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Positions de thèses

Accordéon diatonique : anthropologie, histoire, facture d’un instrument semi-industriel

Thèse d’arts vivants, dominante musique (ethnomusicologie), Nice, Université Côte d’Azur, sous la direction de Luc Charles-Dominique, soutenue le 3 décembre 2024
Raffaele Pinelli
p. 271-275

Texte intégral

1Issu des transferts culturels, dès son apparition à Vienne au début du xixe siècle, l’accordéon diatonique, instrument aérophone mécanique à soufflet (AMS) bisonore, se répandit rapidement dans le monde entier, assumant les noms (accordion, accordéon, armonica) et les caractéristiques organologiques donnés par les cultures qui l’ont adopté.

2Se distinguant très tôt de l’accordéon chromatique unisonore et se voyant confiné au milieu des musiques de tradition orale, l’accordéon diatonique devint, dans les années 1970, un emblème de l’instrumentarium revivaliste des musiques de tradition orale.

3Bénéficiant d’un regain d’intérêt, sa facture instrumentale fut alors relancée après des décennies de faible intensité, stimulant, notamment dans les sociétés occidentales, l’émergence à la fois de modèles singuliers et de nouveaux paradigmes musicaux favorisant, à leur tour, le passage du statut d’« instrument paysan » à celui d’instrument à part entière.

  • 1 Faukstad, 1978 ; Giannattasio, 1979.

4C’est en partant de ces constats, ainsi que de la forte indigence de la bibliographie scientifique sur l’instrument – seules deux monographies à caractère scientifique lui ont été consacrées1 –, que la recherche menée dans le cadre de cette thèse a été façonnée afin de répondre à trois grandes thématiques : l’histoire de l’accordéon diatonique et de sa facture, sa facture actuelle et ses acteurs, ainsi que les savoirs et savoir-faire techniques qui l’entourent et la façon dont se déroule leur transmission.

5La recherche, interdisciplinaire dans la méthode et autant diachronique que synchronique dans l’approche, s’appuie notamment sur une ethnographie, une ethnomusicologie et une anthropologie comparatives, ainsi que sur une multipolarité scientifique. Elle vise à mettre en exergue non seulement les processus et les évolutions, mais également les éléments de continuité et de rupture sur les plans historique, culturel et social, qui entourent l’accordéon diatonique, dans le but de saisir les différences dans les dimensions passée et actuelle. Pour ce faire, un corpus dense et hétérogène de sources protéiformes a été rassemblé, dont certaines inédites, et traitées de manière critique. Couvrant un arc temporel s’étendant du xviiie au xxie siècle, elles se subdivisent en sources écrites (primaires et secondaires), orales (directes et indirectes), matérielles (notamment des instruments de musique, outils et instruments de travail), iconographiques et audiovisuelles (directes et indirectes). Les investigations se sont déroulées à la fois dans les archives historiques et orales, les bibliothèques et les réserves des musées de société et d’instruments de musique et sur le terrain, notamment en France et en Italie, les deux pays protagonistes de cette récente « redécouverte » de l’accordéon diatonique. La recherche dans les archives s’est soldée par de nombreuses campagnes d’enquêtes in situ (France, Italie et Belgique) et ex situ (archives nationales numériques françaises, italiennes, états-uniennes, autrichiennes et britanniques). Elle a notamment permis d’identifier, en Italie, un corpus de 766 brevets inhérents aux AMS entre 1855 et 2014, dont le brevet du premier accordéon chromatique (1894, Giuseppe « Joseph » Galleazzi), permettant ainsi de remettre en question l’attribution classiquement admise au célèbre Paolo Soprani (1844-1918) et d’ouvrir le débat sur le rôle des États-Unis dans la facture instrumentale. L’enquête a également corroboré les informations de terrain à propos d’une production d’accordéons diatoniques de faible intensité au profit des accordéons chromatiques jusqu’à la fin des années 1970 et a contribué à éclairer la production industrielle italienne des AMS au xxe siècle et le commerce extérieur et intérieur. Sur le terrain, la recherche a abordé, en plus de certains musiciens et facteurs d’accordéons, certaines figures de la facture instrumentale jusqu’à présent ignorées par la recherche : les fabricants de soufflets et d’anches, les artisans et artisans-ouvriers, hommes et femmes.

6La première partie de cette thèse est consacrée à l’histoire innovante de l’accordéon diatonique. Dès le dépôt du premier brevet d’un instrument de la classe des AMS (Vienne, 1829), les artisans parisiens s’en emparèrent et en modifièrent l’organologie et l’esthétique, posant les bases d’une organisation manufacturière, dont les caractéristiques se retrouvent encore dans la facture actuelle des accordéons. C’est ainsi que plusieurs types d’accordéon bisonore, notamment français, virent le jour et attirèrent l’attention du public dans plusieurs régions et pays européens, comme en Italie du Nord et en Angleterre.

