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Résumés des conférences

Histoire de l’art du Moyen Âge occidental

Philippe Lorentz
p. 343-344

Résumé

Programme de l’année 2023-2024 : L’artiste médiéval. Travaux récents sur Jan van Eyck.

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Texte intégral

  • 1 Maximiliaan Martens, Till-Holger Borchert, Jan Dumolyn, Johan De Smet, Frederica Van Dam (dir.), Va (...)

1Dans le sillage des conférences de 2022-2023 consacrées aux méthodes déployées par les historiens dans leurs diverses approches de l’artiste médiéval, bien souvent cantonné dans l’anonymat en l’absence de sources pouvant être mises en relation avec des œuvres conservées sans signatures, les séances de cette année ont eu pour objet l’étude de l’artiste au service du prince, à travers un peintre de cour dûment identifié et bien connu : Jan van Eyck (vers 1390-1441). Cet artiste a fait l’objet de travaux récents sur lesquels nous nous sommes notamment appuyés pour comprendre les étapes de sa carrière1.

  • 2 « (…) Lequel mon dict seigneur pour l’abileté et souffissance que par la relacion de pluseurs de se (...)
  • 3 Jacques Paviot, « La famille Van Eyck », dans M. Martens et al., Van Eyck, note 1, p. 61.
  • 4 Philippe Lorentz, « Peintre et valet de chambre à la cour de France aux xive et xve siècles : titre (...)
  • 5 Philippe Lorentz, « Broederlam, Melchior », dans Allgemeines Künstler-Lexikon, 14, Munich, Leipzig, (...)

2Jan van Eyck, « varlet de chambre et paintre » de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. — Philippe le Bon avait vraisemblablement eu l’occasion de rencontrer Jan van Eyck lorsque ce dernier était au service de Jean de Bavière, comte de Hollande, décédé à La Haye le 5 janvier 1425. En effet, selon les termes des lettres patentes d’engagement du peintre, données à Bruges quelques mois plus tard, le 19 mai 1425, le prince, après avoir été mis au fait des compétences de « Jehan de Heick » par plusieurs membres de son entourage, avait aussi constaté de visu l’excellence de l’artiste2. Le duc Philippe avait alors cherché à attirer cet artiste de talent et lui avait conféré un poste de valet de chambre, dont les gages étaient augmentés de deux tiers par rapport au salaire qu’il percevait à La Haye3. L’attribution à un peintre d’un poste de valet de chambre – une dénomination qui n’est pas un titre honorifique comme on le lit fréquemment dans la littérature, mais bien un poste budgétaire de l’hôtel du prince – apparaît au milieu du xive siècle à la cour des rois de France Valois4. Les ducs Valois de Bourgogne, parents des souverains, adoptent ce mode de rémunération pour leurs artistes. Avant Jan van Eyck, Melchior Broederlam, au service du comte de Flandre Louis de Male († 1384) et simplement mentionné à ce titre comme « le poyntre monseigneur », reçoit du nouveau comte, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (frère du roi Charles V), un poste de « varlet de chambre » (lettres du 13 mai 1384)5.

  • 6 « Et a ce parlement arriva ungs evesques du royaulme de Portingal accompaigné de xl gentilzhommes, (...)

3Jan van Eyck peintre de cour. — Aucune des œuvres de Jan van Eyck parvenues jusqu’à nous ne peut être reliée de manière certaine à une commande ducale. Seul un dessin du xviie siècle nous livre le reflet indirect d’un tableau exécuté par Jan van Eyck à la demande de Philippe le Bon. Il s’agit du portrait de l’infante Isabelle, fille du roi de Portugal João Ier, peint en janvier 1429 lorsque l’artiste faisait partie de l’ambassade dépêchée auprès du souverain lusitanien pour y négocier un éventuel mariage de la princesse avec le duc Philippe, à qui l’effigie fut expédiée. À cette époque, on attendait d’un peintre de cour qu’il fût bon portraitiste. Dans les circonstances des tractations qui conduisirent à son mariage avec Isabelle de Portugal, il fut donné à Philippe le Bon d’éprouver le talent de son excellent peintre, apte à saisir avec exactitude les traits de ses modèles. Le duc avait même le loisir de comparer ce portrait avec une autre effigie de l’infante, œuvre probable – disparue – d’un peintre portugais, qui lui avait été présentée à Amiens cinq ans auparavant, en 1424, par des envoyés du roi João Ier pour traiter déjà d’un éventuel mariage entre Philippe de Bourgogne et l’infante. On peut supposer que cette « figure » d’Isabelle, mentionnée par une chronique et dont l’existence a jusqu’ici échappé aux historiens6, n’a pas fait une très forte impression sur le duc. Quoi qu’il en soit, les pourparlers de 1424 n’aboutirent pas.

