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AccueilNuméros183Façonner l'objet de dévotion chré...Techniques de fabricationPicciolini, picolini et piccioli

Façonner l'objet de dévotion chrétien
Techniques de fabrication

Picciolini, picolini et piccioli

La fabrique romaine des Agnus Dei (1563-1700)
Picciolini, picolini and piccioli. The Roman factory of Agnus Dei (1563-1700)
Picciolini, picolini y piccioli. La fábrica romana de Agnus Dei (1563-1700)
Anne Lepoittevin
p. 87-117

Résumés

Les Agnus Dei sont des sacramentaux pontificaux en cire réalisés à Rome depuis le Moyen-Âge central. D’abord rares, ils deviennent innombrables à la Contre-Réforme, période à laquelle leur production est réorganisée et étroitement contrôlée par la chambre apostolique. Celle-ci implique la collaboration entre différents acteurs laïcs et, de plus en plus, religieux : les orfèvres qui fondent les moules, et les ciriers, qui coulent les petites sculptures, remplacés par les feuillants en 1599. Dès la fin du xvie siècle, la variété des sujets représentés, qui va augmentant, et le nombre des cires, fabriquées par centaines de milliers, répondent aux besoins de la diffusion mondiale des objets de dévotion, assurée par les missionnaires. Cette recherche est une étape en vue de l’établissement du catalogue des 624 moules à Agnus Dei conservés dans le Trésor du Latran (Edizioni Musei Vaticani, 2018).

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Texte intégral

  • 1 Cette recherche a été menée grâce au soutien de l’École française de Rome et du CNRS. Le moule du (...)

1Réalisé en 1566 ou en 1572, le médaillon en cire peint et doré conservé à Écouen est le plus bel Agnus Dei romain actuellement connu (fig. 1 et 2)1.

Fig. 1 : Agnus Dei de Pie V (avers)

Fig. 1 : Agnus Dei de Pie V (avers)

Agnus Dei, 1566 ou 1572, 15,5 cm de diamètre, Écouen, Musée National de la Renaissance, n° Inv. E.Cl. 13328

© Réunion des Musées Nationaux

Fig. 2 : Agnus Dei de Pie V (revers)

Fig. 2 : Agnus Dei de Pie V (revers)

Christ soutenu par deux anges, 1566 ou 1572, 15,5 cm de diamètre, Écouen, Musée National de la Renaissance, n° Inv. E.Cl. 13328

© Réunion des Musées Nationaux

  • 2 De rares études ont étudié les boîtes à Agnus, mieux conservées que les cires (Lightbown, 1992 ; T (...)

2Encore l’est-il bien peu puisqu’il est conservé en réserve et n’est jamais cité par la bibliographie, à l’exception d’une récente thèse d’histoire (Friant, 2009 : 655). Son invisibilité reflète l’état de l’art sur les objets de dévotion. Si de nombreuses études ont été consacrées aux images (peintures et sculptures) et, plus récemment, aux reliques dans la catholicité tridentine, les objets de dévotion modernes réservent encore de belles découvertes. Le moment tridentin marque en effet une intéressante césure dans leur histoire car ils commencent alors à envahir les intérieurs : ainsi des objets multiples (gravures notamment), mais aussi des rosaires, statuettes, reliquaires etc. (Alexandre-Bidon, 1999 ; Ago, 2006 ; Friant, 2009). Il est donc parfaitement logique de voir Rome, dans les années 1560, réglementer leur création (iconographie, forme, ornementation, contenants), leur diffusion (lieux et modalités de distribution, pratiques économiques dont ils font l’objet) ainsi que leurs usages cultuels et privés. Parmi ces objets, les Agnus Dei sont appelés à tenir une place considérable. Totalement méconnus2, ces médaillons de petites dimensions présentent à l’avers l’image de l’Agneau pascal nimbé qui, couché sur le livre de l’Apocalypse aux sept sceaux, tient une croix hastée portant l’étendard de la Résurrection. Plus ou moins abrégée selon les moules, une inscription disposée autour de l’Agneau rappelle les paroles du Baptiste : Ecce Agnus Dei qui tollit peccata mundi (Jean 1, 29) tandis que les armoiries du pape, et parfois son nom ainsi que l’année du pontificat, trouvent place sous le livre. Au revers, les cires présentent une iconographie variée, parfois sacrificielle, conformément au symbole de l’Agneau de Dieu et, au fil du xviie siècle, de plus en plus inspirée par l’actualité romaine : des Vierges miraculeuses, les dévotions chères au pape, de nombreuses effigies de saints réalisées à l’occasion d’une canonisation ou de l’exhumation d’un corps saint, la Porte Sainte ou encore le baldaquin de Saint-Pierre. Une inscription latine présente le nom du pape et l’année du pontificat quand ils ne sont pas mentionnés à l’avers. Elle aide également à l’identification du sujet représenté dont elle précise parfois la signification.

3Éminemment romains, ces petits reliefs ont fait l’objet d’un contrôle sévère car les Agnus Dei sont des sacramentaux bénis par le pape pendant les célébrations pascales. De très nombreuses propriétés miraculeuses leur sont attribuées, que rappellent les feuilles volantes distribuées avec les cires et imprimées en différentes langues par la chambre apostolique, par exemple une feuille imprimée en français en 1662 (fig. 3).

Fig. 3 : Bernard Picart, Les vertus de l’Agnus Dei dans une feuille volante de 1662

Fig. 3 : Bernard Picart, Les vertus de l’Agnus Dei dans une feuille volante de 1662

Taille-douce extraite de B. Picart, Les Illustrations de Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde, Amsterdam, J.F. Bernard 1723, Pl. 39

© BNF

4Pour cette raison, Luther les dénomme « Dieux de cire » dans le traité qu’il leur consacre en 1539. Les Agnus Dei constituent également l’un des plus beaux cas de production massive d’objets de dévotion : réalisés par millions à la fin du xvie siècle et au xviie siècle, ils sont ensuite diffusés à travers les réseaux de la diplomatie religieuse et sont également envoyés depuis Rome vers l’ensemble des terres d’évangélisation d’un monde alors en expansion. La bonne conservation des traités imprimés et des archives romaines post-tridentines (notamment les sources comptables de la chambre apostolique) permet d’examiner les modalités de la création des moules à Agnus Dei et de la réalisation des cires à cette époque.

Les rythmes de la production

  • 3 Les Agnus Dei n’ont apparemment pas été bénis en 1575, tandis que leur réalisation est attestée en (...)
  • 4 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 5 : on parle de « rénover » les « vieux » Agnus Dei.
  • 5 Ibid., fasc. 8.

5D’après les comptes de la chambre apostolique, les Agnus Dei ne sont pas fabriqués annuellement mais en certaines occasions : lors des premières célébrations des fêtes de Pâques d’un pontificat, tous les sept ans à compter de la première année du pontificat et enfin lors des jubilés ordinaires, au moins à partir du xviie siècle3. Jusqu’au milieu du xviiie siècle, les rares exceptions à cette règle sont toutes dues à des phénomènes de rattrapage. Ainsi du début du pontificat de Grégoire XV, qui bénit des Agnus Dei en 1621, deux mois après son couronnement, et à nouveau en 1622. En 1621, artistes et artisans ont tout juste eu le temps de « rinov[are] » une quantité assez modeste d’Agnus Dei « vecchi » pour un poids de 1 020 livres romaines, soit 651 kilogrammes4. En prévision des fêtes de Pâques de 1622, les moules sont retravaillés, sans que l’on en sache davantage. 10 094 livres (3 422 kg) d’Agnus Dei sont alors fabriqués5.

La réalisation des moules : le travail des orfèvres

6Les coûts de fabrication portent en priorité sur la fabrication des moules. La matrice des Agnus n’est pas refaite systématiquement, mais est souvent reprise au sein d’un pontificat ou d’un pontificat à l’autre. D’où la réalisation simultanée de nouveaux moules, de moules rénovés et même parfois de moules nouveaux réalisés d’après des modèles anciens. Étudier les Agnus Dei suppose avant toute chose d’identifier le moment de fabrication d’une matrice et la chronologie complexe de son réemploi.

Vers un catalogue des moules

  • 6 Barbagallo-Lepoittevin, Città del Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, à paraître. L’ouvrage permett (...)

7624 moules à Agnus Dei en métal font partie des collections historiques des Musées du Vatican. On compte 303 avers portant l’image de l’Agneau et 309 revers présentant une iconographie très variée. Les moules ont été inventoriés en juin 2016. Le travail que nous avons mené dans les archives permet d’attribuer et de dater la quasi-intégralité des revers réalisés entre xvie siècle et xxe siècle. Les comptes de la chambre apostolique énumèrent en effet, aux dates présentées dans le tableau ci-dessous pour le xvie et le xviie siècle, les noms des orfèvres et les sujets des nouveaux moules qui leur ont été commandés, ainsi que, parfois, les sujets des moules rénovés. L’observation attentive des pièces, la comparaison systématique du corpus des Agnus Dei en cire ainsi que des médailles pontificales annuelles et des médailles dévotionnelles frappées à Rome aux mêmes dates, l’étude enfin des caractéristiques formelles et stylistiques des pièces permettent de proposer un certain nombre d’autres attributions et datations. Mené en collaboration avec Sandro Barbagallo, qui conserve les collections historiques des Musées du Vatican, ce travail sera publié aux Edizioni Musei Vaticani en 20196.

  • 7 D’après asr, cam. i., g.t., b. 2-108 ; asr, cam. ii, z. b. 22 et 27 ; asv, pa, c., b. 855-984 ; Bu (...)

