Navigation – Plan du site

AccueilNuméros208L'atelier des sciences sociales d...Filmer au monastère. Méthodes et ...

L'atelier des sciences sociales du religieux

Filmer au monastère. Méthodes et pratiques

Filming in the monastery. Methods and practices
Rodaje en el monasterio. Métodos y prácticas
Caroline Lardy
p. 37-56

Texte intégral

1Cet article traite du caractère singulier d’une expérience de réalisation audiovisuelle conduite dans deux monastères dominicains. Il entend se pencher sur les conséquences et les principes méthodologiques de l’engagement simultané des religieuses contemplatives dans un film de commande et dans un film de recherche. Dans un contexte institutionnel aussi particulier qu’un monastère, un des principaux enjeux repose sur la nécessité, pour le chercheur cinéaste, d’instaurer un climat de confiance avec la prieure et toute la communauté pour convaincre du bien-fondé du projet, mais également des contraintes techniques induites par la démarche de description filmique qu’il sous-tend. En m’appuyant sur des exemples de mise en situation et des stratégies d’observation opérantes, j’exposerai les moyens et les stratégies possibles pour surmonter les obstacles et susciter l’adhésion collective et constructive des sœurs dominicaines au double projet cinématographique. Je montrerai comment le récit de vocation, initialement prévu pour être intégré au film de commande, s’est finalement invité dans mes propres travaux de recherche. Enfin, il sera question d’étudier l’intérêt et la valeur performative du discours sur la vocation et de sa mise en scène documentaire. À quelles logiques de présentation sur l’image ces entretiens filmés répondent-ils ?

2L’analyse de la fonction du film au service d’une communauté de moniales et pour le compte de mes travaux personnels entend poser les jalons d’une réflexion sur les modes de représentation visuelle de la vie monastique aujourd’hui.

Contraintes et conditions d’observation en milieu monacal

  • 1 Pour des raisons de confidentialité des informations, nous garderons l’anonymat des personnes et de (...)

3Dans le cadre d’une étude d’anthropologie visuelle sur le rapport aux images mentales et matérielles dans les pratiques de dévotion, deux communautés monastiques féminines de l’ordre dominicain ont accepté de prendre part à mon projet1. La particularité de cette enquête filmique (Comolli, 1995b) répartie sur deux sites en France repose sur la place centrale qu’occupe le film documentaire, envisagé comme un outil de médiation pour les deux communautés et un instrument d’exploration, d’analyse et de restitution des données pour le compte de mes travaux (La Rocca, 2007). Ce nouveau terrain, étalé entre 2019 et 2023 avec une interruption pendant la crise sanitaire de 2020, a pris des contours assez différents de ceux auxquels j’avais été confrontée dans le cadre d’une thèse de doctorat centrée sur la vie quotidienne dans un Carmel.

  • 2 Autour d’un repas au Carmel, vidéo, coul., 32 min ; Essayage de l’habit, vidéo, coul., 12 min. ; La (...)

4En effet, par souci de discrétion vis-à-vis des autres monastères du diocèse, et pour ne pas apparaître  selon leurs mots  comme des religieuses « oisives » du fait de leur implication dans mes films, les carmélites ont adopté une série de mesures pour protéger la confidentialité des données collectées consignées dans mon travail de thèse. Aussi ont-elles exigé la suppression de la partie sur l’histoire du monastère et toutes les indications de lieux et de noms dans les corpus écrit et filmique. Les films, exclus du prêt en bibliothèque et de tout accès numérique, devaient être uniquement diffusés en ma présence, dans un cadre universitaire et scientifique. Outre le manuscrit, elles désiraient également disposer des sept films documentaires2. Elles ont fait un usage particulier de celui qui portait sur l’artisanat des hosties. À l’initiative de la prieure, le film a circulé dans d’autres Carmels, notamment dans une communauté en pleine expansion en Hongrie, qui souhaitait faire de la fabrication des hosties sa principale source de revenus. Les neuf étapes de la confection des pains d’autel, décrites dans ce film d’une trentaine de minutes, ont servi de guide de formation pour expliquer tout le processus de production. Si pour les carmélites, l’intérêt porté à ce film et à son exploitation est apparu après le travail que j’avais pu mener avec elles sur le terrain, pour les dominicaines l’acceptation de ma demande en vue d’effectuer des recherches sur la question des images, a trouvé ses origines dans un principe d’échange de services, conditionné par la réalisation de films de commande en vue d’un usage précis.

  • 3 Aussi appelées sœurs tourières ou hôtelières.
  • 4 Cette volonté de communiquer par l’image au public coïncide avec ce qu’analyse le chercheur David D (...)

5Pour contextualiser ces deux expériences, je reviendrai sur la nature même des demandes et leur justification. Dans le premier monastère, le contact avec la prieure avait été établi dès 2018, à l’initiative d’une collègue documentaliste et de sa fille, accueillie comme novice. Le désir d’un film sur mesure pour la communauté est apparu lors des premières discussions et constituait un prérequis à mon implication dans le projet. Cette requête est venue d’un constat. Les religieuses en charge de l’accueil3 du monastère étaient trop régulièrement sollicitées au parloir pour expliquer leurs usages et devaient fournir les mêmes explications aux visiteurs. Pour remédier à cette situation qui mobilisait des sœurs très actives sur des sujets récurrents comme l’attrait pour la vie consacrée et l’organisation du quotidien à l’intérieur du cloître, les religieuses aspiraient à ce qu’un film documentaire soit projeté pour l’occasion au parloir. Le film ferait office de guide de présentation et permettrait de désamorcer de nombreux questionnements sur la particularité du mode de vie contemplatif4. Dans le prolongement de cette expérience, j’ai eu l’opportunité de reconduire en 2021 le même procédé dans un second monastère dominicain. Cette fois-ci, j’ai été mise en relation avec la prieure par l’intermédiaire d’un collègue historien moderniste, spécialiste de l’histoire du catholicisme et impliqué dans un séminaire commun sur les images et la prière. Dans cette petite communauté vieillissante, marquée par une figure religieuse locale, le film de commande endossait davantage une fonction mémorielle, pour archiver un souvenir de la communauté.

6Quoique différentes, les deux demandes entraient dans mon champ de compétences techniques. Elles me permettaient de « mettre un pied » au monastère et s’annonçaient compatibles avec mon étude. En vue de mieux saisir ce qui résulte des choix des thèmes retenus et des enjeux liés à la représentation de l’univers monacal dans les deux films de commande et pour le compte de mes travaux de recherche, il convient de retracer les dessous qui les ont façonnés et la manière dont ils se sont articulés l’un avec l’autre et l’un vis-à-vis de l’autre (Olivier de Sardan, 1995, 2000).

