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Résumés des conférences

Numismatique et économie monétaire de l’Occident médiéval et moderne

Marc Bompaire
p. 270-290

Résumé

Programme des années 2021-2022, 2022-2023 et 2023-2024 : I. Or et argent : métaux et monnaies dans le monde franc. — II. Émissions et pratiques monétaires au XVe siècle au vu des sources comptables et monétaires. — III. Actualités de la recherche en numismatique et histoire monétaire du Moyen Âge ; I. Métaux, mines et monnaies dans le monde franc. — II. La monnaie au XVe siècle en France. — III. Actualité de la recherche de numismatique et d’histoire monétaire ; I. Actualité de la recherche. — II. Thésaurisations monétaires publiques et privées au Moyen Âge. — III. Monnaies et pratiques monétaires en temps de mutations XIVe-XVe siècles.

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Texte intégral

1Les conférences des années 2021-2022 à 2023-2024 ont débuté par des séances plus particulièrement destinées à des étudiants de master.

2En fonction de l’actualité des séances ont été ponctuellement consacrées à des monnaies ou des documents signalés ou présentés par les participants au séminaire. Des pièces de Charles comte de la Marche ou des oboles d’Agen au xive siècle, mais aussi un dossier inédit de diapositives de fragments de moules et de monnaies du iiie siècle trouvées au xixe siècle à Damery (Marne) qui figuraient dans une collection dispersée depuis a été communiqué par M. Hourlier. Des trésors en cours d’étude et particulièrement remarquables ont été présentés notamment par Arnaud Clairand (Xaintray, Deux-Sèvres) et Thibault Cardon (Guérande, Loire-Atlantique) et le cas du trésor de Sarepta (Liban) présenté par Hassan Al Akra est développé ci-dessous § II. Des documents y ont également été présentés : Jacques Paviot a montré tout l’intérêt monétaire du compte d’Oudart Douai (portant sur 200 000 francs) concernant la rançon de Nicopolis de 100 000 florins, qui fut financée par des prêts de marchands italiens, remboursés avec 25 % d’intérêts, par des envois en numéraire transportés avec sauf conduit et changés à Venise ou, en partie convertis en ducats à l’atelier de Venise (9 600 écus soit 38 kg d’or), alors que celui-ci frappait environ deux tonnes de ducats par an. Le détail des frais du voyage de retour de Venise vers Bruges permet de décrire les différentes zones monétaires concernées.

  • 1 A. Clairand, Monnaies royales françaises.

3De même la présentation par A. Clairand de son livre1 sur les monnaies royales depuis Louis XIII a débouché sur l’organisation d’une demi-journée d’études sur les pratiques de classification des monnaies.

4L’apparition en vente d’un exemplaire de royal d’or attribué à Charles IV de poids léger (3,80 g et non 4,2 g) a fourni l’occasion au directeur d’études de reprendre le dossier des royaux d’or brièvement frappés par Charles V au poids de 3,88 g et considérés comme non retrouvés par les ouvrages de référence numismatiques en dépit de propositions étayées de considérer que ces pièces reprenaient le type du royal de Charles IV et non celui du royal frappé par Jean II en 1358-1360 à un poids inférieur (3,6 g). Il apparaît que 6 exemplaires de ces royaux dont notamment les 3 exemplaires de la BNF présentés par Jean-Yves Kind ont pu être réunis et qu’ils présentent les mêmes variations de légende, de ponctuation et de représentation par rapport aux royaux de Charles IV. Cette réattribution a été validée lors de la vente quelque mois plus tard d’un nouvel exemplaire par un marchand bien informé des travaux du séminaire.

5Cette étude a fourni l’occasion de réfléchir à la mémoire des types monétaires et aux modalités de leur choix par les rois, leur conseil et l’administration monétaire. Un texte du directeur d’études à paraître dans un volume de Mélanges synthétise le panorama ainsi proposé pour monnaies d’or royales de Louis IX à Charles VII dont le royal créé en septembre 1429 semble par exemple faire écho au sacre sans qu’aucune source n’y fasse explicitement allusion ni dans les mandements monétaires ni dans sources contemporaines ; de même la création du salut d’or en 1421 pourrait être rapprochée de la grossesse de Catherine de France dans une lecture politique des choix de types monétaires ou de leurs noms comme le franc qui fait écho au noble anglais et à d’autres pièce contemporaines, comme le fort ou le hardi aquitains voire le gentil portugais.

  • 2 BNF ms. fr. 5840, Dupuy 956 Marucelliana.

6La présentation par le directeur d’études d’une communication sur les monnaies de Béarn figurant dans les listes de changeurs médiévaux a donné une occasion de présenter ces listes de valeur des monnaies en étudiant notamment comment apparaît évolue et disparaît la distinction entre écus « neufs » et écus « vieux » au xve siècle, jusqu’à l’introduction de l’écu soleil en 1474. Le rachat des villes de la Somme à la suite de la Paix d’Arras de 1435 précise par exemple la distinction entre d’une part des écus (vieux) de 64 au marc à 24 carats avec ¼ de carat de remède (émission de 1411) et des écus (neufs) plus légers, de 72 au marc et à 22 k ½ au moins. D’autres pièces étant prises à des valeurs définies comme en particulier les écus de Toulouse des années 1420-1430 également taillés à 64 au marc mais de titre limité, à 22 carats, ou parfois des écus de Tournai, et seulement dans des listes de changeurs des années 14302 des distinctions plus fines pour les pièces aux titres les plus affaiblis.

7Les enquêtes récurrentes ont été poursuivies avec la présentation de nouveaux piéforts dont un piéfort attribuable à Louis IX plutôt qu’à Louis VII, qui fera l’objet d’une publication spécifique.

  • 3 L. Travaini, I trenta denari di Giuda, 2021.
  • 4 D. Wolfthal, D. Jackson, S. Epstein, D. Yoon, Medieval Money, Merchants and Morality.

8Des approfondissements ont été apportés aux représentations inédites de monnayeurs (stalles de Beauvais au musée du Moyen Âge ou de cathédrale de Poitiers) ou des monnaies, dans l’iconographie de Judas, avec une fresque de Névache (Hautes-Alpes) qui complète le recensement proposé par Lucia Travaini dont l’ouvrage a été commenté3. La publication du catalogue d’une exposition à la Morgan Library and Museum en 20234 a permis de revenir sur les images qui y étaient rassemblées et sur une image recueillie sans référence par un auditeur où l’on peut chercher la représentation d’un monnayeur ou d’une boîte à l’enchanteur du xve siècle.

  • 5 B. Léchelon, Cinq millénaires d’exploitation d’or, d’argent.
  • 6 E. Meunier, J.-M. Fabre, E. Hiriart, S. Mauné, C. Tămaş (éd.), Mines et métallurgies anciennes.
  • 7 N. Minvielle Larousse, L’âge de l’argent.
  • 8 V. Borrel, « Brandes témoin de l’économie monétaire régionale ».

9Les liens entre l’exploitation des mines médiévales et la production monétaire ont fait l’objet d’une série de conférences, en hommage à Bernard Léchelon décédé peu après la publication de son ouvrage5 et aussi à l’occasion de la publication du volume de mélanges à Béatrice Cauüet6. Elles se sont particulièrement arrêtées sur les estimations de productions minières selon diverses méthodes, archéologiques et archéométriques (pollutions glaciaires) et à partir de données textuelles concernant l’Europe centrale, la Grande Bretagne, pour le plomb et l’argent et surtout à partir du cas languedocien étudié dans la thèse récente de Nicolas Minvielle Larousse7. Les modes d’exploitation ont été abordés par la lecture du conseil sur les mines donné au roi de Navarre par Paolo Girardi qui donnent une bonne approche sur les investissements, les rendements et les modes d’exploitation, sinon les multiples acteurs qui interviennent dans la production son contrôle et son financement. La répartition des profits et des redevances, parfois variables en fonction de la teneur du minerai comme à Falset en Catalogne a été interrogée selon la nature des droits concernés, relevant du seigneur propriétaire du sol, de l’autorité supérieure (régalienne) ou de l’implication dans l’exploitation, le cas de la dîme ecclésiastique demeurant incertain, celle que se fait confirmer l’évêque de Rodez peut être rapprochée de celle perçue à Cahors sur la monnaie (elle aussi régalienne). Le rapprochement avec la monnaie a été mené dans le cas de la région de Lodève. Un schéma général d’évolution semble s’esquisser en Languedoc avec le passage de l’initiative des seigneurs du sol dont les autorités supérieures s’efforcent de récupérer les profits aux argentiers exploitants avant que les autorités supérieures tentent de reprendre l’exploitation directe, en régie ou sous un étroit contrôle. Cette évolution pourrait être rapprochée de l’évolution du monnayage où l’initiative semble un temps appartenir un peu plus longtemps, jusqu’au milieu du xiiie s. aux monetarii et aux entrepreneurs en monnayage. Le lien entre mine et monnayage a été également éclairé par la lecture d’un article de V. Borrel8. L’examen des privilèges comparés des mineurs et des monnayeurs est à cet égard également éclairant.

  • 9 B. Brisson, Code du roy Henry III, livre XV. Des monnoyes et officiers d’icelles, p. 779-898.
  • 10 J. Boizard, Traité des monnoyes.
  • 11 Monnaie de Paris 4o 19, f. 27-71.
  • 12 Arch. nat., Z1b 54, f. 142-145.
  • 13 BNF, ms. fr. 23928, f. 8v-11v.
  • 14 Bibl. de la collégiale de Léon, ms. 46 publié par R. Cordoba de La Llave, Ciencia y tecnica monetar (...)
  • 15 M. Bompaire, « Monnayages et monnayeurs dans l’Europe médiévale ».

