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L’architecte face aux programmes industriels

Noisiel : l’architecte, l’ingénieur, l’entrepreneur et l’usine

Noisiel: the Architect, the Engineer, the Entrepreneur, and the Factory
Anne Barbara
p. 99-128

Résumés

L’ancienne chocolaterie Menier de Noisiel est reconnue de longue date comme un site emblématique de l’architecture industrielle de la seconde moitié du xixe siècle et du début du xxe siècle. Cet ensemble majeur du patrimoine francilien était déjà très documenté et valorisé du temps de son fonctionnement. À l’aune des recherches récentes menées dans les archives de l’entreprise conservées sur le site industriel par Nestlé comme dans celles de la ville de Noisiel, un nouvel éclairage peut être apporté sur notre connaissance du site. L’objectif de cet article n’est pas de réécrire l’histoire de la chocolaterie Menier, mais de tenter de mieux cerner comment industriels, architectes et ingénieurs ont travaillé ensemble pour bâtir cet ensemble exceptionnel.

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Texte intégral

  • 1  Notamment Giedon, 1941 ; Ragon, 1971, p. 166-168, 221-222 ; Payen, 1978, p. 116-119, 240-243, 312- (...)
  • 2  La ferme du Buisson, acquise par Émile Menier en 1879, accueille aujourd’hui une scène nationale e (...)
  • 3  Notamment Piganiol, 1983 ; Michel, 1986, 1988 ; Jarrige, 1993.

1L’ancienne chocolaterie Menier de Noisiel est reconnue de longue date comme un site emblématique de l’architecture industrielle de la seconde moitié du xixe siècle et du début du xxe siècle1. Au-delà de son intérêt architectural, l’ensemble qu’elle forme avec la cité ouvrière et l’ancienne ferme Menier2 témoigne de tout un pan de notre histoire économique et sociale. Si cet ensemble majeur du patrimoine français était déjà très documenté du temps de son fonctionnement, valorisé lors des expositions universelles dans la presse et par la communauté scientifique et technique, de nos jours, il n’est pas un ouvrage portant sur le patrimoine industriel qui n’évoque le site de Noisiel. Il a également fait l’objet de plusieurs études universitaires à la fin du xxe siècle3 et il est régulièrement proposé comme sujet d’étude dans les écoles nationales supérieures d’architecture et les écoles d’urbanisme.

  • 4  Nous pensons notamment au nettoyage des parements du moulin Saulnier par électro-lessivage.
  • 5  L’inscription du moulin Saulnier, du pavillon des Refroidissoirs, de la Cathédrale et du Pont hard (...)

2Propriété de la famille Menier de 1825 à 1959, le site a ensuite appartenu à plusieurs entreprises d’agroalimentaire jusqu’au groupe Nestlé en 1983. Dix ans plus tard, le groupe demande au cabinet Reichen et Robert de réhabiliter l’ancienne usine, alors partiellement en friche, pour y regrouper toutes ses unités opérationnelles. Le chantier fait alors l’objet de nombreux articles dans les revues spécialisées, tant la réhabilitation est jugée exemplaire et certains procédés de restauration révolutionnaires4. En 2020, Nestlé décide de quitter Noisiel et demande à l’opérateur Linkcity France d’imaginer un projet ambitieux pour restituer ce joyau architectural au territoire et créer un nouveau quartier de ville : transformer le site en lieu habité et actif, tout en respectant ses monuments historiques et valorisant son passé industriel. Afin d’assurer la préservation de l’unité du site et de son identité industrielle, les protections préexistantes au titre des monuments historiques ont été étendues en 20215.

  • 6  Restrictions dues aux contraintes de sécurité inhérentes au secret industriel et commercial et à l (...)
  • 7  L’inventaire du fonds, débuté dans les années 1980-1990 par Catherine Jarrige et Richard Jeandelle (...)
  • 8  Notamment des notices rédigées par Louis Logre, architecte de l’usine de Noisiel (1888-1936), entr (...)

3La connaissance du site s’est longtemps appuyée sur les ouvrages, articles et études universitaires édités à la fin du xxe siècle et faisant autorité, d’autant que l’accès aux archives de l’entreprise conservées sur le site par Nestlé a durablement été très restreint6. Après le départ de Nestlé en 2020 et, afin de pouvoir accompagner la maîtrise d’œuvre de la reconversion dans son projet, le service patrimoine et tourisme a été sollicité pour faire le récolement de ce fonds. Cet accès direct aux archives, ainsi que des recherches menées dans les fonds municipaux, a été l’occasion d’apporter un regard nouveau sur les sources disponibles, dont certaines peu connues7, voire inédites8.

4En conséquence, l’objectif de cet article n’est pas de réécrire l’histoire de l’ancienne chocolaterie Menier, mais de tenter de mieux cerner le rôle des concepteurs dans la construction de cet ensemble exceptionnel, notamment en regard de la relation entre les industriels, les architectes et les ingénieurs. Pour ce faire, nous nous attarderons en premier lieu sur les origines de la fabrique, fondée par Brutus Menier (1795-1853) en 1824 et agrandie par l’architecte Jules Bonneau. Nous nous intéresserons ensuite aux améliorations et innovations apportées sous Émile Menier (1826-1881) par Jules Saulnier (1817-1881) et les ingénieurs Jules Logre (1838-1922) et Armand Moisant (1838-1906). Nous terminerons par les constructions réalisées par Jules et Louis Logre (1865-1945), Stephen Sauvestre (1847-1919) et Armand Considère (1841-1914) pour Henri et Gaston Menier (1853-1913 ; 1855-1934) jusqu’à l’orée du xxe siècle.

Du moulin marnois à la fabrique moderne

  • 9  Durand, 1832a, p. 248.

5Au début du xixe siècle, Noisiel est un petit village briard vivant des activités liées à la rivière, la Marne. L’installation de la fabrique de Brutus Menier va projeter le territoire dans l’ère industrielle et en modifier définitivement les contours. Brutus Menier, issu d’une famille de négociants de Bourgueil (Indre-et-Loire), fait ses études au Prytanée militaire de la Flèche où il est ensuite employé comme stagiaire auprès du pharmacien de la commune. Alors que le Premier Empire est secoué par la guerre contre la sixième coalition et vit ses dernières heures, le jeune Brutus Menier fait son service militaire comme préparateur en pharmacie au Val-de-Grâce. Dans ce contexte, il prend conscience des difficultés d’approvisionnement en médicaments et crée en 1815 son premier négoce dans le Marais à Paris. Mécontent de la qualité des substances qu’il commercialise, il devient fabricant et installe son entreprise rue des Lombards, alors dédiée aux confiseurs et aux droguistes. Le moulin à bras de la première fabrique est rapidement remplacé par des moulins maniés par des chevaux. En 1824, Brutus Menier « voulant donner à son usine des proportions plus larges9 », la déplace à Noisiel où il loue un petit moulin à roue pendante datant du xviie siècle. Le moulin dispose d’une force motrice modeste, mais fonctionne 24 heures sur 24, hors période d’étiage, ce qui représente un réel potentiel d’augmentation de la production.

  • 10  Brutus Menier innove dans le domaine de la production de poudres pharmaceutiques et invente de nou (...)

6Noisiel est idéalement située, peu éloignée de la capitale, mais au-delà des barrières d’octroi et aisément accessible par voie d’eau. Le moulin pulvérise divers produits à destination de la pharmacie, broie des céréales, du cacao et produit du chocolat. La maison Menier s’affirme progressivement dans le secteur de la droguerie parisienne pendant la Restauration et la monarchie de Juillet. La fabrique excelle bientôt dans l’art de la pulvérisation10 et fait l’objet de rapports et de commentaires élogieux, notamment de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale qui lui décerne une médaille d’or en 1832 :

  • 11  Ibid., p. 250.