Les coulisses de l’enquête

7À la suite des premières prises de contact obtenues grâce au concours de personnes intermédiaires puis, à distance, avec les deux responsables des monastères, il était indispensable de mettre en place toute une méthodologie préparatoire, garante du bon déroulement du projet (Beaud, Weber, 2003). J’ai donc rencontré les prieures pour expliquer avec clarté ma façon de filmer et les conditions d’observation qui s’ensuivraient. Ensemble, nous avons convenu qu’il était préférable, dans un premier temps, d’exposer mes projets devant toutes les moniales, car elles avaient besoin d’être rassurées. Ainsi, les récréations méridiennes organisées au parloir ou dans la salle de communauté ont été l’occasion de présenter ma démarche dans ses grandes lignes. Les religieuses ont posé des questions sur mes travaux antérieurs et ma formation ainsi que pour un des deux groupes, mon rapport à la foi. Il leur importait de pouvoir cerner la personne qui viendrait exceptionnellement franchir l’espace de la clôture. Dans la perspective de l’adéquation de mes futurs enregistrements audiovisuels aux activités du quotidien des moniales, l’expérience d’immersion dans les lieux était un préalable incontournable. En fonction des thèmes à documenter, j’ai justifié le fait de devoir me rapprocher des personnes, caméra à la main, afin d’optimiser la qualité des prises de vues et de son et d’éviter les maladresses techniques dues à l’utilisation d’une longue focale (zoom) ou d’un micro trop éloigné de la source sonore. Il m’importait, par exemple, de rendre compte avec précision des bruits feutrés des gestes de couture d’une religieuse en train de broder ou des micromouvements d’une moniale en posture de prière au moment de l’oraison.

  • 5 Dans Les Constitutions de Thérèse d’Avila, on retrouve les préceptes sur le silence et la solitude  (...)

8Au cours de cette étape décisive de rencontre collective en vue de l’adhésion par toute la communauté au projet global, à la demande des moniales, j’ai dû montrer des extraits de films tirés de ma thèse. Sur les conseils des deux prieures, il fallait choisir des séquences plutôt longues, car les religieuses n’étaient pas habituées à visionner des documents audiovisuels dans des formats courts ou trop fragmentés. Parmi les sept films réalisés au Carmel, il importait de sélectionner des séquences proches dans leur forme des sujets pressentis dans le cadre des films de commande et de mes propres travaux. Ainsi, les religieuses pourraient se faire une idée plus précise de ma démarche et de mes intentions. Au cours de ces échanges collectifs, j’ai pu constater que l’ordre du Carmel était perçu par l’assistance comme plus « strict » que l’ordre dominicain. Dans les commentaires formulés à l’issue des projections, les dominicaines trouvaient que mes films restituaient bien « l’esprit » du Carmel et la vie contemplative, décrivant les temps de récréation, au même titre que l’observance du silence ou la solitude recherchée dans le travail5. Cette réaction m’a amené à déduire qu’aux yeux des moniales, mes travaux antérieurs et l’acceptation de ma présence parmi les carmélites en tant qu’observatrice extérieure sur un temps long conféraient une garantie de sérieux pour les projets que j’avais à défendre. Sur ce point, les films de thèse ont constitué d’efficaces outils de médiation (Laplantine, 2007). En effet, les religieuses étaient rassurées par mon approche de la représentation de certains aspects de la vie monastique. Elles étaient en mesure d’imaginer la forme possible que pourraient prendre les films qui porteraient sur leur propre communauté.

9Un autre facteur important en vue de faciliter l’acceptation de la présence d’un chercheur extérieur à ce milieu repose sur l’adoption d’une attitude générale basée sur la discrétion dans la manière de se placer ou de se déplacer dans l’espace avec la caméra. Aussi ai-je expliqué aux religieuses qu’outre le port d’une caméra légère à la main, j’éviterais de manipuler des accessoires encombrants ou inhabituels dans l’enceinte du cloître (trépied, micro-cravate, projecteur, etc.). Je limiterais la communication verbale et non verbale à des chuchotements ou des signes, quand ce serait nécessaire. Cet ensemble de principes méthodologiques et techniques à mettre en place dans le cadre d’une « observation filmante » (Lallier, 2011) fait partie des précautions qui favorisent la réussite de l’intégration du chercheur cinéaste sur le terrain.

  • 6 Dans le premier monastère, il existait un film réalisé par un cinéaste amateur proche de la communa (...)

10Les rencontres qui ont précédé les séjours et les tournages ont servi à baliser ma démarche d’observation. Il était convenu qu’une fois les prises de vues effectuées et l’organisation générale du film de commande esquissée, une première version de montage serait proposée quelques semaines plus tard aux deux prieures. Il leur reviendrait, par la suite, de décider de l’ordre définitif des séquences et de l’ajout d’un commentaire6. À l’inverse, pour tout ce qui concernait mes films de recherche et indépendamment de la validation en amont, par les prieures, des thèmes et de l’implication des moniales volontaires, j’avais toute latitude pour exploiter mes enregistrements visuels et sonores comme je le souhaitais. Le contrat moral qui nous liait était identique à celui qui avait été défini avec les carmélites. Les travaux devraient respecter l’anonymat du lieu et des personnes filmées et n’être diffusés qu’en ma présence, dans un cadre académique et scientifique. Les deux prieures n’ont, du reste, jamais demandé à visionner les images réalisées pour mes propres recherches. Elles se préoccupaient juste de savoir si j’étais satisfaite des contenus filmés et si j’accumulais suffisamment de matériaux pour l’analyse qui en résulterait.

11Ces temps d’échange avec les prieures ainsi que l’organisation des séances de projection avec les deux communautés contemplatives dominicaines ont donc été décisifs pour fixer le cadre général de ma méthode d’observation et permettre le repérage des lieux et des personnes. En complément, l’usage de la photographie s’est également avéré utile pour préparer les tournages et alimenter ce qui s’apparente à « un journal de terrain visuel » (Conord, 2007). Dans ce dernier, des notes, des croquis et des clichés étaient consignés pour m’aider à visualiser un ensemble d’éléments indispensables à l’élaboration de l’unique expérience de tournage qui m’attendait. De fait, ces photographies avaient pour fonction (La Rocca, 2007) de me permettre d’identifier les types d’éclairage, l’organisation des pièces et les habitudes de circulation des moniales dans les galeries du cloître et d’autres espaces intérieurs et extérieurs du monastère. À l’aide de ces clichés, j’étais en mesure de réfléchir aux futurs postes d’observation et aux délimitations visuelles qu’il me fallait adopter, tels que le choix d’un plan en plongée depuis un balcon dans la chapelle ou le parcours à suivre pour filmer en travelling une procession partant du chœur jusqu’aux arcades du cloître.

