• 1 Ces dépôts font l’objet d’une notice approfondie dans le Corpus des trésors monétaires antiques de (...)

3Une séance a été consacrée à la lecture critique, par Michel Amandry, de l’ouvrage de W. Metcalf, The Later Republican Cistophori, New York, 2017, le jeudi 24 mai 2018. Deux mises au point ont été effectuées sur les découvertes monétaires de Pompéi et les monnayages du Millénaire de Rome (248 apr. J.-C.), les jeudis 17 et 31 mai 2018. Laurent Schmitt est intervenu à la séance du 25 janvier pour présenter le dossier des deux dépôts monétaires d’aurei mis au jour à Lutetia, chef-lieu de la cité des Parisii (dépôts du lycée Henri IV et du boulevard Saint-Michel1).

• 2 On consultera avec profit le catalogue de l’exposition, aux notices richement illustrées : M. Aviss (...)

6Du 1^er juillet 2017 au 21 janvier 2018, s’est tenue au musée départemental Arles antique une exposition intitulée : Le luxe dans l’Antiquité. Trésors de la Bibliothèque nationale de France2. À la suite d’une communication donnée les 16-17 octobre 2017 au colloque accompagnant l’exposition, le premier semestre a été consacré aux dépôts monétaires et aux aurei mis au jour en Gaule entre le i^er s. av. au v^e s. apr. J.-C, avec une attention particulière portée aux contextes des découvertes.

• 3 Le terme « trésor » se révèle inapproprié, et l’on préférera, avec Gérard Aubin, employer celui de (...)
• 4 A.-L. Brives, C. Chevillot, « Une sépulture privilégiée chez les Pétrucores : un nouveau témoin de (...)
• 5 Il convient de compléter la lecture de cet ouvrage avec le double article du même auteur, rarement (...)
• 6 C. Găzdac, « War and peace! Patterns of violence trough coin hoards distribution », Istros, 18, 201 (...)
• 7 S. Moorhead, A. Booth, R. Bland, The Frome Hoard, Londres, 2010.

7Après avoir engagé des discussions terminologiques sur la notion de trésor3, ont été passés en revue les principaux dépôts trouvés en Gaule attestant l’accumulation de richesses importantes et ayant fait l’objet de publications détaillées : trésors de Berthouville (statues et vaisselle en argent massif), de Rennes (aurei, patère et fibule cruciforme en or), de Naix-aux-Forges (aurei, bijoux, éléments divers) pour ne citer qu’eux. Une sépulture privilégiée découverte dans un tombeau monumental en contexte rural chez les Pétrucores a également été présentée et analysée en détail4, certains éléments du mobilier faisant écho directement à des objets mis au jour dans le dépôt de Naix-aux-Forges. Le séminaire a ensuite emprunté un virage historiographique à travers la lecture et l’analyse de plusieurs ouvrages et articles d’Adrien Blanchet (1866-1957). À cette occasion, la fameuse théorie selon laquelle les dépôts monétaires auraient été majoritairement enfouis en réaction face aux invasions « barbares » a été discutée et nuancée. Si la thèse défendue par Adrien Blanchet dans Les trésors de monnaies romaines et les invasions germaniques en Gaule, Paris, 19005 ne peut désormais plus servir de clé de lecture unique, elle ne doit cependant pas être rejetée comme l’ont montré plusieurs études récentes de Christian Găzdac, Johan van Heesch ou François de Callataÿ6. Ces auteurs récusent chacun à leur manière et à travers des dossiers différents l’hypothèse ritualiste des enfouissements qui s’impose de manière parfois exclusive dans le monde anglo-saxon, en particulier sous la plume de Sam Moorhead dans son travail sur le trésor de Frome (Somerset)7. Au terme de ce cycle de travaux, un cas d’étude précis a été abordé. Il concerne la concentration (relative) de découvertes d’aurei de l’empereur Caligula et des empereurs dits « gaulois » sur le territoire de la cité des Éduens, en particulier autour d’Autun-Augustodunum. Cette recherche en cours fera l’objet d’une publication courant 2020.

• 8 I. Touratsoglou, Die Münzstätte von Thessaloniki in der römischen Kaiserzeit, Berlin, 1988 (désorma (...)
• 9 A. Hostein, J. Mairat, Roman Provincial Coinage. Volume IX. From Trajan Decius to Uranius Antoninus (...)
• 10 H. Gaebler, Die antiken Münzen von Makedonia und Paionia, III. 1, Berlin, 1906, p. 26-74 (publié da (...)
• 11 En attendant ce nouveau corpus, on lira l’article préliminaire de K. Liampi, « Die Münzprägung des (...)
• 12 Ainsi, dans RPC IX, p. 141, il convient d’ajouter la mention in field MHT et dans RPC IX, p. 144 in (...)

