Christian Sorrel, Le catholicisme français de la Séparation à Vatican II. Un chemin d’histoire
Christian Sorrel, Le catholicisme français de la Séparation à Vatican II. Un chemin d’histoire. Paris, Karthala, 2020, 412 p.
Texte intégral
1On ne le dira jamais assez, les recueils d’articles d’un même auteur sont de la plus grande utilité. Le présent volume rassemble en effet près de vingt-cinq contributions de Christian Sorrel, publiées entre 2004 et 2019 mais aussi inédites pour cinq d’entre elles. Une série d’approches qui constitue un large panorama de l’histoire de l’Église de France dans l’histoire de l’Église catholique tout au long du xxe siècle, entre la période de la Séparation des Églises et de l’État dont le cadre français n’est pas sans conséquences plus larges bien entendu, et le concile Vatican II, de dimension universelle certes, mais avec un accent mis en particulier sur différents acteurs français. Cette synthèse vient à point nommé aussi parce qu’elle accompagne une historiographie particulièrement dynamique sur ces deux évènements essentiels de l’histoire de l’Église à l’époque contemporaine, fruits de travaux individuels et collectifs au sein desquels Christian Sorrel est un des protagonistes de premier plan.
2La première partie est consacrée, au-delà des seules lois du 1 juillet 1901 et du 9 décembre 1905, à l’ensemble des crises et des ruptures qui marquent les dernières années du xixe siècle et les premières du xxe siècle. Dans un premier temps, l’auteur examine avec précision la chronologie de l’épisode 1899-1905, rappelant aussi que la question des congrégations renvoie à la question religieuse, à l’enseignement et au social et enfin à la question de la propriété. À la suite de la loi du 1er juillet 1901, l’exil des religieux s’intensifie jusqu’en 1904, créant une sorte de nouvelle cartographie essentiellement européenne du monachisme et du mouvement congréganiste. Au-delà des retours des années 1920, celle-ci amplifiera ainsi le mouvement d’expansion né au XIXe siècle. La recontextualisation de la loi de 1905 s’accompagne d’une analyse de la loi elle-même. Une de ses conséquences est le retour du rôle de Rome dans la nomination des évêques. Ch. Sorrel montre ainsi la situation de l’épiscopat au début du xxe siècle avec en particulier une recomposition épiscopale qui se dessine entre le personnel concordataire et les nouveaux prélats nommés par Pie X, évoquant en particulier la personnalité modérée du cardinal Coullié, archevêque de Lyon. La loi de Séparation plonge aussi les prêtres dont le nombre avoisine les 50 000 dans la tourmente alors que cette même année 1905, le 8 janvier, le curé d’Ars est déclaré bienheureux.
3La deuxième partie met en perspective sur un long demi-siècle, entre les années 1900 et les années qui précèdent le concile, la diversité et la vitalité des initiatives pastorales, des projets sociaux et des enjeux théologiques et intellectuels, à partir de quelques points d’observation : les « pèlerinages d’hommes », organisés après 1870 pour dynamiser la place des hommes dans le cadre pastoral et paroissial, pèlerinages dont le caractère politique s’affirme autour des lois de 1901 et 1905 ; les congrès catholiques qui se multiplient dans les premières années du xxe siècle (voir le congrès eucharistique national de Faverney en 1908) ; les questions liées de l’infaillibilité pontificale et du modernisme. Plus étendue sur un long demi-siècle (1904-1973), dépassant en soi le concile Vatican II, l’étude des Semaines sociales met en évidence une réponse laïque à l’appel des papes à l’invitation à l’action catholique, sous le regard parfois inquiet et méfiant de l’épiscopat français, une réflexion et une action qui trouvent un écho dans l’itinéraire de Fernand Boulard, entre pastorale et réflexion sur l’évolution du catholicisme contemporain.
4Enfin, la troisième partie, consacrée au concile Vatican II, inscrit ce dernier dans ces dynamiques nationales et ces tensions à travers l’analyse des positions des acteurs et observateurs français, des clercs comme des laïcs, dans le contexte socio-politique des années 1960-1970. Ch. Sorrel exploite en particulier les carnets privés de plusieurs prélats et ecclésiastiques comme le sulpicien Marcel Breysse, ou Mgr Jauffrès, ancien évêque de Tarentaise et père conciliaire, ce dernier étant d’autant plus intéressant qu’il s’agit d’un membre « anonyme » de l’assemblée conciliaire. Bien différentes sont la figure et la personnalité de l’archevêque de Toulouse Mgr Garrone, membre actif de la commission doctrinale du concile, un des protagonistes de la réflexion autour de l’Église dans le monde, publiant en outre des éditions commentées des constitutions Lumen gentium et Gaudium et spes. Le concile est aussi vécu par des laïcs, présents ou non à Rome, journalistes ou figures engagées telles qu’A. Galichon, responsable de l’ACI (Action catholique des milieux indépendants) puis rédacteur en chef de l’édition française de l’Osservatore romano. En abordant cette dynamique particulière, Ch. Sorrel dépasse ici la seule perspective cléricale en englobant les problématiques de l’action catholique et des fidèles. Si la réception du concile ne fait pas l’objet de contributions précises (l’auteur y contribue largement dans d’autres publications, comme en témoigne le récent volume qu’il a dirigé intitulé Le Concile Vatican II et le monde des religieux, Lahra, 2019), il n’en demeure pas moins que les dernières contributions, consacrées aux images de Paul VI dans les Informations catholiques internationales, aux débuts de la conférence épiscopale française (créée en 1964), ou encore à l’affaire PAX, signe de l’émergence de l’offensive intégriste, nous placent au cœur de l’Église post-conciliaire dans une société en pleine transformation sociale, économique et politique, et donc nécessairement religieuse et culturelle.
Pour citer cet article
Référence papier
Daniel-Odon Hurel, « Christian Sorrel, Le catholicisme français de la Séparation à Vatican II. Un chemin d’histoire », Archives de sciences sociales des religions, 196 | 2021, 426-427.
Référence électronique
Daniel-Odon Hurel, « Christian Sorrel, Le catholicisme français de la Séparation à Vatican II. Un chemin d’histoire », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 196 | octobre-décembre 2021, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 24 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/assr/65544 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.65544
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