Comme un témoignage de la satisfaction que [les] commissaires ont éprouvés dans la visite qu’ils ont faite d’un établissement unique dans son genre, et remarquable par la simplicité des procédés qui y sont mis en pratique, par l’ordre qui y règne, et par la multiplicité et la beauté des produits qui s’y confectionnent11.

  • 12  Il s’agit d’une eau-forte imprimée par Baujean d’après un dessin de Veyrenc dont un tirage par Ost (...)
  • 13  Collection ville de Noisiel, Inv. 2006-01-01.

7Toute l’usine est alors rassemblée en un seul bâtiment : le moulin. Fondé en 1157, il a été entièrement reconstruit au xviie siècle. Il adopte la forme d’un édifice à pans de bois que nous connaissons par une gravure de Jean-Jérôme Baugean (1764-v. 1819) datant de 181712 d’après un dessin de Julien-Victor Veyrenc (1756-1837 ; Fig. 1). Cette image sera largement exploitée par l’entreprise au cours des décennies suivantes dans le but de valoriser la pérennité de la fabrique. Brutus Menier fait ajouter un étage et investit le comble pour la fabrication du chocolat. En 1832, les ateliers se répartissent sur trois étages et sont équipés de machines modernes acquises pour la plupart auprès du mécanicien parisien François Antiq. Dix ans plus tard, le moulin est démoli et reconstruit avec façade à pans de bois hourdée au plâtre par un entrepreneur chellois, M. Dutreuil, qui fait également élever quelques bâtiments annexes. L’édifice repose sur deux piles maçonnées et conserve une roue pendante. Une toile du peintre Karl-Josef Kuwasseg (1802-1977), datée de 184713 (Fig. 2), nous en donne une représentation vraisemblable.

Fig. 1 – Jean-Jérôme Baugean, Vue du moulin de Noisiel sur la Marne au-dessus de Lagny, gravure à l’eau-forte, 1817, d’après Veyrenc, imprimé par Ostervald l’Aîné.

Fig. 1 – Jean-Jérôme Baugean, Vue du moulin de Noisiel sur la Marne au-dessus de Lagny, gravure à l’eau-forte, 1817, d’après Veyrenc, imprimé par Ostervald l’Aîné.

Collection ville de Noisiel.

Fig. 2 – Jules Pérot, Fabrique et usine hydraulique de Noisiel-sur-Marne (vue d’amont), lithographie extraite de Prix courant général, 1860.

Fig. 2 – Jules Pérot, Fabrique et usine hydraulique de Noisiel-sur-Marne (vue d’amont), lithographie extraite de Prix courant général, 1860.

Collection ville de Noisiel.

  • 14  Menier M.-V., 1853.

8Dès les années 1830, Brutus Menier n’hésite pas à faire visiter sa fabrique. Journalistes, responsables politiques et, bien sûr, pharmaciens, sont les bienvenus. L’entrepreneur ne cache pas sa fierté devant le travail accompli. Ces visites relèvent d’une stratégie médiatique élaborée par Brutus Menier, au même titre que le dépôt de sa marque de fabrique en 1836 et l’usage de la réclame dans les journaux. En 1851, la maison de commerce de la rue des Lombards est remplacée par un immeuble neuf construit rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie par l’architecte Jules Bonneau. Sa surface permet d’accueillir des laboratoires et du matériel industriel en plus des bureaux et des magasins. Dès le milieu du xixe siècle, la maison Menier a ainsi acquis une certaine notoriété, tant pour la fabrication des produits dédiés à la pharmacie que pour celle du chocolat. Nombreux sont ceux qui, à l’instar de Marie-Virginie (1796-1879), l’épouse de Brutus Menier, célèbrent l’œuvre de son époux comme celle d’un pionnier de l’industrie. Si elle dépeint le moulin de Noisiel comme un « monument d’ordre et d’activité14 », la modernité de l’usine tient plus à son organisation et à ses performances qu’à son architecture, typique des moulins pendants construits au bord de Marne et de Seine depuis le Moyen Âge.

Une usine ordonnée et élégante

  • 15  Il est reçu pharmacien le 29 mars 1853.

9Après son baccalauréat, Émile Menier (1826-1881), fils de Brutus, suit les cours de l’École supérieure de pharmacie et du Collège de France15. Il étudie également la chimie au sein de laboratoires reconnus et effectue de nombreux voyages d’études à l’étranger. Employé de commerce au sein de la maison Menier en 1850, il en devient cogérant à partir de 1851. Émile est alors associé à la direction et au contrôle des travaux de la Maison centrale de droguerie de la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. Lorsqu’il hérite de l’entreprise de son père en 1853, elle est déjà assez florissante et reconnue sur un marché du médicament en pleine croissance.

  • 16  Émile Menier vend la part pharmaceutique de son entreprise et l’usine de Saint-Denis à la Pharmaci (...)
  • 17  Marrey, 1997, p. 104-105.

10En ce milieu du xixe siècle, le contexte économique et politique a changé. Avec le développement industriel, la France connaît une véritable explosion sociale et culturelle. L’industrie du médicament se met progressivement en place. Les chimistes ont découvert comment isoler des alcaloïdes, comme la morphine à partir de l’opium par exemple, mais cette extraction ne peut se faire qu’industriellement. Cela dépasse les capacités des pharmaciens et entraîne l’essor des maisons de droguerie. L’entreprise Menier doit ainsi faire face à de nombreuses maisons concurrentes qui l’obligent à se démarquer davantage. Brutus, puis Émile Menier, entrepreneurs audacieux, sont les hommes de la situation. Si Brutus Menier a su faire évoluer la production et la distribution pharmaceutique, le fils a appliqué les mêmes méthodes pour l’activité chocolatière dont il a pressenti le potentiel. La diminution des taxes sur l’importation du cacao, associée à la modernisation des techniques de fabrication, permettent de produire du chocolat à moindre coût et contribuent à l’augmentation de sa consommation. Émile Menier en fait le cœur de son activité, tout en maintenant une production pharmaceutique encore quelques années16. L’industriel a de grandes ambitions pour sa société : « Pour Menier, l’usine n’est pas seulement un lieu de production, elle est aussi celui du progrès, des découvertes et des inventions […]. De cette entreprise prospère, il va faire un véritable empire en moins de vingt ans17 ».

  • 18  Louis Dominique Girard a développé le principe des turbines à eau de haute et basse chute.
  • 19  Menier É., 1860.
  • 20  Marrey, 1984. D’après l’auteur, Jules Saulnier aurait obtenu une bourse pour suivre les cours de l (...)
  • 21  Si le passage de son frère Émile est attesté dans cet atelier, rien ne confirme que Jules l’ait ét (...)

11À Noisiel, la roue pendante est remplacée en 1854 par une roue-hélice inventée par l’ingénieur hydraulicien Louis Dominique Girard18 (1815-1871). L’architecte Jules Bonneau érige en 1855 une troisième pile qui permet l’adjonction d’une deuxième roue-hélice et reconstruit totalement le moulin. Ces modifications permettent d’augmenter considérablement les capacités énergétiques de la fabrique. Deux gravures de Jules Jean François Pérot (1814-1876), nous informent sur sa physionomie19. Le moulin s’impose au-dessus du bras de Marne (Fig. 3). Vraisemblablement toujours construit à pans de bois, son architecture s’apparente à celle des moulins à l’anglaise dont les multiples étages carrés abritent une chaîne opératoire verticale. Sur trois étages, ses façades, rythmées par de nombreuses fenêtres, assurent un éclairage optimal des ateliers. Émile Menier souhaite également rationaliser le processus de fabrication. Dès les années 1860, il charge l’architecte Jules Saulnier de réaménager l’espace usinier. Ce dernier aurait suivi les cours de l’École centrale des arts et manufactures20 et aurait également été élève dans l’atelier de Jules Bonneau21 et c’est sans doute ce dernier qui le recommande à Émile Menier.

Fig. 3 – Carl Josef Kuwasseg, Le moulin de Noisiel, huile sur toile, 1847.

