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Comptes rendus

Georg Jenal, Sub Regula S. Benedicti. Eine Geschichte der Söhne und Töchter Benedikts von den Anfängen bis zurn Gegenwart

Vienne, Köln, Weimar, Bölhau verlag, 2018, 444 p.
Daniel-Odon Hurel
p. 311-312
Référence(s) :

Georg Jenal, Sub Regula S. Benedicti. Eine Geschichte der Söhne und Töchter Benedikts von den Anfängen bis zurn Gegenwart. Vienne, Köln, Weimar, Bölhau verlag, 2018, 444 p.

Texte intégral

1L’histoire de la tradition bénédictine des origines à nos jours fait l’objet de nombreux travaux récents ou en cours, issus ou non du monde monastique (Linage Conde, The Oxford Handbook of Christian Monasticism, Oxford University Press, 2020). À la différence de la dernière grande histoire « interne » de « l’Ordre de Saint-Benoît » réalisée dans les années 1930-1940 par le bibliothécaire de Maredsous, dom Philibert Schmitz, qui isolait le monde féminin du monde masculin, le présent volume conduit de façon chronologique et complémentaire les dimensions masculines et féminines. L’ouvrage constitue donc un panorama fondé essentiellement sur une histoire structurelle et institutionnelle du monachisme. Il s’inscrit dans une tradition historiographique ancienne, car l’auteur ignore délibérément la ou les branches cisterciennes qui, certes, ne font pas partie de la Confederatio Benedictina de 1893. Nous sommes donc dans le cas d’un respect de la tradition historiographique héritée de la première modernité dans sa dimension érudite et réactualisée au xixe siècle, en particulier par la figure de dom Guéranger. Cette vision se heurte en quelque sorte à l’historiographie contemporaine renouvelée qui ne peut faire l’impasse sur la question cistercienne lorsqu’elle étudie la tradition bénédictine, ne serait-ce que par les liens entre les origines cisterciennes et Cluny, entre Rancé et les Mauristes ou, au xixe siècle, entre le Père Muard et Aiguebelle à la veille de la fondation de la Pierre-qui-Vire, pour ne prendre que quelques exemples.

2L’ouvrage se divise en douze chapitres, tous clos par une bibliographie aussi à jour que possible, ce qui en fait un outil de première qualité. L’auteur évoque tout d’abord la Règle et la figure de Benoît dans les Dialogues de Grégoire le Grand, puis, dans un deuxième chapitre, nous conduit du Mont-Cassin aux réformes carolingiennes de Benoît d’Aniane, avec une analyse évidemment synthétique de la vie matérielle, religieuse et politique des monastères des ix-xe siècles. Les grandes réformes monastiques des xe et xie siècles sont traitées dans un troisième chapitre, avec une insistance sur Cluny et son influence, mais sans oublier Brogne, Gorze et Stavelot. L’ensemble des autres expériences bénédictines des xie-xiiie siècles est abordé dans un quatrième chapitre qui insiste sur les tendances érémitiques et la critique de l’Église. Citons Camaldoli, Vallombreuse, mais aussi les célestins et les olivétains pour l’Italie, et La Chaise-Dieu ou Fontevrault pour la France. Suit un chapitre qui insiste sur la dimension « civilisationnelle » du Moyen Âge bénédictin, chapitre consacré aux dimensions intellectuelles et artistiques, autour de la transmission des savoirs et intégrant la dynamique féminine. Ce traitement « civilisationnel » du monachisme se ressent une nouvelle fois de la tradition portée par dom Schmitz pour qui, après toute l’historiographie de la fin du xixe siècle, Benoît de Nursie apparaît comme l’initiateur d’une nouvelle civilisation chrétienne, une vision qui contribue à la désignation en 1964 par Paul VI de Benoît comme patron de l’Europe.

