Histoire de la diplomatie et des relations internationales au XIXe siècle
Résumé
Programme de l’année 2023-2024 : Nouvelles recherches sur la diplomatie du Second Empire : l’apogée de la diplomatie impériale (1856-1863).
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1Ces conférences annuelles spécifiquement consacrées à l’histoire de la diplomatie et des relations internationales au xixe siècle, dont il faut rappeler que l’EPHE-PSL est seule à en proposer dans l’enseignement supérieur français, poursuivent trois objectifs principaux. D’abord, il s’agit de donner vie et dynamisme à un domaine de recherche qui offre d’immenses possibilités, de multiples sujets stimulants, des archives très abondantes, faciles d’accès, peu exploitées et idéalement formatrices pour de futurs historiens. Il s’agit conséquemment de former les auditeurs et les étudiants à la connaissance et à l’exploitation des sources diplomatiques françaises, dans toute leur diversité et en particulier celle des archives du ministère des Affaires étrangères (correspondances politiques ou consulaires, archives rapatriées des postes, mémoires et documents, etc., et bien sûr la série « papiers d’agents archives privées », complément indispensable pour toute étude diplomatique sur le xixe siècle). Le troisième objectif principal est de reprendre, aussi précisément qu’il est possible dans le cadre de ces conférences, des événements dont certains sont très connus (l’entrevue de Plombières par exemple), d’autres beaucoup moins. En revenant aux sources, il est intéressant de confirmer ou, le plus souvent, de préciser, voire de corriger les interprétations et récits habituels, qui perpétuent bien souvent une histoire partielle, parfois orientée, ou simplement erronée.
2Le programme des conférences de l’année 2022-2023 avait permis d’étudier les causes, le déroulement et les suites de la guerre de Crimée (1853-1856) sous l’angle de la diplomatie et des négociations, notamment multilatérales, qui avaient précédé, accompagné et suivi ce conflit européen et oriental. Le congrès de Paris (février-avril 1856) avait été étudié en détail, non seulement avec ses protocoles et ses sources officielles, mais avec beaucoup de documents inédits, ce qui avait confirmé l’intérêt considérable que présente cet événement pour l’histoire des relations internationales, comme pour l’histoire de la négociation diplomatique en général.
3Les conférences de l’année 2023-2024 ont pris la suite logique et chronologique de ce cycle, en proposant d’étudier la diplomatie du Second Empire pendant les années de son apogée.
4Le congrès de Paris a donné à Napoléon III et à sa diplomatie un rôle de pivot dans le jeu diplomatique et conféré à la France une forme de primauté sur le continent européen. Dans ses Souvenirs inédits qui ont été souvent utilisés dans ce séminaire, Hippolyte Desprez écrit à ce sujet :
- 1 Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), La Courneuve, série Papiers d’agents archives (...)
La France était vengée de ses défaites de 1815 et de l’état de suspicion dans lequel les Cabinets l’avaient tenue presque constamment depuis lors. Elle n’avait pas seulement brisé par les négociations et par les armes, l’ancienne coalition, elle reprenait le premier rang parmi les grandes cours, et, pendant d’heureuses et brillantes années, elle le gardait sans opposition, je dirais presque sans rivalité. […] Les autres cabinets l’acceptaient volontiers pour juge de leurs contestations. Elle exerçait une sorte d’arbitrage moral. On la consultait de toutes parts et on l’écoutait1.
5L’historien ne peut comprendre les audaces de la diplomatie française sous le Second Empire – ainsi que ses imprudences – sans avoir conscience de cet état d’esprit si particulier qui règne depuis le congrès de Paris. Mais dans l’immédiat, la question se pose de savoir ce que la France fera de sa puissance nouvelle. La position a été acquise non en renversant le système international du Concert européen, mais au contraire en en prenant la tête. Napoléon III va-t-il poursuivre cette politique en pratiquant le Concert européen, ou bien voudra-t-il changer l’Europe par des ruptures avec le système ? A-t-il une vision idéologique de sa politique européenne, notamment en agissant en faveur du principe des nationalités ? A-t-il la volonté de conduire sa politique étrangère lui-même, y compris à l’encontre du Quai d’Orsay ?
6Le cycle de conférences de cette année a couvert la période allant de 1856 et les suites immédiates du congrès de Paris, jusqu’à 1863 qui va vu l’échec de la politique française dans la crise polonaise, échec dont on peut considérer qu’il ouvre une période différente.
