Grecs et Égyptiens à Alexandrie et à Canope (fin IVe-IIIe siècles av. J.-C.)
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I. Archéologie et histoire de la région de Canope I. Le temple égyptien de « Taposiris la petite » et la localisation de Canope
1La branche la plus occidentale du Delta du Nil terminait sa course vers la mer quelques kilomètres à l’est de l’actuelle péninsule d’Aboukir, dans les eaux de la baie homonyme. Parmi les villes et les sanctuaires importants de cette région, Canope et Héracleion constituèrent l’avant-poste de la culture traditionnelle indigène face à la nouvelle capitale du pays, Alexandrie. Malheureusement, les destructions profondes que la nature et l’activité humaine ont opérées dans ce territoire ont toujours rendu difficile, voire impossible, l’étude des vestiges archéologiques locaux. Durant ces deux dernières décennies, la reprise des études et des activités archéologiques a permis de préciser nos connaissances autour de cette région maltraitée. Les sites engloutis d’Héracleion et de Canope ont restitué des documents précieux pour la reconstruction de l’histoire et des cultes locaux, tandis que l’îlot de Nelson, situé en face de ces deux villes, a livré les restes d’une nécropole de la dernière période pharaonique et d’une importante fondation grecque méconnue de la première période lagide. En outre, la découverte de vieux dossiers de fouilles jamais publiés permet de localiser et d’étudier d’autres vestiges et sanctuaires terrestres aujourd’hui disparus. La portée de ces découvertes modifie profondément nos connaissances, qui nécessitent une nouvelle mise à point. Depuis toujours, la communauté savante identifie le centre de l’ancienne ville de Canope avec les restes archéologiques situés près de Fort Tawfiq / Ma’amoura nord. Entre 2001 et 2007 nous avons mis en doute cette localisation dans plusieurs articles. Aujourd’hui, le témoignage retrouvé d’un philosophe alexandrin qui a vécu au ve siècle de notre ère, et l’existence d’un temple méconnu de style égyptien sur la côte occidentale de la presqu’île d’Aboukir, semblent confirmer que la ville de Canope gît sous les eaux de la baie d’Aboukir, et que les ruines de Ma’amoura nord et sud sont vraisemblablement les restes de « Taposiris la petite », localité que Strabon place à l’est d’Alexandrie sur la route de terre.
II. Archéologie et histoire de la région de Canope II. Les colons d’Alexandre à Canope : les fouilles archéologiques de l’île de Nelson (baie d’Aboukir, Alexandrie)
2Les fouilles de l’université de Turin sur l’île de Nelson dans la baie d’Aboukir (ancienne région de Canope) ont restitué les vestiges de la seule fondation macédonienne sur la côte alexandrine dont les restes soient bien préservés. Dans la région d’Alexandrie, la période complexe qui sépare la fin de l’époque pharaonique de la première époque lagide (fin ive siècle av. J.-C.) a laissé très peu de traces matérielles, et la métropole lagide même est particulièrement avare dans la restitution de vestiges archéologiques rattachables aux niveaux de sa fondation. Par conséquent, les découvertes de l’île de Nelson comblent en partie cette absence de documentation et permettent de progresser sensiblement dans la connaissance de l’archéologie et de l’histoire d’Alexandrie et sa chorâ, en nous révélant la culture matérielle des premiers colons grecs qui s’installent en Égypte après la conquête macédonienne, mais aussi en éclairant d’une lumière neuve l’impact qu’ils exercent sur les habitants égyptiens de la côte alexandrine. Les données archéologiques montrent que les Égyptiens, après avoir utilisé ce site comme nécropole pendant deux siècles, sont chassés par les colons d’Alexandre et de Ptolémée Ier, qui bâtissent leurs maisons, temples et citernes sur les anciennes tombes, en les détruisant si besoin est.
III. La création d’Alexandrie et les Égyptiens : l’imaginaire collectif face aux sources archéologiques
3Mêlés aux vestiges grecs et romains, Alexandrie a restitué un nombre considérable de monuments égyptiens ou égyptisants, que les fouilles de ces dernières décennies ont accrus sensiblement. L'omniprésence de pierres pharaoniques ou de tradition pharaonique dans le contexte urbain est la raison principale de la vague d'études récentes qui tendent à accorder à la culture indigène un rôle beaucoup plus marqué et précoce qu'on ne le pensait, tant dans la formation du faciès monumental de la ville, que dans la formation du nouveau panthéon citadin. La fonction que les Égyptiens et les « Grecs d'Égypte » auraient pu avoir dans la grande ville pendant les premières phases de son développement, mérite donc une considération particulière à la lumière des nouvelles découvertes et études. Au cours de cette conférence nous avons montré, avec l’appui de la documentation archéologique, que l'égyptianisation de la société et des mœurs alexandrines représente un phénomène indéniable, mais lent et progressif, et qui ne semble pas avoir touché particulièrement le règne des trois premiers souverains lagides ; même durant les époques suivantes, elle ne semble pas avoir atteint des proportions massives, restant bornée essentiellement aux croyances funéraires et aux cultes populaires.
IV. L’Égypte dans les temples d’Alexandrie et de Canope
4L’étude des archives anciennes et le réexamen de rapports de fouilles inédits ou mal publiés ont permis d’avancer dans la compréhension de la place et de la signification que les monuments égyptiens et égyptisants eurent dans l’apparat monumental des deux temples de la Capitale lagide, mais aussi dans les sanctuaires près de la péninsule voisine d’Aboukir (les soi-disant Iseum et Serapeum de Canope). Ces recherches semblent suggérer que l’introduction massive de l’élément égyptisant date de l’époque romaine. Le décor égyptisant et les pastiches gréco-égyptiens présents dans les temples de la région alexandrine pourraient, donc, être interprétés comme un « phénomène de retour » dû à l’influence des Isea et Serapea en Occident à l’époque impériale.
Pour citer cet article
Référence papier
Paolo Gallo, « Grecs et Égyptiens à Alexandrie et à Canope (fin IVe-IIIe siècles av. J.-C.) », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 156 | 2025, 144-145.
Référence électronique
Paolo Gallo, « Grecs et Égyptiens à Alexandrie et à Canope (fin IVe-IIIe siècles av. J.-C.) », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 156 | 2025, mis en ligne le 02 avril 2025, consulté le 16 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/ashp/7895 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13mt2
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