8Au second semestre, le séminaire a porté sur le monnayage de Thessalonique au iii^e siècle. L’histoire de la ville ainsi que les découvertes archéologiques récentes ont permis de planter le cadre de l’étude numismatique à proprement parler qui s’est fondée sur l’ouvrage de référence du numismate grec Iannis Touratsoglou8 ainsi que sur la notice que nous avons consacrée à l’atelier dans le neuvième volume du Roman Provincial Coinage9. La production de l’atelier a été replacée dans le contexte des émissions macédonienne du Haut-Empire. Une attention particulière a été portée aux séries abondantes frappées par le koinon, séries éditées par H. Gaebler en 190610 et qui devraient faire l’objet d’une étude renouvelée par K. Liampi11. Plusieurs corrections ont pu être apportées aux notices du RPC IX12.

• 13 Le titre fait l’objet d’une étude complète et détaillée, cité par cité, par B. Burrell, Neokoroi. G (...)

9La discussion a porté sur la question épineuse des quatre néocories de Thessalonique. À l’époque impériale, une néocorie était le nom donné au privilège qui consistait pour une cité à abriter en son sein un temple du culte impérial de rang provincial13. Ce privilège ne pouvait découler que d’une décision prise en haut lieu, émanant du prince en personne. Par les concours et cérémonies qui étaient associées à chaque temple néocore, ce statut était très recherché car source de profits et de grand prestige pour les villes qui en jouissaient.

• 14 Sur la seconde néocorie octroyée à Béroia par Gordien III, après une histoire mouvementée sous Élag (...)
• 15 Sur cette première néocorie : Burrell, Neokoroi, p. 198-199. Sur ces concours connus grâce à une in (...)

10En Macédoine, au milieu du iii^e siècle, seules deux cités bénéficient de ce privilège : Béroia d’abord, ville où siègent chaque année les délégués du koinon, qui dispose de deux néocories sous Gordien III14 ; Thessalonique ensuite, qui reçoit de ce même prince à l’occasion de son expeditio Orientalis, c’est-à-dire vers 240-241, une première néocorie, privilège auquel le prince associe celui d’organiser des concours pentétériques appelés Pythia, attestés épigraphiquement en 252-25315.

• 16 RPC IX, 141 (= Touratsoglou, Thessaloniki, n^o 1) — P. 1498, 26 mm, 7.95 g, 1h. Dr. ΑΥΤ ΚΑΙC ΚΥΙΝ ΔΕ (...)

12Inaugurant les émissions frappées au nom de l’empereur Trajan Dèce, cette monnaie date des premiers mois du règne, c’est-à-dire de l’automne 249, en raison de l’inversion ΔEKIOC TPAIANOC (au lieu de TPAIANOC ΔEKIOC) dans la titulature du prince16. Par la suite, la quatrième néocorie est mentionnée sur les légendes de tous les revers émis au nom de Trajan Dèce. A contrario, sous Valérien (253-260), les légendes monétaires et les inscriptions lapidaires n’indiquent plus que deux néocories.

• 27 IG, X, 2.1, p. 70 : « Inde ab incerto anno imperatoris Philippi Arabis, non autem posteriore a. 246 (...)

16Si l’on s’en tient aux informations données par ces textes et en admettant que les stèles honorifiques étaient érigées au moment de la sortie de fonction (ou peu après, dans des délais raisonnables de quelques mois, comme c’est généralement l’usage dans les cités du monde romain), Thessalonique aurait donc reçu simultanément les titres de métropole, de colonie ainsi que trois nouvelles néocories en 246/7 au plus tôt, et au plus tard l’année suivante en 247/8. C’est le scénario retenu par Charles Edson, l’éditeur du volume X.2 des Inscriptiones Graecae, qui s’appuie sur le témoignage livré par IG, X, 2.1, 16227.

• 28 Burrell, Neokoroi, p. 200.
• 29 IG, X, 2.1, p. 150.
• 30 Ziegler, Thessalonike, p. 385-401.