10La fabrication monétaire a été envisagée à partir de recueils d’époque moderne comme celui du Président Brisson9, en 1593 ou les traités de Jean Boizard10, de 1692 ou de François Abot de Bazinghem en 1764, qui s’appuient sur la Relation de Maître Henry Poullain de 1617 mais dont plusieurs hésitations et incohérences ont été attribuées à l’écart d’une ou plusieurs générations entre l’abandon de la frappe au marteau et l’époque de leur rédaction. Un premier examen d’un règlement médiéval du 17 août 1430 copié de façon très fautive dans un manuscrit de la Monnaie de Paris11, n’a pas suffi à le situer, avec par exemple la mention d’un Pierre Gombart, article 36 : « Item, que l’en face recevoir ès Monnoyes bonnes gens de métier pour estre ouvriers et monnoyers pour débouter P. Gombart, ouvrier de l’empire ». Une attention plus particulière a été portée à ce qui concerne l’organisation du travail et le métier des ouvriers et monnayeurs, et leur contrôle par les officiers, plus détaillé dans ce texte que dans le règlement interne du métier de monnayeur de 1354 ou le règlement en 185 articles de 1425-1428 qui figurent dans le Registre entre deux ais de la Cour des monnaies12 ou le règlement figurant dans le ms. fr. 2392813. Une comparaison a été plus largement engagée avec des règlements italiens et ibériques14 et en liaison avec une intervention de Bruno Jané, doctorant, sur le règlement de l’atelier de l’évêque de Metz à Vic-sur-Seille en 1556. Les inventaires publiés d’ateliers monétaires ont été recherchés pour illustrer l’organisation du monnayage comme ceux qu’a publiés Adrien Blanchet pour Bourges (1550 et 1577) ou Pau (1556) et afin de fournir des points de comparaison à l’inventaire de Dinan en 1597 présenté par M. Michel au séminaire. Le dossier relatif à Martin Mingot et aux fraudes perpétrées dans l’atelier de Paris en 1419-1421 ci-dessous § III a permis de donner plus de chair à cette enquête sur le fonctionnement des ateliers monétaires. Enfin, l’examen de sceaux ou de laisser-passer de monnayeurs dont un exemplaire présentant les armes des princes liés au serment de l’Empire a été signalé dans la thèse de M. Olivier Michel soutenue en janvier 2022 ont également nourri cette enquête qui a conduit à une communication du directeur d’études sur les serments de monnayeurs15.

I. Productivité des monnayeurs, des coins monétaires et survie des monnaies

  • 16 O. Michel, « Fabrication et utilisation des coins en Bretagne ».

11La thèse de M. Michel a également apporté des indications précieuses sur la productivité des ateliers monétaires de Bretagne à l’époque de la Ligue, qu’il s’agisse du nombre des coins gravés et fournis par les « tailleurs » des ateliers (480 coins fabriqués en 1580 par le tailleur de Rennes et 439 coins usagés présents à l’atelier fin 1581), le nombre de pièces frappées par monnayeur et par jour (un peu plus de 2 000 pièces par jour) ou surtout le nombre moyen de pièces frappées par coin dans ces périodes de frappe intensive. Les 109 coins de droit (ou coins de pile) de quarts d’écu d’argent ou les 16 coins de doubles tournois de cuivre ont frappé chacun en moyenne 11 000 pièces mais les 31 coins de huitièmes d’écu en ont seulement frappé 5 600 si tous ont été utilisés. Pour les coins de revers (ou coins de trousseau) leur production moyenne est de 5 100 quarts d’écu, 4 300 huitièmes d’écu ou 3 900 doubles tournois. Ces données, publiées ensuite dans le Bulletin de la Société française de numismatique16 ont fourni au séminaire la matière d’un atelier en mars 2022 où ont été présentés d’autres exemples. Pour les pièces d’or frappées à Rennes, les 873 écus et demi-écus produits n’ont pas dû mener les deux coins d’écus et le coin de demi-écu jusqu’à leur usure complète.

12Il en va sans doute de même pour les exemples présentés par Philippe Ganne, auditeur, qui a comparé le nombre des coins envoyés et le nombre des pièces d’or frappées dans divers ateliers au xvie siècle, de Louis XII à Henri II. Par exemple 10 600 écus d’or ont été frappés à Paris de mai à septembre 1541 alors que 6 coins de droit avaient été remis en début de période et qu’un nouveau maître poursuit ensuite la fabrication (avec de nouveaux coins), ce qui donne une moyenne de 1 766 pièces frappées par coin de droit. La méthode est fragile et P. Ganne présente des cas où les mentions d’envoi de coins sont manifestement incomplètes comme à Poitiers où 3 piles seulement sont mentionnées comme restituées en 1507 après la frappe de 117 000 écus depuis 1498 dont 19 400 écus au porc-épic, ce qui place la productivité moyenne entre 6 600 écus au porc-épic par coin ou 38 000 écus aux types successifs par coin si sont alors restitués tous les coins utilisés. Inversement dans ce même atelier, les archives n’indiquent l’envoi que de deux coins de pile en 1513, rompus en 1515 à la fin du règne de Louis XII, pour 9 200 pièces frappées (4 600 par coin), mais des envois antérieurs devaient avoir permis la fabrication de 32 800 exemplaires du même type depuis 1510 car au moins 3 coins de droit différents ont été relevés parmi les pièces conservées. Enfin, à Poitiers encore, les 3 piles livrées en 1515 ont permis de frapper 6 264 écus en 1518-1519, ce qui donne une moyenne de 2 090 pièces par coin. Cet ordre de grandeur de 1 000 à 2 000 pièces d’or par coin de droit semble se vérifier sur ce qu’il peut relever lors des émissions dans divers ateliers des henris d’or de 1550 ainsi que de doubles et demi-henris, mais la production réduite de ces espèces laisse supposer que les coins n’étaient pas utilisés à pleine capacité. Seul l’atelier de Saint-Lô apporte des données sur une utilisation plus intense des coins de monnaies d’or avec 43 800 écus au soleil frappés entre 1499 et 1507 avec 3 coins de droit envoyés en 1499, 1503 et 1507 ? soit une moyenne de 14 600 pièces par coin s’il n’y eut pas d’autres coins mis en service. De même, pour les écus au porc-épic deux coins de pile remis en 1508 permirent la frappe de 18 800 pièces avant 1514, soit 9 400 pièces par coin et, de fait, les exemplaires recensés se partagent entre deux coins de droit. Les coins de droit de monnaies d’or ont le plus souvent frappé à peine quelques milliers de pièces, et leur production a parfois pu parfois atteindre 7 à 10 000 exemplaires sinon peut-être 15 000 dans un cas.

  • 17 Arch. nat., Z1b 914, document signalé par M. Bompaire, « Les cadences de production (xive-xvie s.)  (...)

13Les indications sur les remises de coins pour la frappe de monnaies d’argent et de billon figurent exceptionnellement dans les archives monétaires du xve siècle comme dans un cahier tenu par un garde de l’atelier monétaire de Paris17.

14Le 6 juin 1424, 13 paires de coins de deniers parisis noirs sont reçues du tailleur (graveur) Guiot de Hanin et lui sont rendues le 9 septembre. Elles ont permis la fabrication de 115 800 deniers en 3 journées de travail par 10 à 13 équipes de monnayeurs soit une moyenne de 8 907 pièces par coin de pile, sans qu’on puisse affirmer que les coins ont été utilisés jusqu’à la limite de leur usure. Ce sont peut-être les mêmes coins, maniés par 12 monnayeurs, qui ont permis la frappe en janvier 1425 de 34 320 deniers supplémentaires (soit 2 860 par coin), ce qui pourrait porter leur production moyenne à près de 12 000 pièces. Le nouveau tailleur Jehan Blancpain fournit le 30 décembre 1426 33 nouveaux coins de droit qui sont utilisés jusqu’au 24 janvier 1427 par une vingtaine de monnayeurs et servent à frapper chacun en moyenne 16 807 pièces. On peut à cette occasion relever la productivité des monnayeurs travaillant en équipe de deux qui atteignait la frappe de 5 040 deniers par jour. Après la reprise des émissions au nom de Charles VII, la première remise de coins attestée intervient le 13 mars 1438 et porte sur 31 coins de droits de blancs à la couronne dont chacun a frappé en moyenne 14 005 pièces avant le 20 septembre où un nouveau graveur, Jeufroy Lorfèvre, remet 24 paires de coins qui frappent 8 290 blancs chacune jusqu’au 17 novembre où 4 paires lui sont restituées. Les 20 paires de coins restantes ont probablement frappé 16 452 pièces supplémentaires en moyenne chacune jusqu’au 29 juillet 1440 où le garde de l’atelier inventorie 20 paires de coins en présence du nouveau tailleur. S’il s’agit toujours des mêmes coins depuis novembre 1439, ceux-ci ont ainsi pu frapper jusqu’à 25 000 pièces en moyenne. Enfin, les 26 paires de coins remises le 26 mars 1444 par Jourdain David, moins une paire qui lui est rendue en mai, ont frappé en moyenne 7 983 blancs jusqu’au 31 août où elles lui sont rendues. On peut toutefois observer que ces 205 200 blancs comme les 184 080 qui avaient été fabriqués depuis le 31 décembre 1443 n’ont été frappés que par douzaine d’équipes en moyenne (de 10 à 14 selon les jours), ce qui laisse supposer que tous les coins n’ont pas été utilisés pleinement et que certains n’avaient peut-être pas été mis en service. Des ordres de grandeur de 15 000 à 25 000 pièces par coin de droit ou par « paire de coins » restent donc probables pour ces émissions également.

15Pour la même période une autre série de données issue des comptes de l’atelier monétaire de Tours des années 1424-1428 porte non pas sur les coins remis aux monnayeurs mais sur les fers achetés pour le graveur à des maréchaux demeurant à Tours et qui figurent parmi les dépenses des comptes. Le compte de 1426-1427 montre que les paiements faits en fin d’exercice au maréchal portent bien sur des livraisons de coins intervenues pendant l’exercice comptable, même si les ordres de paiement (les certifications des gardes) et les quittances interviennent en toute fin de période. On lit ainsi parmi les dépenses des fabrications effectuées entre le 20 août 1426 et le 14 mars 1427 : « payé à Jaquet Tireau et Guillaume Ragouleau maréchaux pour avoir fait et baillé plusieurs piles et trousseaux pour le fait de l’ouvrage de la monnaie depuis le 15 août [1426] jusqu’au 22 janvier 1427 comme appert par certification des gardes du 10 avril et quittance du 11 juin [1427] ». Ces données sont moins précises puisque quelques milliers d’écus d’or ou des deniers tournois sont frappés à côté des grands blancs de 10 deniers et des petits blancs de 5 deniers entre lesquels se répartissent pour l’essentiel les coins et les fabrications. La succession de diverses émissions pour lesquelles le graveur devait graver de nouveaux coins vient également compliquer les calculs puisque certains coins étaient alors mis au rebut sans avoir été pleinement utilisés et usés. On peut objecter que le tailleur pouvait alors effacer leur surface pour les regraver et que cela n’influait pas nécessairement sur le nombre des fers à commander au maréchal. Quoi qu’il en soit, les diverses réserves que l’on peut ainsi formuler sur la précision des données de ce type vont toutes dans le même sens, celui d’une sous-évaluation de la production moyenne de chaque coin, or c’est précisément le risque de surestimation que cette enquête cherche à limiter, afin que les données recueillies puissent être appliquées pour les monnayages de même période voire d’autres périodes pour lesquelles les comptes de fabrication font défaut.