7Deux séances ont été consacrées à l’ambassade du comte de Morny à Saint-Pétersbourg entre le mois d’août de 1856 et le mois de juin de 1857. Le fait d’envoyer son demi-frère comme ambassadeur extraordinaire ne signifie nullement que Napoléon III entend mener une politique personnelle en allant contre son personnel diplomatique habituel. Le choix de Morny s’explique simplement par la tendance favorable à la Russie que cet homme politique avait manifestée avant la guerre de Crimée. Son ambassade a pour but de nouer des relations cordiales et constructives avec le nouveau tsar, Alexandre II, et de conclure un traité de commerce. De ce point de vue – et aussi du point de vue des affaires économiques, car Morny est un affairiste avant d’être un diplomate – la mission est un succès.
8Mais il n’est pas question d’un retournement d’alliance diplomatique de la France vers la Russie. Morny souhaitait que Paris s’éloigne de son alliance privilégiée avec Londres pour s’allier franchement avec Saint-Pétersbourg. Il a clairement échoué sur ce point et sa correspondance diplomatique, trop nettement orientée, est même vue avec une forme d’impatience au Quai d’Orsay comme aux Tuileries. Ce n’est pas seulement que Morny n’ait pas été un bon diplomate ou ne soit pas réellement fait pour la diplomatie, mais le système diplomatique qu’il souhaite n’est absolument pas celui de Napoléon III, non plus que celui de son ministre des Affaires étrangères, Alexandre Walewski. D’abord parce que la politique française, bien que cordiale avec la Russie depuis la fin de la guerre de Crimée, reste essentiellement une politique d’endiguement de la puissance russe en Orient et dans les Balkans. Ensuite, plus largement, parce qu’on considère, aux Tuileries comme au Quai d’Orsay, que la France ne doit surtout pas s’enfermer dans un système d’alliance rigide, contraignant, fixé en temps de paix, mais qu’elle est assez puissante pour entretenir de bonnes relations avec la plupart des grandes puissances, et se garder ainsi la possibilité de se rapprocher de l’une ou de l’autre selon les affaires à traiter. Et c’est ce qu’elle fera pendant la quasi-totalité du Second Empire.
9Cette question est essentielle, et elle permet aussi de voir que la diplomatie de Napoléon III s’inscrit nettement dans le système du Concert européen, qui fonctionne d’autant mieux que les alliances entre les puissances ne sont pas figées, mais savent conserver une certaine souplesse. Toutefois, ce principe général admet une nuance importante, au sujet de la Grande-Bretagne : lorsqu’en certaines circonstances, il sera contraint de choisir entre plusieurs alliés, Napoléon III préférera toujours préserver en priorité des relations correctes avec l’Angleterre, plutôt que de prendre le risque d’un conflit – ou même d’une crise grave – avec elle, y compris sur des sujets très tendus.
- 2 Pour une étude plus complète, voir : Yves Bruley, « L’affaire des divans ad hoc : concert européen (...)
10Le cas de l’unification des principautés roumaines – Moldavie et Valachie – après le congrès de Paris en est un bon exemple. L’affaire méritait d’être étudiée en détail, notamment en s’appuyant sur des correspondances privées échangées entre diplomates français pendant cette affaire, et sur des mémoires inédits2.
11Rappelons que la Moldavie et la Valachie, qui allaient former bientôt les Principautés-unies de Roumanie, étaient alors deux principautés séparées et autonomes au sein de l’Empire ottoman. La défaite de la Russie dans la guerre de Crimée mit fin à l’occupation et au protectorat russe sur ces territoires. L’une des missions du congrès de Paris, qui se tint au Quai d’Orsay de la fin février à la mi-avril 1856, fut donc de déterminer l’avenir des principautés roumaines, qui devaient rester sous suzeraineté du Sultan ottoman, mais avec un nouveau statut placé sous la garantie collective des grandes puissances européennes.
12Depuis le début de la « guerre d’Orient » (premier nom de la guerre de Crimée), la diplomatie française avait défendu l’idée d’unifier les deux principautés en un seul ensemble. La France justifiait sa position en invoquant l’intérêt de ce pays (uni, il serait plus à même de résister à la pression russe comme au pouvoir central ottoman, et pourrait ainsi préparer une éventuelle indépendance, à plus ou moins long terme), mais aussi par le vœu présumé des populations moldaves et valaques, qui appartiennent à la même nationalité.
13Mais cette position française était loin de faire l’unanimité et le congrès de Paris se divisa sur ce sujet, les adversaires de l’unité mettant en doute le sentiment unitaire des populations roumaines et insistant au contraire sur les identités propres des deux principautés. Ne pouvant trancher la question sans compromettre toute son œuvre, le congrès décida finalement, primo que le sort des Principautés serait réglé après la conclusion de la paix par une commission européenne qui se réunirait dans ce but, secundo qu’une consultation des populations de Moldavie et de Valachie serait organisée en suivant l’usage en Orient, par l’élection de divans. Ces conseils auront valeur d’assemblées représentatives non pour exercer un pouvoir constitutionnel ou législatif, mais pour trancher une question précise : pour ou contre l’unité des deux principautés. Dans chacune des deux provinces sera donc élu un divan ad hoc devant exprimer le vœu des populations. Les deux divans ad hoc « seront composés de manière à constituer la représentation la plus exacte de toutes les classes de la société ». Il faut mesurer toute la portée historique de cet article 24 du traité de Paris, par lequel le Concert européen a fait entrer le principe de consultation démocratique d’une population dans le droit public de l’Europe.
