1Après avoir expérimenté pendant près de sept ans les détecteurs de métaux grâce à un réseau de référents répartis dans les différentes interrégions de l’Inrap, il est possible aujourd’hui de présenter un bilan tenant compte des diversités d’usage liées aux pistes explorées et aux orientations des prescriptions [encadré 1]. Il en ressort que l’utilisation des détecteurs de métaux a deux intérêts de nature différente : l’un relève de la gestion de l’opération, l’autre des problématiques que l’opération va permettre d’aborder. On voit donc que la prospection est d’abord l’affaire du responsable d’opération qui, en fonction de la prescription, va évaluer et définir avec le prospecteur la meilleure façon d’utiliser le détecteur.

Le cadre légal (Vincent Tessier, Inrap)

Qu’est-ce qu’un utilisateur de détecteur qualifié ?

2La première des conditions pour que l’utilisation d’un détecteur soit efficace, c’est qu’elle soit faite par un utilisateur qualifié. Le terme de « détectoriste » est polémique. En effet, il a été inventé à partir du néologisme anglais metal detectorist créé par des partisans de la détection illégale réagissant à la campagne STOP (Stop Taking Our Past) menée par les archéologues britanniques dans les années 1990. Le terme a été créé pour faire passer des pilleurs munis de détecteurs de métaux pour une communauté de personnes responsables. Nous ne l’emploierons donc pas. Contrairement aux autres prospections géophysiques, la détection au détecteur de métaux ne produit pas des mesures enregistrées à traiter pour obtenir des cartes exploitables. L’appareil produit uniquement des sons [encadré 2]. L’efficacité d’une prospection repose donc sur la sensibilité auditive individuelle et les bons réglages de l’appareil en fonction de l’environnement. Et seule une longue expérience sur des sites divers, notamment par la composition des sous-sols, permet d’affiner son écoute et son interprétation des sons. C’est pourquoi les utilisateurs-référents de longue date à l’Inrap peuvent découvrir davantage d’objets que leurs collègues. Les utilisateurs expérimentés sont parfois appelés lorsque la quantité d’objets métalliques détectés devient anormalement importante, laissant penser à une situation peu ordinaire. Le corpus est alors le plus souvent très largement complété.

Le fonctionnement (Pascal Listrat, Inrap)

Les appareils fonctionnent tous sur le même principe physique (loi de Faraday). Le disque du détecteur est équipé de deux bobines, l’une émettrice et l’autre réceptrice. La bobine émettrice génère un champ électromagnétique dans le sol qui provoque des courants (dit courants de Foucault) lorsqu’il rencontre un « objet » métallique. Cet « objet » devient alors lui aussi émetteur d’un champ électromagnétique qui sera capté par la bobine réceptrice. Ces courants sont amplifiés et traités par le microprocesseur du détecteur afin de fournir à l’utilisateur des sons donnant des informations relatives à la présence de métal.
Le signal reçu à travers la bobine réceptrice apparaît retardé par rapport au signal émis par la bobine émettrice. Ce délai est le résultat de deux caractéristiques que possèdent tous les matériaux conducteurs : la résistance, tendance qu’a le conducteur à s’opposer à la circulation de courant ; l’inductance, tendance qu’a le conducteur à s’opposer aux changements de circulation de courant. Ce délai s’appelle le décalage de phase. Plus le décalage de phase est grand, plus « l’objet » détecté a une forte inductance, soit parce qu’il est de grande taille, soit parce qu’il est réalisé dans un métal très conducteur comme l’or, l’argent ou qu’il s’agit d’un « objet » à forte résistance, soit parce qu’il est de très petite taille, soit parce qu’il est très corrodé, soit parce qu’il est fait en matériaux mauvais conducteurs. Les sons émis varient, en intensité et sur la gamme des graves (détection des ferreux) à l’aigu (détection de non ferreux), en fonction de ces différents critères, mais aussi en fonction de la distance de « l’objet », de la nature des sédiments etc. Car, sur le terrain, les choses sont rarement aussi simples. Selon les appareils et la perception des utilisateurs, les signaux sonores peuvent paraître plus ou moins clairs, saturés, lointains... La reconnaissance de ces sons dans leurs nuances n’est donc pas évidente à maîtriser. Seules une formation adaptée et une expérience confirmée conduisent à une détection efficace.

3Si la formation interne dispensée actuellement a pour but d’augmenter le nombre d’utilisateurs, la disparité d’expertise entre les prospecteurs est encore grande. Relativiser la représentativité des résultats en fonction du savoir-faire du prospecteur est donc indispensable et prudent.