Fig. 3 – Carl Josef Kuwasseg, Le moulin de Noisiel, huile sur toile, 1847.

Collection ville de Noisiel.

12Les premières réalisations noisieliennes de Jules Saulnier, dont un réfectoire et des logements ouvriers, sont érigées en 1860 dans le village, à proximité de l’usine. Dans la décennie qui suit, il poursuit sa collaboration avec l’industriel en travaillant essentiellement pour la maison Menier. Entre 1862 et 1864, il est chargé de la construction de l’usine pharmaceutique de Saint-Denis où il bâtit plusieurs pavillons autour d’une cour centrale.

  • 22  Baudot, 1865, p. 177.

Plus heureux que bien d’autres, M. Saulnier avait le champ libre dans la construction de l’usine Menier, à Saint-Denis, sauf toutefois, bien entendu, sous le rapport de la dépense dont le chiffre était limité. […] En parcourant cette vaste usine, en visitant les uns après les autres les divers bâtiments qu’elle renferme, on est frappé de la façon dont chacun d’eux a été étudié en vue de sa destination. Employant la pierre, le moellon, la brique, le bois ou le métal suivant les cas, suivant les besoins à satisfaire, l’architecte a su trouver à chaque pas, dans l’emploi raisonné de ces matériaux, une disposition ingénieuse, un motif original22.

  • 23  Le site est protégé au titre des monuments historiques par arrêté du 17 novembre 1994. Sont conser (...)
  • 24  Turgan, 1868.
  • 25  Ibid.

13De l’usine de Saint-Denis ne subsistent aujourd’hui que quelques bâtiments et une cheminée de briques ornée de motifs géométriques et du « M » des Menier23. Entre 1864 et 1867, Jules Saulnier construit à Noisiel de nouveaux édifices, dédiés à la fabrication, autour d’une cour faisant face au moulin et communiquant entre eux par le sous-sol. Le circuit de fabrication est organisé de manière linéaire, d’amont en aval, le moulin demeurant le bâtiment central de production. L’ensemble est imaginé de manière à standardiser la fabrication et faciliter la mise en œuvre d’une mécanisation accrue. « Les bâtiments à construire devant être soumis à trépidation résultant du mouvement de nombreuses machines et transmissions24 », ils sont édifiés en maçonnerie de pierre et solidement fondés sur béton de cailloux et meulière. Ils s’élèvent sur deux niveaux et sont couverts en zinc sur charpente fer et bois. Si cette architecture se veut avant tout rationnelle, elle affiche une esthétique sobre et élégante. La construction d’ateliers aux façades maçonnées et aux sols carrelés affirme l’attention portée à l’hygiène dont se félicitent les commentateurs contemporains : « partout à Noisiel se retrouve le désir d’embellir ateliers et machines et comme il s’agit d’un produit où la propreté est une des premières conditions de succès, cette préoccupation n’a rien d’exagéré25 ». À cet ensemble sont ajoutés un gazomètre et quelques annexes.

  • 26  Saulnier, 1874.
  • 27  Turgan, 1868.
  • 28  La vie parisienne, 1865.

14Jules Saulnier est le maître d’œuvre du programme. L’architecte a une vue d’ensemble et toute liberté pour apporter une plus-value artistique dès lors qu’il s’inscrit dans le cahier des charges fonctionnel et technique qui lui a été imposé. Il est donc secondé par l’ingénieur-directeur de l’usine, à même de lui en préciser les détails et de l’accompagner dans les recherches de solutions techniques. C’est également ce dernier qui supervise les travaux, réalisés par des artisans locaux, demeurant sur les communes voisines de Chelles et Champs-sur-Marne26. Une gravure de Théodore Müller (1810-1879) nous permet de nous faire une bonne idée de l’aspect de l’usine à la fin des années 186027 (Fig. 4). La presse contemporaine la décrit comme l’un « des plus beaux établissements industriels de France » et « un merveilleux exemple de ce que peut le travail industriel quand il est dirigé par une volonté persévérante et un esprit intelligent28 ».

Fig. 4 – Théodore Müller, Usine de Noisiel pour la fabrication du chocolat Menier, lithographie extraite Julien Turgan, Les grandes usines, 1868.

Fig. 4 – Théodore Müller, Usine de Noisiel pour la fabrication du chocolat Menier, lithographie extraite Julien Turgan, Les grandes usines, 1868.

Collection ville de Noisiel.

Un moulin qui révolutionne l’architecture

15La création la plus exceptionnelle de Jules Saulnier est, sans aucun doute, le moulin auquel son nom a été attribué aujourd’hui. Lorsqu’Émile Menier lui confie la modernisation de son usine, il lui demande avant tout d’agrandir le moulin afin d’augmenter la production. L’édifice est très dégradé du fait des trépidations des machines qu’il renferme. Aussi, Jules Saulnier répond à sa demande en proposant un bâtiment neuf en fer et briques creuses, une association nouvelle sur le site.

  • 29  Saulnier, 1874, p. 118.

La nouveauté de l’idée plut à M. Menier […]. Ce bâtiment était le plus important de son usine, comme position, dimension et destination ; il ne recula pas à la dépense et résolut de le décorer avec un luxe rarement usité dans des constructions industrielles29.

  • 30  Il l’appelle « bâtiment sur l’eau ».
  • 31  Payen, 1978 ; Loyer, 1983 ; Marrey, 1989.

16L’industriel impose à l’architecte de fortes contraintes techniques : l’édifice doit s’inscrire dans un espace réduit, délimité par la largeur du bras de Marne qu’il enjambe, s’appuyer a minima sur les trois piles existantes et conserver l’organisation de la production sur trois étages et un étage de combles. La seule solution pour Jules Saulnier réside donc dans le choix des matériaux. Il imagine un bâtiment construit à partir d’une ossature métallique. Cette technique est exploitée depuis le début du xixe siècle pour construire des ponts, ouvrages d’art et halles ou pour renforcer la structure intérieure d’édifices industriels. Jules Saulnier innove ici en imaginant un bâtiment-pont dont la structure métallique n’est pas cachée derrière des murs maçonnés, mais clairement affirmée30. Il s’agit de l’une des premières utilisations du principe de construction à ossature en fer, visible en façade31, généralisé ensuite pour les gratte-ciels américains, notamment lors de la reconstruction de Chicago après le grand incendie de 1871. Une quatrième pile maçonnée est construite pour recevoir un châssis composé de quatre poutres longitudinales et deux transversales. Sur ce cadre s’élève un audacieux squelette de fer auquel s’accrochent les planchers et les murs. Le métal permet de réduire les points d’appui et d’augmenter considérablement les portées. L’assemblage en croisillons fait office de contreventement diagonal qui rigidifie l’ensemble et assure sa verticalité, tout en amortissant les vibrations. Jules Saulnier prouve ici s’être parfaitement approprié les nouvelles techniques constructives liées à l’usage du métal, alors expérimentées par les ingénieurs pour la réalisation d’ouvrages d’art. L’ossature est laissée apparente, assumant pleinement le fer, décliné également dans tout l’édifice : marquise, menuiseries extérieures, lambrequins, escaliers, rampes, etc.

  • 32  Fargues, 2004.
  • 33  Sur l’histoire d’Armand Moisant et de sa société, voir l’article de Marina Gasnier dans le présent (...)
  • 34  La ferme du Buisson est pourvue d’édifices fonctionnels dont l’esthétique fait écho à ceux de la c (...)

17Jules Saulnier a inventé une structure rationnelle, simple et légère, qui s’adapte aux fonctions du bâtiment (Fig. 5). Il en a confié la fabrication à Armand Moisant32. L’ingénieur, diplômé de l’École centrale des arts et manufactures, s’est fait connaître par la fabrication de halles de marché et de gares. Il crée son entreprise en 1866 et installe ses ateliers boulevard de Vaugirard à Paris. Le moulin Saulnier est vraisemblablement l’un de ses premiers chantiers industriels et cela contribue à sa notoriété33. Il est probable que l’architecte et l’ingénieur ont travaillé de concert pour concevoir la structure. La charpente, les châssis, cloisons et escaliers ont été fabriqués dans les ateliers Moisant à Paris et montés par ceux de Noisiel. Sur la commune, il réalisa également pour les Menier les charpentes de la grange-étable (1880) et de la grange ouest (1884) de la ferme du Buisson34.