Tableau 1. Artistes ayant travaillé aux moules à Agnus Dei aux xvie et xviie siècles7

Année de frappe des Agnus Dei Orfèvre Nouveaux moules Nouveaux moules à partir de moules existants Moules rénovés
1566 (Pie V, An i) Michelangelo Orefici et Federico Siculo 7
1573 (Grégoire XIII, An i) Proto Gacciola d’Amelia et Federico Cocciola 13 44
1586 (Sixte Quint, An i) Diomede Vanni 8 7 34
1591 (Grégoire XIV, An i) Diomede Vanni 17 34
1592 (Clément VIII, An i) Diomede Vanni 8 62
1612 (Paul V, An vii) Giacomo Antonio Mori 5 60
1619 (Paul V, An xiv) Giacomo Antonio Mori 2 83
1621 (Grégoire XV, An i) Paolo Sanquirico et Giacomo Antonio Mori 0 77
1624 (Urbain VIII, An i) Giacomo Antonio Mori 10 118
1625 (Urbain VIII, jubilé) Giacomo Antonio Mori, Gaspare Mola et Bernardo Lanfranchi 11 129
1630 (Urbain VIII, An vii) Gaspare Mola 15 90
1637 (Urbain VIII, An xiv) Gaspare Mola 31 124
1656 (Alexandre VII, An i) Gaspare Moroni 21 4 171
1661 (Alexandre VII, An xiv) Gaspare Moroni et Gioachino Francesco Travani 4 189
1671 (Clément X, An i) Gioachino Francesco Travani 49 233
1677 (Innocent XI, An i) Girolamo Lucenti 3 285
1683 (Innocent XI, An vii) Biagio Monaci 224
1690 (Alexandre VIII, An i) Biagio Monaci et Giovanni Pietro Travani 30
1692 (Innocent XII, An i) Biagio Monaci, Giovanni Pietro Travani, Antonio Travani et Benedetto Damis 33 187

Réaliser et rénover les moules

  • 8 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9.
  • 9 asv, pa, c., b. 881 : 220-221.
  • 10 On décidait sans doute du programme iconographique et des inscriptions des Agnus Dei comme on déci (...)
  • 11 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9 : « avoir d’abord réalisé les modèles en cire pour chaque sujet e (...)
  • 12 Voir par exemple asr, cam. i, b. 11, fasc. 13.

8Comme le montre le tableau ci-dessus, les orfèvres réalisent et rénovent un nombre variable de moules en fonction des papes, des occurrences mais aussi des délais disponibles. En 1573, Proto Gacciola d’Amelia et Federico Cocciola réalisent 13 nouveaux sujets et rénovent 44 moules anciens. Ces chiffres s’accroissent avec le nombre des anciens moules et ne cessent de progresser au xviie siècle. Sous Urbain VIII, en 1637, 155 sortes d’Agnus Dei de dimensions et de sujets différents peuvent ainsi être fondus8. Ce chiffre attteint 288 sous Innocent XI en 16779. Il semble qu’un même artiste ou du moins qu’un unique atelier soit chargé de l’ensemble des tâches sitôt le programme iconographique déterminé par le pape et son entourage10 : réalisation du modèle en cire, fonte des moules et enfin reparure de ceux-ci, trois étapes souvent énumérées par les textes. En 1637, Gaspare Mola dit « haver fatto li modelli prima di cera di ciascuna imagine e poi rinettati e cesellati ciascuna figura di rilievo per formare i conij di rame ben politi e rinetti »11. La réalisation des armes et des inscriptions par ces mêmes ateliers est souvent mentionnée12.

  • 13 asr, cam. i, g.t., b. 21, fasc. 14. Facture présentée par Diomede Vanni, orfèvre, en 1592-1594.
  • 14 asr, cam. ii, z., b. 27, fasc. 36 : « ôter l’ancien tasseau » ; « nouveaux tasseaux ».
  • 15 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 7 : « changer les tours ».
  • 16 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 15.

9Les orfèvres rénovent également les anciens moules, réutilisés de pontificat en pontificat à l’instar du Christ soutenu par deux anges d’Écouen (fig. 2). Si le nombre des anciens moules est encore modeste en 1573 (44), il augmente avec les nouveaux moules créés : il atteint déjà 129 pièces en 1625 et même 285 pièces en 1681. Pour permettre le remploi des moules, les orfèvres modifient l’inscription mentionnant la date et, si un nouveau pape est monté sur le trône de saint Pierre, les « arme et littere »13, à savoir la date, le nom et éventuellement les armoiries du pontife. Ce travail est parfaitement visible sur les œuvres puisque les inscriptions modifiées sont situées en bas du moule (on parle de « levare il tassello vecchio » qu’on remplace par de « nuovi tasselli »14) et parfois autour du sujet (on parle de « mutare li cerchi »15), comme on le voit sur le moule de saint Charles Borromée réalisé par Giacomo Antonio Mori pour les cérémonies de 161116 (inv. no 47992/10, fig. 4.).

Fig. 4 : Giacomo Antonio Mori, Moule à Agnus Dei de Saint Charles Borromée

Fig. 4 : Giacomo Antonio Mori, Moule à Agnus Dei de Saint Charles Borromée

1612 (dernière modification en 1933-1934), 15, 7 x 12,9 cm, Città del Vaticano, Musei Vaticani, INV. N° 47992/10

© Musei Vaticani

  • 17 asr, cam. i, g.t., b. 80, fasc. 13.

10Seules ces parties des moules sont donc modifiées. Ainsi s’explique le fait que les inscriptions destinées à être renouvelées (armes, dates et nom du pontife) aient été rejetées en bas des moules à partir de la seconde moitié du xviie siècle. Tandis que les orfèvres et les ateliers sont chargés de réaliser les nouveaux moules, la reparure peut être déléguée à des maîtres moins importants : en 1636, Gaspare Mola évalue le travail de polissage effectué par l’orfèvre Paulo Rafuzzi17. Il est absolument remarquable que, dans la plupart des cas, les mêmes moules aient été réutilisés pendant plusieurs siècles : ainsi du moule circulaire du Christ enfant couronnant le pape (inv. no 48024/42) créé en 1591 par Diomede Vanni, qui a été utilisé jusqu’en 1929 comme le signale l’inscription « Pius XI, anno vii » (fig. 5).

Fig. 5 : Diomede Vanni, Moule à Agnus Dei du Christ enfant couronnant le pape

Fig. 5 : Diomede Vanni, Moule à Agnus Dei du Christ enfant couronnant le pape

1591 (dernière modification en 1928), 13,2 cm de diamètre, Città del Vaticano, Musei Vaticani, INV. N° 48024/42

© Musei Vaticani

  • 18 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9. Les Musei Vaticani conservent un des trois moules réalisés en 16 (...)
  • 19 asv, pa, c., b. 874 : 198.

11Si les moules à Agnus Dei s’inscrivent pleinement dans l’histoire des styles au moment de leur création, leur réutilisation pendant plusieurs siècles donne naissance à une production de cires stylistiquement très hétéroclite, dont on a peu d’exemples dans un foyer comme Rome. Elle assure également la grande variété iconographique des Agnus Dei. On voit ainsi apparaître des productions spécialisées destinées à des ordres ou favorisant de nouvelles dévotions : en 1637, les Prémontrés financent eux-mêmes la réalisation de trois moules à Agnus Dei représentant saint Norbert18. Dès 1671, quatre moules célèbrent la canonisation de Rose de Lima, première sainte du Nouveau Monde19.

  • 20 asr, cam. i, g.t., b. 16, fasc. 8.
  • 21 De telles citations sont aussi fréquentes dans les médailles. Voir Simonato, 2008 : 25-66.

12Il peut enfin arriver que les orfèvres fassent de nouveaux moules d’après d’anciens modèles endommagés, tel Diomede Vanni qui, en 1586, après l’élection de Sixte Quint, réalise huit moules ex novo, rénove 34 moules anciens et refait trois petits moules (le Sauveur ; le Crucifix ; la Vierge) ainsi que quatre grands (Jésus et la Samaritaine ; la Prière au Jardin ; la Cène et la Transfiguration (Musei Vaticani, inv. no 48020/38) d’après d’anciens modèles20. Dans certains cas, il semble qu’on ait aussi refait certains moules liés à des sujets emblématiques, en l’occurrence des œuvres d’art romaines. Tant en raison de la primauté artistique de la Ville que pour affirmer la nature et l’origine romaine de ces sacramentaux étroitement associés à la figure du pape, les moules à Agnus Dei créés à l’époque tridentine suivent les écoles romaines et citent explicitement des œuvres emblématiques de la Rome sacrée comme la Transfiguration de Raphaël (Città del Vaticano, Musei Vaticani) et le Christ de la Minerve de Michel-Ange (Rome, Santa Maria sopra Minerva)21. En 1573, Proto Gacciola d’Amelia et Federico Cocciola avaient ainsi réalisé une Transfiguration pour la première bénédiction des Agnus Dei de Grégoire XIII (asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 13), s’inspirant de l’œuvre de Raphaël (Città del Vaticano, Musei Vaticani), alors visible à San Pietro in Montorio. Ce moule a ensuite été refait en 1586 par Diomede Vanni (asr, cam. i, g.t., b. 16, fasc. 8) et peut être rapproché avec certitude du moule conservé aux Musei Vaticani (inv. no 48020/38. Fig. 6).

Fig. 6 : Protus Gacciola et Federicus Cocciola (1573) Diomede Vanni (1586), Transfiguration

Fig. 6 : Protus Gacciola et Federicus Cocciola (1573) Diomede Vanni (1586), Transfiguration

1573 et 1586, dernière modification en 1928, 15, 2 x 11,2 cm, Città del Vaticano, Musei Vaticani,INV. N° 48020/38

© Musei Vaticani

13La modification des moules d’après d’anciens modèles est également attestée par le corpus des Agnus Dei que nous avons constitué. Très maniériste, le Rédempteur de 1573 conservé aujourd’hui au monastère des clarisses de Zafra (Estrémadure) évoque fortement le modèle romain du Christ de la Minerve de Michel-Ange (ca. 1519-1520). (Fig. 7 et 8).

Fig. 7 : Agnus Dei avec Résurrection et symboles de la Passion

Fig. 7 : Agnus Dei avec Résurrection et symboles de la Passion

1572, Pontificat de Grégoire XIII (1572-1585), An. I, 14 cm de diamètre, Zafra (Espagne), Couvent de Sainte Claire

© Museo Santa Clara - Zafra

Fig. 8. Michel-Ange, Christ de la Minerve

Fig. 8. Michel-Ange, Christ de la Minerve

1520, h. 2,5 m, Rome, Santa Maria sopra Minerva

© Santa Maria sopra Minerva

  • 22 Le moule aurait également été réemployé en 1586 (asr, cam. i, g.t., b. 16, fasc. 8), en 1591 (asr, (...)