12Une fois passée cette étape exploratoire de découverte des lieux, d’exposé et d’acceptation du projet de film par les deux prieures et le reste de la communauté, quelques échanges additionnels ont été nécessaires pour fixer les dates définitives de tournage, déterminer les durées moyennes de prises de vues pour les participantes ou encore les espaces de circulation autorisés avec une caméra (ateliers, jardins, couloirs, cellules, escaliers, réfectoire, etc.). Ainsi, j’ai toujours été soucieuse de m’adapter aux conditions d’observation énoncées par les prieures et au rythme de vie des deux communautés en question (respect de la liturgie des Heures, des temps de travail et de licence). Au vu de la quantité d’activités à observer et de la manière la plus appropriée de les traiter à l’image, j’ai adopté tout un ensemble de précautions. J’espérais de la sorte limiter les maladresses ou les erreurs d’appréciation dans mes choix techniques. Or, il s’est avéré qu’en dépit de tout ce travail d’anticipation  en fonction des personnalités et des évènements rencontrés  certaines situations ont évolué et m’ont conduit à reconsidérer mes plans initiaux et à me conformer à de nouvelles modalités d’observation. En effet, quels que soient les contextes, les expériences de terrain réservent toujours leur lot de surprises. Avec l’habitude, les imprévus inhérents à toute enquête ethnographique m’ont poussé à « apprendre à improviser » et à faire preuve de créativité.

Les leviers méthodologiques de la réussite

  • 7 Le récit d’une étude conduite entre 2016 et 2022 dans le secteur usinier de la métallurgie quant au (...)

13Grâce à l’expérience accumulée au cours de la recherche conduite avec les carmélites sur près de cinq années, et à la faveur d’autres projets réalisés en milieu séculier sur lesquels pesaient également de fortes contraintes institutionnelles7, j’ai appris à anticiper, et à m’accommoder des impondérables du terrain. J’ai mis au point une méthode d’investigation efficace qui conjugue la prise en considération des caractéristiques de chaque contexte d’observation et les principes méthodologiques de l’anthropologie filmique ou visuelle (France, 1994). L’alliance des procédés de l’enquête ethnographique classique avec l’engagement des participants dans un projet filmique (Henley, 2000) va bien au-delà d’une simple présence de ces derniers à l’image (MacDougall, 2004) dans la mesure où c’est la relation nouée entre filmeur et filmés (Niney, 2000) qui donne naissance au film et nourrit en grande partie la connaissance que l’on peut avoir des activités humaines. Selon cet attendu, il est crucial qu’une confiance mutuelle s’instaure entre chaque partie.

  • 8 « Notion essentielle en cinématographie documentaire, qui désigne les diverses manières dont le pro (...)
  • 9 « Chaîne. Notion d’ordre logico-scénographique désignant des manifestations du procès filmé relativ (...)
  • 10 « C’est ainsi qu’aux chaînes temporelles semblent correspondre des chaînes spatiales, les jonctions (...)
  • 11 Cette notion d’angle de prises de vue fait référence aux relations d’orientation entre la caméra et (...)
  • 12 Les cadrages, valeurs de plan ou échelles de plan renvoient à tout qui a trait aux relations de dis (...)

14L’expérience de ma pratique de l’ethnographie filmée, adaptée aux différents terrains d’enquête et au monastère en particulier, et la place centrale que les religieuses dominicaines ont occupée dans la construction du film de commande – et indirectement dans mes propres travaux  ont permis de faire converger nos points de vue réciproques. Indépendamment du caractère spécifique de l’entretien filmé (Hamus-Vallée, 2015), dans la perspective d’une description filmique approfondie des activités du quotidien, mes partis pris documentaires se sont arrimés à l’auto-mise en scène8 proposée par les religieuses elles-mêmes dans leurs activités coutumières. Cela consistait à en dépeindre toutes les composantes, en réfléchissant à l’ordre et à la façon d’accomplir telle ou telle posture ou tel ou tel geste dans les activités à dominante matérielle, corporelle ou rituelle. En somme, il convenait de démêler, à l’aide de choix techniques ciblés, la manière dont les activités s’organisaient, dans la durée d’une part, dans l’espace déterminant du cloître d’autre part. Un autre principe consistait à filmer majoritairement en plan continu pour ne pas interrompre le cours des actions sur le plan visuel et sonore et bien repérer les rythmes, les scansions et les transitions au sein des activités ou dans les changements qui s’opéraient entre elles et dans différents espaces (les processus de fabrication, les va-et-vient entre les salles de travail et la chapelle pour les offices, entre autres). Cette méthode d’observation et de découpage de la réalité avec la caméra est influencée par la notion de « chaîne opératoire » (Leroi-Gourhan, 1964-1965) adaptée au film anthropologique9 et qui se prolonge dans les principes de l’analyse praxéologique (France, 2010)10. Ces apports théoriques se sont avérés de précieux guides pour observer et analyser la réalité. Dans la même logique, et pour tendre vers l’exhaustivité, il convenait de varier le plus possible les angles11 et les cadrages12 afin de souligner les gestes, les postures de même que les expressions des visages lors du recueillement en prière ou l’attention du regard et la concentration des moniales dans les travaux manuels. Ce travail minutieux de description filmique s’apparente à celui de l’écriture ethnographique dans la mesure où il se focalise sur les moindres détails.

Figure 1. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films sur la prière d’oraison montrant des exemples de valeurs de cadre en plan rapproché à angle plat et en plongée.

Figure 1. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films sur la prière d’oraison montrant des exemples de valeurs de cadre en plan rapproché à angle plat et en plongée.

Crédit : Caroline Lardy et Sandra Berthelot

Figure 2. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films sur la prière d’oraison montrant des exemples de valeurs de cadre en plan rapproché à angle plat et en plongée.

Figure 2. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films sur la prière d’oraison montrant des exemples de valeurs de cadre en plan rapproché à angle plat et en plongée.

Crédit : Caroline Lardy et Sandra Berthelot

  • 13 Il m’arrivait d’être hébergée à l’hôtellerie et de partager les repas avec les retraitants et les a (...)
  • 14 Seules les religieuses professes étaient autorisées à témoigner. La prieure ne souhaitait pas que l (...)

15Dans les situations où j’ai été amenée à filmer des tâches manuelles, il fallait également veiller à ce que la description ne soit pas trop schématique et uniquement concentrée sur les temps forts de l’activité, mais complétée par des temps faibles et des temps morts. L’objectif était de proposer des séquences au plus près de la réalité et de rendre compte avec finesse des caractéristiques du mode de vie des moniales. Parmi toutes les observations filmiques, ma présence sur place ne devait pas excéder trois à quatre jours, à raison de deux, voire trois fois par an13. Dans l’un et l’autre monastère, les consignes relatives à mon planning de tournage ne me parvenaient qu’au dernier moment, sinon à mon arrivée. Les deux prieures avaient pris soin de fixer avec les membres de la communauté des créneaux horaires et un enchaînement d’activités à filmer. Parmi les thèmes à documenter, se trouvaient des ateliers (icônes, tisanerie, émaux, chapelets, confiturerie, jardinage, cueillette, couture, repassage, imprimerie, reliure, lingerie, sacristie), des offices liturgiques (messe, chapelet, sexte, none, vêpres, complies), des récréations, des séances de répétition de chant et de musique, des temps d’étude et de prière individuels ainsi que des entretiens sur le charisme de l’ordre, la fidélité, la vocation et les trajectoires de vie monastique14. S’ajoutaient à cette liste des prises de vues sur l’architecture du monastère, les jardins ou certains éléments du mobilier (sculptures, tableaux, objets liturgiques, etc.).