14Ce programme – consultation par des divans constatée par une commission européenne sur place, puis réunion d’une conférence européenne pour décider du statut final des Principautés – sera globalement appliqué, mais avec beaucoup de retard, après de multiples vicissitudes et rebondissements. Ainsi, pendant tout l’automne 1856, la difficulté des discussions sur les nouvelles frontières russo-turques en Bessarabie a prolongé l’occupation des Principautés par l’Autriche et retardé le processus électoral d’au moins six mois. Retard lourd de conséquence, car pendant ce délai, les relations franco-anglaises se sont dégradées, et la diplomatie britannique, soucieuse d’abord de consolider son influence à Constantinople et de faire contrepoids à celle acquise par la France, a pris désormais le parti des Turcs contre celui des Français dans la question roumaine, et défend la séparation des principautés danubiennes.
15Les négociations sur le mode de scrutin ne commencent qu’en décembre 1856. Les ambassadeurs des grandes puissances se réunissent en conférence à Constantinople et négocient les détails de l’opération avec le gouvernement turc, organisateur officiel de la consultation comme puissance souveraine. Des débats ont lieu aussi sur la représentation populaire. Il est décidé que la population sera représentée en fonction des différentes classes sociales. Mais la question est surtout de savoir s’il faut des représentants du monde paysan. À Paris, Walewski craint que les paysans ne soient trop facilement manipulés par les boyards adversaires de l’union. Mais les agents français sur le terrain rassurent le ministre. De Yassy, le consul de France Victor Place estime qu’il n’y a pas de risque. De Bucarest, le consul général Béclard va plus loin et argumente fortement en faveur de la représentation paysanne :
- 3 Lettre particulière de Béclard à Thouvenel, ambassadeur à Constantinople. Bucarest, le 6 mai 1857. (...)
Si l’on veut réformer les institutions qui ont réglé, jusqu’ici, les rapports respectifs des propriétaires et des paysans, il n’est pas sans intérêt d’avoir devant soi une réunion composée de paysans, et de savoir de leur propre bouche s’ils sont satisfaits ou mécontents de leur sort. […] La convocation de députés spéciaux pour la classe des paysans aura aussi l’avantage de leur faire bien comprendre, ainsi qu’à toute la nation, qu’on s’occupe d’eux, qu’on cherche les moyens d’améliorer leur position, qu’on veut faire cesser le servage déguisé dans lequel ils étaient maintenus par les boyards, et que, puisqu’on les consulte, ils sont ou vont devenir des citoyens. Or, pour moi, l’admission du paysan à l’exercice des droits comme au partage des charges que comporte le titre de citoyen, est une question de vie ou de mort pour la Moldo-Valachie. […] En Valachie comme en Moldavie, les villages ne sont, pour la plupart, que des fiefs appartenant à des boyards. Il s’agit de substituer à ces fiefs des communes ; et aux paysans corvéables […] de véritables citoyens, hommes libres3.
16Ce document est très intéressant. Il éclaire l’état d’esprit du personnel diplomatique et consulaire français à cette époque, état d’esprit nettement réformateur et non conservateur. En d’autres termes, la diplomatie française pense être en mesure de faire évoluer dans un sens moderne (nationalité et citoyenneté) cette partie de l’Europe, sans avoir recours à la révolution. Les diplomates français et l’empereur Napoléon III pouvaient tout à fait se rejoindre sur une telle conviction, qu’ils avaient en commun. La question de la Roumanie est un domaine dans lequel il y a eu pleine convergence entre les Tuileries et le Quai d’Orsay.
17Finalement, le système adopté pour les divans distingue cinq groupes sociaux : le clergé, les boyards, les petits propriétaires, les communes rurales, les villes – chacun ayant un mode différent d’élection de ses députés. Le système est inégalitaire mais permet de n’exclure personne, et d’intégrer les paysans.
18Les élections aux divans ad hoc ne sont pas formellement un référendum, puisqu’il s’agit de désigner des députés, mais l’alternative est de voter pour des partisans ou des adversaires de l’union. Or, les Turcs, adversaires de l’union, tiennent toute l’administration de la Moldavie et de la Valachie. En prévision des élections prévues pour l’été 1857, tous les préfets de districts réputés unionistes sont remplacés par des séparatistes, qui reçoivent mission d’expurger sans vergogne les listes électorales en en excluant les partisans supposés de l’union. En outre, l’administration dissout les comités unionistes, musèle la presse et fait répandre dans les journaux officiels de fausses nouvelles. Par exemple qu’en cas d’union des principautés, le catholicisme deviendrait la religion obligatoire du pays, au motif que les unionistes sont soutenus par la France, pays catholique… On le voit, les infox sont arrivées dans ce pays en même temps que la démocratie.