16Entre le 27 juillet 1424 et le 15 janvier 1425 24 douzaines de trousseaux (coins de revers) et 7 douzaines de piles (plus 7 « embourrelures » de piles) ainsi achetées au prix de 47 l. 7 s. 6 d. t. permettent la fabrication de 307 000 grands blancs de 10 d. t., 559 000 petits blancs de 5 d. t. et 4 400 écus d’or. On peut d’abord relever la proportion entre les coins de droit et de revers qui est d’un peu plus de trois trousseaux pour une pile. On peut ensuite calculer le prix unitaire de chacun des 379 fers livrés à 2 s. 6 d. t. En retirant deux coins pour la fabrication d’or, il reste 89 coins de droit qui, si on les répartit également entre les petits et les grands blancs, auraient chacun frappé en moyenne 6 980 et 12 400 pièces.

17Pour la période du 5 mars 1425 au 2 mars 1426 où se poursuit la fabrication des mêmes pièces Guillaume Ragouleau a rembourelé 60 piles et livré pour la « garnison de la monnaie » six douzaines de trousseaux moyennant 16 l. 10 s. t., soit toujours un prix de 2 s. 6 d. t. par fer). À cela s’ajoutent 38 piles neuves et 11 trousseaux achetés 18 l. t. à l’ancien tailleur de la monnaie de Loches, soit 7 s. 4 d. t. pour des coins probablement prêts à l’emploi. La proportion entre piles et trousseaux est par exception, du fait de cet achat opportuniste, en faveur des piles, mais si on envisage l’ensemble des fers reçus depuis juillet 1424 on compte 189 piles pour 371 trousseaux soit quasiment une proportion d’une pile pour deux trousseaux. La fabrication a été de 290 000 grands blancs et 607 000 petits blancs. Si on l’associe aux 98 coins de droit achetés durant la période, la production moyenne reste d’un ordre de grandeur comparable avec 6 304 grands blancs et 13 195 petits blancs par coin de droit.

18Entre le 6 mars et le 15 août 1426, alors qu’un affaiblissement du titre des pièces intervient en mai, 3 600 écus, 526 000 grands blancs et 42 000 petits blancs ont été frappés avec une grosse de trousseaux (144 coins) et 56 embourelures (la proportion est cette fois de 2,57 trousseaux par pile) livrées par G. Ragouleau pour 25 l. t., soit toujours 2 s. 6 d. t. par fer. Répartir également les coins entre grands et petits blancs conduit à proposer une production moyenne de 19 500 grands blancs pour 27 coins, alors qu’elle revient à 10 500 pièces environ si on envisage l’ensemble des 568 000 pièces et des 54 coins de droit pour les émissions d’argent.

19Les affaiblissements du titre du blanc aux trois lis se poursuivent en août et novembre 1426 et 974 000 grands blancs et 3 000 écus sont frappés avant que l’émission d’un nouveau blanc soit ordonnée fin décembre et fabriquée à Tours à 411 000 exemplaires du 7 janvier au 14 mars 1427, parallèlement à 32 000 petits blancs, 136 800 deniers tournois et 1 200 écus. Durant toute la période sont livrés des fers pour un montant de 74 l. 10 s., ce qui correspondrait à 596 fers, si on applique le prix de 2 s. 6 d. attesté jusque-là. En appliquant des proportions de 2 ou de 3 trousseaux par pile on obtiendrait de 149 à 198 coins de droit à répartir entre l’ensemble des espèces : écus (2 coins), deniers tournois, petits blancs et grands blancs de deux types différents dont l’un a connu deux émissions. Les points d’incertitude sont multiples et il est prudent de s’en tenir à une approximation minimale, de 7 880 à 10 500 pièces par coin de droit en moyenne (hors or) même s’il est probable que les coins affectés à l’émission de certaines espèces aient été sollicités bien davantage. À partir de mars 1427, le roi ne prend plus à sa charge le coût des fers et aciers nécessaires à la fabrication des coins et les achats aux maréchaux, s’ils se poursuivent, restent aux frais des responsables de la fabrication et ne sont plus inscrits parmi les dépenses déductibles.

20Malgré de multiples inconnues, à commencer par le sens du terme d’embourrelure ou de rembourrelure des coins de droit que nous avons interprété comme un façonnage permettant une nouvelle utilisation du coin, les données tourangelles apparaissent cohérentes entre elles en donnant des valeurs moyennes de 7 000 à 10 000 blancs frappés par coin de droit et la probabilité que des quantités doubles (15 à 20 000 pièces) aient été atteintes pour certaines espèces. Elles sont également cohérentes mais un peu inférieures celles qui ont été observées à Paris dans des années voisines, plutôt de 10 000 à 20 000 pièces par coin.

21Reste à justifier le choix de réserver deux paires de coins pour la frappe des monnaies d’or lors de chaque livraison de coins (soit 8 coins au total) alors que la fabrication ne dépasse jamais quelques milliers d’écus avec un total de 14 800 écus sur la période considérée, ce qui donne une moyenne de 1 850 pièces d’or frappées par chaque coin, comparable à certains des exemples plus tardifs présentées par O. Michel et P. Ganne.

22Une enquête numismatique a été menée en collaboration avec Philippe Schiesser, Gérard Crépin et d’autres auditeurs des conférences sur les royaux d’or frappés par Charles VII de 1429 à 1435 à Tours et à Chinon. Elle a permis dans un premier temps de constituer un corpus de 20 pièces de Tours frappées par 9 coins de droit et de 26 pièces de Chinon frappées par 12 coins de droit qui avait été présenté à Tours en février 2022 lors d’une journée d’études coorganisée par le directeur d’études : « Réalités monétaires réalités comptables, le contexte monétaire en val de Loire au xve siècle ». Les méthodes statistiques d’estimation du nombre de coins originellement mis en œuvre pour ces fabrications variaient entre des nombres de 15 à 19 pour Tours et de 18 à 21 pour Chinon. Ces corpus ont été étoffés à l’occasion d’une communication au colloque Formes et enjeux des comptabilités urbaines médiévales tenu à Orléans le 23 mars 2023, dont les actes sont sous presse. Ils atteignent 54 exemplaires pour Tours et 36 pour Chinon et 17 et 12 coins de droit différents ont été respectivement observés, ce qui permet d’estimer le nombre de coins total entre 21 et 24 pour Tours et 15 ou 16 pour Chinon. Or, les comptes de fabrication de Tours permettent d’établir que la production totale des royaux d’or s’y est élevée à 54 800 pièces dont 1 600 pour une émission de poids réduit de septembre à décembre 1431 dont aucun exemplaire n’a été retrouvé. Le nombre moyen de royaux d’or frappés par chaque coin de droit se situe donc entre 2 200 et 2 500 pièces. C’est ce qui justifie le choix d’attribuer 8 coins de droit à la frappe de 14 800 écu d’or à Tours entre 1424 et 1427. Cette enquête avait aussi pour objectif de proposer une évaluation de la production d’ateliers monétaires comme Chinon ou Orléans pour lesquels aucun compte de fabrication de cette période n’est conservé. La proportion des émissions de Chinon par rapport à celles de Tours a été ainsi évaluée en associant études de coins et études de trésors pour confirmer un ordre de grandeur des fabrications de Chinon à 70 % de celles de Tours qui sont connues par les comptes. L’enquête a enfin permis d’observer le nombre élevé de royaux d’or de Tours actuellement conservés et qui atteint un exemplaire conservé pour 1 000 frappés, un « taux de survie » qui a fait l’objet d’une communication dans un colloque consacré à ce sujet à Bruxelles en octobre 2024. À cette occasion l’enquête a été élargie à l’atelier d’Orléans et aux ateliers pour lesquels des comptes de fabrications (incomplets) de royaux d’or sont conservés (Angers, Bourges, La Rochelle ou Toulouse). La répartition entre différents coins de droit des exemplaires réunis dans des corpus aussi complets que possible a été validée collectivement au cours de séances du séminaire. Elle permet d’évaluer le nombre d’exemplaires frappés par coin de droit entre 2 000 et 3 000 pièces, et dans un cas jusqu’à 4 000 royaux d’or, alors que le taux de survie de ces pièces se tient entre un exemplaire conservé sur 1 000 à 2 000 pièces frappées.

II. Le trésor de Sarepta (Liban) et la réorganisation monétaire en France sous Philippe Auguste

23À la suite d’une intervention de M. Hassan Al-Hakra avec Jean-Michel Mouton, lors de la semaine du Liban, sur le trésor de monnaies latines de Sarepta, un travail collectif du séminaire a permis une révision du catalogue de ce trésor à partir des photos fournies par H. Al Akra et une réinterprétation de la composition de ces trésors d’Orient latin du début du xiiie siècle.

24Le tableau de composition est le suivant avec quelques variations mineures par rapport à celui qu’avait publié H. Al Akra.

atelier autorité nb. ex. nb. ex. revu
Jérusalem Amaury (1162-1174-) 2 2
Damiette Jean de Brienne (1212-1227) 7 7
Chypre Guy (1192-1194) Hugues Ier (1205-1218) 41 32
Bretagne Penthièvre Guingamp Étienne 67 73
Angers Foulques 14 6
Tours Saint-Martin 2 3
Gien Geoffroy 13 19
Provins Thibault III-IV 5 1
Dijon Hugues III-IV 6 4
Poitou Richard (1189-1199) 0 3
Déols Raoul 1 1
Incertaines 29 36
Total 187 187

25Par rapport à la publication de H. Al-Hakra, le travail sur photographies a laissé un nombre plus élevé de pièces sans identification 36 exemplaires au lieu de 29 sur les 187 pièces du trésor.