4Il a été constaté, par exemple, que les prospecteurs peu expérimentés avaient tendance à réduire la sensibilité des appareils aux ferreux, introduisant donc un biais favorisant la découverte d’objets non ferreux au détriment des autres. Les indispensables règles de sécurité à respecter sur le terrain ont aussi des répercussions sur la bonne perception par l’utilisateur, répercussions qu’il faut savoir prendre en compte et compenser [encadré 3].

Détection et sécurité (Vincent Tessier, Inrap)

Le port des équipements de sécurité, chaussures renforcées et vêtements haute visibilité est obligatoire sur les chantiers de même que l’utilisation d’un casque de protection à proximité des engins de terrassement. Ces équipements restent indispensables même si leur port peut être perçu comme une gêne. En effet, la présence de coques ou semelles métalliques intégrées dans les chaussures et les bottes de sécurité peut interférer avec la bonne utilisation des détecteurs de métaux, sensibles à la présence d’éléments métalliques dans leur environnement proche. Le remplacement des modèles actuels d’équipements par des modèles à protection en matériaux amagnétiques, déjà en cours et sur simple demande des utilisateurs, fait disparaître ce problème. Les engins de terrassement étant bruyants, la perception des signaux auditifs qui indiquent la présence d’objets métalliques dans le sol peut en être affectée. Grâce à l’emploi d’un casque audio enveloppant, il est possible de mieux entendre ces sons et de réduire significativement le bruit généré par les engins mécaniques, tout en évitant d’être complètement isolé du bruit extérieur, pour d’évidentes raisons de sécurité. Et il ne dispense pas du port du casque de sécurité. Il convient cependant de rester très vigilant car l’écoute permanente et attentive des signaux conduit naturellement l’usager à se concentrer et donc s’isoler de son environnement, ce qui est un facteur de risques sur le chantier. Faire des pauses est salutaire. Ces pauses permettent aussi de limiter deux facteurs de pénibilité liés à l’utilisation du détecteur. Le port prolongé d’un casque peut provoquer fatigue auditive ou troubles auditifs, tandis que celui de l’appareil lui-même ainsi que les mouvements latéraux continuels et répétitifs à lui faire effectuer peuvent avoir des répercussions dommageables au niveau des épaules et bras (TMS troubles musculo squelettiques) ; ils peuvent être compensés ou minimisés avec l’utilisation de détecteurs équipés de bras « ergonomique ». C’est pourquoi l’organisation du travail reste un préalable en matière de prévention avec la mise en place d’un agent vigie, de mesures de signalisation comme le balisage des zones dangereuses.

5Afin de gagner un maximum d’efficacité, le suivi au détecteur doit être effectué par une seule et même personne formée à la pratique du détecteur de métaux. Elle aide et seconde le responsable d’opération dans ce travail et procède à une localisation précise des objets ou des concentrations, le tout géo-référencé ; le travail en relation avec le topographe est indispensable. Il faut garder à l’esprit que l’utilisation du détecteur de métaux produit des indications de potentiel d’objets métalliques ou non métalliques et des informations sur la nature des sols. Contrairement à l’idée que peuvent avoir les néophytes, les détecteurs ne sont pas sensibles qu’aux métaux, et finalement, ce qui est à l’origine d’un parasitage non désiré pour la détection d’objets métalliques (briques, tuiles, etc.) peut être d’un grand intérêt. Le détecteur a ainsi servi, en Champagne-Ardenne, à la localisation de tessons de céramique néolithique en début de décapage, et a permis de recueillir ce mobilier avant qu’il ne soit visible et donc, en général, en très grande partie détruit (cf. au Haut de Launoy infra).

Quand, comment et pourquoi utiliser un détecteur ?

6La deuxième condition pour obtenir des résultats utiles est de prévoir les moments de détection. Au-delà de la distinction diagnostic/fouille, la prospection lors d’une opération peut être faite à tout moment : avant terrassements ; pendant les terrassements de décapage ou d’ouverture de sondages ; juste après ces ouvertures ; pendant la fouille ; à la fin de l’opération. Ces choix sont à faire en amont après discussion avec le responsable d’opération, en relation avec la prescription.

7Durant la phase du diagnostic, l’utilisation des appareils commence par un balayage de la surface des différentes structures archéologiques (fosses, fossés, niveaux de sols, trous de poteau, mais également coupes stratigraphiques) qui apparaissent dans les tranchées. Le but est alors de déterminer et de quantifier la présence ou l’absence de mobilier métallique dans leur comblement, de l’extraire intégralement ou de l’échantillonner, selon ce qui a été décidé avec le responsable d’opération. La présence de mobilier métallique dans le comblement de sépultures, par exemple, apporte habituellement des informations d’ordre chronologique et donne la possibilité d’anticiper les moyens à mettre en œuvre en amont d’une éventuelle fouille (nombre de personnes, protocole adapté, choix des structures intégralement fouillées, budget de stabilisation des objets etc.). La multiplication du nombre d’objets métalliques découverts peut apparaître comme une contrainte : davantage de temps et de moyens à consacrer au mobilier et à sa consolidation, davantage d’études à envisager. Aussi la question d’une intégration accrue de la détection de métaux sur les opérations de fouille doit-elle être toujours examinée dans ses dimensions budgétaires.