19Dans ces conditions, les unionistes décident de boycotter le vote. En juillet 1857, les séparatistes l’emportent, mais l’abstention est massive. Aussitôt, la France demande l’annulation pure et simple du scrutin frauduleux, ce qu’elle obtiendra, fin août, au terme d’un bras de fer diplomatique entre l’ambassadeur de France à Constantinople et le grand-vizir.
20Cet épisode est très intéressant à étudier. D’abord parce qu’il est un exemple de crise diplomatique aiguë, puisque l’ambassadeur à Constantinople a menacé de rompre les relations diplomatiques et de quitter le Bosphore, ce qu’il a fait. Ou plutôt, après avoir signifié la rupture, il a fait préparer ses malles à toute son ambassade, il est sur le point d’embarquer sur un bâtiment français lorsqu’une dépêche télégraphique de Paris lui demande de surseoir. Quelques jours plus tard, alors que l’incertitude est complète, on apprend que la France a obtenu gain de cause et que la Sublime Porte consent à annuler les élections frauduleuses. Que s’est-il passé ? Alors que la crise en Orient s’aggravait, et opposait, en fait, la France soutien des unionistes roumains et l’Angleterre soutien des Turcs, Napoléon III a fait savoir à la reine Victoria qu’il souhaitait la rencontrer personnellement. La reine a invité l’Empereur à se rendre dans sa résidence d’été d’Osborne, et c’est sur l’île de Wight, pendant quelques jours d’entretiens politiques entre les souverains et avec les ministres, que l’affaire a été réglée par un compromis. L’Angleterre a consenti à faire annuler les élections dans les Principautés, tandis que la France a secrètement promis de modérer son appui au principe de l’union, lorsque se réunira la conférence européenne sur le sujet. On voit dans cette circonstance où est la priorité de Napoléon III, qui accepte de reculer dans une question de nationalité pour préserver les relations franco-anglaises.
21Dans les principautés roumaines, un nouveau vote a donc lieu, fin septembre, avec de nouvelles listes électorales. Le résultat est une victoire écrasante des unionistes. Les divans se réunissent, à Bucarest et à Yassy, et votent à une quasi-unanimité le principe de l’unification des principautés. La suite de l’histoire est moins brillante : le vœu exprimé est transmis comme prévu à la commission européenne envoyée sur place, et une conférence internationale est convoquée à Paris au printemps 1858 pour fixer le statut futur des principautés. Or, dans cette conférence, comme on pouvait le prévoir, la France se retrouve isolée et consent, comme Napoléon III s’y était engagé, à l’abandon du principe de l’unification, pourtant voté par les divans ad hoc. Le Concert européen décide donc que les deux principautés seront maintenues séparées, chacune devant élire à sa tête un hospodar local. Mais dans la conférence, la France bataille sur une multitude de détails, y compris sur la couleur et la disposition des futurs drapeaux, et obtient malgré tout des formes d’union administratives, judiciaires ou symboliques entre les deux principautés. L’histoire n’est pas finie : début 1859, les assemblées moldave et valaque se réuniront, chacune de son côté, pour élire son propre hospodar ; et elles décideront, contre toute attente, d’élire le même homme dans les deux principautés – un officier unioniste presque inconnu, le colonel Cuza. Et c’est ainsi que l’union de la Roumanie s’est faite. Ce deus ex machina aurait été impossible sans les divans ad hoc et donc sans la politique roumanophile de la France. Avec ce coup de théâtre, c’est donc la diplomatie française, in fine, qui a eu le dernier mot, mais sans avoir joué le moindre rôle dans le dernier acte…
22Faute de temps, la conférence de Paris sur les principautés roumaines, qui s’est tenue au Quai d’Orsay pendant le printemps et une partie de l’été 1858, n’a été étudiée dans ce séminaire que dans les grandes lignes, notamment par les Souvenirs inédits de H. Desprez, qui y joua un rôle important, et par le Journal de l’ambassadeur d’Autriche à Paris, Hübner. Cette conférence est surtout importante car elle est le contexte immédiat des événements décisifs dans la politique italienne de Napoléon III, en premier lieu l’entrevue de Plombières (20 juillet 1858) entre l’Empereur et Cavour. En effet, il y a coïncidence exacte entre l’impasse dans laquelle la conférence s’est trouvée, perdue dans des byzantinismes sans fin, et la décision de Napoléon III d’organiser une rencontre secrète avec Cavour. D’une certaine façon, la « réforme » progressive de l’Europe par la seule diplomatie classique ne permettant guère de faire avancer efficacement la cause d’une nationalité – en l’occurrence, celle de la Roumanie – Napoléon III a sans doute été poussé par la lassitude, voire l’exaspération, à chercher d’autres méthodes. En outre, c’est un moment où l’on réfléchit beaucoup, de façon informelle, sur l’avenir possible de l’Empire ottoman : pour le cas où un grand chamboulement se produirait en Orient, Napoléon III a pu avoir intérêt à échanger avec Cavour, comme il échangeait avec d’autres personnalités politiques.
