5 décembre 2018
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Directeur de thèse
Pascal Sellier, Chargé de recherches, CNRS

Membres du jury

Président
Pascal Butterlin, Professeur, Université Paris 1

Rapporteurs
Dominique Castex, Directrice de recherches, CNRS
Alfredo Coppa, Professeur, Università di Roma « La Sapienza »

Examinateurs
Julio Bendezu-Sarmiento, Chargé de recherches, CNRS
Philippe Chambon, Directeur de recherches, CNRS
Ute Franke, Vice-directrice, Museum für Islamische Kunst

Consultable
Sous format papier à la bibliothèque de l’université Paris 1. En ligne : https://hal.archives-ouvertes.fr/​tel-03092274/​

1Cette étude porte sur la restitution d’un programme funéraire à partir de données archéologiques issues de fouilles menées au Balochistan pakistanais. Nos objectifs étaient, à partir d’ossements issus de trois sites du Balochistan ayant livré plus de 300 individus, de travailler sur les caractères biologiques individuels, en particulier les estimations d’âge et de sexe et certains caractères liés à l’état sanitaire. Parallèlement, nous avons cherché à caractériser un contexte précis pour chaque découverte : s’agit-il d’un fait funéraire ou, au contraire, d’un os qui ne fait plus partie du programme funéraire ? Ensuite, il s’agissait de rassembler les informations de chaque fait funéraire pour caractériser les pratiques, travailler sur des ensembles, sur le recrutement funéraire, la population du site et, éventuellement, sur la distinction de groupes au sein des populations au travers de ressemblances et divergences.

2Le Balochistan est une très vaste région, située à cheval sur trois pays que sont l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan. Seule sa partie occidentale est considérée ici, ce qui représente un territoire grand comme l’Allemagne. Une multitude de sites archéologiques protohistoriques y sont connus, mais seul un très petit nombre d’entre eux ont été sondés (et non réellement fouillés). En outre, les datations, fondées sur la typochronologie céramique, sont établies de façon microrégionale par différents spécialistes et les correspondances sont parfois complexes à établir. Les sites possédant des ensembles funéraires fouillés sont au nombre de six, répartis sur l’ensemble du Balochistan : deux au sud, Shahi-Tump et Miri Qalat, et un plus au centre, à Nal ; leurs sépultures sont datées entre le IV^e et le tout début du III^e millénaire. Enfin, au plus au nord, à Mehrgarh, entre le Néolithique et l’âge du Bronze, trois sites sont connus et ont été partiellement publiés. Parmi eux, deux ensembles funéraires, datés entre les V^e et III^e millénaires, laissaient entrevoir des possibilités de comparaison. Les comparaisons suprarégionales nous ont mené en Iran, au Turkménistan, au Tadjikistan et en Afghanistan. Peu de sites funéraires de la période chronologique considérée y ont été découverts et sont publiés, mais nous avons tout de même pu travailler à partir des données liées à la « civilisation de Namazga », puis sur certains sites du nord iranien comme Shahr-i Sokhta.

3Nous avons choisi d’aborder ces données complexes à partir de la notion de programme funéraire, en nous inspirant largement des travaux de Jean Leclerc sur la notion de sépulture. En effet, la mort d’un individu entraîne un certain nombre de bouleversements, affectifs, sociaux et sanitaires durant la décomposition (ces derniers évités par l’incinération ou le confinement dans le cas de l’inhumation). Pour agir sur les résonances psychiques, idéelles et sociales, les groupes humains ont développé un parcours très construit : le programme funéraire. Celui-ci représente l’ensemble des choix et des gestes opérés, souvent très codifiés, qui se sont succédé entre la reconnaissance de l’état de mort et la fin du temps funéraire : l’oubli. En anglais, le terme de programme funéraire peut se traduire par funerary timeline, ce qui nous semble plus explicite car il induit la succession temporelle d’éléments qu’il est possible de regrouper en séquences. Cette mise en séquences concerne plusieurs plans, liés aux différentes conséquences de la mort. La variabilité des modes de gestion funéraire et des types de sépulture offre un champ très vaste dans lequel chaque groupe humain peut exprimer des particularités. Par exemple, la préparation du cadavre, sa toilette, éventuellement son habillage ou la pose d’un linceul, voire le fait de le parer de bijoux, correspond à l’une de ces chaînes opératoires spécifiques. Ces chaînes vont se succéder pour convertir l’état d’un être reconnu comme mort à un assemblage minéral qui peut un jour sombrer dans l’oubli.

4À l’échelle de la région du Balochistan pakistanais, les différences semblent très importantes entre les sites. Pour certains, la pratique principale est l’inhumation primaire individuelle, tandis que pour d’autres, les dépôts secondaires sont systématisés et regroupent plusieurs individus dans des chambres mortuaires. L’unité des programmes funéraires apparaît dans la très grande standardisation d’ensemble des gestes ainsi que dans la dépersonnalisation importante des défunts, plus marquée il est vrai à Nal et à Mehrgarh qu’à Shahi-Tump et Miri Qalat. Celle-ci se traduit par une préparation du corps très standardisée et se prolonge par le type de mobilier déposé dans les tombes, excluant les effets personnels et autres objets du quotidien, pour aller jusqu’à l’enfouissement multiple de restes incomplets et issus de plusieurs squelettes, la notion d’individu n’existant plus alors.