14Ce moule a dû être refait avant 1598, date de réalisation de la cire de Vérone (Museo Miniscalchi-Erizzo). Il a ensuite été réutilisé, par exemple en 1619 (Vérone, Museo Miniscalchi-Erizzo) et encore en 1690 (Marches, Diocèse de Pesaro, fig. 9)22.

Fig. 9 : Agnus Dei avec Résurrection et symboles de la Passion

Fig. 9 : Agnus Dei avec Résurrection et symboles de la Passion

1619, Pontificat de Paul V (1605-1621), An. XIV, 14,5 cm de diamètre, Vérone, Museo Miniscalchi-Erizzo

© Museo Miniscalchi-Erizzo

15L’orfèvre a inversé la posture du Christ et accentué la figure serpentine afin de la rendre plus proche du modèle de Michel-Ange. On constate par ailleurs le remploi de moules anciens, dont on modifie seulement les inscriptions et parfois quelques détails iconographiques afin d’en changer le sujet, au prix de confusions. Entre 1625 et 1668, à partir d’une même matrice, la Stigmatisation de saint François est ainsi devenue un Saint Jérôme pénitent (Marchini, 2008 : 56 et 63).

Des orfèvres de premier plan : le rapprochement avec la Zecca et les médaillistes

  • 23 Peccolo, 1994. Sur les orfèvres romains à l’époque moderne, on verra en priorité Montagu, 1996.
  • 24 Gioacchino Francesco Travani a également été médailliste. Les Travani travaillant aux Agnus Dei ap (...)
  • 25 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9 : « orfèvre de la Monnaie et des médailles de Notre Seigneur ».

16À la fin du xve siècle et au début du xvie siècle, les orfèvres qui réalisent les moules à Agnus Dei sont des artistes de premier plan – en témoigne l’Agnus Dei d’Écouen (fig. 1 et 2). Tel n’est pas le cas de tous les maîtres qui exécutent les moules à la fin du xvie siècle. Certains appartiennent en effet à des ateliers romains spécialisés que la chambre apostolique emploie souvent à cette tâche. Ainsi de l’atelier de Diomede Vanni, issu d’une famille d’orfèvres d’importance moyenne active à Rome entre la seconde moitié du xvie siècle et les années 162023. La situation se modifie au début du xviie siècle, date à laquelle Clément VIII d’abord, puis Paul V, confient la fabrication des cires aux feuillants. Non contents de réorganiser la production des reliefs, ces deux pontifes ont également réorganisé la réalisation des moules. À compter de cette date, et jusqu’au xxe siècle, les orfèvres chargés de réaliser les moules sont en effet d’importants maîtres de la Zecca (Monnaie), employés par le Siège apostolique à l’émission de ses monnaies et médailles officielles. Si Vanni n’a pas été identifié comme médailliste, Paolo Sanquirico, Giacomo Antonio Mori, Gaspare Mola, Gaspare Morone, Girolamo Lucenti, les Travani et, au xviiie siècle, les membres de la dynastie Hamerani se voient confier la réalisation de médailles annuelles pontificales24. Cette tradition se perpétue jusqu’au xxe siècle, puisqu’Aurelio Mistruzzi a réalisé des médailles annuelles et moules à Agnus Dei. En 1637, Gaspare Mola rappelle d’ailleurs son titre d’« incisore della zecca e delle medaglie di Nostro Signore »25 sur une facture pour des moules à Agnus. Nombre d’entre eux ont également contribué à la réalisation des médailles de dévotion alors créées et fabriquées à Rome en très grand nombre (Gieben, 2006).

  • 26 cam. ii, zecca, busta 22, Fasc. 9.

17Le rapprochement entre médaillistes en charge des médailles pontificales et orfèvres employés pour les moules à Agnus Dei est cause ou conséquence d’un autre phénomène : un rapprochement iconographique et stylistique entre les médailles annuelles et les Agnus Dei au début du xviie siècle. Dans une étude aussi éclairante que rigoureuse consacrée aux médailles d’Urbain VIII (réalisées, notamment, par Giacomo Antonio Mori et Gaspare Mola), Lucia Simonato a observé, la première, cette parenté entre ces deux types d’objets étroitement liés au pape. Les orfèvres ont pu employer les mêmes dessins et modèles pour réaliser les moules des médailles et ceux des Agnus Dei. Lucia Simonato cite les exemples de Saint Pierre assis sur les nuages, de la Vierge voilée et de Sainte Elizabeth de Lusitanie, déclinés en médailles annuelles comme en Agnus Dei au xviie siècle. Les ressemblances sont telles qu’elles suggèrent la pratique du moulage (Simonato, 2008 : 41-43 et 171-173). La liste des sujets communs aux médailles annuelles et aux Agnus Dei serait longue au xviie siècle. Nous citerons seulement quelques exemples, comme, sous Paul V, le Lavement des Pieds et, sous Urbain VIII, les Vierges miraculeuses, la Porte Sainte en 1625, le Baldaquin de saint Pierre ou encore le baptistère du Latran, réalisé en moules pour Agnus Dei (inv. no 48025/43) et pour médailles annuelles par Gaspare Mola en 1637 (fig. 10 et 11)26.

Fig. 10 : Gaspare Mola, Moule à Agnus Dei du Baptistère du Latran

Fig. 10 : Gaspare Mola, Moule à Agnus Dei du Baptistère du Latran

1637 (dernière modification en 1925), 16,5 x 12,3 cm de diamètre, Città del Vaticano, Musei Vaticani, INV. N° 48025/43

© Musei Vaticani

Fig. 11 : Gaspare Mola, Médaille d’Urbain VIII avec Baptistère du Latran

Fig. 11 : Gaspare Mola, Médaille d’Urbain VIII avec Baptistère du Latran

1637 (tirage d’origine), 4 cm de diamètre

© Collection particulière

  • 27 Gieben, 2006. Le catalogue des médailles de dévotion de la famille Hamerani, classé par tailles et (...)

18Ces trois derniers exemples permettent de comprendre la convergence entre l’iconographie de ces deux types d’objets attachés à la personne du pape. C’est la raison pour laquelle les Agnus Dei représentent parfois des architectures sacrées sous Urbain VIII, alors que leur fonction est d’encourager des dévotions. À cela, il conviendrait d’ajouter un second rapprochement : la similitude de sujets, formats et fonctions entre les Agnus Dei et des médailles de dévotion produites alors à Rome, en dehors des commandes de la Zecca. Dès le début du xviie siècle, les mêmes sujets, éventuellement réalisés d’après les mêmes modèles, sont réalisés en Agnus Dei et en médailles de dévotion. Au xviiie siècle, les mêmes artistes ont parfois utilisé les mêmes moules. La comparaison entre les moules à Agnus Dei réalisés par l’atelier des Hamerani au xviiie siècle et les médailles de dévotion qu’ils vendaient au même moment dans leurs ateliers romains est riche de promesses27.

Tondi et ovati : les formats des moules

  • 28 apug 249, Manuscrit (1601-1750) : 677-678 : « tous les anciens Agnus Dei étaient circulaires, form (...)
  • 29 Un moule de grandes dimensions de cette sainte commandé à Gaspare Mola en 1637 (asr, cam. ii, z., (...)

19Les moules à Agnus Dei sont de formats et de dimensions variables. À la fin du xvie siècle, le format circulaire employé au Moyen Âge et à la Renaissance est rapidement abandonné au profit du format ovale, presque systématique dès Pie V et Grégoire XIII. Commandité par Grégoire XIV, l’auteur du programme pour les Agnus Dei de 1591 regrette l’abandon du rapport symbolique entre forme et statut théologique des Agnus Dei : « Gli antichi Agnus Dei erano tutti rotondi, la qual forma è più misteriosa, et perfetta, et meglio ripresenta l’intentione della S.ta Chiesa, cioè che il Mondo ripresentato per la forma tonda, è stato liberato e redento per la morte dell’Agnello purissimo, crocifisso per la n.ra salute28. » Même s’il ne le précise pas, les formats des cires évoquaient fortement ceux de l’hostie, elle aussi façonnée à partir de moules qui portent souvent l’image de la Crucifixion. Déjà suggérée par certains auteurs (Bonardo, 1586 : 25 ; Meurier, 1587 : 119r ; Ceresole, 1845 : 28), cette comparaison a été utilisée par les contemporains puisque des Agnus Dei en cire blanche ont été placés dans des monstrances identiques aux monstrances eucharistiques de l’époque. Les monstrances à Agnus Dei sont destinées à être exposées sur les autels pour accompagner le culte d’un saint donné. C’est par exemple le cas d’un grand Agnus Dei représentant sainte Élisabeth du Portugal, canonisée par Urbain VIII en 1625, Agnus Dei réalisé en 1668 pour la première année du pontificat de Clément IX. Il a été présenté dans un ostensoir surmonté des armes pontificales, dans lequel figurait également une médaille du pontife (fig. 12)29.

Fig. 12 : Atelier vénitien, Monstrance à Agnus Dei

Fig. 12 : Atelier vénitien, Monstrance à Agnus Dei

1669, 45 cm de hauteur, argent repoussé et ciselé, Agnus Dei (Elisabeth du Portugal, pontificat de Clément IX, an I), médaille (Clément IX, an II), Diocèse de Venise

© Beni storici ed artistici del Triveneto

20Ce parallèle formel, et donc symbolique, gagnerait à être étudié en suivant les typologies que Frédéric Tixier a établies dans le remarquable travail qu’il a consacré aux monstrances eucharistiques (Tixier, 2014). Évident de près, ce rapprochement formel devait être particulièrement suggestif pour les fidèles éloignés de l’autel.

21Même si le théologien sollicité par Grégoire XIV parvint à obtenir le retour au format circulaire en 1591, celui-ci fut de courte durée car les moules commandés sous les pontifes suivants sont à nouveau « ovati ». Les Agnus Dei de format circulaire datant du xviie siècle sont tous dus au remploi de moules anciens. Ainsi du Rédempteur cité précédemment (fig. 9).

  • 30 apug 249, Manuscrit (1601-1750) : 678 : « depuis quelques années, on a introduit la forme ovale pa (...)