23L’histoire de l’entrevue de Plombières, que l’on croyait si bien connue, a donné lieu à d’intéressants échanges. Les discussions secrètes tenues dans la station thermale des Vosges sont connues exclusivement par les correspondances de Cavour. Il faut s’en contenter. Le problème pour l’historien est que ces entretiens ont surtout été interprétés à la lumière des événements de l’année suivante, qui ont partiellement réalisé les hypothèses envisagées à Plombières. Mais on a trop souvent omis de rappeler que Napoléon III avait conclu l’échange, de l’aveu même de Cavour, en donnant pour instruction au premier ministre piémontais de ne surtout rien précipiter et, en un mot, de ne rien faire. D’une façon générale, aucun engagement ferme ni précis n’a été pris à Plombières : ce fut un vaste échange d’idées, et non une négociation d’alliance.
24Il convient donc de relativiser, dans une certaine mesure, l’entrevue de Plombières. Certes, l’événement est singulier, ne serait-ce que par la manière dont il a été organisé, mais il ne faut pas oublier que Napoléon III avait instauré l’habitude, quelques années auparavant, de provoquer des conversations personnelles avec certaines personnalités politiques ou diplomatiques, et dans ces conversations, on refaisait le monde. Certes, tous ces entretiens n’ont pas eu les suites de ceux de Plombières, mais ceux de Plombières ne sont pas complètement extraordinaires.
25En outre, remettre Plombières dans son contexte diplomatique général montre qu’il ne faut pas isoler la politique italienne de Napoléon III du reste de sa diplomatie. L’Empereur envisage en 1858 de grands événements en Italie parce qu’il y a des tensions croissantes en Orient, que la diplomatie y piétine, que l’Angleterre soutient fermement l’Autriche contre la Russie, et qu’en conséquence, la France peut penser affaiblir l’Autriche en Italie, tout en se rapprochant de la Russie. C’est pourquoi il ne faut pas séparer les idées échangées à Plombières des grands plans de remaniements orientaux ou balkaniques envisagés au même moment – et qui, eux, n’ont jamais été suivis d’effet.
26C’est d’ailleurs les questions « orientales », en l’occurrence roumaine et serbe, qui occupent l’actualité diplomatique de l’automne 1858, et c’est dans ce contexte de mauvaises relations entre Paris et Vienne que prend forme l’alliance franco-piémontaise.
27La politique italienne de Napoléon III, jusqu’à l’unification de l’Italie et la mort de Cavour en 1861, ont donné lieu à plusieurs conférences de ce séminaire, où les événements, généralement assez connus, ont été étudiés de façon nouvelle, à travers le rôle ou le regard du Quai d’Orsay et des diplomates français. Ce point de vue permet de relativiser la doxa qui fait de la politique étrangère de Napoléon III une diplomatie secrète et personnelle.
28S’il y a bien quelques moments importants où l’Empereur agit seul et suivant sa propre idée, comme à Plombières ou à certains moments de l’année 1859, ce n’est pas le cas général, loin s’en faut. Certes, le ministre Alexandre Walewski a été contourné par l’Empereur sur certaines négociations concernant l’Italie, à plusieurs reprises au cours de l’année 1859. La dégradation des relations avec Napoléon III, mais surtout un changement de politique dans la question romaine à la toute fin de décembre 1859, expliquent la démission de Walewski, effective le 4 janvier 1860. Cet événement a pu être analysé, au cours de la conférence, en confrontant notamment des sources inédites émanant de diplomates français et l’Epistolario de Cavour, très riche et très éclairant sur cette période cruciale.
29Mais dans la supposée politique secrète de Napoléon III, il semble que l’arbre cache trop souvent la forêt. Sous le ministère d’Édouard Thouvenel, qui succède à Walewski en janvier 1860, le fonctionnement de la diplomatie française redevient normal. Toute la politique menée en 1860, concernant la réunion de la Savoie et de Nice (mars-avril 1860) et les crises diplomatiques que cette négociation a provoquées, mais aussi l’attitude adoptée par la France lors de l’Expédition des Mille, le soulèvement de la Sicile, la chute du royaume de Naples, a été conduite par le Quai d’Orsay en accord avec les Tuileries, selon un mode de fonctionnement somme toute très classique.
