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Résumés des conférences

Histoire de l’art de la Renaissance

Sabine Frommel
p. 340-342

Résumé

Programme de l’année 2023-2024 : Synagogue, église, mosquée : interactions et stratégies de conversion aux XVe et XVIe siècles.

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Texte intégral

1En bénéficiant de trois colloques internationaux, en 2017 à Istanbul (en collaboration avec le Swedish Research Institute et le Kunsthistorisches Institut in Florenz, Max-Planck-Institut), en 2019 à New York (Columbia University) et à Rome (en collaboration avec le Museo Ebraico) en 2022, le séminaire a approfondi la question des corrélations et des processus de transmission entre les typologies architecturales des trois religions monothéistes. Au lieu de considérer ces typologies comme des phénomènes isolés, nous cherchons à mettre en lumière des influences réciproques, des retours aux mêmes modèles et des stratégies de conversion. L’intérêt a été centré sur une mise en parallèle de l’évolution aux xve et xvie siècles en Italie centrale et dans l’Empire ottoman, notamment à Istanbul, et sur l’existence d’une perméabilité entre les deux univers, due aussi à des recherches parallèles, concernant tout d’abord l’organisme centré surmonté d’une coupole. Pourtant, si la Renaissance italienne reconnaît ses modèles dans l’Antiquité gréco-romaine, les architectes ottomans s’appuient sur l’héritage byzantin, en premier lieu sur Sainte-Sophie à Constantinople, fondée par Constantin et reconstruite par Justinien comme basilique chrétienne. En 1453, elle a été convertie en mosquée.

2Nous nous sommes consacrés aux variations de ce modèle à partir de la mosquée de Bajazet II réalisée par Hayreddin (1501-1506) jusqu’à la Mosquée bleue que Sedefkar Mehmed Agha construisit, presque un siècle plus tard (1609-1617), pour le sultan Ahmed I. Au sein de ce cadre chronologique l’œuvre de Sinan dont les édifices plus importants datent du temps de Soliman le Magnifique et sa fille Mihrimah Sultane, promut des expériences essentielles. Il s’est avéré que vis-à-vis de la Renaissance la notion de progrès est fort différente dans l’Empire ottoman où de nouveaux concepts spatiaux coïncident avec des éléments traditionnels tel que les trompes ou l’ornement à stalactites. Le désintérêt total pour l’appropriation des ordres vitruviens, l’un des indicateurs de progrès dans l’architecture occidentale, favorise la persistance de certains motifs archaïques dans les mosquées.

3Si dans la mosquée de Sehzade Mehmet, commandée par Soliman comme lieu de commémoration après la mort de son fils aîné en 1543, Sinan a transformé le modèle de Sainte-Sophie en un organisme d’une symétrie parfaite sous forme d’un trèfle à quatre feuilles, certainement d’une signification symbolique, dans sa grande mosquée érigée entre 1550 et 1557, le sultan privilégie de nouveau l’axe longitudinal qui, culminant à Sainte Sophie dans l’abside avec le trône de l’empereur, est métaphore du pouvoir séculier. Pour d’autres commanditaires, notamment Mihrimah Sultane, Sinan a développé un grand répertoire de solutions autour de l’organisme centré, en utilisant aussi le plan octogonal. Mais c’est seulement Ahmet I qui, dans la Mosquée bleue, fait culminer le système de la Sehzade Mehmet, en faisant de la centralisation un principe formel au service de l’expression de son pouvoir et de celui de sa religion.