  • 18 D. M. Metcalf, The white bezants and deniers.
  • 19 D. Cox, The Tripoli Hoard.
  • 20 H. Longuet, « La trouvaille de Kessab ».

26Ce sont les pièces attribuées à Chypre dont le nombre a le plus sensiblement baissé avec 32 exemplaires reconnus et non plus 41. Les 32 monnaies de Chypre classées en suivant D. M. Metcalf18 se répartissent entre Gui (1192-1194) pour 7 exemplaires (22 %) et Hugues Ier (1205-1218) pour 22 exemplaires (69 %) soit une proportion comparable aux 188 et 651 exemplaires sur 850 du trésor de Tripoli19 (22 et 76 %) sinon aux 240 pièces de Hugues sur 268 monnaies de Chypre (89 %) du trésor de Kessab20, un peu plus tardif qui contenait en outre 7 pièces au nom de Henri.

27On compte un seul exemplaire du type 3 vgonis rex frappé par Gautier de Montbéliard durant la minorité d’Hugues Ier (1205-1210), soit 3 % pour 65 à Tripoli (7,5 %).

28Les pièces du règne de Hugues seul (1210-1218) sont au nombre de 21 (66 %) ce qui rejoint encore une fois la proportion de 67 % observée dans le trésor de Tripoli (570 exemplaires sur 850) et se répartissent entre les types 4 (rex hugo) pour 2 exemplaires et 5 (hugo rex) pour 19 exemplaires où l’on peut reconnaître les variétés distinguées par D. M. Metcalf : 5A pour 5 exemplaires, 5B avec étoile sur la porte (4 ex.), 5Bii (3 ex.) 5Biii (2 ex.) et 5 exemplaires incertains de ce type 5. Trois exemplaires au type chypriote de la porte restent indéterminés.

29L’absence de pièces au nom de Henri (1218-1253) apporte un jalon chronologique a silentio conforté de façon positive par les émissions de Jérusalem qui comptent 2 exemplaires au type du Saint Sépulcre immobilisé après le règne d’Amauri (1163-1174) et 6 exemplaires frappés par Jean de Brienne (1212-1225) après l’occupation de Damiette (1219-1221) dont le nom figure sur les pièces. Ce terminus se situe à une époque où Sarepta, rendue en totalité au seigneur de Sidon par Saladin dès 1192, est sous l’autorité des seigneurs de Sidon qui en 1227 récupèrent l’ensemble de Sidon et de sa seigneurie et sortent renforcés des trêves de 1229.

  • 21 J. Duplessy, Les monnaies françaises féodales.

30Les monnaies d’origine française n’apportent pas de jalons chronologiques aussi précis et paraissent plutôt légèrement antérieures aux pièces de l’orient latin. Par rapport au comptage effectué par H. Al-Akra, il y a surtout un transfert parmi les pièces au monogramme de Foulques dont un plus grand nombre semble désormais attribuable à Gien (19 et non plus 13 exemplaires au type Duplessy21 605) plutôt qu’à Angers (6 exemplaires aux types Duplessy 375, 376 et 378 pour 4 ex.). Les pièces de Gien qui sont toutes des deniers semblent toutes au second type avec une croisette et non plus un O dans le monogramme.

  • 22 E. R. D. Elias, The Anglo-Gallic coins, 8j.

31Trois deniers poitevins ont pu être identifiés. ils appartiennent aux émissions au nom de Richard Cœur de lion (1189-1199) comme roi, soit après 1189 et l’un présente une variante relevée par E. R. D. Elias22, un point entre les lignes de légendes.

  • 23 F. Dumas-Dubourg, Le monnayage des ducs de Bourgogne.
  • 24 Cf. D. M. Metcalf, « Burgundian money ».

32Les quatre deniers de Dijon sont au nom du duc Hugues et au type Dumas23 7-1. Leur datation est difficile puisque leur circulation s’étend de l’époque de Hugues III (1162-1192) à celle de Hugues IV (1218-1272) et qu’elle est largement attestée en Orient latin24.

33Le denier de Provins est au nom de Thibault et au type « aux croissants » qui fut frappé depuis les années 1180 par Henri II, Thibault III (1197-1201) et Thibault IV (1201-1253) avant qu’un changement de type intervienne en 1224.

34Les trois deniers de Saint-Martin de Tours à légende turonvs civi présentent un châtel du type final et des N ou des A bouletés, des S inversés attestés dans les émissions de la fin du xiie ou du début du xiiie siècle.

35Le denier de Déols avec un annelet dans l’hexagramme se rattache aux émissions de Raoul (poursuivies après 1176) plutôt qu’à celle de Philippe Auguste (1206-1207).

  • 25 Y. Jézéquel, Les monnaies des comtes et ducs de Bretagne et J. Belaubre, Les collections monétaires(...)

36Enfin les deniers de Guingamp qui constituent le lot le plus important du trésor (39 %) avec 73 exemplaires sont pour la plupart dans un état de conservation qui rend difficile toute tentative de les répartir au sein des classifications fines proposées par Yannick Jézéquel ou Jean Belaubre25. La plupart des exemplaires se rattachent aux classes III et IV de Y. Jézéquel, 4 et 5 de J. Belaubre, datables de la fin du xiie siècle. Un seul exemplaire qui porte clairement une étoile devant la bouche peut être attribué à la classe 3.

  • 26 R. Kool, « Finding French deniers in the Latin Kingdom ».
  • 27 R. Kool, « Coin Finds and the Use of Money at Monfort ».

37La présence de monnaies française en Orient latin a été récemment réexaminée par Robert Kool26 en ce qui concerne le royaume de Jérusalem et la base de données qu’il a constituée permet d’observer qu’après la Première croisade, leur rôle décline par rapport aux émissions des États latins. Elle ne reprend significativement qu’au xiiie siècle et plus particulièrement dans les principautés d’Antioche et de Tripoli, au nord de la zone qu’il étudie. C’est là qu’ont été trouvés, à Tripoli et à Kessab (au sud de l’Oronte), des trésors similaires au trésor de Sarepta dans leur terminus (dans les années 1220) comme dans leur composition (prépondérance des monnaies de Chypre et de Jérusalem). Les monnayages représentés à Sarepta correspondent aux ateliers qui ont livré le plus grand nombre des exemplaires des mêmes émissions dans le trésor de Tripoli : Guingamp (1046), Gien (259) Angers (127) Dijon (180), Poitiers (66) ou Déols (32) mais les pièces de Saint-Martin de Tours et de Champagne sont absentes. Les monnaies de Chypre (850) et de Jérusalem (859) forment aussi la majorité du trésor comme dans le trésor de Kessab (267 et 345 exemplaires sur un total de 1019). Les mêmes monnayages de Guingamp puis de Bourgogne (74 ex.) forment les groupes les plus nombreux des 302 monnaies françaises de ce trésor de Kessab où figurent également, en nombre inconnu, des pièces de Gien, d’Angers ou de Poitou. Ces trésors contenaient quelques émissions occidentales plus récentes que le trésor de Sarepta avec des pièces au nom de Guillaume (1203-1236) de Déols ou d’Issoudun (1212-1223) mais aussi de Jean III de Vendôme (1207-1218) à Kessab. Il n’en demeure pas moins que les ensembles similaires de monnaies françaises qui forment ces trois trésors n’ont probablement pas été constitués beaucoup après le début des années 1210. Les trouvailles issues des fouilles du château de Montfort au nord-est d’Acre27, fortifié en 1226 par les Teutoniques et démantelé en 1271 par Baybars comprenaient de façon comparable des pièces de Guingamp, d’Hugues de Bourgogne et de Déols (pour Guillaume après 1203) à côté de pièces de Chypre de Hugues Ier et d’une de Henri trouvée avec une pièce de Romorantin. Dans la même zone du Liban et de Syrie, les trésors des années 1230 recueillis à Djebail ou à Al Mina ont une composition différente où les monnaies françaises ont à peu près disparu.

  • 28 Y. Coativy, La monnaie des ducs de Bretagne, p. 75.
  • 29 Cf. Y. Coativy, La monnaie des ducs de Bretagne, tableaux 10 et 13.

38La composition du trésor de Tripoli avait été examinée selon la participation aux croisades de cette période des seigneurs responsables des multiples émissions représentées dans le trésor. Quand le trésor de Tripoli représentait un cas isolé on pouvait aussi supposer, comme le propose Yves Coativy28, qu’il pouvait s’agir d’un trésor de voyageur, pèlerin, croisé ou marchand : « Réuni en Bretagne au temps de Pierre de Dreux, cet ensemble est perdu au Liban par un croisé breton peu de temps après son arrivée ». On peut toutefois relever que les autres monnaies de Bretagne ou celles du Mans qui constituent une part importante des trésors bretons de cette période en sont quasiment absentes29. D. M. Metcalf s’interrogeait sur la part prédominante des monnayages français dans ces arrivées de monnaies occidentales au Levant alors que les Italiens dominaient le trafic et les transports maritimes et que les contingents de la cinquième croisade étaient plutôt germaniques (Autriche, Flandre, Hongrie). Il suggérait que la balance des échanges avec l’orient latin était déficitaire pour les Français alors que les Italiens pouvaient tirer parti de leur rôle d’intermédiaires, mais sans chercher à interpréter la prédominance de certains monnayages comme ceux de Guingamp, de Gien ou d’Angers…

  • 30 Cf. F. Dumas, « La monnaie dans les domaines Plantagenêt », et en dernier lieu Barrie J. Cook, « En (...)

