• 1 Rapport publié dans C. Dardier, Paul Rabaut. Ses lettres à divers, Grassart 1891, t. II, p. 393-410 (...)

2Les premières séances se sont proposé, au titre d’une révision (au pas de course), de fixer les grands traits géographiques, démographiques, sociologiques, historiques, et théologiques de ce que l’on pouvait appeler au xix^e « le » protestantisme français. On n’y insistera pas ici : autant vaudrait écrire un résumé de cette histoire. Tenons-nous en à évoquer quelques énigmes insistantes, depuis parfois le xvi^e siècle : pourquoi une géographie aussi « hachée », en forme d’archipel réduit souvent à des poussières d’îles ? Pourquoi ce « croissant huguenot », des rives de l’Atlantique à celles des Alpes, avec un « ventre » cévenol, quand la Réforme a d’abord été surtout septentrionale (Calvin, de Noyon, n’est qu’un exemple) ? Une série de cartes historiques, du xvi^e au xxi^e s. (pour les évangéliques) ont été commentées. Elles ont permis de réfléchir à l’histoire démographique de la minorité, depuis les quelque 10 % (voire 12 %) du fragile apogée au tout début des années 1560, jusqu’au durable étiage de 2 % (un peu plus quand l’Alsace est française, un peu moins quand elle le cesse, au lendemain de 1870), observé depuis 1685, mais que l’essor des évangéliques, depuis un demi-siècle, a probablement haussé à 3 % en ce xxi^e siècle. Pourquoi avance-t-on que la Réforme a « raté » le monde rural et les masses paysannes (quand la plupart de ses places fortes ont précisément été rurales, de Poitou en Dauphiné) ? Pourquoi autant d’élites, pas seulement pastorales (!), financières, négociantes, industrielles, mais aussi, au xix^e, administratives, politiques, universitaires, médicales, culturelles ? Des articles parfois méconnus d’Émile-Guillaume Léonard (tel « Les professions dans la France protestante », Archives de sociologie des religions, 1958, p. 121-139) aux pages de Durkheim dans Le Suicide (1897), ici à partir des statistiques confessionnelles de l’Allemagne de son temps, en passant par un rapport de 1788 du pasteur et futur député Rabaut Saint-Étienne (resté à l’époque inédit, et destiné à expliquer et légitimer le décevant édit de 1787 auprès de ses coreligionnaires bordelais), si triomphaliste sur la capacité de la minorité à imprimer sa marque à la France à venir que les complotistes auraient pu en faire leur miel1 : on a tenté de comprendre la composition d’un groupe social en quelque sorte « incomplet », particulièrement dans les villes, à commencer par Paris qui détrône Nîmes dans le rôle de capitale du protestantisme, puisqu’il comprend très peu d’ouvriers, d’artisans, de commerçants, de domestiques, et – à côté de blocs ruraux compacts, rappelons-le – beaucoup de membres des moyenne et grande bourgeoisies.

• 2 A. Encrevé, Protestants français au milieu du XIX^e siècle. Les réformés de 1848 à 1870, Genève 1986 (...)

3L’accent a été mis ensuite sur une forme d’histoire cyclique du protestantisme, surtout calviniste, depuis le xvi^e siècle, entre libéralisme(s) et Réveil(s). Une histoire explorée en profondeur, pour le xix^e siècle, dans la thèse monumentale d’André Encrevé2, et un mouvement qui reste opératoire, qu’il s’agisse de comprendre le remue-ménage théologique des années 1920 ou l’essor des évangéliques depuis les années 1970. Le séminaire, plutôt que de s’appesantir sur la grande querelle entre « orthodoxes » et libéraux au milieu du xix^e siècle, a choisi de lire en détail quelques pages des actes du synode national de 1872 – le seul à avoir été autorisé depuis celui de… 1659, et qui s’est terminé sur une nette victoire des « orthodoxes » et… un schisme qui allait durer jusqu’à la réunification de 1938.

• 3 E. Bersier, Histoire du synode général de l’Église réformée de France. Paris, 6 juin – 10 juillet 1 (...)

