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Comptes rendus

Patrick Cabanel, 1942 : Monseigneur Saliège, une voix contre la déportation des juifs

Portet-sur-Garonne, Éditions Midi-Pyrénéennes, 2018, 48 p.
Michel Ostenc
p. 183-184
Référence(s) :

Patrick Cabanel, 1942 : Monseigneur Saliège, une voix contre la déportation des juifs, Portet-sur-Garonne, Éditions Midi-Pyrénéennes, 2018, 48 p.

Texte intégral

1L’ouvrage de Patrick Cabanel est consacré à la « lettre pastorale » du 20 août 1942 dans laquelle l’archevêque de Toulouse Jules-Géraud Saliège s’élevait contre la déportation des juifs. Le texte, rédigé par un prélat cloué à son fauteuil par la maladie, puisait sa force de sa concision pleine de simplicité qui le rendait accessible au grand public. L’étude de la diffusion de cette « lettre pastorale » permet à l’auteur un examen de la situation politique et religieuse du diocèse. Les arrondissements déchristianisés de Toulouse et de Muret prêtaient peu d’attention à la parole de l’Église et la lettre épiscopale ne fut lue que dans les terroirs restés fidèles au catholicisme, comme le Lauragais et Saint-Gaudens. Mais le texte franchit les frontières géographiques et confessionnelles et fut diffusé par la presse protestante en Angleterre et en Amérique. D’autres prélats emboîtèrent le pas de celui de Toulouse, notamment l’évêque de Montauban dont la « lettre pastorale » évoquait la rafle du Vel d’Hiv sans la nommer, et d’autres encore en Zone Occupée. La « lettre » de Saliège n’en fut pas moins la première à rompre le silence. L’auteur rappelle qu’elle s’inscrivait dans l’antique tradition d’un évêque « défenseur de la cité » qui protège la personne humaine dans une conception universaliste.

2L’impact de l’événement s’expliquerait selon l’auteur par le sentiment de stupeur et d’incompréhension éprouvé par beaucoup de Français devant la rafle des juifs. Mais l’audience de la « lettre » n’était pas non plus étrangère à la dimension nouvelle assumée par les évêques dont l’État français avait fait les piliers de l’ordre nouveau. Tout en dénonçant le retour à la laïcité dans l’Instruction publique avec l’éviction de Jacques Chevalier au profit de Jérôme Carcopino et tout en condamnant l’organisation éventuelle d’une jeunesse unique de Vichy, Saliège n’avait cessé de témoigner à l’égard du maréchal Pétain une loyauté qui a sans doute contribué à donner plus de force à sa « lettre pastorale ». Par ailleurs, les collaborateurs de l’archevêque, comme l’évêque Louis de Courrèges d’Ustou ou l’abbé René de Naurois, s’étaient toujours montrés vigilants à l’égard des régimes totalitaires et le directeur de l’Institut Catholique de Toulouse, Monseigneur Bruno de Solages, n’hésitait pas à accueillir des juifs dans son établissement. Ces « résistants spirituels » influencèrent la pensée de Saliège sur l’antisémitisme. Il est vrai que la conférence épiscopale de Lyon (août 1940), à laquelle l’archevêque de Toulouse participait, avait considéré que le statut des juifs alors en préparation serait légal dans la mesure où il s’inspirerait des règles de justice et de charité. Ce serait le non-respect de ces règles qui aurait entraîné la protestation de Saliège. En 1942, le diocèse de Toulouse était devenu un « diocèse refuge ». Les congrégations religieuses y accueillaient des réfugiés juifs et seule son impotence a probablement sauvé l’archevêque de la déportation. L’auteur rappelle les honneurs décernés à la « lettre pastorale » et les commémorations dont elle a fait l’objet après quelques décennies d’oubli. Ce cri au cœur du silence coupable de Vichy a contribué, sinon à changer les choses, du moins à sauver l’honneur.

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Pour citer cet article

Référence papier

Michel Ostenc, « Patrick Cabanel, 1942 : Monseigneur Saliège, une voix contre la déportation des juifs », Archives de sciences sociales des religions, 200 | 2022, 183-184.

Référence électronique

Michel Ostenc, « Patrick Cabanel, 1942 : Monseigneur Saliège, une voix contre la déportation des juifs », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 200 | octobre-décembre 2022, mis en ligne le 31 décembre 2022, consulté le 26 mars 2023. URL : http://journals.openedition.org/assr/68369 ; DOI : https://doi.org/10.4000/assr.68369

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Auteur

Michel Ostenc

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