  • 35  Saulnier, 1877, p. 92.

Le système de construction employé pour les façades donnait du haut en bas une surface entièrement plane […]. Dans ces conditions, la décoration n’était possible que par la couleur35.

Fig. 5 – Sahandier, L’Ossature du moulin Saulnier, dessin, 1871.

Fig. 5 – Sahandier, L’Ossature du moulin Saulnier, dessin, 1871.

Collection Nestlé France.

18Jules Saulnier choisit donc de remplir le squelette de métal du moulin par un parement intérieur enduit de plâtre, doublé d’un parement extérieur de briques formant décor. Pour animer les façades, il imagine des motifs variés avec des briques émaillées aux tons vifs (rouge, noir, jaune, blanc) sur fond beige clair. Ici et là, des fleurs et fruits de cacao en terre cuite moulée et émaillée apportent du relief. Ils ornent notamment des mascarons en carreaux de céramique déclinant des branches de cacaoyers, le « M » de Menier ou le cadran de la grande horloge (Fig. 6). Un soin particulier est apporté à la couverture. Les tuiles faîtières sont surmontées de grandes fleurs et cabosses de cacao en terre cuite et les paratonnerres supportés par d’élégantes pièces vernissées. Toutes ces pièces proviennent de la fabrique d’Émile Müller (1823-1889).

  • 36  Saulnier, 1874.

C’est dans son usine d’Ivry[-sur-Seine] qu’ont été fabriquées en terre de Bourgogne les briques creuses à vives arêtes des façades, unies ou émaillées, les plaques ornées, briques moulées de différentes formes, les tuiles, les crêtes de faîtage, ruellées, à poinçons, arêtiers à crochets. M. Müller a mis à ce travail tous ses soins, sa science, sa grande expérience et un zèle dont j’aime lui savoir gré36.

19Ailleurs, Jules Saulnier conclut :

  • 37  Saulnier, 1877.

Lorsqu’à l’exécution j’ai pu juger de l’effet d’ensemble de cette décoration, j’ai été plus satisfait que je ne l’avais espéré ; les tons violents qui, pris isolément, étaient très durs, s’étaient de beaucoup adoucis une fois à leur place. […] à la distance nécessaire pour bien voir l’ensemble, tous les tons sont fondus, doux, même délicats, se lisent clairement, et on dirait un immense tapis oriental37.

Fig. 6 – Façades nord et ouest du moulin Saulnier, vue depuis le sommet de la Cathédrale.

Fig. 6 – Façades nord et ouest du moulin Saulnier, vue depuis le sommet de la Cathédrale.

Philippe Ayrault, Région Île-de-France, 2020.

  • 38  Dollfus a fondé la Société mulhousienne des cités ouvrières en 1853 pour améliorer l’habitat des o (...)
  • 39  Avant de définir le projet de la cité Menier, Gaston Menier et Jules Logre visitent plusieurs site (...)

20L’originalité et la qualité du décor en céramique sont saluées par la critique. Le moulin est un catalogue grandeur nature de tout ce qu’il est alors possible de fabriquer en céramique architecturale. La renommée d’Émile Müller s’en trouve renforcée. Centralien comme Armand Moisant, il fonde la Grande Tuilerie d’Ivry-Port en 1854 et consacre sa carrière à élaborer des produits céramiques innovants alliant qualités esthétiques et résistance. Il est probable que les pièces réalisées pour le moulin de Noisiel ont contribué à l’amélioration des techniques utilisées. Émile Müller n’est pas célèbre uniquement pour la céramique. L’ingénieur a en effet construit la cité ouvrière de Mulhouse pour Jean Dollfus38 (1800-1887) et imaginé le désormais célèbre « carré mulhousien » qui servit de modèle à la cité de Noisiel dont la construction débute en 187439.

Les années Logre

  • 40  Ce procédé avait déjà été mis en œuvre par Jules Saulnier lors des travaux des années 1860.

21En plus des contraintes techniques et des ambitions esthétiques évoquées plus haut, Saulnier a dû relever un autre défi : ne pas interrompre la production. Le moulin a donc été bâti en deux tranches pour maintenir l’activité des ateliers40 :

  • 41  Saulnier, 1874.

Les ateliers des bâtiments à démolir étaient déplacés dans des bâtiments provisoires, construits à l’emplacement des cours ; puis dans les constructions faites les premières et terminées avant d’entreprendre les autres ; et tout cela avec les machines et les nombreuses transmissions nécessaires à la marche du travail41.

  • 42  Ibid.
  • 43  Charles Armengaud, dit Armengaud jeune, ingénieur-conseil à la tête d’un cabinet de consultation d (...)
  • 44  Menier G., 1934.
  • 45  Logre J., 1869-1871.

22L’architecte a bénéficié du concours de l’ingénieur Jules Logre pour « l’étude, l’exécution et la surveillance de ces travaux42 » ainsi que la conception et la direction de toute la partie mécanique. Jules Logre a débuté comme dessinateur au service des brevets chez Armengaud jeune43 (1813-1893) et a ensuite travaillé comme constructeur-mécanicien pour la société Séraphin Frères pour laquelle il installe de nombreuses machines dans des sucreries et raffineries, dont les roues-hélices Girard de l’usine de Noisiel. En 1864, il y fait plusieurs vacations pour « inventaire et constructions de machines44 ». Ses compétences semblent convaincre Émile Menier qui l’emploie comme ingénieur sous-directeur à partir de 1869. Travailleur acharné, il suit tous les chantiers et échange régulièrement avec Jules Saulnier, Armand Moisant, Séraphin, Louis Abel Charles Tellier (1828-1913) ou Louis Dominique Girard45. Son expérience fait aussi florès notamment auprès de Gaston Menier qui, dans ses mémoires, raconte son goût pour les sciences, ses expériences adolescentes dans le laboratoire de l’usine de Noisiel et le rôle de Jules Logre :

  • 46  Menier G., 1934.

Monsieur Logre avait été mon éducateur scientifique tant du point de vue des applications mécaniques qu’à celui des constructions terrestres et hydrauliques. […] Par son acharnement, il avait suppléé à son instruction technique incomplète et exécutait brillamment les travaux divers46.

  • 47  Turbines hydropneumatiques, 1871 et 1875.
  • 48  Barrage Desfontaines, 1869-1872.
  • 49  Initialement envisagé à Chelles, le raccordement sera fait à Émerainville-Pontault, sur la ligne P (...)

23L’industriel évoque notamment la part importante prise par l’ingénieur lors de la construction du moulin. Responsable de la direction des travaux hydrauliques, Jules Logre supervise l’installation des nouveaux moteurs de Louis Dominique Girard47 et la construction d’un barrage à hausses mobiles48. Il mène une étude pour établir une ligne de chemin de fer privée raccordée au réseau national et supervise sa réalisation à partir de 188149.

  • 50  Discours d’Henri Menier, maire, lors du Conseil municipal du 24 avril 1908.
  • 51  Hypolite Desboeuf entre à l’usine en 1844 et la dirige de 1853 à 1900.
  • 52  Émile Menier est maire de 1871 à 1881, puis Henri (1881-1913), Gaston (1913-1934), Jacques (1934-1 (...)