  • 7 Revoir Van Eyck. Rencontre avec un chef-d’œuvre. La Vierge du chancelier Rolin, musée du Louvre, 20 (...)

4Jan van Eyck et le chancelier Rolin : processus d’une commande. — Pour avoir vu et comparé les deux effigies de la future duchesse de Bourgogne produites en 1424 et en 1429, le chancelier de Philippe le Bon, Nicolas Rolin, n’a pu qu’être frappé par la radicale nouveauté du portrait eyckien. À son tour, il sollicita l’artiste de cour, qui pouvait accepter d’autres commandes que celles émanant du duc Philippe. De l’échange entre ces deux personnages au service du prince est issu le tableau comportant la représentation de Rolin en prière face à Notre-Dame, connu sous le titre de la Vierge du chancelier Rolin (Louvre, Inv. 1271). Le processus de la commande de cette œuvre a été étudié de près pendant un certain nombre de séances de cette année 2023-2024, à l’occasion de l’exposition qui s’est tenue au Louvre à l’issue de la restauration du panneau7.

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Notes

1 Maximiliaan Martens, Till-Holger Borchert, Jan Dumolyn, Johan De Smet, Frederica Van Dam (dir.), Van Eyck. Une révolution optique, Gand, 2020 ; Hendrik Callewier, « A new document on Jan van Eyck: his request for a confessional letter in the Vatican Archives », Simiolus, 43, 1-2 (2021), p. 16-25 ; Alfred Acres, Jan van Eyck within His Art, Londres, 2023 ; Sophie Caron (dir.), Jan van Eyck. La Vierge du chancelier Rolin, Paris, 2024.

2 « (…) Lequel mon dict seigneur pour l’abileté et souffissance que par la relacion de pluseurs de ses gens il avoit oy, et meismes savoit et cognoissoit estre de fait de pointure en la personne du dit Jehan de Heick… » (Lille, Archives départementales du Nord, B 4095, f. xcv verso ; William H. J. Weale, Hubert and John van Eyck. Their Life and Work, Londres, 1908, p. xxx-xxxi, doc. 6.

3 Jacques Paviot, « La famille Van Eyck », dans M. Martens et al., Van Eyck, note 1, p. 61.

4 Philippe Lorentz, « Peintre et valet de chambre à la cour de France aux xive et xve siècles : titre honorifique ou poste budgétaire ? », dans Dagmar Eichberger, Philippe Lorentz (dir.), L’artiste entre la cour et la ville – The artist between court and city – Der Künstler zwischen Hof und Stadt (1300-1600), actes du colloque international, Paris, INHA, 2014, Petersberg, 2017, p. 47-54.

5 Philippe Lorentz, « Broederlam, Melchior », dans Allgemeines Künstler-Lexikon, 14, Munich, Leipzig, 1996, p. 326-327.

6 « Et a ce parlement arriva ungs evesques du royaulme de Portingal accompaigné de xl gentilzhommes, liquelx evesques aporta le figure de le fille dudit roy pour avoir traictié de mariage d’icelle fille audit duc de Bourgoigne, pour lequelle chose icelui duc renvoia audit pais ses ambaxeurs sur ce fait. » (BNF, Fr. 23018, f. 446v-447). Le chef de l’ambassade était D.  Alvaro de Abreu, alors évêque de Silves (Algarve).

7 Revoir Van Eyck. Rencontre avec un chef-d’œuvre. La Vierge du chancelier Rolin, musée du Louvre, 20 mars-17 juin 2024. Voir Philippe Lorentz, dans Sophie Caron (dir.), Jan van Eyck, note 1, p. 86-99.

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Pour citer cet article

Référence papier

Philippe Lorentz, « Histoire de l’art du Moyen Âge occidental »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 156 | 2025, 343-344.

Référence électronique

Philippe Lorentz, « Histoire de l’art du Moyen Âge occidental »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 156 | 2025, mis en ligne le 02 avril 2025, consulté le 16 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/ashp/8071 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13mtx

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Auteur

Philippe Lorentz

Directeur d'études, École pratique des hautes études-PSL — section des Sciences historiques et philologiques

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