16Sur place, ce programme séquencé et condensé s’enchaînait avec de courtes pauses tout au long de la journée. Je n’avais aucune marge de manœuvre pour modifier le planning de tournage défini. Au risque de ne pouvoir réaliser ce qui était escompté, mon travail de collecte d’images et de sons ne pouvait souffrir aucun imprévu ou problème technique. En raison des contraintes temporelles imposées pour concentrer les temps de tournage et limiter ma présence dans l’enceinte du monastère, il convenait d’optimiser la qualité des enregistrements audiovisuels. Cette méthode nécessitait une grande part d’anticipation pour une meilleure exploitation et analyse des contenus filmés et évitait de démultiplier les va-et-vient sur le terrain. Dans la perspective de l’étape de post-production qui suivrait et pour être pleinement autonome dans le travail de montage, je devais disposer d’un bon socle d’enregistrements et de données. Dans les deux monastères, c’est la prieure et parfois une de ses conseillères qui assuraient le rôle de relais à mes côtés pour me guider entre les différents espaces et activités, et veiller au respect du planning de tournage pour ne pas mettre en retard les religieuses dans le cours de leur vie quotidienne.

17Sur ce point, il faut ajouter que les accords obtenus au préalable pour filmer telle activité ou telle religieuse en particulier n’étaient jamais totalement acquis, à l’instar de ce qui s’est produit dans une des deux communautés. Des changements et des réorientations sur ce qu’il était prévu de filmer m’ont obligée à me plier à de nouvelles conditions d’observation. J’ai été confrontée à l’impossibilité de répéter le tournage de séquences en vue d’en approfondir certains aspects ; à ne plus être admise à filmer les moniales en prière à l’oraison, considérée comme « trop intime » ; à supprimer des plans sur une religieuse qui ne souhaitait plus apparaître dans le film ; à revenir filmer des novices ayant récemment pris l’habit, voire à suspendre le projet, car les religieuses avaient besoin « de souffler ». Ce type d’aléas, fréquents dans toute enquête ethnographique, demande au chercheur de redoubler de souplesse, de patience et de persévérance.

  • 15 En prenant appui sur les neuf manières de prier de Saint Dominique.
  • 16 Les deux films de commande ont une durée de 30 à 40 minutes environ.

18Ces contraintes m’ont poussé à optimiser chaque séjour d’observation et à essayer de trouver des compromis en discutant avec la prieure. C’est ainsi que j’ai obtenu l’accord pour filmer d’autres techniques de prière15, pour remplacer celle qui prévalait lors de l’oraison. Indépendamment de cet exemple, même si j’avais une idée assez définie de ce que je voulais insérer dans le film de commande, je laissais les religieuses proposer des sujets. Les deux prieures et leurs conseillères étaient assez directives dans l’orientation générale du projet audiovisuel et la forme définitive qu’il devait prendre pour satisfaire au cahier des charges qu’elles s’étaient fixé et rendre compte avec justesse de l’image qu’elles souhaitaient véhiculer sur la communauté16. C’est ainsi qu’au-delà des phases de tournage, des échanges réguliers s’effectuèrent sur près de six mois voire un an, par mail, en visioconférence et de façon ponctuelle, sur place, avec les responsables des monastères autour des versions successives à donner des films de commande.

19Cette collaboration a permis de définir l’organisation générale en vue d’aboutir à un résultat qui coïncide avec l’usage des films comme supports de médiation entre les communautés religieuses et les personnes extérieures qui les visionneraient. Parmi les requêtes demandées, une des deux prieures souhaitait ajouter un commentaire rédigé et lu par ses soins et alterner les séquences sur des ateliers, des offices et des récréations avec trois entretiens dotés d’une dimension plus personnelle et performative (Nichols, 2001). Ainsi le caractère confidentiel et individualisé qui se dégageait des témoignages contrasterait avec les scènes où la vie communautaire serait davantage mise en exergue. Cette orientation du film de commande avait l’avantage d’offrir un point de vue à la fois général sur l’institution, et particulier sur une partie de ses membres. A contrario, dans l’autre monastère, la prieure partageait avec moi l’idée d’une forme sobre, sans musique, entretien ou commentaire. Seuls quelques intertitres sélectionnés dans les textes sacrés par la prieure et ses conseillères ont été insérés en guise d’illustration des différentes thématiques. Pour ce film, l’étape de montage a également été facilitée par la validation de chacune de mes propositions d’esquisses, là où dans l’autre monastère, quatre versions successives ainsi que de nouvelles prises de vues étaient requises.

20Dans l’organisation générale de mon travail, j’avais plutôt privilégié dans un premier temps le tournage des séquences pour les films de commande puis, dans un second temps, celui qui concernait mes propres travaux. Toutefois, pour des raisons pratiques liées aux contraintes d’emploi du temps des religieuses, il est arrivé que les deux projets s’entremêlent. Pour ne pas apporter de la confusion, cette situation m’a fait prendre conscience de l’intérêt que pouvaient également avoir pour mes recherches les sujets présentés dans le cadre de la commande. Le thème de la vocation en faisait partie et illustre précisément la manière dont les films de commande ont irrigué mes propres travaux.

La mise en scène de soi et le regard des autres dans le récit de vocation

21C’est donc dans ce contexte de réalisation d’un film de commande que s’insèrent deux des neuf entretiens effectués sur la vocation. Et c’est en raison de la richesse du contenu des deux séquences d’abord pensées pour être diffusées dans le format d’un film de commande et destinées à des personnes extérieures que de nouvelles pistes d’analyse ont émergé pour le compte de mes travaux de recherche. La profondeur des propos justifiant la vocation et la manière dont les religieuses s’exprimaient sur la question imposaient d’en étudier plus en détail les mécanismes.

Le discours orienté des religieuses

  • 17 Il faut noter que seule une minorité de religieuses a accepté de témoigner tant pour les récits de (...)