8En phase de fouille, l’utilisation d’un détecteur après décapage des terres végétales et stériles peut se décomposer en plusieurs étapes. Ces étapes de prospection peuvent varier en fonction de la répartition spatiale et de la profondeur de chaque structure archéologique, mais également en fonction du traitement postérieur qui leur est réservé : fouille fine pour un niveau de sol ou une fondation, par exemple, ou encore sondages mécaniques pour une structure linéaire de type fossé d’enclos. L’utilisation des détecteurs permet donc souvent d’orienter des stratégies et des choix de fouille.

9Comme on le fait lors d’un diagnostic, il est important d’évaluer assez rapidement l’ensemble du potentiel métallique ferreux et non ferreux que recèle un site archéologique, en opérant des balayages méthodiques de la surface des différentes structures. Un inventaire précis du mobilier est nécessaire dès lors que l’extraction des objets est prévue de même qu’un relevé topographique systématique. Évaluer le potentiel d’un site et extraire rapidement le mobilier le plus sensible est devenu une priorité car le pillage des sites archéologiques en cours de fouille est récurrent, et fréquent dans certaines régions. La fouille prioritaire des structures le plus souvent menacées (sépultures, niveaux de sols, bâtiments, fosses dépotoirs pouvant contenir du mobilier métallique) semble limiter les risques de pillage. Réaliser des prospections préalablement à toute intrusion potentielle permet de réduire le risque de perte d’information, il s’agit de montrer que les prospections sont réalisées par nos soins, et que donc l’intérêt d’y revenir est fortement amoindri. Pour les prospections avec prélèvement de l’objet, laisser les trous apparents peut s’avérer dissuasif.

10La portée des appareils étant toujours limitée en profondeur pour un objet de petite ou de moyenne taille, il convient de vérifier à intervalles réguliers les niveaux encore en place et les déblais issus de la fouille de chaque structure mais aussi ceux issus des sondages mécaniques opérés dans des fossés de types enclos ou fosses profondes.

11Les concentrations importantes de mobilier en place, les grosses masses métalliques toutes catégories confondues doivent toujours interpeller les utilisateurs du détecteur et être rapidement signalées au responsable d’opération, afin de mettre rapidement en place une fouille fine ou une simple vérification sur leur nature. Le mobilier présent dans le comblement des différentes structures se trouve le plus souvent en position secondaire (objets abandonnés ou perdus) mais peut également avoir été enfoui intentionnellement comme dans le cas de dépôts monétaires ou de dépôts de fondeurs.

12Poursuivre l’utilisation de détecteurs de métaux tout au long de l’opération, surtout pour contrôler les déblais de fouille, se révèle très productif. Il a souvent été constaté que l’essentiel du mobilier métallique provenait des horizons superficiels et non pas des structures habituellement fouillées, ce qui permet de revoir la chronologie et la nature des occupations. La question de l’intérêt scientifique du mobilier métallique présent dans les terres du décapage, autrement dit « hors structure », suscite des débats récurrents entre responsables d’opérations et référents détecteurs. Plusieurs expérimentations menées ces dernières années lors de fouilles et de diagnostics ont permis, à l’aide de la topographie, d’échantillonner durant la phase de décapage et de positionner le mobilier présentant un intérêt, de l’étudier et de l’attribuer à des phases d’occupation (cf. l’exemple de Riom infra).

13Le passage du détecteur a permis, ces dernières années, la découverte de mobiliers inédits ou exceptionnels qui, sans détecteur, auraient fini dans des décharges (cf. le cas rennais, infra). Parmi les autres avantages notables de l’utilisation du détecteur, on peut aussi évoquer la découverte du monnayage tardif souvent de très faible module, quasi indécelable à la fouille, et pourtant essentiel à la compréhension d’un site et ce principalement sur les périodes de transition (Antiquité tardive, haut Moyen Âge), souvent mal documentées (cf. à Noyal-Châtillon-sur-Seiche, infra). Sur des sites avec une durée d’occupation très limitée (par exemple les champs de bataille), l’utilisation d’un détecteur à métaux est parfois l’unique outil qui permet de détecter des vestiges liés à cette fréquentation de courte durée (cf. les suivis de travaux à Saint-Riquier-ès-Plains et Ocqueville, infra).

Garder un appareil performant