24Après le décès d’Émile Menier, en 1881, ses fils Henri, Gaston et Albert (1858-1899) renouvellent leur confiance à Jules Logre. Il restera la « cheville ouvrière » de la maison Menier pendant près d’un demi-siècle : « son histoire est l’histoire de tout à Noisiel, rien ne s’est fait ici sans lui, il a mis sa main à tout50 ». Homme de confiance, travailleur acharné, technicien maîtrisant à la perfection les activités de fabrication et la manière d’optimiser la production, capable de trouver une solution à chaque problème… Jules Logre se dévoue corps et âme à la maison Menier. Après des années à travailler auprès d’Hyppolyte Desboeuf (1824-1900), directeur de l’usine51, il lui succède après son décès en 1900. Son investissement dépasse les limites de l’usine. Il installe une briqueterie à Noisiel et dirige la construction des maisons et équipements de la cité ouvrière, de la ferme du Buisson et du château acquis par Émile Menier en 1879. À ces fonctions techniques s’ajoute un rôle politique déterminant au sein de la petite cité industrielle. Élu conseiller municipal sur la liste d’Émile Menier en 1871, il assurera des fonctions électives jusqu’en 1908, n’y renonçant qu’à l’occasion de son départ à la retraite. Les registres des délibérations et arrêtés municipaux témoignent de son investissement dans la moindre affaire concernant la commune et ses habitants. Il supplée les maires successifs52, souvent absents, pour toutes les décisions importantes.

  • 53  Louis Logre ne figure pas sur la liste des élèves architectes de l’École des beaux-arts de Paris, (...)
  • 54  Plusieurs de ces notes et carnets sont aujourd’hui conservés dans les collections de la ville de N (...)
  • 55  Louis Logre est adjoint au maire de 1908 à 1936.

25Son fils, Louis Logre, est employé comme dessinateur au sein de l’usine dès 1884. Il accompagne très tôt son père sur différents projets et s’est ainsi sans doute formé sur le terrain auprès de lui avant de devenir l’architecte superviseur de l’entreprise Menier en 188853. Comme son père, Louis Logre est un bourreau de travail ainsi qu’en témoigne le nombre de plans dressés de sa main conservés dans les archives de l’entreprise. Il se passionne pour l’histoire de Noisiel et rédige une multitude de notes et carnets54. Il établit notamment une liste chronologique détaillée des constructions et démolitions de l’usine ainsi que de ses dépendances. Lors du départ à la retraite de son père, Louis Logre prend également sa suite à la mairie55.

  • 56  Valentin, 1991.

26On doit aux Logre un autre édifice emblématique de l’architecture industrielle à Noisiel : le pavillon des Refroidissoirs. Le refroidissement est une étape clé de la fabrication du chocolat. Dans la première usine, les tablettes étaient refroidies en sous-sol sur des tables de marbre par l’eau d’une source locale. Émile Menier, toujours en recherche d’innovation, avait demandé à Charles Tellier d’étudier un procédé plus moderne : la première machine frigorifique à ammoniac est installée à Noisiel en 186856.

  • 57  Il s’agit d’un système de production de froid par détente d’air comprimé.
  • 58  Fabrication par la société Baudet Donon et Cie, fondée en 1878 et spécialisée dans la construction (...)

27En 1882, Gaston et Henri Menier souhaitent établir de nouvelles machines frigorifiques conçues selon le système Paul Giffard57. La taille de ces équipements nécessite la construction d’un nouveau pavillon. Jules et Louis Logre proposent une halle métallique à structure de type parapluie telle que celle réalisée par Victor Baltard (1805-1874) pour les Halles de Paris (1853). L’élégante charpente métallique à poutrelles en treillis s’appuie sur des colonnes de fontes58, dégageant un immense espace intérieur. L’aération et l’éclairage de l’édifice sont assurés par un grand lanterneau zénithal et des baies et portes monumentales surmontées de tympans très ornementés. Le métal est mis à l’honneur, travaillé en arabesques ou moulé, sur les façades comme à l’intérieur de la halle et de ses sous-sols. Sur les murs de clôture, les briques dessinent des losanges et fleurs de cacao en écho au moulin Saulnier (Fig. 7).

Fig. 7 – Le pavillon des Refroidissoirs.

Fig. 7 – Le pavillon des Refroidissoirs.

Laurent Kruszyk, Région Île-de-France, 2020.

  • 59  Nous pensons à la villa d’Albert Menier à Neuilly-sur-Seine (1884), au château d’Henri à Anticosti (...)
  • 60  Propriétaires de plantations de cacao au Nicaragua et proches de l’oligarchie dirigeante, Émile Me (...)
  • 61  Menier G., 1934.

28L’édifice a longtemps été attribué par erreur aux ateliers Eiffel, mais rien n’atteste une quelconque implication de l’entreprise ou de Gustave Eiffel (1832-1923) dans la conception de ce bâtiment. Le seul lien pertinent semble être Stephen Sauvestre. Si ce dernier travaille pour Gustave Eiffel vers 1875 et participe dès 1884 au projet de la célèbre tour dont il redessine les plans, il se consacre surtout pour son compte à la construction d’hôtels particuliers dans la Plaine-Monceau. Les Menier figurent parmi ses riches clients. Outre diverses villas59, il réalise pour eux le pavillon du Nicaragua pour l’Exposition universelle de 188960. À cette occasion, Gaston Menier est invité par Gustave Eiffel et Stephen Sauvestre à monter sur la troisième plateforme de la tour, ce qui lui vaut une bonne crise de vertige61.

  • 62  Régulièrement proposée à la visite des industriels, ingénieurs, commerçants et politiques dès les (...)
  • 63  La mairie, construite en 1861 dans un village d’une centaine d’habitants, ne répond plus aux besoi (...)

29Au-delà de cet édifice exceptionnel, la collaboration de Jules et Louis Logre entre 1882 et 1908 est fructueuse. Jules Logre planifie tous les travaux et en supervise les aspects techniques. Louis Logre dessine les plans des édifices ainsi que le moindre détail de leur ornementation extérieure comme intérieure. Le soin apporté à l’esthétique des ateliers vise à marquer les esprits de ceux qui les visitent62. L’usine s’enrichit de nouveaux ateliers, hangars, écuries, remises, chaufferie et bureaux. Ils construisent une rotonde ferroviaire, établissent des quais et voies de chemin de fer ou encore une passerelle en fer sur le chenal d’alimentation. Ils dotent la cité ouvrière de nouveaux logements, réfectoires et commerces. Les années 1890 voient la construction d’un bâtiment des pompes, d’une nouvelle mairie63 et l’agrandissement des écoles construites par Jules Saulnier en 1874. En un quart de siècle, Jules et Louis Logre édifient un ensemble industriel cohérent et harmonieux. Aux façades de pierre et de brique des ateliers de l’usine, se déployant en bord de Marne, répondent les maisons et équipements de la cité ouvrière. Si le choix des matériaux de construction de cette dernière est avant tout économique, on ne peut nier un réel souci esthétique : alternance de bandes de briques jaunes et rouges, soin particulier apporté à la modénature, frises de carreaux de céramiques… Prolongeant le travail de Jules Saulnier, ils font toutefois moins œuvre d’originalité, s’inscrivant pleinement dans une esthétique propre à leur époque, notamment pour les édifices industriels. Ils ont donné à l’usine et à la cité une véritable identité architecturale à échelle humaine. Les maisons ouvrières, habitat individuel, sont disposées en quinconce le long de rues arborées et sont dotées de jardins. Aux briques rouges et jaunes, répond le vert des arbres qui bordent les rues et égayent les places. Le « village », ainsi que le nomment alors ses habitants, préfigure les cités-jardins du début du xxe siècle.

Une cathédrale industrielle

  • 64  Lucien, centralien, entre à l’usine comme ingénieur en 1892 et la dirige à partir de 1908.
  • 65  Menier G., 1934.

30À l’aube du xxe siècle, Gaston Menier souhaite apporter une nouvelle ampleur à l’usine de Noisiel. Pour développer cette « nouvelle chocolaterie », il est nécessaire d’agrandir les ateliers de dressage et de faire construire un édifice suffisamment grand pour accueillir d’imposants mélangeurs ainsi que de nouveaux magasins de stockage de marchandises. Le projet est coordonné par Jules Logre, assisté de son fils Louis et d’un nouvel ingénieur, Lucien Bordenave64 (1869-1928). Gaston Menier décrit ce dernier comme un « travailleur remarquable, un véritable savant qui honorait le souvenir de l’École centrale qui l’avait formé65 ».