22La forme audiovisuelle des deux séquences conçues dans le projet de film de commande comporte un intérêt. Elle révèle la manière dont les religieuses entendent se servir de ce médium pour « se représenter » et « se mettre en scène » aux yeux des spectateurs extérieurs à la communauté. Le contexte d’entretien rend compte d’un schéma discursif qui se confirme dans d’autres récits enregistrés dans le cadre de mes travaux. Ces derniers sont malgré tout nuancés par des explications plus poussées sur les étapes du cheminement individuel vers la vie consacrée, dévoilant des situations plus complexes qu’il n’y paraît. Si le thème de la vocation17 fut imposé par la responsable du monastère pour un des films de commande, c’est parce que cette question est fréquemment posée lors des sessions d’accueil de jeunes séminaristes ou de visiteurs, curieux de connaître l’univers monacal. En effet, comme je l’ai indiqué préalablement, les religieuses préposées aux tâches de l’accueil au monastère sont souvent amenées à fournir des éclaircissements redondants sur leur mode de vie, qui monopolisent de facto une partie de leur précieux temps. La projection du film à cet endroit visait à remplir cette fonction en se substituant à l’interaction directe de la moniale avec des interlocuteurs pour aborder, entre autres, des thèmes liés à la fidélité, aux activités du quotidien et surtout à l’origine de la vocation et l’attrait pour la vie contemplative. Ces entretiens font l’objet, chez les deux religieuses professes concernées, d’un discours rodé. Ainsi peut-on se demander si les paroles tenues lors du tournage ne relèvent pas d’un discours préconstruit. On trouve d’ailleurs sur le site internet d’un des monastères, la réplique sous forme écrite d’un témoignage filmé. Ceci justifie le caractère anticipé des propos et l’habitude engendrée chez les moniales de suggérer une réponse type.

  • 18 J’ai utilisé ces deux entretiens pour mes propres travaux.
  • 19 La durée moyenne des entretiens est de 40 minutes à 1h voire 1h30.

23L’enthousiasme manifesté à l’image par les deux dominicaines quant à l’explicitation de l’origine de la vocation tend aussi à rendre compte, auprès des destinataires du film, du caractère unique et extraordinaire que procure à leurs yeux l’appel de Dieu. Parmi les quatre séquences prévues au départ pour le film de commande, deux ont été délibérément écartées par une des prieures, car elles ne correspondaient pas à l’archétype de vocation18 qu’elle souhaitait véhiculer. Elle tenait à ce que les deux séquences qui seraient insérées dans le film de commande témoignent, pour l’une, d’une vocation précoce nourrie par une éducation religieuse inscrite dans la logique d’une trajectoire prédestinée de la jeune fille ; pour l’autre, d’une révélation survenue plus tardivement et pouvant toucher tout un chacun. Ces deux exemples étaient, selon la prieure, suffisamment représentatifs d’une réalité pour être retenus dans le film. En outre, les deux autres récits de vocation qui ont été mis de côté affichaient, selon la prieure, une dimension conflictuelle qu’il ne lui semblait pas nécessaire de souligner. Les entretiens réalisés dans le cadre de mes travaux personnels sont, pour leur part, d’une durée d’enregistrement supérieure à ceux qui avaient été conçus pour le film de commande19 et renferment des enjeux de nature bien différente. Le discours se situe davantage dans le registre d’une conversation et les arguments justifiant l’engagement dans la vie religieuse sont contrebalancés par divers sentiments, comme le doute ou la culpabilité, et suppléent l’idée, répandue par les deux « entretiens types » de la commande, d’une révélation radicale.

  • 20 Cette idée fait référence à la notion de « profilmie » ou spectrum selon Souriau, 1953 et Barthes, (...)

24Si l’on s’intéresse à la forme que prennent, par exemple, les témoignages sur la vocation dans les deux films de commande, les religieuses professes sont filmées en train de raconter leur expérience à l’aide d’un plan-séquence sur près de dix minutes. Elles expliquent face caméra ce qui a pu motiver leur vocation pour la vie régulière. Les deux récits présentent deux itinéraires distincts. L’un est marqué par le choix d’une vie consacrée qui s’inscrivait dans la logique d’un parcours individuel nourri par une éducation familiale catholique ; l’autre par une vision, suivie d’une révélation personnelle ressentie au cours d’un pèlerinage. Lors du travail de post-production des enregistrements audiovisuels, j’ai souhaité conserver les entretiens dans leur format d’origine en plan-séquence en vue de renforcer leur dimension concrète et d’offrir une continuité spatio-temporelle de présentation. Pour rendre compte de la réalité immédiate et garder la spontanéité des propos tenus par les moniales, je n’ai réalisé qu’une seule prise de vue. L’une des raisons tenait à la nécessité de ne pas solliciter à nouveau des personnes peu habituées à ce type de situation et en partie rétives à l’idée d’être filmées. Au monastère comme ailleurs, la présence d’un observateur extérieur (équipé de surcroît d’une caméra) n’est pas sans impliquer des modifications dans les comportements ou des ajustements dans le discours et l’attitude générale des individus observés. Ceci est d’autant plus manifeste lorsque les personnes sont amenées à parler et à argumenter devant la caméra20. Dans ce contexte, je tenais à ce que les propos semblent le plus naturel possible et c’est pourquoi je misais aussi sur la fraicheur supposée d’un unique enregistrement. De plus, les prises de vues ont été réalisées seule, condition sine qua non pour favoriser une qualité d’immersion et une meilleure acceptation de l’instrumentation audiovisuelle ainsi qu’une relative proximité avec les moniales. En effet, dans les choix des techniques de prise de vue, pas d’utilisation d’une longue focale (zoom), sous peine de ne pas disposer d’une qualité de son satisfaisante et parce qu’il s’avérait plus pertinent d’être proche des interlocutrices lorsque je les interrogeais. Les tournages se sont organisés selon un processus technique similaire, tant pour le film de commande que pour mes propres travaux de recherche avec, pour unique variation, la durée d’enregistrement.

  • 21 Film de 55 minutes produit et diffusé en 1989 pour l’émission Océaniques de la SEPT, faite de débat (...)
  • 22 Dans le prolongement de ce constat, on peut s’appuyer sur la réflexion de Sophie Barreau-Brouste au (...)
  • 23 Composé d’une dizaine de collaborateurs techniques opérateurs de prises de vues, directeur de photo (...)

25Dans les deux contextes, la série d’entretiens réalisés avec les religieuses repose sur des prises de vues effectuées à l’intérieur ou à l’extérieur du monastère, dans les jardins du cloître ou au sein des différents parloirs. Lorsque les séquences ont lieu au parloir, les religieuses sont filmées en plan fixe, et cadrées en plan rapproché, en posture assise sur une chaise, face caméra, à angle plat. C’est du reste ce que l’on retrouve dans nombre de films qui traitent de cette question, à l’instar du film documentaire sur les moines bénédictins, Parloir de Jean-Paul Cayeux (1989), dans lequel l’agencement est similaire dans les séquences tournées à l’intérieur de l’abbaye21. La sobriété de la mise en scène et l’argument central du film organisé autour de quatre moines bénédictins sont intéressants. En effet, l’approche cinématographique du récit de vocation proposée par l’auteur est différente de ce qu’il est courant de voir à la télévision ou au cinéma étant donné la durée des témoignages et les partis pris de réalisation résolument épurés22. Le point de vue du réalisateur et les choix de mise en scène de l’entretien filmé m’ont d’ailleurs amenée à considérer son traitement à l’image sous un angle nouveau. Ce documentaire de cinquante-cinq minutes est le produit d’un matériau inédit composé de douze heures d’enregistrements. Un ouvrage écrit de Cayeux accompagne le film en rassemblant l’intégralité des entretiens ainsi que des informations et des photographies du tournage23. Dans la version filmée, le réalisateur s’efface en partie au profit des moines, cadrés en plan fixe, assis devant un mur de pierres.