39La multiplication des exemples avec les trésors de Kessab et de Sarepta ne permet plus de considérer ces dépôts comme le reflet de thésaurisations de voyageurs de cette période qui tous seraient partis de Bourgogne, passés par la vallée de la Loire et ses confins berrichons et auraient embarqué près de Guingamp dont les monnaies sont prédominantes parmi les monnayages occidentaux. La composition similaire de ces trésors pourrait aussi conduire à y chercher le reflet de la circulation monétaire conjointe de ces monnayages dans une zone du centre de la France. De fait, l’étude des trésors monétaires trouvés en France a permis de définir une circulation monétaire propre à l’espace Plantagenêt reflétant la construction progressive d’un système monétaire Plantagenêt qui depuis Henri II associait dans une gamme organisée de valeurs divers monnayages de la zone où s’exerçait son autorité30. L’exemple du trésor de Vallon-sur-Gée en Mayenne constitué en 1206 de 5 828 pièces montre la prédominance de quelques monnayages (Angers 25 %, Guingamp 23 %, Châteaudun 14 %, Le Mans 11 %, Angleterre 7 %, Vendôme 7 %, Tours 2 %, Gien 1 %) dont certains mais pas tous, ni dans les mêmes proportions figurent bien dans les trésors orientaux, qui eux-mêmes contiennent nombre de pièces de Dijon dont l’exemplaire présent à Vallon est un unicum parmi la douzaine de trésors de l’ouest « Plantagenêt » de la même période et davantage de monnaies du Berry (un seul exemplaire de Déols à Vallon)…

  • 31 A. Dieudonné, « L’ordonnance de 1204 ».
  • 32 F. Dumas, J.-N. Barrandon, Le titre et le poids de fin et Y. Coativy, La monnaie des ducs de Bretag (...)
  • 33 F. Lot, R. Fawtier, Le premier budget de la monarchie.

40C’est une autre piste qui a été proposée. Il conviendrait plutôt d’y voir l’emploi le plus avantageux qui pouvait être fait des masses de monnaies circulant dans les domaines des Plantagenêt et dont les cours avaient été fixés par l’administration royale en 1204 après la conquête de Philippe Auguste. Le règlement sur le cours et l’échange de la monnaie (de mutatione monete) figurant dans le registre B de Philippe Auguste a été daté d’octobre 1204 par Léopold Delisle puisque Philippe Auguste était alors à Caen où l’acte fut donné. Ce document a été maintes fois publié, commenté ou traduit, notamment par A. Dieudonné31. Ce texte prévoit au § 1 le décri et le rachat à l’atelier ou par les changeurs au poids de métal (« au marc pour billon ») des monnaies de Caen, de Châteaudun, de Vendôme et du Perche pour 14 s. 9 d. tournois le marc, de celles de Guingamp pour 13 s. 9 d. t. et de celles d’Angers pour 15 s. t. Le § 3 prévoit la possibilité de les utiliser en paiement, par tolérance, provisoirement et à défaut de deniers tournois (ou des autres deniers ayant cours, les mansois et les esterlins anglais décrits au § 2) aux cours décotés de 14 s. t. le marc pour les deniers de Rouen, de 13 s. t. pour les deniers de Guingamp et de 14 s. 3 d. t. pour les deniers d’Angers. Selon le § 2 les tournois circulent à 53 s. 4 d. pour un marc d’argent fin, ce qui au titre de 3 d. 18 grains d’argent le Roi donne une valeur de 16 s. t. pour un marc de pièces. Cette évaluation marque la décote sensible qui est ainsi infligée aux pièces d’Angers, régulièrement considérées jusqu’alors comme de valeur équivalente à celles de Saint-Martin de Tours (6,25 % de décote à la refonte et 11 % à les laisser en circulation), et plus encore à d’autres pièces comme celles de Guingamp qui elles aussi étaient prises à l’équivalent de l’angevin et du tournois (14 % à la refonte et 18,75 % pour les laisser en circulation). Or les analyses menées, en petit nombre, par Françoise Dumas et Jean-Noël Barrandon ou par Y. Coativy32 montrent que les fourchettes sont similaires pour les pièces de Tours, d’Angers et de Guingamp. Les décotes apparaissent donc comme peu fondées et « punitives » afin de hâter le retrait et la refonte des pièces d’Angers et surtout de Guingamp. Celles d’Angers, mais aussi celles de Vendôme et de Châteaudun qui circulaient surtout sous la forme d’oboles au titre un peu inférieur ont probablement été largement refondues puisque les décotes de 6 à 9 % qui leur étaient appliquées restaient comparables aux frais prélevés sur tout billon apporté aux ateliers monétaires. Pour les pièces de Guingamp en revanche ou pour les pièces légères des autres monnayages, la perte était exorbitante et il devenait beaucoup plus rentable d’exporter ces pièces dans des endroits où elles continuaient à être prise au pair de tournois ou du moins pour leur contenu réel de métal précieux. De fait, les deniers de Guingamp disparaissent rapidement de la circulation et des trésors à partir des années 1210-1220 en France, un peu plus tard pour ceux d’Angers. Ainsi, la composition du trésor de Sarepta et des trésors associés pourrait s’expliquer par un drainage opéré de façon systématique par les changeurs de la zone des anciens domaines Plantagenêt qui étaient assez insérés dans des réseaux d’échanges internationaux pour que leur exportation aboutisse de façon aussi régulière en Orient latin. Deux difficultés peuvent être soulevées : l’élimination des pièces du système Plantagenêt est plutôt datable des années 1220, qui sont aussi celles du terminus des trésors d’Orient latin et on pourrait être tenté de décaler d’autant la datation de l’ordonnance de Caen ou de relativiser la capacité des changeurs à opérer ce retrait. La composition des trésors orientaux témoigne néanmoins d’un léger décalage chronologique entre leurs composantes française et orientale qui n’impose pas une telle correction. D’autre part si cette décote explique la présence de pièces de Guingamp et d’Angers, beaucoup plus que de celles de Tours qui circulaient à un cours favorable en France, de même que les pièces du Mans (2 d. t.) ou d’Angleterre (4 d. t.) qui n’ont pas fait le voyage d’Orient, on s’explique moins la présence dans ces trésors de pièces de Gien ou de Dijon. Les pièces de Gien sont quasiment au même type que celles d’Angers et elles disparaissent rapidement elles aussi de la circulation en Berry, dans les mentions comme dans les trésors. À leur propos on peut évoquer le fonctionnement de l’administration royale dont la comptabilité repose avant 1204 sur le système parisis. Ainsi dans le compte de 1202-120333, à côté du denier parisis quelques autres monnaies sont utilisées, dont le giémois et l’angevin mais aussi le provinois. Or les équivalences variables appliquées à ces pièces montrent qu’elles sont également sous-évaluées : 1,33 à 1,6 d. angevin pour un parisis marque une décote de 4 % par rapport au contenu métallique des deux espèces, alors qu’après 1204 s’établit le rapport beaucoup plus favorable au tournois de 1,25 d. tournois pour un parisis. La situation est pire encore pour le giémois compté de 1,5 à 1,62 d. pour un parisis, soit une décote de 16 % qui constitue elle aussi assurément une forte incitation à la refonte ou surtout à l’exportation de ces pièces. Le provinois (à 1,33 à 1,43 pour un parisis) est également décoté de 14 %, ce qui conduit à son alignement sur le tournois en 1224 et à une exportation vers l’Empire et la Lorraine où ces pièces sont abondantes dans les trésors du milieu du xiiie à celui du xive siècle. De fait la formule qui dans le règlement de 1204 interdit aux changeurs d’exporter les monnaies décriées n’est pas encore une clause de style reprise d’ordonnance à ordonnance comme le laisse entendre A. Dieudonné, mais une tentative, infructueuse, pour le roi de reprendre le contrôle de la composition de la masse monétaire et d’en tirer profit. Le cas du digenois qui au milieu du xiiisiècle sert de divisionnaire aux deniers du système viennois est différent dans la mesure où il ne circule pas dans la zone Plantagenêt ni dans l’ancien domaine royal et sa présence en Orient latin demeure une énigme.

  • 34 M. Bompaire, « Le trésor de gros tournois de Curgy ».

41Les observations qui précèdent appuient l’hypothèse d’une mainmise des changeurs sur les monnaies en circulation qui avait pu être avancée pour une période un peu plus tardive du xiiie siècle quand l’ensemble des gros tournois de titre affaibli frappés en masse entre 1303-1305 semble avoir totalement disparu et ne se rencontre dans aucun trésor ni aucun médaillier connus et que des trésors témoignent d’une sélection quasi parfaite pour l’élimination des pièces sous-cotées à l’0 long, qu’il s’agisse de gros tournois dans le trésor de Curgy (Saône-et-Loire), vers 1330) présenté par le directeur d’études lors des journées numismatiques d’Autun34 ou Bois-le-Duc (Pays-Bas) vers 1306 où son également absents les deniers à l’0 long, comme à Mansigné (Sarthe), vers 1302 ou à Bonn, vers 1300 où manquent aussi les doubles affaiblis frappés depuis 1295… L’étude du trésor de Sarepta viendrait ainsi appuyer l’observation faite à Philippe le Bel dans l’avis donné par Pierre Chief de Roy : « quelque monnoie que se soit, elle se metra… pour le pris que le changeur y metra ».

III. Martin Mingot : fraudes et profits du monnayage à l’atelier monétaire de Paris 1418-1421

  • 35 P. Cockshaw, « L’atelier monétaire de Paris à la fin du règne de Charles VI une officine de faux-mo (...)
  • 36 Arch. nat., Z1b 2-3, passim.
  • 37 Arch. nat., JJ 172, no 619, f. 342-344.
  • 38 BNF, ms. Duchesne 18, f. 185.

42Les fraudes commises dans « l’atelier monétaire de Paris à la fin du règne de Charles VI, une officine de faux-monnayage » selon Pierre Cockshaw35 ont donné lieu à un ensemble de poursuites auxquelles les archives de la Chambre des monnaies font de brèves allusions36, mais aussi à une série de lettres de rémission obtenues dans les années suivantes (jusqu’à dix ans après les faits) par certains des protagonistes qui en s’enfuyant avaient échappé à la sentence capitale qui avait atteint d’autres comme Jean L’Esveillé. C’est le cas de Martin Mingot en septembre 1424, dont la rémission, publiée par P. Cockshaw donne l’exposé le plus circonstancié de ces fraudes37. L’intérêt de ce document est de permettre une plongée au sein du petit monde de l’atelier parisien et de la communauté des ouvriers et monnayeurs. Martin Mingot, originaire de Venderest, près de Lizy-sur-Ourcq appartient au groupe des monnayeurs « de Meaux » qui dépendent de l’atelier de Paris. Le rôle des ouvriers du serment de France présenté à la chambre des monnaies en 142638 en recense 38 à côté des 39 ouvriers parisiens et des 43 monnayeurs rattachés à l’atelier. Ces familles certainement attachées à leurs privilèges fiscaux exercent diverses activités mais doivent répondre à l’appel de leur prévôt lorsque la fabrication le requiert et venir ouvrer à Paris ; C’est le cas de Martin Mingot, habile chaussetier, mais piètre métallurgiste, selon ses dires, qui y réside avec femme et enfants et y exerce son métier dans « son hôtel » rue Saint-Antoine où il peut réaliser des fontes clandestines allant jusqu’à environ 36 marcs (9 kg) dans des pots à fondre ou faire « blanchir » 15 à 16 marcs de monnaies frauduleuses. Il a à son service une chambrière, chez la mère de laquelle il tente, en vain, de cacher des lingots pesant 38 marcs et du matériel compromettant lorsqu’il se sent menacé par l’enquête.