22À quoi attribuer l’abandon de la forme circulaire, qui servait le rapprochement symbolique avec l’hostie – même si celle-ci a parfois été ovale au xviie siècle – et la proximité formelle avec d’autres objets pontificaux, à savoir les médailles annuelles ? Sans doute faut-il l’associer d’abord à l’histoire du style. Comme l’a montré Jacob Burkhardt (Burkhardt, 2014 : 319), on juge alors les formats ovales et rectangulaires plus élégants que le cercle. Le tondo est emblématique de la première Renaissance florentine, dont l’influence stylistique sur les orfèvres chargés de réaliser les moules est évidente à la fin du xve siècle : en témoigne le verso de la pièce conservée à Écouen (fig. 2). C’est ce que semble suggérer notre anonyme, qui déplore que « da alquanti anni si [sia] introdotta per vaghezza ancora la forma ovata »30. Mais à cette évolution du style s’ajoute l’évolution des sujets traités par les Agnus Dei, qui délaissent les compositions narratives au profit de figures iconiques. Dès le pontificat de Clément VIII, les nouveaux moules à Agnus Dei présentent l’effigie d’un saint, représenté en pied dans les grandes cires et en buste dans les plus petites. C’est ce qu’on observe sur le très beau moule de saint Charles Borromée réalisé par Giacomo Antonio Mori (fig. 4). Le format ovale servait assurément la représentation des sujets iconiques et suivait donc l’évolution de la fonction de l’objet : elles aussi iconiques, les médailles dévotionnelles contemporaines sont également ovales dans la plupart des cas.

Picciolini, picolini et piccioli : les dimensions des moules à Agnus Dei

  • 31 Des Agnus de dimensions encore plus réduites ont été réalisés pendant des périodes plus anciennes. (...)
  • 32 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 16 et b. 18, fasc. 13.
  • 33 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 16, 1573.

23Les dimensions des Agnus Dei de la Contre-Réforme étudiés à ce stade varient de 2,6 x 2,3 cm pour les plus petites pièces (Tête de la Vierge, Pontificat d’Innocent XI, Côme, Palais Episcopal, Sala Innocenziana)31 à 17 x 13 cm pour les plus grandes (Pentecôte, 1656, Pontificat d’Alexandre VII, Diocèse de Pesaro). Leurs dimensions sont très variées car celles des moules ne sont pas standardisées malgré les efforts faits en ce sens au cours du XVIIe siècle. En 1573, les comptes de la chambre apostolique distinguent ainsi trois types de petits Agnus Dei parmi les cires produites cette année-là, des « piccioli », des « più picciolini » et des encore « più picciolini » tandis qu’en 1591, les moules sont dits « grandi », « mezzane » et « piccole », mais aussi « piccolino », « più piccolo » et « mezzana grande »32. À ces variations de taille correspondent des variations de poids : la différence de poids entre les plus petits et les plus grands Agnus Dei produits cette année-là aurait varié de 1 à 18,533. Le manque d’uniformité des moules et des reliefs semble avoir posé problème. En effet, les variations de poids en métal et en cire entraînent des variations de prix de réalisation des moules et, davantage encore, de coût de réalisation des cires. En 1637, les dimensions des moules et des cires sont – provisoirement – uniformisées à l’occasion d’une commande passée à Gaspare Mola. Un schéma reproduit les dimensions des anciens et des nouveaux moules sur le reçu des moules (fig. 13).

Fig. 13 : Gaspare Mola, Dimensions des moules à Agnus Dei

Fig. 13 : Gaspare Mola, Dimensions des moules à Agnus Dei

1637, Rome, ASR, Cam. II, Z., b. 22, fasc. 29

© Anne Lepoittevin

  • 34 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9, 15 avril 1637 : « grands », « moyens » et « moyens plus petits » (...)

24Les trois types de moules faits par Mola sont dits « grande », « mezzana » et « mezzanina » tandis que les trois petits ovales correspondent aux dimensions prises sur des moules anciens : la « piccola », la « più piccola » et la « piccolissima »34.

Tableau 2. Dimensions des moules en 1637

Désignation Dimensions
Grande (fait par Gaspare Mola) 15,9 x 12,1 cm
Mezzana (fait par Gaspare Mola) 9,3 x 7 cm
Mezzanina (fait par Gaspare Mola) 5,1 x 4 cm
Piccola (ancien moule) 3,1 x 2,4 cm
Più piccola (ancien moule) 2,5 x 1,9 cm
Piccolissima (ancien moule) 1,9 x 1,3 cm
  • 35 asv, pa, c. b. 84 : 91r-93r.

25Mais les tailles et dénominations proposées par des schémas réalisés en 1690 sont tout autres35.

26Par-delà ces variations, les différences de taille traduisent surtout la variété des fonctions des cires, susceptibles d’être portées en anneaux ou, comme la pièce d’Écouen, en médaillons, mais également montées dans des tableautins destinés à la dévotion privée ou encore placées dans des ostensoirs, ainsi que l’éventail des usages sociaux dont ils font l’objet, du cadeau diplomatique précieux à l’objet peu dispendieux généreusement prodigué par les missionnaires.

Des moules aux cires. Des millions d’Agnus Dei

27L’inventio est le fait des orfèvres qui créent les moules. La fabrication de quantités prodigieuses de cires destinées au monde entier revient aux ciriers puis, à partir de 1599, aux feuillants romains. Le recours à un ordre réformé s’explique sans doute par la nécessité de lutter contre les trafics dont font l’objet ces sacramentaux très prisés.

Réaliser les reliefs en cire blanche

  • 36 Les orfèvres sont également chargés de la réalisation de ces tenailles. Voir par exemple asr, cam. (...)
  • 37 asr, cam. i, g.t., b. 16, fasc. 6, 1586. Voir aussi Cam II., Z., B. 22, fasc. 8. 1637.
  • 38 asr, cam. i, g.t., b. 19, fasc. 10, 1591 : « de la cire de Venise en petits pains » Ces mentions s (...)
  • 39 Braccesco, 1558 : 1 : « la cire blanche rappelle son humanité sans péché ».
  • 40 Bonardo 1586 : 11-15 : « Agneaux purs », « hostie immaculée ».
  • 41 Sixte Quint, 1586 : « Car ces Agnus Dei sont confectionnés à partir de cire blanche, pure et virgi (...)

28Pour réaliser les reliefs, les artisans devaient couler la cire dans les moules qu’ils maintenaient à l’aide de tenailles en métal et attendre que celle-ci refroidisse avant de fabriquer la pièce suivante, d’où des temps de fabrication non négligeables36. Les livres de comptes attestent l’emploi d’une « cera bianca »37 raffinée et donc coûteuse en provenance de Venise : « cera in formelle de Venetia »38. Le discours sur la candeur est omniprésent tant dans les textes sur l’Agnus Dei (traités, feuilles accompagnant les Agnus Dei donnés en présents) que dans le cérémonial de bénédiction des cires. Dans le texte qu’il rédige en 1550, Sopranzo Braccesco rappelle ainsi que « la cera bianca dinota l’humanità sua senza peccato »39 tandis que Vincenzo Bonardo renvoie à sa portée sacrificielle – « et candidas faecerunt in sanguine Agni » (Apocalypse 7, 14) – avant de rapprocher les « Agnelli puri » de la blancheur de l’« hostia monda »40. Toujours en 1586, Sixte Quint envoie une caisse d’Agnus Dei au doge Paschalis Ciconia, qu’il accompagne d’un bref dans lequel il explique ainsi la valeur de la cire : « Hi enim Agnus Dei ex cerâ albâ, purâ, virgineâ conficiuntur, ad denotandam Christi humanitatem ex Sanctissimo Virginis utero absque ullâ contagione, & solâ Dei virtute sumptam »41. L’importance de la cire dans le culte chrétien, des masques funéraires, des effigies ressemblantes et des pratiques votives n’est plus à démontrer. Julius von Schlosser d’abord (1997), Catherine Vincent (2004) ou encore Georges Didi-Huberman plus récemment (2006), s'y sont employés, chacun à leur façon.

Les Agnus Dei : une production de masse42

  • 42 Je remercie très vivement le Professeur Renata Ago (Sapienza), ainsi que Marie Lezowski (Universit (...)

29Jusqu’au Moyen Âge tardif, les quantités d’Agnus Dei produites à Rome sont très modestes : d’après l’Ordo Romanus XII (Mabillon, 1687-89, t. ii : 375-376), les acolytes pontificaux réaliseraient seulement 10 livres au début du xiiie siècle. Tout va changer pendant la période moderne, car les Agnus Dei sont façonnés par centaines de milliers de pièces après le Concile de Trente. Même si leur importance varie avec les pontifes, leur succès ne se dément pas pendant tout le xviie siècle. Le tableau suivant établit l’importance numérique d’une production qu’il faut bien qualifier de massive.

  • 43 Source : asr, cam. i., g.t., b. 2-108 ; asr, cam. ii, z. b. 22 et 27 ; asv, pa, c., b. 855-984. Ce (...)

Tableau 3. Production des Agnus Dei entre milieu du xvie siècle et fin du xviie siècle43

Date Agnus Dei fabriqués ex novo, en livres Agnus Dei refaits, en livres Poids total, en livres Poids total, en kilosa Nombre de caisses
1566 (Pie V, an i) 15027,5 15017,5 5091 81 et 1 « scatola grande »
1572 (Pie V, an vii) 23234 23234 7817 128
1573 (Grégoire XIII, an i) 36394 12338 205
1579 (Grégoire XIII, an vii)
1586 (Sixte Quint, an i) 22795 22795 7728 125 et « un scatolone »
1591 (Grégoire XIV, an i) 26663 26663 9039 117
1592 (Clément VIII, an i) 30029 30029 10180 214 c. et 21 livres de petits Agnus Dei
1599 (Clément VIII, an vii) 4196 599 4795 1626
1600 (Clément VIII, jubilé) 1560 1591 3159 1071 11
1605 (Clément VIII, an xiv) 5993 5993 2032 39
1606 (Paul V, An i) 58 caisses 22713 7700 159
1612 (Paul V, an vii) 19843 19843 6727 127
1619 (Paul V, an xiv) 25088 ½ 25088 ½ 8505 144
1621 (Grégoire XIV, an i) 1920 1920 651
1622 (Grégoire XIV, an ii) 10094 10094 3422
1624 (Urbain VIII, an i) 4557 4557 1545
1625 (Urbain VIII, jubilé) 5086 ¾ 5086 ¾ 1724 30
1630 (Urbain VIII, an vii) 9628 3264
1636 (Urbain VIII, pour 1637) 13744 13744 4659 76
1637 (Urbain VIII, an xiv) 10921 10921 3702 65
1644 (Urbain VIII, an xxi)
1645 (Innocent X, an i) 25088 25088 8505
1675 (Clément X, Jubilé) 20189 20189 6847
1677 (Innocent XI, an i) 32915 32915 11158
1683 (Innocent XI, an vii) 20079,5 20079,5 6807
1690 (Alexandre VIII, an i) 30673 30673 10398
1692 (Innocent XII, an i) 34421,5 2962 37383,5 12673
1698 (Innocent XII, an vii) 11589 11589 3929
a. 1 livre romaine = 339 grammes. Delumeau, 1975 : 159.