  • 24 Au Carmel, je n’ai jamais réalisé d’entretien filmé. J’étais juste autorisée à enregistrer les prop (...)

26Lorsque l’on examine d’autres films sur le sujet, l’originalité du procédé de Cayeux tient également à la mise en abyme du dispositif technique de réalisation et de ses effets supposés sur les interlocuteurs. À plusieurs reprises, on voit le trépied de la caméra ou l’opérateur de prises de vues de dos, en amorce au premier plan. On entend parfois le réalisateur poser des questions aux moines et les inviter à réagir sur ce que produit la situation d’entretien. Cette situation où se combinent fixité du cadre et des personnes confère une certaine solennité à la scène filmée. Bien que le film soit entrecoupé de séquences décrivant d’autres activités du quotidien, le récit vocationnel (et tout ce qui a trait à l’itinéraire spirituel) apparaît comme l’élément structurant du documentaire. Cet aspect a nourri ma réflexion lorsqu’à mon tour, j’ai été confrontée à la réalisation d’entretiens filmés et j’ai dû m’interroger sur le traitement accordé à cet exercice dans l’ensemble de mon étude24.

  • 25 Les moniales respectent la règle du silence dans les différentes parties du cloître. Dans ce contex (...)

27Outre ce type de disposition de l’entretien filmé, il existe des déclinaisons. Parmi celles-ci, le choix suggéré par une des moniales d’effectuer son témoignage au cours d’une promenade dans les jardins du monastère. Cette option constitue une alternative intéressante qui assure plus de rythme à la scène filmée et permet de varier les espaces. Les plans en travelling qui accompagnent la religieuse au fil de sa déambulation permettent au spectateur de découvrir l’environnement du monastère en dehors des lieux ordinairement montrés de la vie monastique. Il semblait également judicieux de filmer les religieuses dans des espaces extérieurs arborés pour la qualité photogénique du cadre verdoyant et la profondeur de champ se prêtant bien à leur usage en tant que décor naturel du film. À l’occasion de la réalisation d’autres entretiens individuels sur des sujets semblables ou connexes, quelques variantes de présentation filmique m’ont permis d’explorer de nouveaux espaces, comme l’utilisation du grand parloir situé à l’intérieur du monastère, ou même de conforter le choix de poursuivre les tournages en extérieur, en accompagnant le mouvement des religieuses, soit qu’elles marchent soit qu’elles décident de s’installer sur une chaise ou un banc au milieu du parc ou des oliviers. Dans tous les cas de figure, il m’a paru pertinent de trouver des lieux propices au dialogue et à la discrétion pour que les interlocutrices se sentent libres de s’exprimer devant la caméra. Le choix du parloir en fait partie dans la mesure où il s’agit du lieu réservé à la parole et aux échanges avec les personnes extérieures25.

Figure 3. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films montrant différents lieux de tournage dans les deux monastères étudiés.

Figure 3. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films montrant différents lieux de tournage dans les deux monastères étudiés.

Crédits : Caroline Lardy et Sandra Berthelot

Figure 4. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films montrant différents lieux de tournage dans les deux monastères étudiés.

Figure 4. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films montrant différents lieux de tournage dans les deux monastères étudiés.

Crédits : Caroline Lardy et Sandra Berthelot

  • 26 En prenant en compte l’atmosphère sonore générale au monastère baigné de silence, il semblait logiq (...)
  • 27 Le film d’une durée de 26 minutes est formaté pour la télévision et centré sur la foi et l’engageme (...)

28La présence de la caméra et les situations d’entretien filmé font l’objet d’une organisation très différente de toutes les autres activités du quotidien, scandées par une routine implacable. La situation d’entretien revêt un caractère exceptionnel qui vient briser le rythme de vie des religieuses et l’ambiance sonore silencieuse qui règne au monastère. Pour cette raison, j’ai toujours pris soin de choisir un lieu séparé des espaces de travail pour ne jamais amener une religieuse à interrompre le cours d’une action pour parler26. Ce principe est très différent de celui que l’on trouve dans un film documentaire comme Les Vigilantes27 (Escriva, 2009) où l’on voit à plusieurs reprises les moniales effectuer des arrêts au cours de leur tâche pour répondre aux questions de la cinéaste. Dans le cadre de mes propres travaux, j’ai souhaité davantage scénariser cet échange à la manière de Cayeux en privilégiant un cadre frontal, dépouillé et neutre, indépendant de toute activité quotidienne. Ce parti pris permet de centrer l’attention du spectateur sur la parole et l’expression des émotions des personnes filmées.

29Les neuf entretiens réalisés sur les récits de vocation se déroulent selon le même mode opératoire à partir d’une ou deux questions et ponctuellement de quelques relances pour obtenir des précisions sur certains aspects et selon la formulation suivante : « Pouvez-vous nous raconter votre itinéraire vers la vie religieuse ? Comment avez-vous reçu l’appel de Dieu et la vocation pour la vie consacrée ? »

30Si l’on s’intéresse dès à présent au contenu des entretiens et à l’explicitation de la vocation en tant que telle, c’est le sentiment d’une conviction profonde d’avoir reçu l’appel de Dieu dans des circonstances mémorables qui est exprimé à l’image.

Les caractéristiques du récit de vocation à l’image

31On remarque chez les dominicaines volontaires pour témoigner de cette expérience une certaine régularité dans la formulation de l’appel en question, caractérisée par le souvenir de moments clés tout le long de la trajectoire individuelle. La fréquentation des écoles confessionnelles et des réseaux de connaissances est systématiquement évoquée, car elle exerce, selon les moniales, une influence dans la maturation des idées et des convictions. Dans les discours, les religieuses décrivent l’élément déclencheur ou le changement de perception intérieure qui les a amenées à envisager un autre modèle de vie à plus ou moins long terme. Ce souvenir est toujours décrit et justifié par une séquence narrative. Bien que les religieuses ne soient pas accoutumées à la présence de la caméra, elles font preuve d’assurance devant l’objectif lorsqu’elles racontent cet épisode marquant, à l’instar des propos d’une religieuse qui m’explique que « c’est dans la fraîcheur de ses douze ans qu’elle a dit OUI sans trop savoir où cela la mènerait et (que) ce OUI de son adolescence, elle l’a gardé pendant toutes ses études ».