4Les actes du synode, deux gros volumes publiés à chaud par le pasteur Eugène Bersier3, ressemblent à s’y méprendre à un compte rendu des débats à la chambre des députés, tels que le Journal officiel les publie. C’est que les Églises réformées, avec leur célèbre système presbytérien-synodal, s’organisent bel et bien comme un système politique démocratique, avec candidats, listes et campagnes électorales, élections de députés, vocabulaire mimétique – les intéressés évoquent avec un parfait naturel une droite, une gauche, un centre droit, etc., théologiques –, débats de type parlementaire, amendements, applaudissements, etc., au sein du Synode.

• 4 Pour s’en tenir à sa trilogie en cours de publication : J. Baubérot, La loi de 1905 n’aura pas lieu (...)
• 5 J’ai moi-même publié des articles sur la question : « Autour de Zadoc Khan et de la Séparation : l’ (...)
• 6 J. Baubérot, Le Retour des Huguenots. La vitalité protestante, XIX^e-XX^e siècles, Paris- Genève 1985 (...)
• 7 A. Dollfus, P.-Y. Kirschleger, L’Église réformée de France, 1938-2013. Une présence au monde, Paris (...)
• 8 S. Fath, J.-P. Willaime (dir.), La nouvelle France protestante. Essor et recomposition au XXI^e sièc (...)

5La Séparation aurait pu conduire à une réconciliation entre frères séparés, qui ont dû apprendre à vivre chacun de leur côté depuis 1873, à cause du refus par les libéraux d’accepter les décisions du synode ; ce fut l’inverse, même si « les » protestantismes se sont dotés alors (1905) d’une Fédération protestante de France, destinée à parler d’une même voix aux pouvoirs publics, ainsi qu’à la société (l’une des raisons de sa création est la volonté d’opposer une défense commune face à la vague antiprotestante contemporaine de l’affaire Dreyfus et de l’engagement massivement dreyfusard des protestants). Le séminaire s’en est tenu à rappeler l’attitude des protestants face à la Séparation, du très discuté projet Combes de 1904 au vote de la loi en décembre 1905. Ici aussi, depuis quelques dizaines d’années, l’historiographie est abondante, précise, en constant travail de renouvellement (faut-il citer les nombreuses recherches de Jean Baubérot4…), et il a suffi de résumer les principaux apports des uns et des autres5. La Séparation actée, on entre dans un xx^e siècle probablement moins connu pour ce qui est de l’histoire des protestantismes français, et qui attend donc de nécessaires renouvellements (quatre thèses en cours sous ma direction, sur le pentecôtisme, le dispensationalisme darbyste, le CNEF, doivent venir combler nombre de lacunes). Les synthèses disponibles, dues à Jean Baubérot et André Encrevé en 19856, sont déjà presque… anciennes, et n’ont pu que survoler les périodes, ce qui est la règle du jeu. Il est vrai que la toute récente histoire de l’ERF par Anne Dollfus et Pierre-Yves Kirschleger (novembre 20207) s’impose désormais et sera utilisée dans le séminaire de l’année prochaine, tout comme les travaux de Sébastien Fath sur les mondes évangéliques et le volume qu’il a codirigé avec Jean-Paul Willaime sur la nouvelle France protestante8.

• 9 Cf. l’article pionnier de D. Robert, « Les protestants français et la guerre 1914-1918 », Francia 2 (...)

7Pour la Première Guerre mondiale, et au-delà de quelques rappels de base, le séminaire a mis l’accent sur les aspects suivants : la question du patriotisme protestant (un trait délicat, au terme d’un quart de siècle d’attaques antiprotestantes)9 ; la « réconciliation » offerte en quelque sorte par Maurice Barrès dans son livre pluraliste de 1917, Les diverses familles spirituelles de la France ; et la délicate commémoration, en France et dans le milieu philosophique, du quatrième centenaire de l’affichage des thèses de Luther, en 1917.

• 10 Cf. mon étude, « Charles Andler, Xavier Léon, Élie Halévy et le numéro spécial de la Revue de Métap (...)
• 11 Foi et Patrie, la prédication du protestantisme français pendant la Première Guerre mondiale (Genèv (...)
• 12 P. Cabanel et A. Encrevé (dir.), Les protestants français et la Première guerre mondiale, n° spécia (...)
• 13 Cf. l’article de L. Gambarotto, ibid., p. 47. À rapprocher, à propos de Thomas Mann, du travail d’H (...)

