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Actualité

Gérer les déchets de fabrication potière

Managing pottery manufacturing waste
Gestión de los residuos de alfarería
Sonja Willems
p. 104-105

Texte intégral

Site
Montescourt-Lizerolles
Rue Paul-Demoulin
Aisne

Date
Février 2019 - Août 2020

Équipe

Responsable d’opération
Denis Maréchal, Inrap

Topographie
Sébastien Hébert, Inrap

Céramologie
Julie Flahaut, Inrap, UMR 7041 « ArScAn »
Julie Donnadieu, Inrap
Victor Visquenel-Schlosser, Université Toulouse Jean Jaurès

1Lors de la fouille de structures artisanales complexes, comme les fours de potiers, peu d’analyses s’attachent à l’interprétation des déchets de fabrication. Dans la plupart des publications, les fours sont illustrés vidés de leur contenu et seules quelques phrases renseignent sur l’emplacement des rebuts de cuisson. Leur décodage peut pourtant révéler des gestes particuliers. Lors de la fouille de Montescourt-Lizerolles, 19 fours de potiers et fosses adjacentes ont été mis au jour [ill. 1], permettant de mettre en place un protocole de fouille prenant en compte non seulement la structure même mais aussi son comblement lors de son abandon et donc la gestion des déchets de fabrication (Maréchal, Willems, Donnadieu, 2019).

1. Plan du lotissement rue Paul-Demoulin avec l’emplacement des dix-neuf fours mis au jour à présent.

1. Plan du lotissement rue Paul-Demoulin avec l’emplacement des dix-neuf fours mis au jour à présent.

Ce quartier semble exclusivement tourné vers des activités potières et artisanales. Des données concernant le statut de l’occupation (agglomération secondaire ?) manquent à ce jour.

Sébastien Hébert, Inrap

2L’installation d’une structure de combustion constitue un moment important dans la vie d’un artisan et les métiers du feu sont particulièrement sensibles aux croyances (Willems, Favennec, 2019). Des exemples ethnologiques nous guident dans l’interprétation et la reconnaissance de gestes ayant laissé des traces, mais de multiples autres pratiques restent cependant invisibles. Nous pensons aux potiers pakistanais (Rye, Evans, 1976) qui disposent d’un manuel contenant chacune des instructions à propos des étapes de production, ou encore aux activités métallurgiques au Bénin (N’Dah, Tidouo, 2018) où des rites, sacrifices et interdits sont indispensables à la réussite, de l’extraction du minerai à la réduction du métal même.

3Deux moments clés ont été discernés pour les fours antiques de Montescourt-Lizerolles : des dépôts marquant la construction de la structure de combustion et d’autres effectués lors de son abandon. Seul un des quinze fours a pour le moment livré un dépôt de fondation : une pierre à aiguiser introduite dans l’argile de la sole. Celles-ci sont connues pour leur statut apotropaïque, c’est-à-dire servant à détourner le malheur et ainsi assurant le bon fonctionnement du four. En revanche, la plupart des structures ont subi des gestes systématisés lors de leur clôture. L’abandon du four constitue probablement un moment important dans la vie de l’artisan et des offrandes l’accompagnent. Ce processus de démontage, d’abandon et de clôture, que l’on peut décomposer en séquences de gestes intentionnels, peut s’avérer très complexe.

2. Dix-huit des dix-neuf fours de type à un volume et deux foyers opposés, donnant accès aux fosses de travail.

2. Dix-huit des dix-neuf fours de type à un volume et deux foyers opposés, donnant accès aux fosses de travail.

Le plateau central dispose d’une rigole périphérique et centrale permettant à l’air et aux flammes de circuler sous le dôme du laboratoire. Les céramiques sont en contact direct des flammes et permettent la fabrication de vases à surface sombre.

Jean-Marie Favier, Inrap

4Si l’obstruction des foyers par des grès, tuiles ou vases est attestée pour d’autres sites (Famars, Asse, Fanjeaux), à Montescourt-Lizerolles, les potiers choisissent peu ce geste (Willems, Favennec, 2019). Certains foyers sont comblés par des bouchons d’argile ou quelques grès, mais la plupart reçoivent seulement les restes charbonneux et des fragments de céramique. Les dépôts des rebuts de cuisson, selon un agencement particulier, sont privilégiés. Ils se retrouvent soit à l’intérieur du four même, soit dans les fosses de travail. Ces dernières servent d’ordinaire de dépotoir, mélangeant des restes de voûtes et de rebuts, mais la forme du dépôt reflète un geste voulu. Les vases déformés ou mal cuits ne sont pas simplement jetés ou balayés, mais soigneusement placés. L’agencement dessine souvent une forme de goutte d’eau devant les foyers. Parfois, des paniers d’argile sont versés sur ou à côté du dépôt. Sous ces agencements, des niches peuvent être installées ; c’est le cas du four 420 où un couvercle est posé sur une jatte [ill. 4], dans une petite excavation.

5Certains fours disposent encore d’une fournée complète en place dans le laboratoire. C’est le cas des fours 390 et 400 [ill. 3], où quatre couches de vases déformés, imbriqués les uns dans les autres, ont été identifiées. D’abord sont utilisées les quatre extrémités des deux demi-plateaux de la sole, puis les autres vases sont agencés sur ces vases supports. Il est cependant possible qu’il ne s’agisse pas d’un chargement laissé à l’abandon après la dernière cuisson, mais d’un geste intentionnel de mise en scène, en utilisant des rebuts de différentes cuissons. Dans ce cas, la conservation de vases à la mauvaise cuisson, et donc très friables, atteste du geste intentionnel de placer les vases et non de les jeter, ce qui aurait entraîné leur cassure.