  • 28 Cette notion se réfère à l’explication qu’en fournit Annie Comolli : « Le cinéaste filme l’enquêté (...)

32Pour une autre religieuse, le changement s’est produit à seize ans, à l’occasion de la vision d’une scène marquante lors d’un pèlerinage. Cette déclaration est incarnée dans ses paroles par le recours à des itérations des termes « Dieu » ou « Seigneur » ainsi que par un autocommentaire autonome (Comolli, 1995a)28 dans la mesure où la religieuse retranscrit à l’oral ses pensées intérieures et la réactivation du souvenir de cet instant précis. Les propos tenus lorsqu’elle se remémore cet épisode devant l’objectif de la caméra s’adressent à un destinataire invisible sous forme d’une déclaration : « Seigneur, je me donne à toi, je veux être ton épouse ! ». Pour une autre religieuse, c’est le sacrement de la première communion à neuf ans qui a déclenché, selon ses mots, « le désir d’être au Seigneur et de l’aimer de façon exclusive, totale » et de poursuivre en expliquant ressentir « la reprise de ce désir de se donner au Seigneur au moment de la Confirmation à l’âge de quinze ans », une période où « elle apprit à fréquenter le Seigneur » où « elle s’est mise à prier chaque jour en cachette à l’heure du repas […] là où elle a rencontré le Seigneur de façon personnelle ».

33Dans la plupart des témoignages récoltés, c’est à l’adolescence que survient le premier appel, comme le raconte une autre moniale qui consent à accompagner une amie pour « un week-end de prière » et au retour se rappelle avoir fait « l’expérience du Seigneur, de sa présence, de son amour et de sa bonté ». Au cours de l’entretien, elle relate cet épisode avec des paroles de louange adressées directement à Dieu lorsqu’elle déclare : « je te rencontre dans la prière donc je te donne ma vie dans une vie de prière » et poursuit son récit en affirmant : « au lendemain de cette révélation, je n’ai plus bougé d’idée, ma vie serait une vie consacrée, religieuse ». Les sentiments exprimés par les dominicaines sur la manière de répondre à cet appel et d’assouvir ce désir irrépressible de s’engager dans la voie d’une vie consacrée sont ceux d’un basculement, d’un retrait volontaire hors de la société, d’une rupture voire d’un arrachement physique au monde. Cette expérience spirituelle peut s’exécuter dans un moment de crise, comme en témoigne la moniale qui nous explique qu’à l’âge de seize ans, elle s’interroge sur le mystère de la foi et va jusqu’à s’immerger dans une eau à douze degrés dans les piscines de Lourdes. Elle poursuit l’évocation de cette expérience en reprenant, devant la caméra le regard fixé sur l’objectif, la forme originelle de sa propre déclaration adressée à Dieu : « je veux te donner ma vie ! » suivie de paroles de prédication : « je veux annoncer la résurrection du Christ ! ».

Conclusion

34Les configurations méthodologiques qui ont jalonné les étapes de cette nouvelle expérience d’enquête filmique ont souligné tout ce qu’apporte de se laisser guider par le terrain. Elles m’ont permis de concilier mes ambitions de réalisation documentaire et les contingences du « principe de réalité ethnographique » sur lequel j’avais, au demeurant, peu d’emprise. La dynamique liée aux interactions multiples avec les religieuses, et leur implication active dans les deux projets de film ont nourri ma réflexion et m’ont fait évoluer et réorienter mes axes de travail. Si le tournage de séquences pour un film de commande d’un côté, et d’enregistrements très détaillés pour de nouvelles préoccupations de recherche de l’autre, semblaient au départ dichotomiques, l’alliance des deux approches sur le terrain constitue aujourd’hui un atout. Elle met au jour des éléments auxquels je n’avais pas songé dans ces termes et qui sans les suggestions des moniales auraient été éclipsés de mes documentaires de portée scientifique. L’adjonction d’éléments dépendants des impératifs d’une commande au cœur de mes problématiques de recherche ouvre des perspectives sur l’intérêt d’une collaboration encore plus étroite entre observateur et observé. En témoigne l’analyse des entretiens sur la vocation, conçus dans un tout autre dessein, et qui m’ont conduite à m’interroger sur les enjeux et les effets de la mise en scène de soi dans sa plus singulière traduction cinématographique.

Haut de page

Bibliographie

Barreau-Brouste Sophie, 2013, « Les images documentaires télévisuelles : objet et instrument de recherche sociologique », Sociologie de l’image, sociologie par l’image, 147, p. 66-71.

Barthes Roland, 1980, La chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Éditions de l’Étoile, Gallimard, Seuil, coll. « Cahiers du cinéma ».

Beaud Stéphane et Weber Florence, 2003, Guide de l’enquête de terrain. Produire et analyser des données ethnographiques, Paris, La Découverte, coll. « Grand repères. Guides ».

Cayeux Jean-Paul, 1988, Parloir, La SEPT, Les Films Aramis, la Vie et DRAC Normandie, 55 min.

Cayeux Jean-Paul, 1989, Parloir. Une vie régulière au Bec-Hellouin, Paris, Seghers.

Comolli Annie, 1995a, « La parole retrouvée ou l’autocommentaire et ses mises en scène », Xoana. Images et sciences sociales, 3, p. 99-113.

Comolli Annie, 1995b, Cinématographie des apprentissages. Fondements et stratégies, préface de J. Rouch, Paris, Éditions Arguments.

Conord Sylvaine, 2007, « Usages et fonctions de la photographie », Ethnologie française, 37, 1, p. 11-22.

Douyère David, 2015, « Les mutations communicationnelles du christianisme catholique au xxe siècle ». Hermès, La Revue, 71, 1, p. 225-235.

Escriva Amalia, 2009, Les Vigilantes, Le Jour du Seigneur, CFRT/France Télévisions/Les Films d’ici, 26 min.

France Claudine (de), 1989 [1982], Cinéma et anthropologie, Paris, Maison des Sciences de l’Homme.

France Claudine (de), 1994, « L’anthropologie filmique : une genèse difficile, mais prometteuse » in C. de France (dir.), Du film ethnographique à l’anthropologie filmique, Paris, Éditions des archives contemporaines, p. 5-41.

France Claudine (de), 2010 [1983], « L’Analyse praxéologique. Composition, ordre et articulation d’un procès », Techniques & Culture, 54-55, p. 223-241.

Hamus-Vallée Réjane, 2015, « Un film d’entretien est-il un film ? Ou comment un objet filmique particulier questionne les frontières du cinéma, les frontières de la sociologie », L’Année sociologique, 65, 1, p. 97-124.

Henley Paul, 2000, « Ethnographic film: Technology, practice and anthropological theory », Visual Anthropology, 13, 2, p. 207-226.