8Ont été commentés quatre extraits des correspondances préparatoires, puis du gros numéro spécial de la Revue de Métaphysique et de Morale, « À propos du quatrième centenaire de la Réforme » (septembre-octobre 1918, p. 529-956) : lettres de Charles Andler et Élie Halévy à Xavier Léon, articles d’Edmond Vermeil (« Les aspects religieux de la guerre ») et de Carl Albrecht Bernoulli (« La Réforme de Luther et les problèmes de la culture présente »)10. Un dernier aspect de la guerre a été abordé, celui de l’homilétique, à partir de la thèse classique de Laurent Gambarotto11 et d’articles du même Gambarotto et de Matthieu Arnold (pour l’Alsace alors allemande) dans le BSHPF12. Une attention – trop rapide – a été apportée à la thématique, chez certains auteurs allemands dont Troeltsch, des « idées de 1914 » (rapportées par ce dernier aux « idées de 1813 »13).

• 14 R. Fabre, « Un exemple de pacifisme juridique. Théodore Ruyssen et le mouvement “La paix par le dro (...)
• 15 Dont A. Encrevé, « Les protestants français et le problème de la paix en 1919 », dans A.-R. Michel, (...)
• 16 J’ai étudié le principal d’entre eux, « Le Pasteur Jacques Martin, de l’objection de conscience à l (...)
• 17 P. Cabanel, Évangéliser en France au XX^e siècle. Histoire de La Cause 1920-2020, Carrières-sous-Poi (...)

9Il restait, au sortir de la guerre, à s’intéresser à la pluralité des pacifismes protestants, bien étudiés par Rémi Fabre14 et d’autres15. Une typologie de ces pacifismes (juridique, spirituel, révolutionnaire…) a été proposée d’après ces travaux, et le projecteur a été braqué sur la non-violence pendant la guerre (chez quelques pasteurs et laïcs et à travers ses traces romanesques, dont le classique roman d’André Chamson, Roux le bandit, 1925) puis sur la crise de l’objection de conscience au tournant des années 1930, avec les procès d’une poignée d’étudiants en théologie et futur pasteurs, et les plaidoiries de leur avocat et futur homme politique André Philip16. L’après Première Guerre mondiale voit le ou les protestantismes français entrer dans une période très nouvelle et féconde. Ce sont donc les progrès des pacifismes. Ce sont les prémices puis la réalisation de la réunification des anciens frères séparés, « orthodoxes » et libéraux, au sein de l’ERF, ce qui sera étudié l’année prochaine. C’est la conquête bientôt irrésistible du barthisme (également renvoyé à l’année prochaine). Et c’est une série de « Réveils » (le barthisme peut du reste leur être assimilé, jusqu’à un certain point) : la Brigade de la Drôme, La Cause, le pentecôtisme. Les deux premières citées ont fait l’objet d’une étude approfondie, documents à l’appui. Ayant travaillé des mois durant dans l’extraordinaire fonds d’archives de La Cause, à Carrières-sous-Poissy, récemment classé mais jamais étudié, et en ayant tiré un livre à l’occasion du centenaire de cette œuvre d’évangélisation17, j’ai pu multiplier les angles d’approche pour montrer ce que l’on peut attendre d’une documentation toute contemporaine et privée, émise par une structure modeste (mais très ambitieuse), au moment d’apporter une contribution à l’histoire religieuse du siècle. On a commencé par la biographie du fondateur, le pasteur Freddy Durrleman (1881-1944), d’origine suisse (père) et vaudoise italienne (mère), étroitement lié, à ses débuts, à l’aventure du christianisme social dans les milieux ouvriers du Nord (occasion d’aborder, trop rapidement, cette page originale du Social Gospel à la française).

• 18 P. Cabanel, La Fabrique des huguenots. Une minorité entre histoire et mémoire, XVIII^e-XXI^e siècle, (...)
• 19 Ch. Bost, Les Prédicants protestants des Cévennes et du Bas-Languedoc, 1684-1700, Paris 1912 ; Hist (...)