43Pour s’excuser Martin souligne qu’il gagnait sa vie de son métier de chaussetier mais qu’il était mauvais ouvrier de monnaie, n’ayant réussi son épreuve, après un an d’apprentissage qu’en se faisant aider, que sa lenteur ne lui aurait permis de gagner que 8 à 12 d. par jour, sans compter le moment où une fabrication de petite monnaie (des petits blancs de 5 d. t.) réduisit encore plus les revenus des ouvriers : un tel revenu dit-il n’était pas la quarte partie de la dépense de sa famille. Dans ces conditions sa maladresse à couler du métal sans en renverser les deux tiers, ou à mettre en forme les flans monétaires lui imposait de se cantonner dans des tâches d’assistance ou à blanchir les flans prêts à être frappés. Il se trouva conduit sous l’influence de Jean l’Esveillé à développer une activité de spéculations et de trafics métalliques en recueillant des blancs anciens puis des blancs de Bourgogne appelés « lubres » avec celui-ci puis pour son propre compte pendant plus d’un demi-an ; Il en vint ensuite à acheter le métal en lingots prêts à ouvrer à un orfèvre, Simonet Demery et à un potier d’étain des Halles, Huguelin Le Gaigneur pendant trois à quatre mois avant de se lancer dans des fontes lui-même avec cinq ou six autres ouvriers de l’atelier de Paris. Ce récit dont il est difficile de reconstituer la chronologie précise apporte bien des enseignements. Tout d’abord, il nous éclaire sur la nature et les mécanismes des trafics de Martin Mingot dont l’objet évolua au cours du temps et (partiellement sans doute) sur leur ampleur. Ensuite il met en évidence à la fois les étapes de la fabrication monétaire et leur complexité qui contraignit Martin Mingot à recourir aux services de plusieurs spécialistes et à les rémunérer à la hauteur du travail effectué et des risques encourus. Il éclaire enfin les relations entre les monnayeurs et le cadre de celles-ci au-delà même de la maison de la Monnaie, située rue Thibault aux dés.

44La lettre de rémission de septembre 1424 commence son récit six ans plus tôt (« six ans a ») soit en 1418 et, le temps que Martin fasse son apprentissage (un an théoriquement) et son épreuve et quitte l’équipe, la fournaise, d’Ambelet de Mesques pour celle de Jean l’Esveillé, le début des fraudes se situe plutôt en 1419 et l’aventure se termine vraisemblablement en mai 1421 lorsque les sergents du Châtelet opérèrent des saisies de matières chez plusieurs ouvriers de Paris. Si on se fie aux dires de Martin il avait passé les deux derniers mois à la fournaise de Perrin Dieulegart et les deux mois précédents à celle de Jean Moc, ce qui conduit au moment de noël 1420 évoqué dans les lettres de rémission de Jean Jodoin et de Michel Harassé qui dit lui-même avoir été approché alors par Martin et Perrin Dieulegart. Les six mois précédents de 1420 Martin aurait travaillé à la fournaise de Perrin Rousseau et son absence de près de deux mois à la suite d’une émission de petits blancs pourrait correspondre à l’émission de janvier 1420 plutôt qu’à celle d’octobre 1420 ou de mai 1419. De fait, c’est à cette période de mars à mai 1420 qu’avaient déjà été arrêtés à la Conciergerie plusieurs monnayeurs du réseau comme Perrin le Maire, Jean Dieulegard ou Jean Bonnet le jeune. L’activité de Martin auprès de Jean L’Esveillé devait se situer à la fin de 1419 et au début de 1420 après son épreuve et la fin de son apprentissage auprès d’Ambelet de Mesques de septembre 1418 à septembre 1419.

  • 39 La femme de Jean L’Esveillé avait déjà été emprisonnée en novembre 1417 pour avoir confié 24 flans (...)

45La première fraude porte sur la refrappe de blancs doubles. Les pièces de dix deniers, grands blancs ou blancs doubles frappées depuis 1385 avaient été progressivement affaiblies mais jusqu’en mai 1417 leur titre n’était pas descendu à moins de 5 d. (40 % d’argent) et leur poids à moins de 3,06 g (80 pièces au marc), valeurs atteintes depuis 1411. Or avec l’affaiblissement plus marqué d’octobre 1417, c’était désormais les gros de 20 d. t. qui étaient au poids de 3,06 g et à un titre de 42,5 %. Refrapper en gros les blancs un peu anciens encore en circulation permettait de doubler son avoir avec des pièces de qualité légale. L’opération était parfaitement illégale puisqu’il s’agissait de retirer de la circulation des pièces qui avaient cours. C’est un collègue chaussetier demeurant aux Halles qui vint solliciter Martin pour cette opération que sa présence au sein de l’atelier devait favoriser. L’achat de 1 440 pièces, les 24 pièces (de 10 deniers) au prix de 12 gros (de 20 d. t.) s’apparente à un change sans profit pour le vendeur. Celui-ci, après avoir pris des informations auprès des changeurs sur le pont au change comprend que ceux-ci offraient aux vendeurs pour la même opération un « avantage » de 10 d. t. par livre (4 % ; mais 2 % par rapport à la valeur à laquelle ces pièces seraient mises en circulation). Les 18 marcs représentés par ces 1 440 pièces furent confiés à un orfèvre qui en fit la fonte et une coulée sous forme de royaux, ces lingots en forme de lames que travaillaient ensuite les ouvriers de l’atelier monétaire. Le coût de l’opération, une livre, représentait 1,66 % sur les 60 livres à quoi s’ajoutaient les frais de charbon. La mise en forme des royaux fut réalisée à l’atelier monétaire selon la procédure habituelle par Jean l’Esveillé et Martin Mingot parallèlement à leur travail officiel39. En revanche, la dernière opération, celle du blanchiment des flans, se faisait avec une pesée et une comptabilité particulière et la présence d’une masse de flans frauduleux n’aurait pu passer inaperçue. Jean et Martin firent donc sortir de l’atelier ces flans aussi discrètement qu’ils avaient apporté le métal et la femme de Jean L’Esveillé s’occupa du blanchiment chez Martin, toutes opérations qui ne coutèrent que leur peine à ces ouvriers de la monnaie. Les déchets et pertes de métal liés à ces opérations atteignirent 2 à 3 marcs sur 18 (11 à 16 %). Restait à réintroduire les 1 200 flans ainsi façonnés à l’atelier par l’entremise de deux monnayeurs Jean Bonnet et Jean Dieulegart qui les frappèrent à côté de leur travail officiel en les mettant de côté avant de les faire ressortir de l’atelier. Ces pièces frauduleuses frappées avec les coins officiels de l’atelier monétaire ne pouvaient pas être différenciées des pièces authentiques. Le coût était de 30 d. t. par livre de monnaie ainsi frappée, soit 12,5 %. L’opération qui permettait de mettre en circulation 100 l. t. de monnaies avait coûté 60 livres plus un avantage de 600 d. t. au vendeur des blancs puis 240 d. t. versés au fondeur et 3 000 d. t. aux monnayeurs, soit un total de 76 l. t. Elle était d’une rentabilité certaine à 24 % de profit.

46Les monnayeurs avaient plus de facilité à recueillir des pièces ayant cours que les changeurs à qui cela était fermement interdit et qui ne pouvaient les concurrencer efficacement. Les changeurs pouvaient offrir 10 l. t. par marc d’argent fin en 1418 et 16 l. 10 s. t. après mars 1419 soit 1 066 d. t. par marc à 5 d. 8 gr. puis 1 100 d. par marc à 3 d. 8 gr. pour la frappe des gros de 20 d. t. soit 66 l. 12 s. 6 d. puis 68 l. 15 s. t. pour 15 marcs.

  • 40 Arch. nat., Z1b 3, f. 26 v.

47La fraude supposait néanmoins de disposer d’un réseau de complicités multiples parmi des professionnels qualifiés : un fondeur, l’orfèvre Simon(net) Emery ou Demery, fut un intermédiaire indispensable et en vint même à devenir un fournisseur en lames de métal à côté d’un potier d’étain, mais Martin et ses compagnons trop incertains sur la teneur de ces lingots finirent par réaliser eux-mêmes des fontes avec des résultats assez médiocres semble-t-il : « d’icelles fontes fu respandu plus de deux pars pour ce qu’ilz n’estoient pas a ce expers » explique M. Harassé. Martin Mingot qui n’excellait pas dans son travail d’ouvrier, travaillait les lames avec d’autres ouvriers au sein de la fournaise où il exerçait, mais il lui arriva de sous-traiter ce travail (sauf le blanchiment) et il lui fallut alors payer un franc par marc, ce qui représente 12 gros sur les 80 que contenait un marc (15 % de frais supplémentaires qui réduisaient d’autant le profit de Martin). Il fallait surtout s’assurer la complicité des monnayeurs qui frappaient les flans ou les échangeaient contre des monnaies authentiques. Il fallait aussi compter sur la probable connivence d’autres ouvriers et monnayeurs qui ne s’étonnaient pas du travail supplémentaire accompli par leurs collègues ni des paquets de métal, de flans ou de monnaies avec lesquels ils entraient et sortaient de l’atelier. La crainte de dénonciations était pourtant vive et elle conduisit Martin à s’éloigner six semaines de l’atelier, mais ceux (Ambelet de Mesques, Henriet et Mathael de Marages), qui l’avaient ainsi vu, après janvier 1421, avec un lingot compromettant remis devant eux par Jean l’Esveillé et dont ils s’étaient emparés préférèrent faire chanter Martin et se faire payer à dîner à ses frais. De même lorsque Martin approcha un monnayeur, Jean Bonnet le jeune, pour l’associer à des trafics menés de son propre chef, Jean L’Esveillé l’avait appris et lui confirma qu’il s’agissait d’un de ses parents en qui il pouvait se fier. En revanche, il convenait de compromettre les compagnons de la fournaise de Perrin le Maire, les frères Pierre et Michel Harassé – qui n’auraient pas manqué de remarquer le travail supplémentaire confié par Martin à Perrin – en les impliquant également dans le trafic, ce qui leur valut une condamnation et à Michel Harassé une lettre de rémission obtenue en 1431. L’information transpira cependant vers Noël 1420 et une première alerte incita les fraudeurs à prendre le large un temps. Ainsi, le 12 avril 142440 « Jean Bonnet l’aisné dit que environ noel l’an 1420 il se partit de la Monnaie de Paris alors qu’il était prévôt des monnayeurs et se partit un jour que lui et ses compaignons monnayaient et laissa sa breve et demeura absent jusqu’à environ la Saint-Jean ».