3Les chapitres suivants relatent les xiiie et xive siècles dans un premier temps, autour de Latran IV et de la Benedictina (1336), avec l’apparition de nouvelles dynamiques réformatrices bénédictines (claustrales, réformes de Saint-Jacques de Liège, de Subiaco et de Kastl). Dans un second temps (chapitre 7), c’est la période qui conduit du concile de Constance à la réforme protestante qui est évoquée avec une large place faite, à côté de Sainte-Justine de Padoue et de Valladolid, à la dynamique germanique (Kastl, Trier, Melk et Bursfeld), ne mentionnant pas, par exemple, la congrégation de Chezal Benoit dans la France des xve et xvie siècles. Si le chapitre 8 est assez naturellement consacré aux xvie et xviie siècles avec une attention particulière aux mouvements qui suivent le concile de Trente (Saint-Vanne, Saint-Maur…), plus qu’aux conséquences des confrontations politiques et confessionnelles du xvie siècle, la chronologie choisie pour le chapitre suivant est particulièrement intéressante, car elle englobe à la fois, d’une part, les Lumières, la Commission des Réguliers et la Révolution française et, d’autre part, les politiques de Joseph II jusqu’aux sécularisations de 1803. Une chronologie que l’on pourrait illustrer, pour prendre un exemple « cistercien », par l’itinéraire européen du trappiste Augustin de Lestrange (1754-1827), entre Révolution et refondation : itinéraire qui conduit aussi le trappiste au Mont-Cassin à la fin de sa vie, mais personnalité qui n’apparaît pas, et pour cause, dans le présent ouvrage.

4La période contemporaine est pour l’essentiel traitée dans deux chapitres : le chapitre 10 nous conduit du Congrès de Vienne aux années 1950 et le 11 présente les évolutions générales depuis le concile Vatican II. Pour ce qui est de ce long xixe siècle, l’auteur envisage la situation dans les différents États européens, en accordant, pour ce qui est de la France, une place peut-être un peu disproportionnée à la tentative isolée de dom Mayeul Lamey par rapport aux fondations de dom Guéranger et du Père Muard et aux restaurations et fondations féminines (Pradines, bénédictines du Calvaire et bénédictines du Saint-Sacrement en particulier). La création de la Confédération bénédictine, en 1893, constitue une étape essentielle de la modernité bénédictine. Elle consacre en partie la dimension mondiale du mouvement bénédictin, au-delà des congrégations et fédérations nationales, et trouve un nouveau développement dans la seconde moitié du xxe siècle. Cette dimension extra européenne est évoquée selon une répartition par zones géographiques. L’examen de ce développement international montre qu’une analyse de cette dynamique par familles bénédictines, issues toutes de la vieille Europe, apparaît plus en phase avec la réalité et les spécificités missionnaires plus ou moins marquées et qui font débat à la fin du xixe et dans les premières décennies du xxe siècle, comme le montrent les cas de la Pierre-qui-Vire, de la congrégation Ottilienne ou des bénédictines de Sainte-Bathilde. On l’aura compris, le onzième chapitre permet à l’auteur de revenir sur les principales étapes de l’aggiornamento bénédictin qui accompagne et suit le Concile Vatican II. L’auteur évoque les principaux textes conciliaires, puis les Lex propria Confoederationis Benedictinae (1970, 1982, 2009), mais en prenant en exemple presque exclusivement le cas des congrégations allemandes, suisses et autrichiennes. Un douzième chapitre évoque les tendances les plus contemporaines parmi lesquelles la valorisation de l’apostolat et de l’ouverture du cloître sur la société, la mise en réseau des groupements régionaux, nationaux et internationaux et la reconnaissance internationale de la spécificité féminine dans le monde bénédictin contemporain (Communio Internationalis Benedictinarum, créée à Nairobi en 2001). On peut ajouter que la période très contemporaine marque aussi la multiplication des échanges entre cisterciens et bénédictins au sein de formations continues monastiques, dans un univers marqué par la raréfaction du recrutement. Ce sont d’ailleurs ces statistiques qui constituent en quelque sorte la conclusion de ce volume sous la forme de tableaux prenant pour base l’année 1893 et proposant deux points de repère principaux, 1995 et 2000.

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Pour citer cet article

Référence papier

Daniel-Odon Hurel, « Georg Jenal, Sub Regula S. Benedicti. Eine Geschichte der Söhne und Töchter Benedikts von den Anfängen bis zurn Gegenwart », Archives de sciences sociales des religions, 196 | 2021, 311-312.

Référence électronique

Daniel-Odon Hurel, « Georg Jenal, Sub Regula S. Benedicti. Eine Geschichte der Söhne und Töchter Benedikts von den Anfängen bis zurn Gegenwart », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 196 | octobre-décembre 2021, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 24 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/assr/64849 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.64849

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Auteur

Daniel-Odon Hurel

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