30L’entrevue de Chambéry entre Napoléon III et des représentants de Cavour, le 27 août 1860, a donné lieu à des interprétations fondées sur le récit des Italiens, tout en leur faveur, et qui sont restées dans la culture générale (le fameux « fate, ma fate presto » de Napoléon III). Mais ce récit ne correspond pas aux faits tels qu’on peut les reconstituer à partir d’autres sources. L’Empereur s’était montré beaucoup moins encourageant pour les Italiens qu’ils ne l’ont prétendu. D’ailleurs, il s’ensuit un rappel du ministre de France à Turin, et le gel des relations diplomatiques entre l’Empire français et le royaume d’Italie durera près d’une année complète, jusqu’à la mort de Cavour, le 6 juin 1861, la disparition inattendue de l’homme d’État créant alors un contexte nouveau.
31Globalement, il est clair que la politique italienne de Napoléon III était de former une confédération d’États indépendants et non un État-nation unitaire, et de substituer l’influence française à celle de l’Autriche dans la Péninsule. Ainsi pensée, cette politique ne remettait pas en cause le principe du pouvoir temporel du pape à Rome, et elle était conforme aux intérêts géopolitiques de la France en Europe. Elle était même, d’une certaine manière, dans la tradition française de chasser l’Autriche d’Italie, spécialement de l’Italie du Nord. Pour obtenir ces résultats, Napoléon III a conscience que la diplomatie ne suffit pas, même avec la forte position de la France depuis le congrès de Paris. Il fallait donc que l’Autriche soit défaite et cède du terrain en Italie du Nord. C’est ce qui explique l’entrevue de Plombières, où l’on envisage clairement une guerre. Mais ces événements militaires futurs, aux yeux de Napoléon III, ne pouvaient se faire qu’à la condition de ne pas provoquer un isolement diplomatique de la France en Europe. Car alors Paris perdrait tout l’avantage politique obtenu depuis le début du Second Empire. C’est pourquoi Napoléon III s’est assuré du discret consentement du Tsar, qu’il a rencontré à Stuttgart en 1857. C’est aussi pourquoi Napoléon III a tellement hésité au début de 1859 à aller jusqu’à la guerre – finalement provoquée par une décision autrichienne et non française. C’est encore pourquoi Napoléon III a interrompu la campagne d’Italie après la conquête de la Lombardie (armistice de Villafranca), car la guerre lui créait des difficultés nouvelles en Allemagne, tandis que Cavour suscitait des révolutions en Italie centrale dans des États non-belligérants.
32Dans cette politique italienne, le Quai d’Orsay a suivi difficilement, surtout en 1859, la politique impériale. Les diplomates estimaient généralement que le refroidissement des relations avec l’Autriche et le basculement esquissé en faveur de la Russie étaient inopportuns. Cependant le Quai d’Orsay s’est emparé sans difficulté de l’idée d’une Confédération italienne à former, sous inspiration française mais avec un modèle juridique confédéral germanique. Le ministre des Affaires étrangères, à la manœuvre dans l’affaire de la Savoie et de Nice, s’est montré plus ferme que Napoléon III, qui avait été disposé, à un moment, à céder le Chablais et le Faucigny à la Suisse pour tenter de ménager les Britanniques. L’Empereur a suivi son ministre et il a bien fait. Lorsque l’unification de la Péninsule s’est opérée, à la stupéfaction générale, au cours de l’année 1860, les diplomates français s’expriment souvent sur ces événements, dans leurs correspondances privées, et se montrent sceptiques sur la solidité d’une unité étatique en Italie, région qui n’avait jamais été unifiée politiquement et où les traditions locales restaient très fortes. Il n’est pas prouvé que ce n’était pas aussi le sentiment profond de Napoléon III, dont la conception du mouvement des nationalités en Europe n’était nullement figée sur un modèle unique qui aurait été l’État-nation « à la française ». Tout au contraire, l’analyse des différents cas, de la Roumanie aux Balkans, et de l’Italie à la Pologne, montre qu’à ses yeux, comme à ceux des diplomates français, les évolutions locales pouvaient être différentes, de la confédération à la simple autonomie. C’était le cas pour les principautés roumaines ou pour la Serbie, tandis que le royaume de Grèce (auquel une conférence a été consacrée), État-nation indépendant mais toujours très instable, ne passait pas à l’époque pour un modèle à suivre.
33Les dernières séances ont permis de terminer l’année par l’étude de l’échec diplomatique français dans la question de la Pologne, en 1863.