4Un deuxième volet de notre réflexion a gravité autour de la fonction liturgique et de son impact sur la forme du monument et sur l’orchestration de ces espaces. La mosquée exige, en dehors de la salle de réunion des fidèles sous la coupole, seulement une niche, mihrah, pratiquée dans le mur orienté vers la Mecque et, à proximité, le minbar, une chaire desservie par des marches. Le programme fonctionnel d’une église chrétienne en revanche est plus complexe, à commencer par l’autel majeur, le chœur, la sacristie, le lieu de conservation de la relique jusqu’au culte des saints de la mort. La prolifération des chapelles privées pendant la Renaissance, répondant au souhait d’illustres commanditaires d’une demeure éternelle prestigieuse, a entraîné quant à elle une mutation de l’espace sacré. Dans la plupart des cathédrales et des grandes églises de pèlerinage le service liturgique destiné à un nombre important de fidèles rend nécessaire une nef en longueur qui compromet le plan centré. Ainsi Sinan eut des conditions beaucoup plus favorables pour la réalisation de l’organisme unifié que Bramante à Saint-Pierre, qui dut ajouter à son projet GDSU 1A une définition innovante du plan centré, une large nef en longueur. Depuis Filippo Brunelleschi à Santa Maria degli Angeli les architectes profitèrent des typologies accueillant un nombre moins important de croyants, des mausolées, des sanctuaires ou des églises votives, afin d’exploiter les qualités spatiales et symboliques du plan centré. En même temps ils mirent au point des solutions, susceptibles de combiner ces spécificités avec une nef en longueur, en se servant des effets de perspective. Il est étonnant que dans cet ordre d’idées Sainte-Sophie, témoin capital d’une fusion du plan centré et de l’axe longitudinal, n’ait pas bénéficié d’une fortune en Italie bien que le Codex Barberiniano de Giuliano da Sangallo affirme que ce modèle ait été bien connu.

5Une autre problématique enfin à laquelle notre programme a prêté une attention particulière gravite autour de l’assimilation de modèles orientaux en Italie. Il est généralement connu que la typologie à coupoles croisées (quincunx) ait été assimilée pour la première fois à la basilique de Saint-Marc à Venise où intervinrent des architectes de Constantinople pour réaliser un monument selon le modèle de l’église des Saints Apôtres, démoli en 1461. Le parcours de ce modèle se poursuivit ensuite vers l’ouest avec des adoptions à Padoue (Santo) pour atteindre Milan au Quattrocento où les Florentins actifs pour les Sforza l’adaptèrent à leurs principes formels. Dans son traité, Filarète fait correspondre la cathédrale de la ville idéale de Sforzinda à ce système avant que Léonard, sans doute en collaborant avec Bramante alors au service du même seigneur, en fasse un leitmotiv dans son Manuscrit B (Institut de France), dédié aux églises à plan centré (1486-1490). Tout porte à croire que Bramante, en concevant le projet pour la reconstruction de la basilique Saint-Pierre (GDSU 1A) en 1505, profite de ces recherches et que l’on a même fait venir Léonard à Rome en avril de cette même année, afin de profiter de ses compétences et de son soutien. Vers 1514, lorsque que l’on invite Fra Giocondo de Vérone, auteur du premier traité illustré de Vitruve (1511), pour une consultation quant au projet de Bramante, se révélant trop fragile sur le plan statique, il propose une nef longitudinale selon le modèle de l’église des Saints Apôtres, à laquelle il souhaitait sans doute donner une nouvelle actualité au sein de l’église majeure de la chrétienté.

6L’imaginaire de l’architecture orientale, fort présent dans l’architecture occidentale dès la deuxième moitié du Quattrocento, et aussi dans l’architecture peinte des tableaux et des fresques, forme un vecteur essentiel du renouveau de l’architecture sacrée de la Renaissance italienne. Le séminaire a tenté de poser des jalons méthodologiques qui permettront de définir, par des recherches approfondies, le processus de transmission architecturale entre l’Empire ottoman et la Renaissance italienne.

7Diffusés sous forme hybride, les séminaires ont été suivis par 12 doctorants, 6 étudiants de master et une vingtaine d’auditeurs.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sabine Frommel, « Histoire de l’art de la Renaissance »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 156 | 2025, 340-342.

Référence électronique

Sabine Frommel, « Histoire de l’art de la Renaissance »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 156 | 2025, mis en ligne le 02 avril 2025, consulté le 15 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/ashp/8067 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13mtw

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Auteur

Sabine Frommel

Directrice d'études, École pratique des hautes études-PSL — section des Sciences historiques et philologiques

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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