48Martin sentant que la fournaise de Jean l’Esveillé attirait les soupçons préféra ensuite travailler dans celle de Perrin Rousseau qui avec un autre ouvrier de sa fournaise, Jean Dupuis participa également à ses trafics, de même que Jean Moc, cousin de Rousseau dans la fournaise duquel Martin va ensuite travailler, avant de passer dans celle de Perrin Dieulegart, un parent de son ancien complice le monnayeur Jean Dieulegart. Si on ajoute les noms du monnayeur Jean Le Maistre, des ouvriers Thierry de Mircourt sinon d’« autres du serment de l’Empire », on atteint un total de 18 ouvriers et monnayeurs de l’atelier impliqués dans les trafics de Martin Mingot ou au moins informés, notamment du fait des liens familiaux au sein de ce métier héréditaire, sans compter ceux qui obtinrent des lettres de rémission pour des faits similaires comme Jean Jodoin, en 1422 qui dénonce les agissements de Guillaume de Sassenay, ouvrier du serment de l’Empire, en novembre 1420. On ne sait si les affaires étaient liées mais en 1421 le procès au Châtelet d’un Guillaume de Saussay est bien lié à celui des autres monnayeurs et à des frappes frauduleuses à l’atelier : le 6 novembre 1420 un clerc criminel du Châtelet dit que « au proces de Guillaume du Saussay et plusieurs autres ouvriers de la monnaie de Paris fait au châtelet dont plusieurs ont été exécutés pour leurs demerites Guillaume a confessé avoir ouvré deniers gros mauvais qu’autres compagnons avaient fondus et blanchis ».

  • 41 Arch. nat., JJ 175, no 2, A. Longnon (éd.), Paris pendant la domination anglaise. Documents, p. 329 (...)

49C’est en ce sens que l’on peut considérer la fraude comme généralisée et voir l’atelier parisien comme une officine de faux-monnayage. Un rôle du personnel de l’atelier aspirant à jouir des privilèges attachés au métier est établi en 1426 et porte les noms de 77 ouvriers et 43 monnayeurs pour le serment de France. Tous les agents de l’atelier n’étaient peut-être pas impliqués mais les personnes directement impliquées représentent au moins 15 % de l’effectif duquel il conviendrait sans doute de retrancher des personnes moins actives à l’atelier que dans la revendication des exemptions fiscales, comme le montre le cahier des frappes de cette période présenté ci-dessus qui dénombre une petite trentaine de monnayeurs actifs (27 pour le serment de France et 5 pour celui de l’Empire). Sur le nombre des monnayeurs actifs c’est une proportion loin d’être négligeable qui furent mêlées aux fraudes. Il faut surtout observer qu’aucun des noms cités par Martin Mingot ne se retrouve dans cette liste, cinq ans après les faits. On peut supposer que les monnayeurs incriminés avaient pour le moins effectivement été « mis hors du métier » comme le précise la lettre de rémission pour Michel Harassé41.

50Le fonctionnement interne à l’atelier et son organisation en fournaises de 4 à 5 ouvriers supervisés par un chef de fournaise était apparemment très souple et fort peu contrôlé puisque Martin put passer à sa guise d’une fournaise à une autre ou s’absenter six semaines de l’atelier avant d’être rappelé par le prévôt. Les relations entre les deux organisations professionnelles n’étaient pas non plus trop crispées puisque Martin, membre du serment de France, s’adressa alors à des ouvriers du serment de l’Empire et également à un monnayeur de l’Empire Jean Le Maistre. Pas de trace non plus des tensions politiques qui avaient pu agiter Paris à l’intérieur de l’atelier (à la différence de ce qui avait pu se passer au temps d’Étienne Marcel). Tout ce petit monde se retrouvait pour boire rue de la Ferronnerie ou au cloître Sainte-Opportune autant qu’à la messe à Saint-Martin des Champs.

  • 42 A. Tuetey, Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 126, § 254.
  • 43 F. Dumas, Le monnayage des ducs de Bourgogne, p. 204-208.

51Après une première opération menée sous le patronage de Jean L’Esveillé Martin Mingot se consacra au trafic sur des « blancs bourguignons appelés lubres ». Selon les mentions du Journal du Bourgeois de Paris en juin-juillet 141942 : « il courait a Paris blans de Bourgogne de 8 deniers parisis que on appeloit lubres qui ne valoient mie 3 deniers et avec ce estoient rouges comme meriaux. Si eussiez vu par tout Paris ou marchandise couroit touzjours debat, fust a pain ou a vin ou a autre chose », une formule qui rejoint celle de Martin : « lors avoient cours mais les marchans qui aloient dehors ne les vouloient prendre ains marchandoient a gros et les detailleurs tant au pain comme autrement n’estoient paiez que en lubres ». Ces pièces sont encore mentionnées en juin 1420 (Tuetey, p. 142, § 284) « car en ce temps 4 vielz deniers parisis valloient mieulx que un gros de 16 denier qui pour lors couroit et faisoit on de tres mauvays lubres de 8 deniers qui par devant furent tant refusez et par justice defenduz les groz dessusdits ». Il s’agissait de blancs de 10 d. t. frappés en Bourgogne qui au temps de la France gouvernée par Jean sans Peur avaient envahi le marché parisien. Françoise Dumas43 relève en effet que les blancs de 10 d. t. frappés par Jean sans Peur étaient à 24 % dès le début de 1417 pour un poids de 3,06 g et qu’il en avait été frappé plus de 120 000 marcs en un an, avant qu’un bail secret en avril 1418 mette en place une fabrication à un titre encore plus bas, proche des 21 % ordonnés en octobre pour les blancs de 10 d. t. royaux, qui ne furent guère frappés. La transformation de ces pièces en gros de 20 d. t. de même poids était d’autant plus avantageuse que ces lubres étaient sous-cotés par tous les marchands qui pour s’en débarrasser étaient peut-être prêts à les céder à un cours inférieur à 10 d. t. En effet, à partir de mars 1419 les gros de 20 deniers pèsent toujours 3,06 g (80 au marc) mais leur titre est tombé à 26 %, proche de celui des lubres et leur contenu de métal fin est ainsi ramené à un peu plus de celui de 4 deniers parisis anciens des années 1389-1411. Martin, après trois collectes de 8, 5 et 6 marcs parvient à réunir 2 marcs de lubres par semaine (pour un total de 48 marcs) sur la moitié de l’année 1420, s’il ne tente pas de dissimuler l’ampleur de ses fraudes.

52Le prix d’achat de ces lubres n’est pas indiqué mais, au pair, il aurait été de 80 × 10 = 800 d. t. auxquels s’ajoutaient 7 blancs (ou gros) par marc laissés au fondeur Simonet Demery (140 d. t.), un franc par marc (240 d. t.) aux ouvriers et 30 d. par livre soit 120 d. t. par marc au monnayeur. Le prix de revient s’élevait à 1 300 d. t. pour une valeur à l’émission de 1 600 d. t. soit un profit de 25 s. t. par marc, mais ce calcul ne tient pas compte des pertes de métal et des déchets à la fonte et à l’ouvrage qui pouvaient s’élever à 12,5 % comme dans le cas de la première opération. Le profit se limitait alors à 10 s. t. environ pour Martin dont les revenus dépassaient largement ce qu’il aurait pu gagner par son seul travail à l’atelier, à 12 ou 15 d. t. par marc. La collecte des lubres finit par se raréfier et l’initiative vint alors de l’orfèvre qui demanda un lingot ou royal produit officiellement à l’atelier pour lui servir d’étalon dans la production de lingots à partir de métal d’origines diverses et inconnues. Les lingots de 5 marcs, 3 et 3 marcs qu’il produisit lui furent achetés entre 4 ½ et 5 livres t. le marc et 8 marcs furent de même achetés 4 livres le marc à un potier d’étain. Le prix de revient restait de l’ordre de 768 à 960 d. t. pour le marc d’alliage fondu et mis en royaux et permettait de dégager un profit du même ordre qu’auparavant. Ensuite, la fonte des alliages permit aux fraudeurs de réduire les frais mais on ne sait pas le coût d’achat du métal qui y fut introduit (vaisselle et grenaille d’argent). Ces fontes portèrent sur 36 marcs deux fois dont, selon Martin Mingot comme selon Michel Harassé ils tirèrent 30 marcs de royaux et 28 marcs qui restaient à fondre quand Martin dut s’enfuir.

53Ce dossier montre la complexité du processus technique de la fabrication monétaire qui nécessite de multiples compétences, rarement réunies chez un même artisan. Cela constituait en soi un frein aux fraudes. Le secret partagé entre plusieurs personnes ne pouvait tenir très longtemps même si les contrôles prévus au sein de l’atelier pouvaient apparemment être facilement déjoués et si les liens familiaux pouvaient favoriser silence et complicités. Autant que les gains liés aux fraudes, les documents témoignent des rémunérations attendues pour chaque étape du travail qui ne sont guère documentées autrement.

Bibliographie

54Abot de Bazinghem (François), Traité des monnoies et de la jurisdiction de la cour des monnoies en forme de dictionnaire, 2 vol., Paris, 1764.

55Belaubre (Jean), Administration des Monnaies et Médailles. Les collections monétaires, II. Monnaies médiévales, 1. L’ère du denier, Paris, 1987.

