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Comptes rendus

Katherine Davies, Toby Garfitt (eds), God’s Mirror. Renewal and Engagement in French Catholic Intellectual Culture in the Mid-Twentieth Century

New York, Fordham University Press, 2015, 350 p.
Yvon Tranvouez
p. 233-234
Référence(s) :

Katherine Davies, Toby Garfitt (eds), God’s Mirror. Renewal and Engagement in French Catholic Intellectual Culture in the Mid-Twentieth Century. New York, Fordham University Press, 2015, 350 p.

Texte intégral

1Le titre de cet ouvrage collectif, soigneusement édité et pourvu in fine d’un précieux index, renvoie à l’idée bien connue que l’homme est l’image de Dieu, idée commune à toutes sortes d’intellectuels catholiques français, au demeurant très divers, mais tous acteurs et témoins, au milieu du xxe siècle, d’une transition religieuse où le renouveau s’opère précisément à travers l’engagement dans un monde moderne par rapport auquel il ne paraît plus possible de s’en tenir à une posture intransigeante de face à face, même si, depuis la rupture de la Révolution française, il échappe au contrôle de l’Église. Mais cet engagement lui-même transforme inexorablement ses acteurs et les rend donc autrement catholiques. Les six premières études rassemblées ici portent sur l’entre-deux-guerres, surtout les années 1930, moment où le sentiment de crise de la civilisation est particulièrement aigu. Sont ainsi abordés successivement les débats entre Maritain, Mounier et Gabriel Marcel sur l’engagement politique (Michael Kelly) ; le regard de l’agnostique Paul Valéry sur l’évolution du catholicisme (Paul Gifford) ; la singularité chrétienne de Simone Weil (Florence de Lussy) ; la réflexion de Jean Grenier sur la notion d’orthodoxie religieuse (Toby Garfitt) ; la notion de sincérité chez Charles du Bos (Katherine Davies) ; le passage du mystique au théologique chez le compositeur Olivier Messiaen (Stephen Schloesser, l’auteur de l’important Jazz Age Catholicism: Mystic Modernism in Postwar Paris, 1919-1933, University of Toronto Press, 2005). Prolongeant la chronologie, les quatre derniers chapitres portent sur la modernité non seulement littéraire mais en quelque sorte existentielle de Bernanos, perçue à travers une lecture girardienne de Scandale de la vérité, Nous autres Français et Les enfants humiliés (Brian Sudlow) ; sur la part prise, pendant les années 1940, par trois femmes – Marie-Madeleine Davy, Marie-Thérèse d’Alverny et Raïssa Maritain – au mouvement de retour aux sources du christianisme (Brenna Moore) ; sur le passage du thomisme et du nationalisme au pluralisme philosophique et au libéralisme politique dans la revue québécoise La Relève (1934-1948) et sa postérité (Joseph Dunlop) ; enfin sur les rapports entre catholicisme et islam chez Louis Massignon (Anthony O’Mahony).

2Même s’il s’agit d’aperçus, au hasard des sujets traités par les contributeurs, et non d’une approche systématique, l’ensemble est significatif. Dans l’introduction générale, Katherine Davies et Toby Garfitt pointent une série de mots – l’humain, la personne, l’action, le concret, etc. – qui circulent et font époque. Il y a là en effet, très daté, tout un vocabulaire – comme disait Bernard Besret dont on s’étonne que la thèse ne soit jamais évoquée, même si son champ d’observation privilégiait les théologiens (Incarnation ou eschatologie ? Contribution à l’histoire du vocabulaire religieux contemporain, 1935-1955, Paris, 1964). Mais c’est précisément l’un des intérêts du livre que de mettre en résonance les débats politiques, philosophiques, esthétiques ou théologiques dans le catholicisme de cette époque, et de souligner le lexique qui leur est commun parce qu’il exprime leur situation, sans faire système parce que la variété de ses interprétations débouche sur des orientations diverses, voire contradictoires, et donc d’autant alchimies instructives : quand Maritain ou Messiaen, par exemple, s’efforcent d’objectiver leur insertion catholique dans la modernité, Du Bos ou Simone Weil, à l’inverse, s’accommodent de la vivre sur un mode éminemment subjectif. Mais tous témoignent d’un moment charnière, d’un déplacement qui ébranle les colonnes du catholicisme intransigeant, à commencer par sa structure intellectuelle néo-thomiste. C’est un autre intérêt de ce volume que de montrer que les convertis, figures majeures du temps, n’échappent pas au tourment des conflits intérieurs (« the burden of dislocation of the “self” », p. 19). On se souvient de ce que disait Claudel, qui n’eût pas déparé dans la galerie des personnalités évoquées dans ce livre : « Je ne crois pas que la religion soit l’effet d’une transe hypnotique appelée conversion, où l’on ne puisse se maintenir qu’en se fourrant la tête dans un sac et en se préservant, comme les pharisiens, de tout contact impur » (Stanislas Fumet, Claudel, Gallimard, 1958, p. 37). Ceci dit, on rêverait d’avoir, en contrepoint, une série d’études analogues sur des porte-parole traditionnels du catholicisme de ce temps, écrivains d’académie ou de bonne presse, que ces francs-tireurs étonnent ou exaspèrent.

3À toutes fins utiles, on signalera que la documentation du sujet s’est enrichie depuis la parution du livre en 2015, du fait, par exemple, de l’édition des carnets de Mounier (Presses universitaires de Rennes, 2017) ou de la biographie de Massignon par Manoël Penicaud (Bayard, 2020).

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Pour citer cet article

Référence papier

Yvon Tranvouez, « Katherine Davies, Toby Garfitt (eds), God’s Mirror. Renewal and Engagement in French Catholic Intellectual Culture in the Mid-Twentieth Century », Archives de sciences sociales des religions, 196 | 2021, 233-234.

Référence électronique

Yvon Tranvouez, « Katherine Davies, Toby Garfitt (eds), God’s Mirror. Renewal and Engagement in French Catholic Intellectual Culture in the Mid-Twentieth Century », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 196 | octobre-décembre 2021, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 22 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/assr/64344 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.64344

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Auteur

Yvon Tranvouez

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