10Aumônier militaire dans la marine en Méditerranée durant la guerre, Durrleman en revient obsédé par ce qu’il estime être l’inculture religieuse d’un peuple et d’élites que l’Église catholique n’aurait pas su véritablement christianiser. Il crée donc de toutes pièces une œuvre, La Cause (le nom est emprunté à l’histoire des huguenots au xvi^e siècle), qui affirme très clairement son protestantisme et qui part à l’évangélisation de la France, aussi bien à Paris et en banlieue que dans les anciens terroirs protestants en voie de sécularisation avancée (la Drôme, le Gard, le Poitou). Cela a donné l’occasion de découvrir les techniques de mission intérieure, choix de la salle (d’abord dans le café ou le cinéma, ensuite seulement dans le temple), propagande avant, pendant et après (affichage, « abois » dans les rues, discussion sur la voie publique, organisation de la salle), interventions de véritable pasteurs-spécialistes (Durrleman lui-même, puis Lauga), distribution de tracts et brochures, stands de livres et cartes postales (avant les disques et le cinéma), achat et aménagement d’une voiture… Un très savoureux vade-mecum pour la mission intérieure a été étudié (un exemple de consigne : ne pas coller les affiches le mercredi soir, car elles seraient recouvertes par celles des cinémas annonçant la matinée de jeudi). Très vite, La Cause est allée bien au-delà de ce travail à la base : elle s’est dotée d’une maison d’édition qui a joué un rôle important dans la « fabrique » de la mémoire huguenote, avec ses romans et ses pièces de théâtre portant sur le xvi^e siècle, la Révocation, le « Désert » du xviii^e siècle18 ; elle a fondé une « École de service chrétien » (une sorte d’école pratique de hautes études en évangélisation, destinée à former des évangélistes, assistantes de paroisse, etc.) ; elle a investi, quelques mois seulement après le jésuite Pierre Lhande, le secteur en plein essor de la radiodiffusion, en obtenant à son tour une émission hebdomadaire sur le poste Radio-Paris, le plus puissant du temps. Ces trois domaines valent à l’historien un matériau documentaire extrêmement riche. On y trouve les correspondances entre La Cause et une série d’auteurs, souvent pasteurs, épouses ou filles de pasteurs : ils sont également historiens, dont Charles Bost, auteur d’un ouvrage monumental sur la résistance à la Révocation dans les Cévennes et, à La Cause, d’un manuel d’histoire des protestants, fréquemment réédité, bâti peu ou prou sur le modèle du petit Lavisse19 ; mais aussi romanciers et surtout romancières, avec parfois une naïveté martyrologique confondante ; et dramaturges, dans ce qui aura été un « âge d’or » d’un théâtre huguenot militant – un théâtre qui a été joué, dans le cadre des paroisses et des mouvements de jeunesse.

• 20 M. Lagrée, Religion et cultures en Bretagne, 1850-1950, Paris 1992 ; Religion et modernité. France, (...)

11Les dossiers conservés permettent de faire rien moins que de l’histoire de l’édition et du livre, aspects économiques compris. On songe évidemment, ici, aux travaux de Michel Lagrée sur le catholicisme et la culture dans le monde (rural) moderne20.

• 21 Une surprise a consisté à trouver celle de la jeune Mireille Cooreman, élevée par un beau-père past (...)

12D’autres dossiers autorisent, eux, à ébaucher une contribution à une « histoire des âmes » dans l’entre-deux-guerres : lettres de candidat(e)s à l’École de service chrétien, qui sont autant de mini-autobiographies spirituelles21 ; lettres de candidat(e)s aux cours par correspondance proposés par la même École ; et surtout, le très abondant courrier suscité par les émissions hebdomadaires sur Radio-Paris. Quelques lettres d’injures (très rares), quelques autres de controverse (avec des prêtres), et une masse de lettres posant des questions, souvent très basiques, sur le protestantisme et plus largement le christianisme, avec, dans les cas les plus complexes, les minutes des réponses proposées par des pasteurs proches de La Cause et qui se spécialisent dans cet office. Le séminaire a lu et commenté plusieurs lettres anonymisées relevant de ces trois correspondances, avec le sentiment de pénétrer dans les questions, les attentes, les émois intimes, de ces âmes d’hommes et de femmes des années 1920-1930.