31La commande consiste notamment en un bâtiment dont le volume et l’aspect doivent affirmer le prestige des Menier et la puissance de leur empire industriel. Pour produire un édifice d’une telle solennité, il faut un architecte coutumier de l’architecture monumentale. La maîtrise d’œuvre est donc confiée à Stephen Sauvestre. Il dessine un bâtiment dont la structure comme les fondations sont en béton. L’architecte connaît mal ce nouveau matériau et s’appuie sur les compétences d’Armand Considère, ingénieur des ponts et chaussées spécialisé dans le ciment armé. À partir de 1902, Lucien Bordenave sollicite de nombreuses entreprises de maçonnerie spécialisées dans les constructions de métal et de ciment armé avant de choisir la société Victor Loup pour construire l’ensemble du projet.

  • 66  Considère, 1907.
  • 67  François Hennebique invente vers 1890 un système d’éléments modulaires de métal et de béton, solid (...)
  • 68  Cette appellation est certainement postérieure au fonctionnement de l’édifice. Elle ne figure sur (...)

32Le nouvel atelier du mélange est bâti sur l’île Menier. Cet espace du site industriel est encore disponible. Toutefois, s’il n’est pas très éloigné des ateliers de broyage et de dressage auxquels il doit être relié, il se situe sur une île, entre le chenal d’amenée et la Marne. Ce terrain est constitué du rassemblement de deux îles acquises par Émile Menier en 1879. Construire sur des remblais nécessite un système de fondation sur pieux. Sauvestre fait réaliser ces derniers, de 15 mètres de long pour 30 centimètres de diamètre, en béton fretté, selon le procédé déposé en 1901 par Armand Considère66. La particularité de ce béton réside dans son ferraillage, spiralé autour des fers longitudinaux. Ce système assure une grande résistance des pièces verticales à la compression et à la déformation latérale sous l’effet des efforts. La structure du « bâtiment sur l’île » est établie selon le système Hennebique67, dit aussi « poteaux poutres dallés » : les planchers, coulés en dalles préfabriquées, reposent sur des poutres horizontales elles-mêmes supportées par des poteaux. Afin de répondre à la commande d’apparat, Sauvestre cache le béton derrière des façades d’inspiration néo-classique avec placage de briquettes, faux chaînage de pierre, pilastres et grandes baies avec arc en plein cintre. Le rythme des baies rectangulaires des étages et les toits-terrasses rappellent toutefois la vocation industrielle du lieu. L’ensemble forme un édifice atypique aujourd’hui communément appelé la « Cathédrale68 » (Fig. 8).

Fig. 8 – Intérieur du pavillon des Refroidissoirs.

Fig. 8 – Intérieur du pavillon des Refroidissoirs.

Stéphane Asseline, Région Île-de-France, 2020.

  • 69  Archives privées Menier/Nestlé : Dossier « Passerelles d’amont et d’aval », 1905-1906.
  • 70  Projet souvent attribué à Gustave Eiffel sans qu’aucune archive ne l’atteste.

33La construction d’une passerelle est nécessaire pour transporter la pâte de chocolat de la Cathédrale aux nouveaux « bâtiments d’aval » situés sur l’autre rive. Le projet est complexe : la passerelle doit franchir plus de 47 mètres, être couverte, ce qui ajoute un poids supplémentaire à la structure, et prendre appui sur des remblais potentiellement instables. Lucien Bordenave sollicite alors une vingtaine d’entreprises pour avis et études69. La première solution envisagée est celle d’une passerelle à structure métallique en arc70. François Hennebique (1842-1921) propose un ouvrage en béton composé de deux travées reposant sur une pile centrale. Stephen Sauvestre dessine finalement un pont en béton fretté d’une seule volée (sans pilier central). Il s’agit alors du premier pont en béton d’une portée aussi longue (44,50 mètres), d’où son appellation de « Pont hardi » (Fig. 9, 10). Son apparence, à l’instar de la Cathédrale, reprend un vocabulaire néo-classique, la plasticité du béton permettant d’imiter à la perfection appareillage de pierres et balustres. Louis Logre se charge quant à lui de l’agrandissement des bâtiments d’aval pour accueillir le nouveau dressage. Si les façades évoquent sans conteste un édifice industriel, l’architecte y reprend quelques éléments du vocabulaire de la Cathédrale leur faisant face (pilastres, arcs en plein cintre des baies et placage de briques).

Fig. 9 – La Cathédrale et le Pont hardi.

Fig. 9 – La Cathédrale et le Pont hardi.

Philippe Ayrault, Région Île-de-France, 2020.

Fig. 10 – Le Pont hardi.

Fig. 10 – Le Pont hardi.

Stéphane Asseline, Région Île-de-France, 2020.

  • 71  Le Temps, 1914.
  • 72  Les Menier ont mal estimé les capacités de développement de leur entreprise et l’impact de la conc (...)

34L’intérêt de la « nouvelle chocolaterie » ne réside pas uniquement dans son apparence fastueuse et imposante. Conçue pour être visitable, c’est un outil de communication à part entière. Les visiteurs empruntent la passerelle pour accéder à une mezzanine ornementée de ferronnerie d’art d’où ils peuvent admirer l’étape essentielle du mélange du cacao et du sucre qui donne naissance au chocolat. La vue est imprenable sur la salle des mélangeurs, richement ornée de décors de plâtre et agrémentée de plantes vertes71. Les Menier ont commandé à Sauvestre un édifice de prestige, visant à émerveiller ses visiteurs et à témoigner de la réussite de l’entreprise. La Cathédrale, remarquable par ses techniques constructives et son esthétique, témoigne d’un parfait dialogue entre architecte et ingénieur. Elle s’est néanmoins révélée mal proportionnée pour l’usage attendu. Dans les années 1900, l’entreprise est au plus haut de sa croissance et Henri et Gaston Menier affichent de grandes ambitions en termes de production. Surdimensionné, le « bâtiment sur l’île » n’a toutefois jamais fonctionné qu’à 30 % de ses capacités72. Si l’édifice est peu éloigné des ateliers de broyage et de dressage, il en est séparé par un bras de Marne. Cela a grandement complexifié le circuit de fabrication jusque-là linéaire et entraîné des problèmes de manutention et de circulation des produits. La volonté d’impressionner des Menier a pris le pas sur les besoins réels de production. L’exploitation des ateliers de la Cathédrale a cessé après la Seconde Guerre mondiale.

35Avec la Cathédrale s’achève le cycle des grandes constructions et des innovations architecturales. Le site du début du xxe siècle voit surtout des modifications anecdotiques : des agrandissements, quelques constructions dont le traitement architectural est moins soigné. L’édification de la confiserie apparaît comme un dernier sursaut. Projetée avant la Première Guerre mondiale, elle ne sera bâtie qu’en 1923. Louis Logre y reprend sobrement le vocabulaire décoratif des bâtiments des années 1860-1870 : maçonneries de pierre, bandeaux et arcs en briques rouges. Les constructions ultérieures ne s’inscrivent plus dans une volonté de monstration, mais se contentent de répondre à leurs fonctions. À partir des années 1920, l’entreprise peine à se démarquer de la concurrence et résiste mal à la crise économique. Les temps ne sont plus aux folles dépenses en matière d’architecture, mais à la réorganisation de la production et à son adaptation à un marché en constante évolution.

  • 73  Ibid.