17L’avis des numismates, comme signalé supra, diverge sur ce point. Le commentaire du dossier par Barbara Burrell dans son ouvrage déjà cité offre une bonne synthèse des positions des uns et des autres28. L’auteur relève d’abord à juste titre l’importance des inscriptions lapidaires pour l’étude de la quatrième néocorie de Thessalonique. Elle ignore cependant l’existence d’un autre document contemporain, la dédicace par les autorités de la ville d’une statue érigée en l’honneur du stolarque (officier de marine) Tiberius Claudius Magnus, vir egregius. Ce texte fait mention aux lignes 9-10 des quatre néocories de Thessalonique29. Barbara Burrell relève alors une contradiction apparente entre ces témoignages et celui des monnaies, du fait qu’aucune légende de revers datée du règne de Philippe l’Arabe ne mentionne quatre néocories alors même que l’émission inaugurale de Trajan Dèce en fait état. Pour sortir de cette impasse, Barbara Burrell suggère que la date d’exercice de la prêtrise indiquée sur les pierres soit dissociée de celle de l’érection même de ces stèles honorifiques et de la gravure des textes, différées de plusieurs années après la sortie de charge des jeunes gens concernés. Elle suit là une proposition formulée en son temps par Ruprecht Ziegler30 qui fondait son argumentation sur le cas particulier de l’inscription IG, X, 2.1, 163, qui date l’exercice de la prêtrise (et de l’éphébarchie) par un certain Marinianus Philippus III de l’an 248-249, tout en signalant plus loin qu’une seconde fonction officielle, la politarchie en l’occurrence, lui fut octroyée l’année suivante en 249-250. Le texte de cette dédicace peut être retranscrit comme suit :

• 31 Sur le personnage, voir PIR² A 408 (il est qualifié de quaestor provinciae Macedoniae et fils de PI (...)

20Quant à l’inscription IG, X, 2.1, 163, son formulaire ne dit pas autre chose. Il révèle au lecteur que l’année même où le jeune Marinianus Philippus III était honoré à sa sortie de charge par son aïeul maternel, Aurelius Isidoros, comme c’était l’usage, celui-ci revêtait en plus une charge nouvelle et importante, celle de πολιάρχης, au moment où son propre père homonyme endossait la double fonction de prêtre du culte impérial local et d’agonothète des jeux civiques. La fierté et la continuité généalogique, associant dans un même honneur trois générations de dirigeants locaux, s’exprime ici avec un éclat particulier. Et ce trait explique le caractère singulier du texte. À la lecture de la dernière colonne du tableau placé en appendice, on mesure en effet combien cette inscription, aussi bien dans sa forme que dans son contenu, demeure exceptionnelle. Ces nombreux traits originaux reflètent la position prédominante de cette famille dans le jeu des institutions locales de Thessalonique au cours de l’année 249/250 et au-delà. Ne serait-il pas permis, du moins à titre d’hypothèse, d’interpréter cette concentration de pouvoirs et de prestige comme une conséquence des événements intervenus dans les Balkans au cours de l’année 249 (usurpations de Pacatien puis de Trajan Dèce avant l’élimination de Philippe) ? Plaiderait peut-être en faveur de cette interprétation l’inscription IG, X, 2.1, 149, qui établit un lien incontestable entre les chefs de cette famille et des officiels romains en poste à Thessalonique au milieu du iii^e siècle. Le même Aurelius Isidoros, cité supra, y apparaît comme le dédicataire d’une statue en l’honneur d’un individu dont il se proclame le φίλος (au sens institutionnel du terme, comme équivalent de l’amicus latin). Cet individu, qualifié de κράτιστος et appelé Aemilius Sullectinus, est alors questeur (ταμίας) de la province de Macédoine31.

• 32 Il convient ici de rappeler que sous les Sévères, seules Pergame et Éphèse avaient pu obtenir trois (...)
• 33 Ziegler, Thessalonike, p. 392-393 et Burrell, Neokoroi, p. 200. On peut également citer en ce sens (...)

21Pour conclure, au regard des observations et des analyses fondées sur une mise en série ainsi que sur une contextualisation de la documentation, les inscriptions des sacerdotes divi Fulvi étaient certainement érigées l’année suivant l’exercice de la prêtrise et de l’agonothésie, la notion d’année devant être entendue ici au sens large c’est-à-dire entre quelques mois et un peu plus d’un an révolu, mais guère plus. Cela signifie donc que la quatrième néocorie de Thessalonique ainsi que les titres / statuts de colonie et de métropole ont été au plus tard octroyés à la cité, d’après IG, X, 2.1, 162, entre septembre 247 et début 249, par l’empereur Philippe l’Arabe. Les raisons pour lesquelles de tels honneurs32 ont pu être accordés à cette date nous échappent, tout comme on ignore quand et pourquoi la cité perdit deux néocories sur quatre au plus tard au moment de l’avènement de Valérien. La question demeure ouverte même si, à titre d’hypothèse et à la suite des travaux de Barbara Burrell, de Ruprecht Ziegler et de plusieurs de leurs prédécesseurs, il convient certainement d’établir un lien entre ce privilège exorbitant et le rôle joué par Thessalonique dans les affaires militaires des Balkans, alors que la menace gothique se faisait plus pressante et que le pouvoir impérial ne pouvait se priver de l’appui d’un port aussi important pour la logistique des opérations armées33.