30À combien de pièces peut-on chiffrer cette production ? Des millions d’Agnus Dei ont été produits entre 1566 et 1700. Nous choisirons l’exemple de l’année 1573, pour laquelle les Agnus Dei produits pèsent 12 338 kilogrammes de cire. Prenons pour référence le poids d’un Agnus Dei d’Alexandre VIII réalisé en 1690 (6 grammes), dont les dimensions (5,4 x 4,4 cm) correspondent à peu de choses près à un moule format « mezzanina » (5,1 x 4 cm) selon les dimensions prises en 1637. Une autre référence disponible est le poids d’un Agnus Dei de Paul VI réalisé en 1964 (34 grammes), dont les dimensions (9 x 7 cm) sont proches de celles d’une pièce « mezzana » en 1637 (9,3 x 7,5 cm). À partir de ces deux repères, nous pouvons poser l’hypothèse que le poids des Agnus Dei, dont nous avons vu qu’il est relativement normalisé, se situe entre 5 et 50 grammes. Le nombre d’Agnus Dei produits en 1573 serait donc compris entre 246 700 pièces (estimation basse) et 2 467 600 pièces (estimation haute). La vérité se situe sans doute entre ces deux chiffres. Il serait hasardeux de proposer des chiffres plus précis : ceux-ci laissent déjà entendre la vocation mondiale des petites cires romaines en ce début de Contre-Réforme, qui va croissant au cours du xviie siècle. Il est à noter que gravures et tableaux donnant à voir la cérémonie de bénédiction des Agnus Dei insistent elles aussi sur le nombre des pièces réalisées (fig. 14).

Fig. 14 : École italienne, Bénédiction et consécration des Agnus Dei

Fig. 14 : École italienne, Bénédiction et consécration des Agnus Dei

Fin xviie ou début xviiie siècle, huile sur toile, 121 x 169 cm, Sotheby’s, Lot 130, 14 avril 2016

© Sotheby’s

Les raisons de l’augmentation de la production

31Il est difficile d’évaluer leur production antérieure en l’absence des archives comptables pré-tridentines. Tout porte cependant à croire que la quantité des Agnus Dei produits était extrêmement modeste avant la période tridentine, et qu’elle a brutalement augmenté avec la Contre-Réforme.

  • 44 asr., cam. ii, Ceremoniale Religioso ecclesiastico (1617-1816), b. 1, fasc. 2, description de la c (...)
  • 45 Ceresole, 1845 : 18, « à quiconque les réclamait ». Sur les Agnus Dei au Moyen Âge, voir également (...)

32Les traités post-tridentins spécifiquement consacrés aux Agnus Dei insistent sur leur nombre, de façon explicite ou implicite. En 1587, Hubert Meurier admet que la cire provient des cierges pascaux romains bénits l’année précédente mais qu’elle est aussi « prise ailleurs » (Meurier, 1587 : 125 r.). Les Agnus Dei peuvent donc être fabriqués en très grande quantité, comme le souligne Pietro de’ Sebastiani, qui souligne en 1683 la grande quantité de cire nécessaire à leur réalisation (de’ Sebastiani, 1683 : 9). Dans son Breve Discurso de la benedicion del Agnus Dei imprimé à Naples en 1621, Rodrigo de Quesada évoque pour sa part d’importantes quantités d’Agnus et de très longs délais de fabrication (De Quesada, 1621). Quant à la description de la cérémonie de bénédiction des Agnus Dei de 1619, elle mentionne le nombre important de pièces distribuées aux principaux dignitaires de l’Église : « ne i Cartocci da darli alli Card.li vi erano da 30 in 40 Agnus Dei tra grandi e piccoli per ogni cartoccio, e negl’altri ve n’erano da 16 a 20 tra grandi e piccoli per ogni cartoccio da darli alli Prelati, a Serv.ri del Papa, e de Card.li »44. D’après Ceresole (1825), le nombre des personnes auxquelles sont distribués les Agnus Dei aurait commencé d’augmenter dès la fin du Moyen Âge : de cadeaux diplomatiques réservés aux Grands, et de pièces encore prodiguées aux cardinaux avec une extrême parcimonie sous Benoît XII (1285-1342), les précieuses cires auraient été distribuées « a chiunque ne richiedeva » sur ordre d’Urbain VI, en 137845.

  • 46 Ceresole, 1845 : 24 : « nous savons qu’il en fut fait en plus grande quantité que dans les siècles (...)
  • 47 Heyberger, 1989 : 542.

33Pourquoi ce phénomène ? Deux facteurs se conjuguent : l’efficacité conjuratoire prêtée à l’Agnus et sa valeur de marqueur confessionnel, aussi bien face aux hérétiques qu’en terre de mission, pour les nouveaux convertis. Les Agnus Dei étaient réputés apotropaïques en raison des prières que prononçait le pape au moment de leur bénédiction. Les feuilles volantes distribuées avec les Agnus Dei (fig. 3) rappelaient leurs effets : remise des péchés véniels, protection contre les esprits malins, le poison, les fantômes, les désastres météorologiques, la mort subite, la goutte, la peste, les dangers de l’accouchement etc. Après ses charges contre les indulgences et les reliques, Luther critique sévèrement les vertus prodigieuses que leur prête l’Église romaine. Le moine augustin les décrit comme des dieux que la Babylone romaine vend à ses fidèles idolâtres plutôt que de leur enseigner l’adoration du sang du Christ (Luther, 1539). Au contraire, la réaction doctrinale tridentine fait des Agnus Dei des marqueurs du croire. Ces sacramentaux romains authentiques peuvent avoir valeur de profession de foi, en particulier là où les catholiques sont minoritaires et persécutés ou en conflit direct avec les protestants. D’après les textes, les Agnus Dei seraient devenus des bannières destinées à guider les fidèles résistant aux assauts des Protestants et des Ottomans sur volonté du vainqueur de Lépante : « sappiamo inoltre che in allora una maggior quantità, che nei secoli trascorsi, ne furon fatti da S. Pio V., il quale ne distribui ai fedeli di Francia, di Spagna, di Belgio, ed ai soldato cristiani che guerreggiavano contro i Turchi46 ». En 1587, Hubert Meurier ne dit pas autre chose pour la France et pour l’Angleterre, et ironise sur la condamnation des Agnus Dei en terre anglicane : « les Catholiques recevans et portans les Agnus Dei avec tout honneur […] les Hérétiques les ayans en horreur et abomination, et persecutans ceux qui les portent comme superstitieux et idolatres : ainsi que nous pouvons veoir par les beaux Edicts d’Angleterre publiez de nostre temps » (Meurier, 1587 : 125 r.). L’Agnus Dei devient également un instrument de conversion en terre de mission. C’est ce que suggèrent les traités post-tridentins qui décrivent l’apparition des Agnus Dei aux premiers temps du christianisme : ils auraient alors remplacé la bolla et les amulettes au cou des nouveaux chrétiens (Bonardo, 1586 : 15). En réalité, histoire et fonction prêtées aux cires correspondent aux pratiques des missionnaires, encouragées par la Propaganda Fide à partir du début du xviie siècle. Les recherches sur les objets de dévotion diffusés par la Propagande, de Rome vers le Monde entier, montreront sans doute la place qu’y tiennent les Agnus Dei et, dans certains cas, la substitution des petites cires aux objets associés aux cultes non chrétiens47.

Des ciriers aux frères : une fabrique tridentine de l’art sacré

  • 48 asr, cam. ii, Ceremoniale Religioso ecclesiastico, 1617-1816, b. 1, fasc. 2.
  • 49 De Quesada, 1621, s. p. : « perdent parfois un an entier à ne faire que des Agnus ».
  • 50 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 16 : « employé 45 hommes parmi lesquels des peintres et des sculpt (...)
  • 51 asr, cam. i, g.t., b. 5, fasc. 3.
  • 52 asr, cam. i, g.t., b. 7, fasc. 3 : « ciriers du Palais ».
  • 53 En 1566, le cirier Costantino fournit la cire nécessaire au couronnement de Pie IV ainsi que celle (...)

34Les traités tridentins affirment qu’il revenait à Monseigneur Sacriste de façonner les Agnus Dei, aidé de son chapelain et de ses clercs (Braccesco, 1558 : 2 ; Meurier, 1587 : 126v.). En réalité, son rôle était important surtout pendant la cérémonie de bénédiction des cires48. L’augmentation des chiffres de la production permet de comprendre l’ampleur et la durée du travail nécessaire à la réalisation des Agnus Dei, un travail auquel Sacriste et chapelains ne pouvaient pas suffire. Le cistercien Ceresole explique – tardivement – que 25 personnes du Palatium étaient employées à leur réalisation dès le xve siècle (Ceresole, 1845 : 20-21). En 1621, Quesada parle d’hommes qui « gastan a las veçes un ano entero en solo hazer Agnus49 ». Plus fiables, les archives comptables mentionnent rarement ce point. En février 1573, la facture émise en paiement de 205 caisses d’Agnus Dei précise cependant que le cirier a « tenutto circha a cinque mesi del continuo quaranta cinque homini come pitori scoltori et altri a lavorare detti Agnusdei50 ». Ce chiffre de 45 hommes est à rapporter aux 55 moules utilisés pour les Agnus Dei de l’année précédente. Pour faire face à l’augmentation de la production, la réalisation des cires a donc été confiée à des ciriers laïcs, au moins depuis 156651 et sans doute depuis une date plus ancienne. Établies au nom de ces artisans régulièrement employés par la chambre apostolique et parfois appelés « spetiali Palatini52 » (apothicaires), les factures permettent de constater que ces officines approvisionnaient également le palais apostolique en cierges et en cire le reste de l’année53. Les ciriers se chargeaient donc de l’approvisionnement en cire et supervisaient l’intégralité de la production des Agnus Dei en amont de leur bénédiction. Ils remettaient les reliefs, protégés par de la ouate et placés dans des caisses, au garde-robe pontifical, qui surveillait leur pesée en vue de l’établissement des factures. Comme le montre le texte de 1573 cité ci-dessus, ces ateliers devaient avoir recours à des aides ponctuelles, et engager des dizaines d’artistes et d’artisans qualifiés pendant plusieurs mois pour mener à bien ce travail.