• 22 A noter un très intéressant épisode de laïcisation : fin 1933, lorsque Radio-Paris a été nationalis (...)
• 23 Par exemple La piété du Réveil, Dieulefit 1928 ; La doctrine du Réveil, Dieulefit 1930 ; etc.
• 24 J. Cadier, Le matin vient, Paris 1990 (rééd. Lyon 2005) et Maisons-Laffitte 2022 (sous le titre La (...)
• 25 D. Bouillon, « Église-Baptême-Esprit-Saint. La théologie de Louis Dallière », thèse de doctorat, un (...)
• 26 Un exemple : l’importante figure du pasteur baptiste Ruben Saillens (1855-1942) n’a fait l’objet qu (...)

13Dans les années 1930, La Cause a pris un virage très politique, et très marqué à droite, qui a été abordé brièvement, le séminaire s’en tenant aux aspects plus proprement religieux. Ont tout de même été évoqués les combats de La Cause contre la laïcité (soupçonnée, comme dans l’Église catholique au même moment, de « laïcisme »22), contre le pacifisme et l’objection de conscience (un conflit littéralement exaspéré), pour un patriotisme de plus en plus nationaliste (participation au défilé annuel en l’honneur de Jeanne d’Arc, soutien aux émeutiers du 6 février 1934), et surtout contre le communisme et les « sans Dieu ». Une chose, toutefois, distingue radicalement Durrleman de la mouvance dans laquelle il a placé son mouvement : son refus permanent, public, de l’antisémitisme (il est par ailleurs entré très tôt en Résistance, et a été condamné par les autorités allemandes à une peine d’un an de prison, qu’il a purgée à Fresnes). Remontant un peu en arrière, le séminaire s’est intéressé à la « Brigade de la Drôme » (et à sa petite sœur, la « Brigadette » de la Gardonnenque, entre Nîmes et Alès) : phénomène étonnant de Réveil, pour ne pas dire de résurrection, dans des campagnes drômoises marquées par l’exode rural, la désertification, le choc de la guerre, la sécularisation, le transfert de messianisme au profit de l’école laïque puis du socialisme. La documentation était ici pour l’essentiel imprimée : bulletin Le Matin vient ; série de volumes collectifs édités à la même enseigne, dans lesquels ont été puisés différents extraits23 ; mémoires de l’une des figures du mouvement, Jean Cadier24. Alors que La Cause est une œuvre très structurée, rationnelle, pensée d’en haut, le Réveil de la Brigade est spontané, irrationnel, vient de la base, avant d’être structuré par le groupe de jeunes pasteurs, dont des camarades de faculté, qui tentent ensuite de le pérenniser et de l’exporter, en dépit des usures, des ruptures, et de cette inévitable « routinisation » inséparable de tout embrasement de ce type. Le séminaire n’a pas résisté à la tentation de faire un peu « d’ethnologie » d’un Réveil encore proche dans le temps, et qui par ailleurs n’a jamais voulu rompre avec les vieilles Églises réformées. Mais la Drôme a fini par voir venir, de l’autre côté du Rhône : l’Ardèche, un nouveau Réveil, beaucoup moins soucieux de fidélité à la vieille maison, et qui allait emporter des pans entiers du protestantisme, ici et ailleurs, le pentecôtisme. La tâche de le découvrir a été laissée à l’année prochaine, mais le séminaire a pris le temps de s’attarder sur une figure que l’on osera dire cardinale, au moins sur un vaste plan régional, celle du pasteur réformé Louis Dallière (1897-1956), passeur de pentecôtisme, sans pour autant rompre avec l’Église réformée. Son importance, y compris grâce à une thèse récente25, est mieux reconnue depuis quelque temps : c’est l’occasion de rappeler combien l’histoire du protestantisme français au xx^e siècle manque de bonnes biographies (écrites sans proximité familiale ou théologique26) et combien il y a là un chantier à ouvrir ou poursuivre.

• 27 Hommage à l’ouvrage d’É. Fouilloux, Au cœur religieux du XX^e siècle, Paris 1993.

14Le séminaire de l’année 2022-2023 poursuivra l’exploration de ces Réveils d’entre-deux-guerres, avec le pentecôtisme et ses Assemblées de Dieu, avant d’entrer dans l’étude du barthisme et d’aller plus avant dans le « cœur religieux27 » du xx^e siècle protestant.