56Boizard (Jean), Traité des monnoyes, de leurs circonstances et dépendances, Paris, 1692.

57Bompaire (Marc), « Le trésor de gros tournois de Curgy (Saône-et-Loire) », Bulletin de la Société française de numismatique, 77-6 (juin 2022), p. 245-250.

58Bompaire (Marc), « Les cadences de production (xive-xvie s.) en France principalement », dans Georges Depeyrot, Tony Hackens, Ghislaine Moucharte (éd.), Rythmes de la production monétaire, Louvain, 1989, p. 579-613.

59Bompaire (Marc), « Monnayages et monnayeurs dans l’Europe médiévale », CRAI, fasc. 2 (avril-juin 2023), p. 807-831.

60Borrel (Vincent), « Brandes, témoin de l’économie monétaire régionale », dans Marie-Christine Bailly-Maître (dir.), Vivre en montagne au Moyen Âge. Les objets racontent l’histoire de l’argentaria de Brandis, Lyon, 2024 (Mondes médiévaux, 9).

61Brisson (Barnabé), Code du roy Henry III roy de France et de Pologne, Lyon, 1593, livre XV. Des monnoyes et officiers d’icelles, p. 779-898.

62Clairand (Arnaud), Monnaies royales françaises et de la Révolution 1610-1794, Paris, 2023.

63Coativy (Yves), La monnaie des ducs de Bretagne, de l’an mil à 1499, Rennes, 2006.

64Cockshaw (Pierre), « L’atelier monétaire de Paris à la fin du règne de Charles VI une officine de faux-monnayage », Revue numismatique, 1987, p. 184-191.

65Cook (Barrie J.), « En monnaie aiant cours: the monetary system of the Angevin Empire », dans Barrie Cook, Gareth Williams (éd.), Coinage and history in the North Sea World c. 500-1250. Essays in honour of Marion Archibald, Leyde, Londres, 2006, p. 617-686.

66Cordoba de La Llave (Riccardo), Ciencia y tecnica monetarias en la Espana bajomedieval, Madrid, 2009.

67Cox (Daphné H.), The Tripolis Hoard of French seignorial and Crusader’s Coins, New York, 1933 (Numismatic Notes and Monographs, 59).

68Dieudonné (Adolphe), « L’ordonnance de 1204 sur le change en Normandie », dans Mélanges offerts à M. Gustave Schlumberger, Paris, 1924, t. II, p. 328-337.

69Dumas (Françoise), Barrandon (Jean-Noël), Le titre et le poids de fin des monnaies sous le règne de Philippe Auguste, Sophia-Antipolis, 1982 (Cahiers Ernest-Babelon, 1).

70Dumas (Françoise), « La monnaie dans les domaines Plantagenêt », Cahiers de civilisation médiévale, 1986, p. 53-59.

71Dumas-Dubourg (Françoise), Le monnayage des ducs de Bourgogne, Louvain, 1988.

72Duplessy (Jean), Les monnaies françaises féodales, Paris, 2004.

73Elias (E. R. Duncan), The Anglo-Gallic coins, Londres, Paris, 1984.

74Jézéquel (Yannick), Les monnaies des comtes et ducs de Bretagne, Xe au XVe siècle, Paris, 1998.

75Kool (Robert), « Coin Finds and the Use of Money at Monfort (1926-2012) », dans Adrian J. Boas, Rabei G. Khamisy (éd.), Montfort History, Early Research and Recent Studies of the Principal Fortress of the Teutonic Order, Leyde, 2017, p. 242-255.

76Kool (Robert), « Finding French deniers in the Latin Kingdom of Jerusalem. The archaeological and cultural perspective », dans Martin Aurell, Marisa Galvez, Estelle Ingrand-Varenne (éd.), Transferts culturels entre France et Orient latin (XIIe-XIIIe siècles), Paris, 2021, p. 101-128.

77Léchelon (Bernard), Cinq millénaires d’exploitation d’or, d’argent et de cuivre dans le Sud Aveyron, Escourbiac, 2023.

78Longnon (Auguste) (éd.), Paris pendant la domination anglaise. Documents, Paris, 1878.

79Longuet (Henri), « La trouvaille de Kessab en Orient Latin », Revue numismatique, 1935, p. 163-183.

80Lot (Ferdinand), Fawtier (Robert), Le premier budget de la monarchie française, le compte de 1202-1203, Paris, 1932.

81Metcalf (D. Michael), « Burgundian money in the latin east », Israel Numismatic Journal, 5 (1981), p. 73-82.

82Metcalf (D. Michael), The white bezants and deniers of Cyprus 1192-1285, Nicosie, 1998 (Texts and studies of the history of Cyprus, 19).

83Meunier (Emmanuelle), Fabre (Jean-Marc), Hiriart (Eneko), Mauné (Stéphane), Tămaş (Călin), éd., Mines et métallurgies anciennes. Mélanges en l’honneur de Béatrice Cauüet, Pessac, 2023 (Dan@, 9).

84Michel (Olivier), « Fabrication et utilisation des coins en Bretagne à la fin du xvie siècle », Bulletin de la Société française de numismatique, 77-8 (octobre 2022), p. 328-334.

85Minvielle Larousse (Nicolas), L’âge de l’argent : mines, société et pouvoirs en Languedoc médiéval, Aix, 2023, (Bibliothèque d’archéologie méditerranéenne et africaine, 34).

86Poullain (Henri), Relation de Me Henry Poullain, cy-devant conseiller en la cour des Monnoyes, de l’espreuve de fabrication des especes, sur certains nouveaux instrumens proposez par Nicolas Briot, Paris, 1617.

87Travaini (Lucia), I trenta denari di Giuda: storia di reliquie impreviste, Rome, 2021.

88Tuetey (Alexandre), éd., Journal d’un Bourgeois de Paris, Paris, 1882.

89Wolfthal (Diane), Jackson (Deirdre), Epstein (Steven), Yoon (David), Medieval Money, Merchants and Morality, an introduction to the Exhibition, New York, Morgan Library and Museum, 2023.

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Notes

1 A. Clairand, Monnaies royales françaises.

2 BNF ms. fr. 5840, Dupuy 956 Marucelliana.

3 L. Travaini, I trenta denari di Giuda, 2021.

4 D. Wolfthal, D. Jackson, S. Epstein, D. Yoon, Medieval Money, Merchants and Morality.

5 B. Léchelon, Cinq millénaires d’exploitation d’or, d’argent.

6 E. Meunier, J.-M. Fabre, E. Hiriart, S. Mauné, C. Tămaş (éd.), Mines et métallurgies anciennes.

7 N. Minvielle Larousse, L’âge de l’argent.

8 V. Borrel, « Brandes témoin de l’économie monétaire régionale ».

9 B. Brisson, Code du roy Henry III, livre XV. Des monnoyes et officiers d’icelles, p. 779-898.

10 J. Boizard, Traité des monnoyes.

11 Monnaie de Paris 4o 19, f. 27-71.

12 Arch. nat., Z1b 54, f. 142-145.

13 BNF, ms. fr. 23928, f. 8v-11v.

14 Bibl. de la collégiale de Léon, ms. 46 publié par R. Cordoba de La Llave, Ciencia y tecnica monetarias.

15 M. Bompaire, « Monnayages et monnayeurs dans l’Europe médiévale ».

16 O. Michel, « Fabrication et utilisation des coins en Bretagne ».

17 Arch. nat., Z1b 914, document signalé par M. Bompaire, « Les cadences de production (xive-xvie s.) », p. 594-596.

18 D. M. Metcalf, The white bezants and deniers.

19 D. Cox, The Tripoli Hoard.

20 H. Longuet, « La trouvaille de Kessab ».

21 J. Duplessy, Les monnaies françaises féodales.

22 E. R. D. Elias, The Anglo-Gallic coins, 8j.

23 F. Dumas-Dubourg, Le monnayage des ducs de Bourgogne.

24 Cf. D. M. Metcalf, « Burgundian money ».

25 Y. Jézéquel, Les monnaies des comtes et ducs de Bretagne et J. Belaubre, Les collections monétaires, nos 713-779. Cf. Y. Coativy, La monnaie des ducs de Bretagne, p. 79-89.

26 R. Kool, « Finding French deniers in the Latin Kingdom ».

27 R. Kool, « Coin Finds and the Use of Money at Monfort ».

28 Y. Coativy, La monnaie des ducs de Bretagne, p. 75.

29 Cf. Y. Coativy, La monnaie des ducs de Bretagne, tableaux 10 et 13.

30 Cf. F. Dumas, « La monnaie dans les domaines Plantagenêt », et en dernier lieu Barrie J. Cook, « En monnaie aiant cours ».

31 A. Dieudonné, « L’ordonnance de 1204 ».

32 F. Dumas, J.-N. Barrandon, Le titre et le poids de fin et Y. Coativy, La monnaie des ducs de Bretagne.

33 F. Lot, R. Fawtier, Le premier budget de la monarchie.

34 M. Bompaire, « Le trésor de gros tournois de Curgy ».

35 P. Cockshaw, « L’atelier monétaire de Paris à la fin du règne de Charles VI une officine de faux-monnayage », p. 184-191.

36 Arch. nat., Z1b 2-3, passim.

37 Arch. nat., JJ 172, no 619, f. 342-344.

38 BNF, ms. Duchesne 18, f. 185.

39 La femme de Jean L’Esveillé avait déjà été emprisonnée en novembre 1417 pour avoir confié 24 flans de gros de 20 d. t. à un monnayeur Lorin Arodant.

40 Arch. nat., Z1b 3, f. 26 v.

41 Arch. nat., JJ 175, no 2, A. Longnon (éd.), Paris pendant la domination anglaise. Documents, p. 329-331, no 158.

42 A. Tuetey, Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 126, § 254.

43 F. Dumas, Le monnayage des ducs de Bourgogne, p. 204-208.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marc Bompaire, « Numismatique et économie monétaire de l’Occident médiéval et moderne »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 156 | 2025, 270-290.

Référence électronique

Marc Bompaire, « Numismatique et économie monétaire de l’Occident médiéval et moderne »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 156 | 2025, mis en ligne le 02 avril 2025, consulté le 18 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/ashp/8022 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13mtm

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Auteur

Marc Bompaire

Directeur d'études, École pratique des hautes études-PSL — section des Sciences historiques et philologiques

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