  • 54 Sur les Feuillants, voir notamment Benoist, 2006.
  • 55 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 3, 4, 5 et 9 ; asr, cam. i, g.t., b. 27, fasc. 17 ; b. 33, fasc. 6  (...)
  • 56 asr, cam. i, g.t., b. 54, fasc. non numéroté, Conto di Paolo Carcarasio, Spetiale di Palazzo (1624 (...)
  • 57 asv, pa, c. b. 887, f. 241. Les archives comptanles anciennes de San Bernardo alle Terme et de San (...)

35Les ciriers se sont acquittés de ces tâches jusqu’en 1599. À compter de cette date, la fabrication des Agnus Dei est confiée aux feuillants romains. Née dans la France des guerres de religion, la congrégation est issue d’une réforme particulièrement stricte de la maison cistercienne engagée par Jean de la Barrière dans les années 157054. Sa constitution est approuvée par Grégoire XIII et par Sixte Quint. L’installation des feuillants à Rome, à Santa Pudenziana en 1587 et à San Bernardo alle Terme en 1598, était donc extrêmement récente quand, en 1599, Clément VIII employa pour la première fois les frères de San Bernardo alle Terme à la réalisation des Agnus Dei. Écrites par les jésuites et les cisterciens, citées ensuite par les dictionnaires canoniques (Ferraris, 1883 ; Mangenot, 1923), les histoires des Agnus Dei ont insisté sur le fait que Clément VIII (1592-1605) dans un premier temps, et Paul V (1605-1621) ensuite, ont confié la fabrication des Agnus Dei à cet ordre, avant que la charge soit transmise aux cisterciens à partir de 1802 (Ceresole, 1845 : 26). Les archives comptables mentionnent effectivement que les frères de San Bernardo alle Terme ont fabriqué les cires à partir de 159955. Ont-ils réalisé l’intégralité de la production dès cette date ? Il semblerait. On notera toutefois la participation extraodinaire des capucins, un autre ordre réformé, à la réalisation des Agnus Dei en 162456. Quant aux frères de Santa Pudenziana souvent cités par les dictionnaires canoniques, la documentation comptable montre qu’ils ont participé à la fabrique des Agnus Dei à partir de 168357. La congrégation des feuillants s’est donc vu confier la réalisation des Agnus Dei dès 1599, et a joui d’un quasi-monopole jusqu’en 1802.

  • 58 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 15 : « de saint Bernard ».
  • 59 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 13 : « saint Bernard qui dépose le Christ de sa croix ».
  • 60 Bertolotti, 1877 : 322-323. Ce texte a heureusement été préservé par le travail de Bertolotti. Je n (...)
  • 61 Ibid.

36La réalisation de moules à Agnus Dei donnant le fondateur de Clairvaux comme modèle de dévotion en constitue une preuve supplémentaire. Dès 1611, un moule de petites dimensions « di san Bernardo » est ainsi commandé à Giacomo Antonio Mori58 (inv. no 48176/194) ; en 1619, Mori rénove deux moules de dimensions moyennes, un « san Bernardo » ainsi qu’un « san Bernardo che leva Cristo di croce » (inv. no 48031/49)59. En 1630, l’unique nouveau moule commandé et réalisé par Gaspare Mola représente Saint Bernard embrassant tous les mystères de la Passion de Jésus (inv. no 48124/142)60, tandis que Gaspare Mola rénove également un moule représentant le Christ se détachant de sa croix pour embrasser saint Bernard, sans doute celui déjà modifié par Mori en 1619 (inv. no 48031/49)61. Ces choix iconographiques sont spécifiques aux Agnus Dei, à une époque où les sujets des cires et des médailles se recoupent souvent. En effet, aucune médaille pontificale de la fin du xvie siècle ni du premier xviie siècle ne représente le réformateur bourguignon, l’approbation de la congrégation des feuillants ou encore la construction ou la consécration de San Bernardo alle Terme.

  • 62 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 3 et 16.
  • 63 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 16.

37Pourquoi avoir confié la réalisation des Agnus Dei à une congrégation réformée ? Pour des raisons d’ordre économique et symbolique, qu’il faut sans doute considérer ensemble. Des désaccords surviennent en 1572 et en 1573 entre les ciriers et la chambre apostolique62. La chambre semble avoir trouvé excessifs les prix demandés par le cirier, qui les justifie en arguant de la quantité de petits Agnus Dei exécutés (la confection des Agnus Dei est rétribuée au poids et non au nombre), ainsi que du nombre d’ouvriers qu’il a dû engager et nourrir63. Ces enjeux économiques, et peut-être la difficulté à recruter de façon ponctuelle un nombre important d’ouvriers qualifiés, expliquent pour partie le recours aux feuillants. Cela n’a rien d’étonnant : dans l’histoire longue de l’art, de nombreux travaux ont été confiés à des artistes ou à des artisans issus des ordres et l’artisanat monastique a souvent contribué à l’économie des sanctuaires et à la prospérité des ordres.

  • 64 Bonardo, 1700 : 55-56 (« dignes et idoines ») et Ceresole, 1845 : 25 (« réaliser ces formes en cire (...)

38Les feuillants ont également pu apparaître comme un recours qui permettait d’éviter la participation de laïcs au façonnement des Agnus Dei. Ne plus confier les moules aux ciriers revenait à lutter contre les nombreuses malversations dont faisaient l’objet ces sacramentaux très convoités par les Romains et les pèlerins. Les papes ont cherché à y mettre bon ordre dès le xve siècle. En 1470, une bulle de Paul II interdit aux laïcs comme aux ecclésiastiques de fabriquer et de vendre des Agnus Dei. À la Contre-Réforme, le texte de Luther les mettant en cause a été un aiguillon pour la papauté dans sa lutte contre le trafic des objets de dévotion. D’où la bulle de Grégoire XIII qui, en 1572, défend qu’on les peigne, qu’on les décore à la feuille d’or et qu’on les vende. Un siècle plus tard, Pietro de’ Sebastiani écrira qu’il interdit aussi « che […] si tocassero da secolari » (De’ Sebastiani, 1683 : 15). Dans son bref publié en 1599 au plus tard, Clément VIII confie la fabrication et la rénovation des Agnus Dei brisés aux feuillants, qu’il déclare « dignos et idoneos ». En 1605, Léon XI renouvelle ce privilège et menace de censure ecclésiastique quiconque oserait « formare dette Formole di cera » sans en avoir reçu licence, dispositions que Paul V confirme en 160864.

  • 65 asvr, Editti del Cardinale Vicario (Editti e bandi, 1566-1609 ; Editti dal 1566 al 1587 ; Editti d (...)
  • 66 asvr, Editti del Cardinale Vicario, édit du 5 mars 1775, cité aussi par Ferraris, 1883 : 348.
  • 67 Ibid. : 349.

39Moins connus, les édits du cardinal-vicaire précisent la nature des malversations redoutées : le trafic des moules (1566, 1586, 1593), la fabrication d’« Agnus Dei falsi » ensuite mis en circulation (1566, 1568, 1573, 1593, 1624), leur vente (1568, 1573, 1586, 1593, 1623, 1624) et, à partir de la bulle de Grégoire XIII, le fait de les peindre et de les dorer à la feuille pour les rendre plus précieux et désirables, alors qu’ils tirent leur sacralité de la pureté de leur matière (1573, 1586, 1593, 1623, 1624)65. Les édits permettent de comprendre qu’ils ont été vendus comme l’ont été les reliques, c’est-à-dire en les plaçant dans de riches montures vendues à des prix excédant très largement leur valeur réelle. Certains textes plus tardifs spécifient même les corps de métiers incriminés (« orefici, coronari o Artefice de’Reliquari, o Rivenditore »66 romains) ainsi que la variété des lieux de diffusion illicites des Agnus Dei (« strade, piazze, fiere, mercati, camere locande, portici delle chiese o conventi »67), alors que la papauté prescrit leur distribution gratuite par les orfèvres, après vente de leurs boîtes. En réaction, l’administration ecclésiastique cherche, d’une part, à dissocier la vente des boîtes de la distribution des Agnus Dei et, de l’autre, à éviter que les sacramentaux soient exposés comme des marchandises et que les abords des lieux de culte et la ville entière soient envahis par les marchands du Temple.

De la production à la diffusion

  • 68 Voir par exemple asr, cam. i., g.t., b. 11, fasc. 3.
  • 69 asr, cam. i., g.t., b. 45, fasc. 28.
  • 70 Voir par exemple asr, cam. i., g.t., b. 11, fasc. 3.

40Les archives apostoliques livrent une somme considérable d’informations sur les étapes consécutives à la fabrication des cires. Elles mentionnent ainsi la « bambagia », ouate blanche fournie par les ciriers afin d’envelopper les Agnus Dei et de les préserver des chocs et du contact humain68. Elles annoncent également le cérémonial : des bons de paiement décrivent les divers ustensiles nécessaires aux célébrations parmi lesquels les « conche »69, des bassins en argent dans lesquels les Agnus Dei étaient présentés au pape (fig. 14). Vient enfin le transport des Agnus, placés à cette fin dans de grandes caisses en bois70. Envoyé à Côme, ville natale d’Innocent XI, probablement entre 1682 et 1689, le coffre finement ouvragé tendu de velours cramoisi aux armes des Odescalchi est un exemplaire de luxe de ces « casse » que documents comptables et textes relatifs à la difussion des Agnus mentionnent souvent (fig. 15).

Fig. 15 : Caisse à Agnus Dei, Odescalchi

Fig. 15 : Caisse à Agnus Dei, Odescalchi

1682-1689, Côme, Palais Épiscopal, Salle Innocenziana

© Diocesi di Como

  • 71 Pomian, 1983 : 493-547, cité par Marchini, 2008 : 63. La collection formée entre fin du xviie et d (...)