36Les évolutions des techniques de production ont amené les ingénieurs successifs de l’entreprise à repenser sans cesse le schéma d’ensemble de l’usine et son fonctionnement. Tous les travaux et agrandissements ont été menés en étroite collaboration entre l’ingénieur et l’architecte de l’usine, d’une part, et des architectes et ingénieurs indépendants d’autre part. Les édifices les plus emblématiques confiés à ces derniers s’intègrent pleinement à l’ensemble, tout en apportant une plus-value de créativité. Ensemble, ces bâtisseurs ont su conjuguer leurs compétences respectives pour répondre aux défis techniques et fonctionnels d’une industrie en plein essor, tout en donnant naissance à des bâtiments d’une esthétique et d’une ingéniosité remarquables. Cette collaboration fertile, entre les visions architecturales de Jules Saulnier, des Logre ou de Stephen Sauvestre et l’expertise technique d’ingénieurs comme Armand Moisant ou Armand Considère, a permis d’allier l’audace structurelle à une recherche artistique. Chaque édifice, du moulin Saulnier à la Cathédrale, témoigne de ce dialogue constant entre forme et fonction, où les solutions techniques innovantes servent l’ambition architecturale des industriels chocolatiers tout autant qu’une stratégie de communication performante. La visite de la chocolaterie de Noisiel impressionne, voire émerveille : « On ne sait plus qui il faut le plus louer, de l’ingénieur, de l’architecte ou de ceux qui les ont inspirés73. »

37Pendant près d’un siècle, réclames et affiches s’ornent d’illustrations donnant à voir une usine dont l’esthétique rivalise avec la technicité. Ces images sont reproduites dans la presse, sur les emballages ou encore dans les albums offerts aux enfants. La reconnaissance, aujourd’hui encore, de l’ancienne chocolaterie comme un ensemble architectural exceptionnel, emblématique de l’architecture industrielle, atteste de l’intelligence de leur vision.

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Sources et bibliographie

Sources

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Armengaud Jacques,

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Chabat Pierre, La brique et la terre cuite, Paris, Vve A. Morel et Cie, 1881.

Collection ville de Noisiel, Inv. 2006-01-01.

Collection ville de Noisiel, Inv. 2021-02-19 : Logre Jules, Notes 1869-1871, notes manuscrites, Noisiel, 1869-1871.

Collection ville de Noisiel, Inv. 2021-02-20 : Logre Louis, Usine de Noisiel – Le Chocolat-Menier aux expositions de 1832 à 1936, notes manuscrites, Noisiel, 1936.

Collection ville de Noisiel, Inv. 2021-02-42 : Logre Louis, Noisiel – notes et renseignements divers, notes manuscrites, Noisiel, 1936.

Considère Armand, Le béton fretté et ses applications, Paris, Publications du journal Le Génie civil, 1907.

Durand Amédée, « Rapport fait par Amédée Durand, au nom d’une commission spécialisée des Comités des arts mécaniques, chimiques et économiques, sur l’établissement de MM. Menier et Adrien, situé à Noisiel-sur-Marne, près de Paris, et destiné à la pulvérisation en général, ainsi qu’à la fabrication en grand des chocolats, gruaux d’avoine et orges perlés », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, no 337, 1832a, p. 243-250.

Durand Amédée, « Rapport sur l’établissement de MM. Menier et Adrien, pour la pulvérisation en grand, par des moyens mécaniques, de diverses substances », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, no 336, 1832b, p. 195-196.

Hennebique François, « Le système Hennebique », Le béton armé. Organe des agents concessionnaires du système Hennebique, no 13, 1899.

La Vie parisienne, « Grandes industries de France – Usines Menier », 16 décembre 1865.

Le Temps, « Les grandes industries françaises – L’alimentation moderne », 29 juillet 1914.

Menier Émile, Catalogue commercial ou prix courant général…, Paris, Henri Plon, 1860.

Menier Gaston, Mémoires-souvenirs, manuscrit non édité, 1934.

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Saulnier Jules, « Usine Menier, à Noisiel (Seine-et-Marne). Décoration et détails de la construction en fer », Encyclopédie d’architecture. Revue mensuelle des travaux publics et particuliers, vol. 6, 1877, p. 91-93.

Saulnier Jules, « Habitation pour deux maisons ouvrières à Noisiel (Seine-et-Marne) », Encyclopédie d’architecture. Revue mensuelle des travaux publics et particuliers, vol. 4, 1875, p. 110.

Saulnier Jules, « Usine Menier, à Noisiel (Seine-et-Marne) », Encyclopédie d’architecture. Revue mensuelle des travaux publics et particuliers, vol. 3, 1874, p. 116-120.

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Valentin Marc, « Chocolat chaud, chocolat glacé ou l’histoire de la collaboration du chocolatier Émile Justin Menier et du frigoricien Charles Tellier », Notre département. La Seine-et-Marne, no 21, 1991, p. 50-53.

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Notes

1  Notamment Giedon, 1941 ; Ragon, 1971, p. 166-168, 221-222 ; Payen, 1978, p. 116-119, 240-243, 312-313, 326-327 ; Daumas, 1980 ; Loyer, 1983 ; Marrey, 1989, p. 44-45, 102 ; Marrey, 1991, p. 42-43. L’association Noisiel Ville d’Histoire s’est constituée en 1987 pour étudier et valoriser le patrimoine Menier.

2  La ferme du Buisson, acquise par Émile Menier en 1879, accueille aujourd’hui une scène nationale et plusieurs équipements culturels.

3  Notamment Piganiol, 1983 ; Michel, 1986, 1988 ; Jarrige, 1993.

4  Nous pensons notamment au nettoyage des parements du moulin Saulnier par électro-lessivage.

5  L’inscription du moulin Saulnier, du pavillon des Refroidissoirs, de la Cathédrale et du Pont hardi date de 1986. Le classement du moulin intervient en 1992. L’arrêté du 25 juin 2021 protège, quant à lui, une dizaine de bâtiments et divers éléments architecturaux et/ou techniques.

6  Restrictions dues aux contraintes de sécurité inhérentes au secret industriel et commercial et à l’absence de personnel affecté à la gestion des archives Menier.

7  L’inventaire du fonds, débuté dans les années 1980-1990 par Catherine Jarrige et Richard Jeandelle n’a jamais été achevé et, depuis, les archives ont été maintes fois déplacées sur le site.

8  Notamment des notices rédigées par Louis Logre, architecte de l’usine de Noisiel (1888-1936), entrées dans les collections municipales de la ville de Noisiel en 2021.

9  Durand, 1832a, p. 248.

10  Brutus Menier innove dans le domaine de la production de poudres pharmaceutiques et invente de nouveaux procédés mécaniques de pulvérisation des substances végétales et minérales.

11  Ibid., p. 250.

12  Il s’agit d’une eau-forte imprimée par Baujean d’après un dessin de Veyrenc dont un tirage par Ostervald l’aîné est conservé dans les collections de la Ville de Noisiel.

13  Collection ville de Noisiel, Inv. 2006-01-01.

14  Menier M.-V., 1853.

15  Il est reçu pharmacien le 29 mars 1853.

16  Émile Menier vend la part pharmaceutique de son entreprise et l’usine de Saint-Denis à la Pharmacie centrale de France en 1867.

17  Marrey, 1997, p. 104-105.

18  Louis Dominique Girard a développé le principe des turbines à eau de haute et basse chute.

19  Menier É., 1860.

20  Marrey, 1984. D’après l’auteur, Jules Saulnier aurait obtenu une bourse pour suivre les cours de l’École centrale des arts et manufactures de Paris, mais son nom n’y apparaît nulle part. Il suppose aussi qu’il aurait suivi les cours d’Eugène Viollet-le-Duc à la Petite école (devenue l’École nationale supérieure des arts décoratifs).

21  Si le passage de son frère Émile est attesté dans cet atelier, rien ne confirme que Jules l’ait été aussi.

22  Baudot, 1865, p. 177.

23  Le site est protégé au titre des monuments historiques par arrêté du 17 novembre 1994. Sont conservés en particulier, outre la cheminée, le bâtiment de direction, le pavillon du gardien et un atelier.