34Le Quai d’Orsay pouvait suivre très précisément la succession des événements polonais par les dépêches bien informées du consul général de France à Varsovie, d’abord Pierre de Ségur-Dupeyron puis Eugène de Valbezen à partir de 1862. Les affrontements sanglants commencèrent en 1861. Le Tsar oscilla entre apaisement et répression, concédant la création d’un Conseil d’État et de conseils municipaux, ainsi que le rétablissement de l’université de Varsovie. Mais les Polonais jugèrent que ces concessions étaient insuffisantes. Le 14 septembre 1861, Ségur écrit, en conclusion d’une longue dépêche : « Tout semble annoncer qu’à moins d’une autonomie complète la Russie ne gouvernera jamais paisiblement la Pologne. » Mais l’espoir de voir le Tsar y consentir un jour n’était pas perdu, lorsque l’insurrection de janvier 1863 éclata.
35À ce moment, alors que ces événements étaient présentés comme l’œuvre des « rouges », le gouvernement français était d’abord décidé à rester spectateur. Non par indifférence, mais pour ne pas paraître prendre le parti des révolutionnaires contre la Russie, avec laquelle existait un rapport de relative confiance depuis 1857. La crise polonaise n’est devenue une crise internationale que par l’accord intervenu entre la Russie et la Prusse pour écraser conjointement l’insurrection. Un accord signé le 8 février 1863 à Saint-Pétersbourg par le général prussien Alvensleben transformait la nature de la question polonaise en l’introduisant dans la sphère de la diplomatie européenne. L’initiative était venue de Bismarck, qui avait trouvé dans cette occasion la possibilité de resserrer les liens entre la Prusse et la Russie en offrant au Tsar une alliance d’apparence idéologique contre « la révolution ». Du coup, l’Angleterre, l’Autriche et la France sortirent de leur réserve et s’entendirent pour adresser conjointement à la Russie une demande de réformes au profit de la Pologne. En outre, les trois grandes puissances suggéraient d’ouvrir les négociations internationales sous la forme d’une conférence des huit signataires du traité de Vienne de 1815 (qui avait fixé le statut de la Pologne). Cette démarche, forte et conjointe, fut repoussée par la Russie, qui déclara que la question polonaise relevait des puissances copartageantes et non des signataires de 1815. C’était opposer le système international du xviiie siècle à celui du xixe siècle. La situation était grave, mais au moment où il eût fallu défendre le principe du Concert européen, en se référant au congrès de Vienne, les grandes puissances occidentales se divisèrent et ne donnèrent pas de suite à leur première détermination.
36La diplomatie française se retrouvait isolée. Elle voulut cependant faire connaître son opinion par une initiative purement française. Le 3 août, partait du Quai d’Orsay pour Saint-Pétersbourg une dépêche résumant la position française. On ne pouvait pas en attendre grand-chose ; elle eut un effet négatif. Le gouvernement russe la reçut comme une marque de défiance et réagit de façon hautaine. L’entente franco-russe, qui prévalait depuis l’entrevue de Stuttgart en 1857, paraissait compromise. Du moment que le gouvernement anglais avait rapidement renoncé à s’engager plus avant, il eût été de bonne politique que la France, isolée, ne sacrifiât pas les relations qu’elle avait nouées avec la Russie. S’il y a eu une erreur commise par la France en 1863 dans la crise polonaise, ce n’est certes pas d’avoir pris part à la démarche commune avec les Anglais et les Autrichiens, mais de l’avoir continuée seule. Toutefois, à l’époque, la France s’estimait l’arbitre de l’Europe et jugeait normal de faire connaître son opinion dans toutes les crises importantes. Le plus habile fut Bismarck, qui avait fait comprendre aux Russes qu’ils avaient davantage à espérer, à long terme, de la puissance montante prussienne que d’un rapprochement aléatoire avec la France.
- 4 Il est entièrement de la main de Desprez, qui l’a signé. AMAE, La Courneuve, Correspondance politiq (...)
37Entretemps, la France avait bâti sur la question polonaise sa propre doctrine, qui ne manque pas d’intérêt. Depuis le printemps, le Quai d’Orsay avait travaillé sur le problème juridique posé – la validité ou non de l’argument fondé sur les traités de Vienne – et sur les solutions à proposer. En sa qualité de sous-directeur du Nord à la direction des affaires politiques, Hippolyte Desprez fut mis à contribution et remit son rapport le 12 mai 1863, sous le titre : « Pologne : projet de solution. »4. L’alternative était, a priori, de réclamer l’exécution des traités de Vienne ou de nier leur validité. L’auteur proposa une troisième voie, qui consistait à réviser les traités de Vienne, dans la partie concernant la Pologne. En effet, on avait fixé en 1815 le principe de « l’autonomie du royaume comprise en ce sens qu’il doit former un État distinct de la Russie, quoique placé sous la même couronne », mais sans donner les précisions ni les garanties nécessaires à son application. Il fallait donc « suppléer à cet égard à l’imperfection des actes de Vienne ». La solution proposée par Desprez était de bâtir un compromis inspiré de la situation des principautés roumaines ou encore de l’Égypte, au sein de l’Empire ottoman :
- 5 AMAE, La Courneuve, Correspondance politique, Russie, vol. 231, f. 49.