41L’histoire de la diffusion mondiale des Agnus Dei commence ainsi. Elle se confond ensuite avec celle des collections71, des cadeaux diplomatiques, des pèlerinages et surtout des missions. Reflets des évolutions stylistiques, miniaturisations de grands modèles artistiques symboles de la Ville, trésors d’orfèvrerie exécutés par les plus grands maîtres, les moules témoignent de la place que les Agnus Dei ont occupée dans l’histoire stylistique romaine. Tirages non numérotés et presque innombrables à l’instar des gravures, les cires constituent quant à elles un jalon essentiel de la diffusion des modèles stylistiques romains vers l’ensemble des terres de réévangélisation et d’évangélisation d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’Afrique. Les Agnus Dei y furent vus comme l’étaient les retables et les statues des édifices cultuels. Ils furent même vus de près, portés, exposés dans les demeures et, sinon utilisés, du moins possédés par ceux auxquels jésuites, franciscains et carmélites les distribuaient sans trop compter.

Retour à l’Agnus Dei d’Écouen

42Datable du pontificat de Pie V Ghislieri (1566-1572), l’Agnus Dei d’Écouen est de grandes dimensions (15,5 cm de diamètre) comme l’étaient les pièces de prestige destinées à être offertes en cadeaux diplomatiques. Il présente toutes les caractéristiques des cires réalisées juste avant que la réforme tridentine prenne effet. En premier lieu, il a été fondu dans un moule ancien, datable d’environ 1500, rénové en 1566 ou en 1572, c’est-à-dire respectivement la première et la septième années du pontificat de Pie V. L’attestent deux caractéristiques formelles : son format circulaire, déjà tombé en désuétude à l’époque, et le style du Christ soutenu par deux anges présenté au revers, qui s’inspire de modèles toscans du dernier quart du xve ou du tout début du xvie siècle, avant que l’origine des cires ne soit marquée par la citation d’œuvres romaines et par la reprise des styles en vogue dans la Rome sacrée. En deuxième lieu, après avoir été fondu, l’Agnus Dei de Pie V a été richement et intégralement peint et doré. Cette pratique était courante jusqu’à la bulle de Grégoire XIII interdisant qu’on masque la blancheur des Agnus Dei, fulminée le 25 mai 1572, jour même de son couronnement (Magnum Bullarium, 1742 : 389). En dernier lieu, cette pièce est montée dans un médaillon en cuivre doré afin d’être portée en pendentif à l’instar de certaines médailles. Les traités tridentins rappellent qu’on porte souvent les Agnus Dei sur soi afin qu’ils soient plus efficaces et déplorent qu’on le fasse avec ostentation (Bonardo, 1586 : 14 et 31).

  • 72 En plus de la pièce d’Écouen, nous pouvons citer les Agnus Dei de Borga (Saint Théodore martyr, 15 (...)

43Mais plus encore qu’à sa riche ornementation, la conservation de cette pièce est probablement due à son statut. Car ce sacramental est devenu relique de contact en mai 1712, à la canonisation de Pie V. Une relique d’autant plus précieuse qu’un Agnus Dei avait été l’instrument de l’un des deux miracles attribués au nouveau saint. En 1678, une femme de médecin, dévote d’un Agnus béni par Pie V, se relève miraculeusement de couches qui auraient dû l’emporter (Gasti, 2012 : 68). La dévotion aux Agnus Dei de Pie V explique la bonne conservation des pièces bénies sous son pontificat72.

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Bibliographie

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Notes

1 Cette recherche a été menée grâce au soutien de l’École française de Rome et du CNRS. Le moule du recto est conservé aux Musei Vaticani et peut être identifié (inv. no 48293/312).

2 De rares études ont étudié les boîtes à Agnus, mieux conservées que les cires (Lightbown, 1992 ; Taburet-Delahaye, 1995 ; Husemann, 1999, Ruß, 2003 ; Cherry, 2003), ainsi que certaines collections de cires (voir notamment Herradón Figueroa, 1999 ; Marchini, 2008 ; Venturelli, 2009 ; Moureau, 2011 ; Straffi, 2012 ; Gennaioli-Sframeli, 2014). D’autres ont évoqué leurs fonctions ainsi que leur diffusion (Poutrin, 1990 ; Friant, 2011).

3 Les Agnus Dei n’ont apparemment pas été bénis en 1575, tandis que leur réalisation est attestée en 1600, 1625, 1650, 1675, 1700, 1725, 1750 et 1775 et qu’Urbain VIII commande en 1625 trois moules de dimensions différentes à l’image de la Porte Sainte (asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 7). En revanche, les Agnus Dei n’ont semble-t-il pas été fabriqués pour fêter les nombreux jubilés extraordinaires voulus par Urbain VIII. On notera toutefois que des Agnus Dei ont été fabriqués en 2015-2016 à l’occasion du jubilé extraordinaire de la Miséricorde décrété par le pape François.

4 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 5 : on parle de « rénover » les « vieux » Agnus Dei.

5 Ibid., fasc. 8.

6 Barbagallo-Lepoittevin, Città del Vaticano, Edizioni Musei Vaticani, à paraître. L’ouvrage permettra de publier la liste des sujets réalisés au fil des années. Celle-ci est complète pour les années 1572, 1586, 1591, 1592, 1612, 1619, 1624, 1625, 1630, 1636 et 1637, 1656, 1651, 1671, 1677, 1690, 1692, 1701, 1707, 1714, 1725, 1731 et 1750. Quant à la liste des sujets des moules rénovés, elle est seulement disponible pour les années 1586, 1591, 1592 et 1619.

7 D’après asr, cam. i., g.t., b. 2-108 ; asr, cam. ii, z. b. 22 et 27 ; asv, pa, c., b. 855-984 ; Bulgari, 1958-1959.

8 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9.

9 asv, pa, c., b. 881 : 220-221.

10 On décidait sans doute du programme iconographique et des inscriptions des Agnus Dei comme on décidait de ceux des médailles et des monnaies. Même si la conception du programme des médailles n’est pas réglementée par des textes officiels, le choix de l’iconographie est souvent assuré par le pape en personne, ou décidé per son entourage (Simonato, 2008 : 50). Pour les Agnus Dei, nous conservons un document exceptionnel et malheureusement anonyme (apug 249, Manuscrit (1601-1750) : 677-685). Grégoire XIV avait confié à son auteur le choix de l’établissement du programme iconographique des Agnus Dei de 1591.

11 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9 : « avoir d’abord réalisé les modèles en cire pour chaque sujet et ensuite poli et ciselé chaque figure en relief pour former les moules en bronze bien nettoyés et polis ».

12 Voir par exemple asr, cam. i, b. 11, fasc. 13.

13 asr, cam. i, g.t., b. 21, fasc. 14. Facture présentée par Diomede Vanni, orfèvre, en 1592-1594.

14 asr, cam. ii, z., b. 27, fasc. 36 : « ôter l’ancien tasseau » ; « nouveaux tasseaux ».

15 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 7 : « changer les tours ».

16 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 15.

17 asr, cam. i, g.t., b. 80, fasc. 13.

18 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9. Les Musei Vaticani conservent un des trois moules réalisés en 1637 par Gaspare Mola (inv. no 48148/166).

19 asv, pa, c., b. 874 : 198.

20 asr, cam. i, g.t., b. 16, fasc. 8.

21 De telles citations sont aussi fréquentes dans les médailles. Voir Simonato, 2008 : 25-66.

22 Le moule aurait également été réemployé en 1586 (asr, cam. i, g.t., b. 16, fasc. 8), en 1591 (asr, cam. i, g.t., b. 8, fasc. 13) et 1619 (asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 13). Les deux Agnus Dei de Vérone ont été publiés par Marchini 2008 : 48 et 51.

23 Peccolo, 1994. Sur les orfèvres romains à l’époque moderne, on verra en priorité Montagu, 1996.

24 Gioacchino Francesco Travani a également été médailliste. Les Travani travaillant aux Agnus Dei appartiennent donc à une famille proche d’un orfèvre de la Monnaie. Sur ce sujet, confronter Altieri, 2004 et Simonato, 2008.

25 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9 : « orfèvre de la Monnaie et des médailles de Notre Seigneur ».

26 cam. ii, zecca, busta 22, Fasc. 9.

27 Gieben, 2006. Le catalogue des médailles de dévotion de la famille Hamerani, classé par tailles et par sujets, permettait à l’acquéreur de choisir sa médaille parmi 630 modèles en fonction de ses moyens et de ses goûts. Il est aujourd’hui conservé au Museo francescano de Rome. Il est d’autant plus intéressant qu’il est unique.

28 apug 249, Manuscrit (1601-1750) : 677-678 : « tous les anciens Agnus Dei étaient circulaires, forme très mystérieuse et parfaite qui représente mieux l’intention de la sainte Église, c’est-à-dire que le Monde représenté par sa forme ronde a été libéré et racheté par la mort de l’Agneau très pur crucifié pour notre salut ».

29 Un moule de grandes dimensions de cette sainte commandé à Gaspare Mola en 1637 (asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9) peut être rapproché du moule des Musei Vaticani (inv. no 48017/35).

30 apug 249, Manuscrit (1601-1750) : 678 : « depuis quelques années, on a introduit la forme ovale par goût du beau ».

31 Des Agnus de dimensions encore plus réduites ont été réalisés pendant des périodes plus anciennes. C’est le cas d’une pièce de format circulaire, qui mesure 2 cm de diamètre, date du pontificat d’Alexandre VI (1492-1503) et est actuellement conservée dans le Diocèse di Piacenza-Bobbio.

32 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 16 et b. 18, fasc. 13.

33 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 16, 1573.

34 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 9, 15 avril 1637 : « grands », « moyens » et « moyens plus petits », « petite », « plus petite », « très petite », publié par Simonato, 2008 : 43 et 170.

35 asv, pa, c. b. 84 : 91r-93r.

36 Les orfèvres sont également chargés de la réalisation de ces tenailles. Voir par exemple asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 13.

37 asr, cam. i, g.t., b. 16, fasc. 6, 1586. Voir aussi Cam II., Z., B. 22, fasc. 8. 1637.

