondraient aux animaux domestiques de l’hôtel. L’abondance atypique de restes de coq signale à l’évidence la présence d’un poulailler. Le mobilier recueilli, dans sa simplicité, évoque plutôt la domesticité de l’hôtel de Ponthieu, dont diverses activités pouvaient se dérouler en fond de parcelle : cultures de plantes et légumes, d’arbres fruitiers, entretien du poulailler, soins donnés aux chiens…
74Les latrines 343 pourraient appartenir soit à l’hôtel de Ponthieu, occupé en 1419 par un certain Jean d’Elbeuf, soit à la maison occupée par Nicolas Ferrebourc, d’après des plans parcellaires reconstitués à partie des censiers de l’Evêché (fig. 20).
75L’enceinte urbaine primitive de la rive droite de Paris a fait l’objet, jusqu’à sa découverte en 1995 au n° 15 de la rue du Temple, de nombreuses discussions. L’opération du 140a, rue de Rivoli (Paris, Ier arrondissement) a permis de répondre à certaines questions à son sujet, notamment en validant définitivement le tracé occidental de l’enceinte, la preuve étant désormais apportée qu’il englobe l’église Saint-Germain-l’Auxerrois et son bourg.
76Deux états du fossé ont été mis en évidence. Le premier est presque entièrement détruit par une réfection et n’a pu être daté par le mobilier archéologique. Nous proposons une fourchette chronologique entre l’an 978 (la relation par Richer du siège de Paris par Otton se réfère encore uniquement au châtelet du Grand Pont) et 997-998 (d’après un diplôme de Saint-Magloire mentionnant les moenia, ou les défenses à proximité de cette église). L’érection de cette première fortification serait donc à attribuer à Hugues Capet, d’abord duc des Francs puis roi à partir de 987. Elle anticipe le développement commercial et urbain du faubourg d’Outre-Pont, dont les progrès seront surtout sensibles au siècle suivant.
77L’opération a mis en lumière une réfection complète du fossé d’enceinte dans le courant du xie siècle. Ce second état est quant à lui clairement daté par la céramique. Il se présente sous la forme d’un creusement large d’une dizaine de mètres, et conservé sur trois mètres de hauteur. L’absence de dépôts hydromorphes indique qu’il s’agit d’un fossé sec.
78Dans la seconde moitié du xiie siècle, le fossé partiellement remblayé forme un chemin creux dans lequel une voirie est aménagée. Celle-ci, reliant la rue des Fossés-Saint-Germain (actuelle rue Perrault) et l’impasse des Bourdonnais, permet de restituer une voie périphérique reprenant le tracé de l’enceinte dans sa partie occidentale.
79Cette rue est abandonnée au profit d’une carrière d’extraction de sables, dans la seconde moitié du xiie ou au xiiie siècle. Le développement du quartier, consécutif à la fondation du marché des halles (1137), a en effet dû exiger des quantités importantes de ce matériau pour les besoins de la construction.
80À la fin du xiiie siècle ou au début du xive siècle, la parcelle se trouve dans le cœur d’un îlot urbain, formé par la création des rues de l’Arbre-Sec et de Tirechape. Elle est alors occupée par l’hôtel du comte de Ponthieu, hôtel dont une arrière-cour et un puits ont été mis au jour. La « cave de Pontis » passe ensuite dans des mains de bourgeois parisiens. Deux ensembles clos, une fosse de la fin du xive ou du début du xve siècle et une fosse d’aisances du milieu du xve siècle, témoignent de cette occupation domestique.