7Dès les années 1830-1840, on assista à la prolifération de prototypes dont les modifications apportées à l’organologie furent souvent stimulées par les demandes de personnalisation de la part des usagers. La recherche constante d’innovations organologiques permit ainsi aux facteurs de concevoir de nouveaux modèles et aux musiciens d’élargir l’éventail des répertoires à leur disposition.

8Cette « course à la nouveauté » favorisa l’émergence, dans les années 1890, des premiers prototypes d’accordéons unisonores. Ces modèles s’imposèrent dans les décennies suivantes, au détriment progressif des modèles précédents. Fabriqués par des milliers d’hommes et de femmes, employés tant dans les usines qu’à domicile, dans un écosystème complexe, fragmenté et diffus, sur des territoires de petites dimensions et dont les caractéristiques renvoient aux phénomènes proto-industriels, les accordéons italiens dominaient alors le marché mondial, marquant « l’âge d’or » du chromatique.

9Cependant, durant les années 1960, l’accordéon diatonique fut « redécouvert » par les militants des mouvements revivalistes de musiques et danses traditionnelles, dont il devint un emblème. C’est un Français d’origine italienne, Marc Perrone, qui, avec les Castagnari, facteurs d’accordéons italiens depuis plusieurs générations, relança la production de ce petit instrument sous le signe d’une alliance inédite entre musiciens et facteurs d’instruments. Au cœur de cette relance se trouvait un processus interdynamique animé par les demandes de personnalisations organologiques avancées par les musiciens pour répondre à leurs besoins créatifs et techniques, impliquant, outre ces musiciens, les facteurs d’accordéons (les médiateurs de ce processus) ainsi que les fabricants de soufflets et d’anches.

10La deuxième partie de la thèse questionne la facture instrumentale dans chacune des sous-branches composant la « fabrique des accordéons », à travers l’examen de différents cas d’étude contemporains. Il s’agit d’entreprises en majorité italiennes (Binci, Castagnari, Galassi, Marconi, Marincioni, Voci Armoniche), dont on aborde également l’histoire et les trajectoires de certains acteurs. Examinés à travers le prisme de la chaîne opératoire, les processus techniques dévoilent la complexité de cette branche de la facture instrumentale et font émerger plusieurs éléments : les interactions potentielles entre les acteurs de la même sous-branche, de sous-branches différentes, ainsi qu’entre ces acteurs et les musiciens ; la division sexuée du travail mettant en lumière l’apport fondamental des femmes à la facture des accordéons ; les lieux où les actions techniques se déroulent, ainsi que les outils et les machines-outils qui y sont installés.

11La troisième partie de la thèse aborde les modes de création, de transmission et d’apprentissage oraux des savoirs et savoir-faire techniques entourant la fabrique des accordéons, dont on examine les rapports entre « maître(s) » et « apprenti(s) », ainsi que certaines formes de technographies. De plus, elle présente les résultats d’une expérience de recherche-action collaborative issue des aléas découlant de ces modes de transmission et aboutissant à la réalisation de la première nomenclature multilingue de cet instrument et de ses pièces, donnant lieu à un corpus de 815 occurrences, élaborée en collaboration avec certains des facteurs d’accordéons, d’anches, de soufflets et accordeurs français et italiens les plus représentatifs.

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Sources et bibliographie

Faukstad Jon, Ein-raderen i norsk folkemusikk: historikk, bruk og repertoar, Oslo, Universitetsforlaget, 1978.

Giannattasio Francesco, L’Organetto. Uno strumento musicale contadino dell’era industriale, Roma, Bulzoni, 1979.

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Notes

1 Faukstad, 1978 ; Giannattasio, 1979.

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Pour citer cet article

Référence papier

Raffaele Pinelli, « Accordéon diatonique : anthropologie, histoire, facture d’un instrument semi-industriel »Artefact, 23 | 2025, 271-275.

Référence électronique

Raffaele Pinelli, « Accordéon diatonique : anthropologie, histoire, facture d’un instrument semi-industriel »Artefact [En ligne], 23 | 2025, mis en ligne le 01 novembre 2025, consulté le 07 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/artefact/19044 ; DOI : https://doi.org/10.4000/152yx

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Auteur

Raffaele Pinelli

Raffaele Pinelli est docteur en ethnomusicologie, associé au Laboratoire LIRCES – UPR 3159, Université Côte d’Azur.

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Droits d’auteur

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