38 asr, cam. i, g.t., b. 19, fasc. 10, 1591 : « de la cire de Venise en petits pains » Ces mentions sont fréquentes. Elles ne signifient pas que la cire est vénitienne mais qu’elle transite par Venise. On sait que les Pisans raffinaient et blanchissaient de la cire en provenance de Roumanie. Voir Mazzei, 2016.

39 Braccesco, 1558 : 1 : « la cire blanche rappelle son humanité sans péché ».

40 Bonardo 1586 : 11-15 : « Agneaux purs », « hostie immaculée ».

41 Sixte Quint, 1586 : « Car ces Agnus Dei sont confectionnés à partir de cire blanche, pure et virginale, afin que soit montrée l’humanité du Christ sorti des entrailles Très saintes de la Vierge sans aucune souillure, et établie par la seule vertu de Dieu ».

42 Je remercie très vivement le Professeur Renata Ago (Sapienza), ainsi que Marie Lezowski (Université d’Angers) et Michaël Gasperoni (CNRS), qui ont confirmé ces chiffres étonnants.

43 Source : asr, cam. i., g.t., b. 2-108 ; asr, cam. ii, z. b. 22 et 27 ; asv, pa, c., b. 855-984. Ces chiffres sont a minima car les comptes de la cire se faisaient en plusieurs fois. Il est donc possible que certains ne figurent pas dans les sources conservées.

44 asr., cam. ii, Ceremoniale Religioso ecclesiastico (1617-1816), b. 1, fasc. 2, description de la cérémonie de 1619 : « Chaque confection destinée aux Cardinaux contenait 30 à 40 Agnus Dei entre grands et petits, tandis que les confections destinées aux prélats, aux serviteurs du pape et à ceux des cardinaux contenaient 16 à 20 Agnus Dei, entre grands et petits ».

45 Ceresole, 1845 : 18, « à quiconque les réclamait ». Sur les Agnus Dei au Moyen Âge, voir également Vincent, 2004 : 467-468.

46 Ceresole, 1845 : 24 : « nous savons qu’il en fut fait en plus grande quantité que dans les siècles passés sur ordre de saint Pie V, qui les distribua aux fidèles de France, d’Espagne, de Belgique ainsi qu’aux soldats chrétiens qui guerroyaient contre les Turcs ».

47 Heyberger, 1989 : 542.

48 asr, cam. ii, Ceremoniale Religioso ecclesiastico, 1617-1816, b. 1, fasc. 2.

49 De Quesada, 1621, s. p. : « perdent parfois un an entier à ne faire que des Agnus ».

50 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 16 : « employé 45 hommes parmi lesquels des peintres et des sculpteurs pendant environ cinq mois, sans interruption, pour faire les Agnus Dei ».

51 asr, cam. i, g.t., b. 5, fasc. 3.

52 asr, cam. i, g.t., b. 7, fasc. 3 : « ciriers du Palais ».

53 En 1566, le cirier Costantino fournit la cire nécessaire au couronnement de Pie IV ainsi que celle destinée à la réalisation des Agnus Dei dont il est personnellement chargé : asr, cam. i, g.t., b. 6, fasc. 29 et b. 7, fasc. 3.

54 Sur les Feuillants, voir notamment Benoist, 2006.

55 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 3, 4, 5 et 9 ; asr, cam. i, g.t., b. 27, fasc. 17 ; b. 33, fasc. 6 ; b. 37, fasc. 6 ; b. 46, fasc. 8.

56 asr, cam. i, g.t., b. 54, fasc. non numéroté, Conto di Paolo Carcarasio, Spetiale di Palazzo (1624-26).

57 asv, pa, c. b. 887, f. 241. Les archives comptanles anciennes de San Bernardo alle Terme et de Santa Pudenziana n’ont malheureusement pas été conservées.

58 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 15 : « de saint Bernard ».

59 asr, cam. ii, z., b. 22, fasc. 13 : « saint Bernard qui dépose le Christ de sa croix ».

60 Bertolotti, 1877 : 322-323. Ce texte a heureusement été préservé par le travail de Bertolotti. Je n’ai pas pu le retrouver dans le Fonds Zecca.

61 Ibid.

62 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 3 et 16.

63 asr, cam. i, g.t., b. 11, fasc. 16.

64 Bonardo, 1700 : 55-56 (« dignes et idoines ») et Ceresole, 1845 : 25 (« réaliser ces formes en cire »). Les dictionnaires canoniques (Ferraris, 1883 et Mangenot, 1923) exposent très clairement la législation sur les Agnus Dei.

65 asvr, Editti del Cardinale Vicario (Editti e bandi, 1566-1609 ; Editti dal 1566 al 1587 ; Editti dal 1619 al 1628).

66 asvr, Editti del Cardinale Vicario, édit du 5 mars 1775, cité aussi par Ferraris, 1883 : 348.

67 Ibid. : 349.

68 Voir par exemple asr, cam. i., g.t., b. 11, fasc. 3.

69 asr, cam. i., g.t., b. 45, fasc. 28.

70 Voir par exemple asr, cam. i., g.t., b. 11, fasc. 3.

71 Pomian, 1983 : 493-547, cité par Marchini, 2008 : 63. La collection formée entre fin du xviie et début du xviiie siècle par le chanoine véronais Orazio Moscardo, fils du grand collectionneur véronais Ludovico Moscardo, montre comment la pratique de la collection peut se transférer aux objets sacrés.

72 En plus de la pièce d’Écouen, nous pouvons citer les Agnus Dei de Borga (Saint Théodore martyr, 1566, Couvent de Santa Clara), de Madrid (Véronique, 1566, Maison de Vente Goya Subastas) et de Vérone (Montée au Calvaire, 1572 et Crucifixion, 1572, Musée Miniscalchi-Erizzo).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Agnus Dei de Pie V (avers)
Légende Agnus Dei, 1566 ou 1572, 15,5 cm de diamètre, Écouen, Musée National de la Renaissance, n° Inv. E.Cl. 13328
Crédits © Réunion des Musées Nationaux
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,7M
Titre Fig. 2 : Agnus Dei de Pie V (revers)
Légende Christ soutenu par deux anges, 1566 ou 1572, 15,5 cm de diamètre, Écouen, Musée National de la Renaissance, n° Inv. E.Cl. 13328
Crédits © Réunion des Musées Nationaux
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 260k
Titre Fig. 3 : Bernard Picart, Les vertus de l’Agnus Dei dans une feuille volante de 1662
Légende Taille-douce extraite de B. Picart, Les Illustrations de Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde, Amsterdam, J.F. Bernard 1723, Pl. 39
Crédits © BNF
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 275k
Titre Fig. 4 : Giacomo Antonio Mori, Moule à Agnus Dei de Saint Charles Borromée
Légende 1612 (dernière modification en 1933-1934), 15, 7 x 12,9 cm, Città del Vaticano, Musei Vaticani, INV. N° 47992/10
Crédits © Musei Vaticani
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 99k
Titre Fig. 5 : Diomede Vanni, Moule à Agnus Dei du Christ enfant couronnant le pape
Légende 1591 (dernière modification en 1928), 13,2 cm de diamètre, Città del Vaticano, Musei Vaticani, INV. N° 48024/42
Crédits © Musei Vaticani
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 108k
Titre Fig. 6 : Protus Gacciola et Federicus Cocciola (1573) Diomede Vanni (1586), Transfiguration
Légende 1573 et 1586, dernière modification en 1928, 15, 2 x 11,2 cm, Città del Vaticano, Musei Vaticani,INV. N° 48020/38
Crédits © Musei Vaticani
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
Titre Fig. 7 : Agnus Dei avec Résurrection et symboles de la Passion
Légende 1572, Pontificat de Grégoire XIII (1572-1585), An. I, 14 cm de diamètre, Zafra (Espagne), Couvent de Sainte Claire
Crédits © Museo Santa Clara - Zafra
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 61k
Titre Fig. 8. Michel-Ange, Christ de la Minerve
Légende 1520, h. 2,5 m, Rome, Santa Maria sopra Minerva
Crédits © Santa Maria sopra Minerva
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 185k
Titre Fig. 9 : Agnus Dei avec Résurrection et symboles de la Passion
Légende 1619, Pontificat de Paul V (1605-1621), An. XIV, 14,5 cm de diamètre, Vérone, Museo Miniscalchi-Erizzo
Crédits © Museo Miniscalchi-Erizzo
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 132k
Titre Fig. 10 : Gaspare Mola, Moule à Agnus Dei du Baptistère du Latran
Légende 1637 (dernière modification en 1925), 16,5 x 12,3 cm de diamètre, Città del Vaticano, Musei Vaticani, INV. N° 48025/43
Crédits © Musei Vaticani
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 111k
Titre Fig. 11 : Gaspare Mola, Médaille d’Urbain VIII avec Baptistère du Latran
Légende 1637 (tirage d’origine), 4 cm de diamètre
Crédits © Collection particulière
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
Titre Fig. 12 : Atelier vénitien, Monstrance à Agnus Dei
Légende 1669, 45 cm de hauteur, argent repoussé et ciselé, Agnus Dei (Elisabeth du Portugal, pontificat de Clément IX, an I), médaille (Clément IX, an II), Diocèse de Venise
Crédits © Beni storici ed artistici del Triveneto
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 99k
Titre Fig. 13 : Gaspare Mola, Dimensions des moules à Agnus Dei
Légende 1637, Rome, ASR, Cam. II, Z., b. 22, fasc. 29
Crédits © Anne Lepoittevin
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 563k
Titre Fig. 14 : École italienne, Bénédiction et consécration des Agnus Dei
Légende Fin xviie ou début xviiie siècle, huile sur toile, 121 x 169 cm, Sotheby’s, Lot 130, 14 avril 2016
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 206k
Titre Fig. 15 : Caisse à Agnus Dei, Odescalchi
Légende 1682-1689, Côme, Palais Épiscopal, Salle Innocenziana
Crédits © Diocesi di Como
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/38833/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 308k
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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Lepoittevin, « Picciolini, picolini et piccioli », Archives de sciences sociales des religions, 183 | 2018, 87-117.

Référence électronique

Anne Lepoittevin, « Picciolini, picolini et piccioli », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 183 | juillet-septembre 2018, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/assr/38833 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.38833

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Auteur

Anne Lepoittevin

Centre André Chastel (Université Paris-Sorbonne) – anne.lepoittevin@gmail.com

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Droits d’auteur

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