3. Four 400 lors du démantèlement du comblement.

3. Four 400 lors du démantèlement du comblement.

Il montre la présence de vases en place dans le laboratoire, ainsi qu’un rejet complexe de vases complets et fragmentés devant un des foyers.

Denis Maréchal, Inrap

4. Couvercle et jatte installés dans une niche en dessous des rebuts de la fosse de travail du four 420.

4. Couvercle et jatte installés dans une niche en dessous des rebuts de la fosse de travail du four 420.

La couleur gris-noir du couvercle, traditionnellement à surface grise dans cette région du nord de la Gaule, indique qu’il s’agit d’un rebut de cuisson, utilisé comme offrande de clôture.

Denis Maréchal, Inrap

6L’analyse des céramiques, par l’étude des perforations intentionnelles par exemple, pourrait confirmer cette dernière interprétation. La photogrammétrie de ce comblement particulier aidera à comprendre l’enfournement dans le laboratoire et les techniques d’empilement choisies par les potiers.

7La mise en place des rebuts de cuisson dans les fours et leurs fosses de travail indique une gestion individuelle, par parcelle. Les potiers stockent probablement leurs déchets en surface autour du four en cours d’utilisation avant de les y entasser après de l’abandon de ce dernier. Peu de fosses adjacentes ont d’ailleurs reçu des déchets. Cette gestion semble également écarter la possibilité d’un ramassage centralisé au niveau de l’officine. Ainsi, l’étude méthodique de l’emplacement et du traitement des rebuts peut révéler des informations sur l’organisation, les habitudes, les techniques et les croyances des potiers.

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Bibliographie

Marechal D., Willems S., Donnadieu J., 2019, « Montescourt-Lizerolles (Aisne) : une officine potière viromanduenne en cours de fouille », in Société française d’étude de la céramique antique en Gaule, Actes du Congrès de Maubeuge-Bavay, mai-juin 2019, Marseille, SFECAG, p. 165-175.

N’dah D., Tidouo G.K., 2018, « Aspects archéologiques, historiques et religieux de la métallurgie du fer dans l’Atakora », in Houenoude D., Murphy M. (dir.), Création contemporaine et patrimoine royal au Bénin : autour de la figure du dieu Gou, Actes du colloque organisé à Porto-Novo 2016, Centre de Recherche HiCSA, p. 59-80.

Rye O.s., Evans C., 1976, Traditional Pottery Techniques of Pakistan. Field and Laboratory Studies, Washington, Smithsonian Institution Press, « Smithsonian Contributions to Anthropology » 21, 199 p.

Willems S., Favennec B., 2019, « Abandon et clôture des fours de potiers : un geste systématique ? », in Société française d’étude de la céramique antique en Gaule, Actes du Congrès de Maubeuge- Bavay, mai-juin 2019, Marseille, SFECAG, p. 177-188.

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Table des illustrations

Titre 1. Plan du lotissement rue Paul-Demoulin avec l’emplacement des dix-neuf fours mis au jour à présent.
Légende Ce quartier semble exclusivement tourné vers des activités potières et artisanales. Des données concernant le statut de l’occupation (agglomération secondaire ?) manquent à ce jour.
Crédits Sébastien Hébert, Inrap
URL http://journals.openedition.org/archeopages/docannexe/image/10435/img-1.png
Fichier image/png, 123k
Titre 2. Dix-huit des dix-neuf fours de type à un volume et deux foyers opposés, donnant accès aux fosses de travail.
Légende Le plateau central dispose d’une rigole périphérique et centrale permettant à l’air et aux flammes de circuler sous le dôme du laboratoire. Les céramiques sont en contact direct des flammes et permettent la fabrication de vases à surface sombre.
Crédits Jean-Marie Favier, Inrap
URL http://journals.openedition.org/archeopages/docannexe/image/10435/img-2.png
Fichier image/png, 175k
Titre 3. Four 400 lors du démantèlement du comblement.
Légende Il montre la présence de vases en place dans le laboratoire, ainsi qu’un rejet complexe de vases complets et fragmentés devant un des foyers.
Crédits Denis Maréchal, Inrap
URL http://journals.openedition.org/archeopages/docannexe/image/10435/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 244k
Titre 4. Couvercle et jatte installés dans une niche en dessous des rebuts de la fosse de travail du four 420.
Légende La couleur gris-noir du couvercle, traditionnellement à surface grise dans cette région du nord de la Gaule, indique qu’il s’agit d’un rebut de cuisson, utilisé comme offrande de clôture.
Crédits Denis Maréchal, Inrap
URL http://journals.openedition.org/archeopages/docannexe/image/10435/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 250k
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Pour citer cet article

Référence papier

Sonja Willems, « Gérer les déchets de fabrication potière »Archéopages, 48 | 2021, 104-105.

Référence électronique

Sonja Willems, « Gérer les déchets de fabrication potière »Archéopages [En ligne], 48 | 2021, mis en ligne le 20 avril 2023, consulté le 07 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/archeopages/10435 ; DOI : https://doi.org/10.4000/archeopages.10435

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Auteur

Sonja Willems

Université catholique de Louvain, Musées Royaux d’Art et d’Histoire (Bruxelles), UMR 7041 « ArScAn »

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Droits d’auteur

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