24  Turgan, 1868.

25  Ibid.

26  Saulnier, 1874.

27  Turgan, 1868.

28  La vie parisienne, 1865.

29  Saulnier, 1874, p. 118.

30  Il l’appelle « bâtiment sur l’eau ».

31  Payen, 1978 ; Loyer, 1983 ; Marrey, 1989.

32  Fargues, 2004.

33  Sur l’histoire d’Armand Moisant et de sa société, voir l’article de Marina Gasnier dans le présent numéro.

34  La ferme du Buisson est pourvue d’édifices fonctionnels dont l’esthétique fait écho à ceux de la chocolaterie.

35  Saulnier, 1877, p. 92.

36  Saulnier, 1874.

37  Saulnier, 1877.

38  Dollfus a fondé la Société mulhousienne des cités ouvrières en 1853 pour améliorer l’habitat des ouvriers du textile.

39  Avant de définir le projet de la cité Menier, Gaston Menier et Jules Logre visitent plusieurs sites en Europe, dont la cité de Mulhouse.

40  Ce procédé avait déjà été mis en œuvre par Jules Saulnier lors des travaux des années 1860.

41  Saulnier, 1874.

42  Ibid.

43  Charles Armengaud, dit Armengaud jeune, ingénieur-conseil à la tête d’un cabinet de consultation de brevets, et dirigeant avec son frère aîné, Jacques-Eugène, de la revue Le Génie industriel.

44  Menier G., 1934.

45  Logre J., 1869-1871.

46  Menier G., 1934.

47  Turbines hydropneumatiques, 1871 et 1875.

48  Barrage Desfontaines, 1869-1872.

49  Initialement envisagé à Chelles, le raccordement sera fait à Émerainville-Pontault, sur la ligne Paris-Belfort.

50  Discours d’Henri Menier, maire, lors du Conseil municipal du 24 avril 1908.

51  Hypolite Desboeuf entre à l’usine en 1844 et la dirige de 1853 à 1900.

52  Émile Menier est maire de 1871 à 1881, puis Henri (1881-1913), Gaston (1913-1934), Jacques (1934-1945) et Antoine (1945-1959).

53  Louis Logre ne figure pas sur la liste des élèves architectes de l’École des beaux-arts de Paris, mais il est possible qu’il y ait suivi des cours dans les années 1887-1888. Aucun document évoquant sa formation initiale n’est connu à ce jour.

54  Plusieurs de ces notes et carnets sont aujourd’hui conservés dans les collections de la ville de Noisiel.

55  Louis Logre est adjoint au maire de 1908 à 1936.

56  Valentin, 1991.

57  Il s’agit d’un système de production de froid par détente d’air comprimé.

58  Fabrication par la société Baudet Donon et Cie, fondée en 1878 et spécialisée dans la construction métallique.

59  Nous pensons à la villa d’Albert Menier à Neuilly-sur-Seine (1884), au château d’Henri à Anticosti (1900-1905) et à la villa de Gaston à Lamorlaye (1912).

60  Propriétaires de plantations de cacao au Nicaragua et proches de l’oligarchie dirigeante, Émile Menier, puis Gaston, sont nommés commissaires du pavillon du Nicaragua pour les expositions universelles de 1867, 1878 et 1889.

61  Menier G., 1934.

62  Régulièrement proposée à la visite des industriels, ingénieurs, commerçants et politiques dès les années 1850, la chocolaterie Menier ouvre ses portes au grand public, notamment à l’occasion des Expositions universelles dès la fin du xixe siècle.

63  La mairie, construite en 1861 dans un village d’une centaine d’habitants, ne répond plus aux besoins d’une population en constante augmentation depuis la création de la cité ouvrière. Elle sera d’ailleurs démolie, à l’instar du reste du village, pour permettre l’agrandissement de l’usine.

64  Lucien, centralien, entre à l’usine comme ingénieur en 1892 et la dirige à partir de 1908.

65  Menier G., 1934.

66  Considère, 1907.

67  François Hennebique invente vers 1890 un système d’éléments modulaires de métal et de béton, solidarisés par des étriers.

68  Cette appellation est certainement postérieure au fonctionnement de l’édifice. Elle ne figure sur aucune archive de la période Menier. Il est probable qu’elle émane des salariés de Rowntree-Mackintosh (1978-1988), impressionnés par son volume (Daumas, 1980).

69  Archives privées Menier/Nestlé : Dossier « Passerelles d’amont et d’aval », 1905-1906.

70  Projet souvent attribué à Gustave Eiffel sans qu’aucune archive ne l’atteste.

71  Le Temps, 1914.

72  Les Menier ont mal estimé les capacités de développement de leur entreprise et l’impact de la concurrence suisse et belge sur le marché français.

73  Ibid.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Jean-Jérôme Baugean, Vue du moulin de Noisiel sur la Marne au-dessus de Lagny, gravure à l’eau-forte, 1817, d’après Veyrenc, imprimé par Ostervald l’Aîné.
Crédits Collection ville de Noisiel.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 311k
Titre Fig. 2 – Jules Pérot, Fabrique et usine hydraulique de Noisiel-sur-Marne (vue d’amont), lithographie extraite de Prix courant général, 1860.
Légende Collection ville de Noisiel.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 301k
Titre Fig. 3 – Carl Josef Kuwasseg, Le moulin de Noisiel, huile sur toile, 1847.
Légende Collection ville de Noisiel.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 292k
Titre Fig. 4 – Théodore Müller, Usine de Noisiel pour la fabrication du chocolat Menier, lithographie extraite Julien Turgan, Les grandes usines, 1868.
Crédits Collection ville de Noisiel.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 391k
Titre Fig. 5 – Sahandier, L’Ossature du moulin Saulnier, dessin, 1871.
Crédits Collection Nestlé France.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 298k
Titre Fig. 6 – Façades nord et ouest du moulin Saulnier, vue depuis le sommet de la Cathédrale.
Crédits Philippe Ayrault, Région Île-de-France, 2020.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 405k
Titre Fig. 7 – Le pavillon des Refroidissoirs.
Crédits Laurent Kruszyk, Région Île-de-France, 2020.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 142k
Titre Fig. 8 – Intérieur du pavillon des Refroidissoirs.
Crédits Stéphane Asseline, Région Île-de-France, 2020.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 307k
Titre Fig. 9 – La Cathédrale et le Pont hardi.
Crédits Philippe Ayrault, Région Île-de-France, 2020.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 257k
Titre Fig. 10 – Le Pont hardi.
Crédits Stéphane Asseline, Région Île-de-France, 2020.
URL http://journals.openedition.org/artefact/docannexe/image/18652/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 246k
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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Barbara, « Noisiel : l’architecte, l’ingénieur, l’entrepreneur et l’usine »Artefact, 23 | 2025, 99-128.

Référence électronique

Anne Barbara, « Noisiel : l’architecte, l’ingénieur, l’entrepreneur et l’usine »Artefact [En ligne], 23 | 2025, mis en ligne le 01 novembre 2025, consulté le 07 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/artefact/18652 ; DOI : https://doi.org/10.4000/152yt

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Auteur

Anne Barbara

Anne Barbara est attachée principale de conservation du patrimoine. Elle dirige depuis 2001 le Service patrimoine de la ville Noisiel, en charge de la mise en œuvre du label Ville et Pays d’art et d’histoire. Elle assure également la conservation d’archives liées à la chocolaterie et a effectué le récolement des archives Menier conservées par la société Nestlé France à Noisiel. Elle s’est spécialisée dans l’histoire des industriels Menier et du chocolat. Elle a publié Noisiel et ses environs (Allan Sutton, 2001). Elle est également l’autrice de nombreuses publications de vulgarisation, notamment dans la collection « Carnets du patrimoine » (ville de Noisiel) : La cité Menier (2010), La ferme du Buisson (2013), Le parc de Noisiel (2014), La chocolaterie Menier (2015) et dans la collection « Focus », Fantaisies industrielles (2020), Imaginaire du Chocolat-Menier (2022).

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont susceptibles d’être soumis à des autorisations d’usage spécifiques.

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