18 décembre 2017
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Directrice de thèse
Anne Nissen Jaubert, Professeure, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne

Membres du jury

Président
Laurent Schneider, Directeur de recherches, CNRS

Rapporteurs
Brigitte Boissavit-Camus, Professeure, Université Paris Nanterre
Claire Hanusse, Maître de conférences, Université de Caen Normandie

Examinateurs
Christopher Loveluck, Professeur, Université de Nottingham
Laurent Feller, Professeur, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne

Consultable
En ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/​tel-02053441

1Cette thèse sur travaux, soutenue en décembre 2017, rend compte de trente ans de recherches de terrain. L’archéologie préventive a fait avancer la question du village médiéval en combinant d’une part les opérations effectuées sur de larges superficies de terres agricoles et, d’autre part, celles effectuées au cœur des villages actuels. Ainsi, l’aménagement du secteur de Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) a fourni l’occasion d’une archéologie du terroir associée à la fouille d’habitats du haut Moyen Âge, permettant d’en comprendre la genèse depuis le VI^e siècle mais sans les relier aux bourgs actuels, tandis que les opérations menées dans le pays de France, au nord-est de Paris, ont permis de comparer la topographie et l’organisation de ces habitats et leurs composantes (voiries, maisons et annexes, lieux de culte, espaces funéraires et lieux de pouvoir), ainsi que les dynamiques à l’œuvre dans les formes qui conduisent au village traditionnel.

2La première partie de la thèse présente de manière détaillée le corpus de sites et sa constitution, en trois parties : articles monographiques, articles thématiques et articles de synthèse classés géographiquement (pays de France et plateau briard).

3La partie II est consacrée au secteur de Serris-Jossigny (plateau briard, Marne-la-Vallée), exploré par l’archéologie préventive depuis 1989, où ont été réalisées trois grandes fouilles d’habitats groupés du haut Moyen Âge (les Ruelles à Serris, le Pré Chêne à Jossigny et le Couternois à Serris). Ces habitats ont été étudiés sur de larges superficies (respectivement 16, 6 et 5 ha), tandis que l’espace situé entre eux est documenté par de très nombreux diagnostics. L’un des points forts de cette partie tient à la mobilisation des données environnementales, qui montrent le contexte d’implantation de ces habitats (défrichement), leur évolution et leur impact sur le terroir (changements dans les pratiques agropastorales). Leur organisation spatiale est également mise en lumière par l’observation de leurs différentes composantes et d’une hiérarchie interne en différents pôles, particulièrement sur le site des Ruelles (pôle aristocratique, pôle funéraire et cultuel, unités paysannes). Les trois sites sont regroupés dans l’étude, et leur évolution est analysée en trois phases chronologiques. Les données architecturales et archéozoologiques ainsi que la cartographie du mobilier sont mises à contribution pour permettre une interprétation sociale de ces agglomérations rurales. Les transformations du terroir à partir de la fin du X^e siècle (abandon progressif des habitats fouillés au profit du village actuel) conduisent à proposer un schéma explicatif fondé sur la fusion des finages de deux habitats au profit du nouveau village localisé au centre dans un contexte d’expansion des terres cultivées (création de « Villeneuve »).

4La partie III de la thèse est consacrée aux villages du pays de France, où ont été réalisées quatre grandes fouilles (Villiers-le-Sec, Villiers-le-Bel, Viarmes et Louvres). Elle rend à la fois compte de fouilles d’habitats groupés, explorés « dans les champs », et de fouilles effectuées dans les villages, ce qui n’était pas possible dans le cas de Serris. La question de l’organisation spatiale et de la hiérarchie sociale au sein de ces habitats est également abordée avec, notamment dans le cas de Villiers-le-Sec, l’émergence, à l’époque carolingienne, d’unités bordant les chemins qui contrastent avec un habitat plus cossu organisé en cour. La partie ouest du pays de France fait l’objet d’un regard spécifique concernant les importants déplacements de villages des XI^e-XII^e siècles (Baillet-en-France) en lien possible avec l’émergence de pôles seigneuriaux. D’autres fouilles de villages (Viarmes, Saint-Martin-du-Tertre) permettent d’aborder cette question de la genèse d’habitats élitaires au sein de villages. Le cas de Belloy-en-France est quant à lui envisagé à partir des seules sources écrites carolingiennes. Le secteur de Sarcelles-Villiers-le-Bel apporte des éléments encore plus significatifs, notamment grâce aux fouilles menées dans le cœur du village. En effet, si l’on observe, en partie aval de Villiers-le-Bel, la stabilité des formes de l’habitat du VIII^e au XII^e siècle, un autre secteur fouillé montre quant à lui des changements significatifs durant cette période, le choix d’une partie du cimetière carolingien comme lieu d’implantation du premier habitat seigneurial précédant de plus d’un siècle la construction d’une église et d’un prieuré dans l’enceinte seigneuriale au XII^e siècle. Le secteur de Louvres est ensuite étudié en distinguant deux secteurs : le cœur de bourg, avec l’implantation précoce d’un sanctuaire et d’une nécropole comportant des tombes aristocratiques (fin V^e siècle) et un habitat associé, et le site d’Orville qui passe progressivement de l’habitat ouvert au statut de château fort. La question des cheminements (voie antique et chemin de vallée) est abordée à la fois pour expliquer l’évolution et les formes du village, mais aussi comme élément majeur de compréhension de la localisation des habitats groupés dès le haut Moyen Âge. Cette question des implantations en vallée dès le V^e-VI^e siècle est également évoquée à propos de l’habitat de Moussy-le-Neuf en frange orientale du pays de France. Enfin, le potentiel des interventions dans les villages est illustré par l’exemple du cœur villageois de Marly-la-Ville, touché en deux ans par trois vastes diagnostics.

5La partie IV entreprend une comparaison entre les études de cas des deuxième et troisième parties en revenant sur quelques questions récurrentes : les problèmes de vocabulaire et de hiérarchisation de l’habitat ; la taille du finage ; la réorganisation autour de nouveaux centres de pouvoir ; l’organisation interne des habitats groupés et la culture matérielle. Sont aussi abordées les questions concernant la typochronologie des bâtiments.

6La partie V formule une conclusion synthétique axée sur : les modalités et les rythmes des défrichements du haut Moyen Âge ; les formes de l’habitat aux origines de l’habitat seigneurial ; les mutations des édifices religieux et des paroisses aux X^e-XI^e siècles ; les modèles et la représentativité des habitats étudiés ; les autres exemples franciliens d’habitats groupés du haut Moyen Âge ; la perception des élites dans l’habitat à partir d’exemples de régions voisines ; les grands sites ruraux et l’organisation spatiale en différents pôles ; la chronologie des implantations et la modélisation chronologique des sites ; les agglomérations rurales, l’habitat groupé, les villages et hameaux.