Une vice-royauté serait confiée à un grand-duc tenant l’investiture de l’Empereur et Roi, offrirait aux Polonais des avantages qu’ils auraient tort de repousser et que la Russie, de son côté, pourrait accorder sans faire un sacrifice de dignité. Ce principe admis, il serait facile d’en déduire comme conséquence l’institution d’une armée nationale, question essentielle pour la Pologne, peut-être insoluble autrement ; et bientôt la similitude de la position nouvelle de la Pologne avec celle des principautés du Danube et de l’Égypte rendrait l’assimilation inévitable pour tout le reste. L’hérédité pourrait être conférée au vice-roi ; mais dût-il être nommé à titre viager comme le chef actuel du gouvernement dans les principautés-unies et même pour une période fixe, comme précédemment les hospodars de Moldavie et de Valachie, cette combinaison serait encore acceptable pour les Polonais ; car il est dans la nature de tout pouvoir d’une durée déterminée de chercher à devenir viager, pour aspirer ensuite à l’hérédité et tout pouvoir subordonné une fois devenu héréditaire est sur la voie de l’indépendance.5
38Le document n’eut aucune suite, mais il est intéressant en ce qu’il éclaire l’état d’esprit et les modes de pensée, au sujet des nationalités, dans l’administration du Quai d’Orsay.
39Napoléon III attendit l’automne pour donner une nouvelle direction au débat. Il écrivit le 4 novembre 1863 à tous les souverains et chefs d’État d’Europe une lettre destinée à être publiée, dans laquelle il sortait du seul problème polonais pour appeler à tenir un congrès général destiné à résoudre toutes les questions pendantes en Europe :
Il est impossible, disait-il, de ne pas reconnaître que, presque sur tous les points, les traités de Vienne sont détruits, modifiés, méconnus ou menacés. De là, des devoirs sans règle, des droits sans titre et des prétentions sans fin […]. N’attendons pas, pour prendre un parti, que des événements soudains, irrésistibles, troublent notre jugement et nous entraînent, malgré nous, dans des directions contraires. Je viens donc vous proposer de régler le présent et l’avenir dans un congrès.
40L’initiative n’avait aucune chance de succès ; elle était destinée à ne pas perdre la face, tant sur le plan de la politique intérieure française que sur le terrain de la diplomatie européenne. Elle marquait la fin d’une période d’apogée de la diplomatie française, ouverte avec le congrès de Paris de 1856 et qui avait duré sept ans.
41Au cours de ces années, la diplomatie française s’était aussi développée hors d’Europe, tant au Proche Orient qu’en Extrême Orient et dans les Amériques. De même, elle avait été souvent à la pointe – et le restera jusqu’en 1870 – de l’essor d’une diplomatie nouvelle sur des sujets techniques, tels que la télégraphie, les règlements sanitaires, le commerce ou les monnaies. C’est à ces différents aspects de modernisation de la diplomatie, essentiellement dans les années 1860, que seront consacrées les conférences de l’année prochaine 2024-2025.
Notes
1 Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), La Courneuve, série Papiers d’agents archives privées (PAAP), Papiers Desprez, vol. 22, fasc. 12, f. 24-25.
2 Pour une étude plus complète, voir : Yves Bruley, « L’affaire des divans ad hoc : concert européen et consentement des populations dans la naissance de la Roumanie (1856-1859), dans Bruno Berthier et Marc Ortolani (dir.), Consentement des populations, plébiscites et changements de souveraineté. À l’occasion du 150e anniversaire de l’annexion de Nice et de la Savoie à la France. Actes du colloque international de Nice et Chambéry 27 septembre-1er octobre 2010, Nice, Serre éditeur, 2013, p. 127-139.
3 Lettre particulière de Béclard à Thouvenel, ambassadeur à Constantinople. Bucarest, le 6 mai 1857. AMAE, La Courneuve, PAAP, Papiers Thouvenel, vol. 4, f. 39.
4 Il est entièrement de la main de Desprez, qui l’a signé. AMAE, La Courneuve, Correspondance politique, Russie, vol. 231, f. 46 et suiv.
5 AMAE, La Courneuve, Correspondance politique, Russie, vol. 231, f. 49.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Yves Bruley, « Histoire de la diplomatie et des relations internationales au XIXe siècle », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 156 | 2025, 373-383.
Référence électronique
Yves Bruley, « Histoire de la diplomatie et des relations internationales au XIXe siècle », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 156 | 2025, mis en ligne le 02 avril 2025, consulté le 15 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/ashp/8117 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13mu6
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