La Rocca Fabio, 2007, « Introduction à la sociologie visuelle », Sociétés, 95, 1, p. 33-40.

Lardy Caroline, 2004, Travail et vie monastique : enquête filmique dans un Carmel de France, Thèse de doctorat, Paris, Université Paris Nanterre, (publiée en 2004, Lille, l’Atelier national de reproduction des thèses, 310 p.). Référence 04PA010131 - supports des films associés à la thèse, accessibles à la BNF- Archives et manuscrits/Fonds Université de Nanterre - Films de recherche en anthropologie visuelle et cinéma documentaire : Lardy Caroline, 2001, Un Carmel en France, cote DONAUD1909-148.

Lardy Caroline et Ponsard Nathalie, 2021, « À la périphérie de l’usine des Ancizes, une enquête à la croisée de l’histoire orale et de l’anthropologie filmique », Le Mouvement Social, 274, 1, p. 95-117.

Lallier Christian, 2011, « L’observation filmante. Une catégorie de l’enquête ethnographique », L’Homme, 198-199, p. 105-130.

Laplantine François, 2007, « Penser en images », Ethnologie française, 37, 1, p. 47-56.

Leroi-Gourhan André, 1964-1965, Le Geste et la Parole. I, Technique et Langage. II, La Mémoire et les Rythmes, Paris, Albin Michel.

MacDougall David, 2004, « L’anthropologie visuelle et les chemins du savoir », traduit par A. Rotschi et C. Piault, Journal des anthropologues, 98-99, p. 279-333.

Nichols Bill, 2001, Introduction to Documentary, Bloomington, Indiana University Press.

Niney François, 2000, L’Épreuve du réel à l’écran. Essai sur le principe de réalité documentaire, Bruxelles, De Boeck Université.

Olivier de Sardan Jean-Pierre, 1995, « La politique du terrain », Enquête, 1, p. 71-109.

Olivier de Sardan Jean-Pierre, 2000, « Le “je” méthodologique. Implication et explicitation dans l’enquête de terrain », Revue française de sociologie, 41, 3.

Règle et constitutions des Moniales déchaussées de l’Ordre de la bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel : adaptées selon les directives du Concile Vatican II et les normes canoniques en vigueur approuvées par le Siège Apostolique en l’an 1991, 1991, Rome, s.n.

Souriau Étienne (dir.), 1953, L’univers filmique, Paris, Flammarion, coll. « Bibliothèque d’esthétique ».

Thérèse d’Avila (sainte), 1995, Chemin de perfection, in Œuvres complètes, Paris, Éditions du Cerf, p. 686-867.

Haut de page

Notes

1 Pour des raisons de confidentialité des informations, nous garderons l’anonymat des personnes et des lieux.

2 Autour d’un repas au Carmel, vidéo, coul., 32 min ; Essayage de l’habit, vidéo, coul., 12 min. ; La Cellule, Vidéo, coul., 4 min. ; La Lessive des robes, vidéo, coul., 33 min. ; Oraison, vidéo, coul., 16 min. ; Récréation, vidéo, coul., 22 min. ; Le Temps du pain partagé, vidéo, coul., 33 min.

3 Aussi appelées sœurs tourières ou hôtelières.

4 Cette volonté de communiquer par l’image au public coïncide avec ce qu’analyse le chercheur David Douyère à propos des mutations à l’œuvre dans le milieu catholique. « D’autres lignes d’action marquent évidemment fortement la communication chrétienne catholique au xxe siècle, comme […] l’appropriation technique précoce de l’informatique […], le souci d’un renouvellement du langage de la transmission de la foi par la mobilisation de l’audiovisuel et du multimédia dans la catéchèse auprès des jeunes […]. Les religions font donc au xxe siècle la rencontre de la communication, à la fois dans ses dispositifs techniques, dans la conception du débat public et du travail discursif, dans la prise de conscience de la question de la visibilité et du témoignage, confrontées soit à la nécessité d’une rénovation de leur discours, pour le rendre un peu conforme à ceux de la modernité tardive […] » (Douyère, 2015 : 232).

5 Dans Les Constitutions de Thérèse d’Avila, on retrouve les préceptes sur le silence et la solitude : « […] Il est très utile de n’être ensemble et de ne se parler qu’aux heures dites, selon l’usage qui s’observe à présent parmi nous de ne pas s’assembler, mais de se tenir séparément, chacune dans sa cellule, comme la Règle l’ordonne. Affranchissez-vous, dans ce monastère de Saint-Joseph, de l’habitude d’avoir une salle de travail. Cette habitude est louable, mais il est plus facile de garder le silence quand chacune reste chez soi. De plus, c’est une grande chose pour l’Oraison que de s’habituer à la solitude, et comme la vie d’oraison doit être fondamentale dans ce monastère, il faut faire tous nos efforts pour nous attacher à ce qui la favorise » (Thérèse d’Avila, 1995 : 714).

6 Dans le premier monastère, il existait un film réalisé par un cinéaste amateur proche de la communauté, mais qui nécessitait d’être actualisé au regard de la composition de la communauté avec de nouvelles sœurs professes et des travaux d’extension de certains espaces de travail.

7 Le récit d’une étude conduite entre 2016 et 2022 dans le secteur usinier de la métallurgie quant aux nombreuses difficultés d’accès aux sources et aux données est exposé dans Lardy et Ponsard, 2021.

8 « Notion essentielle en cinématographie documentaire, qui désigne les diverses manières dont le procès observé se présente de lui-même au cinéaste dans l’espace et dans le temps. Il s’agit d’une mise en scène propre, autonome, en vertu de laquelle les personnes filmées montrent de façon plus ou moins ostensible, ou dissimulent à autrui, leurs actes et les choses qui les entourent, au cours des activités corporelles, matérielles et rituelles. L’auto-mise en scène est inhérente à tout procès observé. Aussi ne doit-elle pas être confondue avec l’auto-soulignement, qui n’en est qu’une forme particulière » (France, 1989 : 367).

9 « Chaîne. Notion d’ordre logico-scénographique désignant des manifestations du procès filmé relatives à son articulation interne, qui s’observent aussi bien dans l’espace que dans le temps. En effet, la chaîne spatiale résulte d’une relation de contiguïté non seulement manifeste (scénographie), mais nécessaire (logique), pour des raisons d’ordre physique ou rituel, entre des éléments du procès (agents, dispositif) ; la chaîne temporelle de son côté consiste en une relation de consécution immédiate, également nécessaire (ou obligée), entre des phases successives de l’activité (gestes, opérations) des agents engagés dans le procès. La notion de chaîne temporelle est directement héritée de celle de “chaîne opératoire” créée par A. Leroi-Gourhan (1965) […] » praxéologique (Ibid. : 368).

10 « C’est ainsi qu’aux chaînes temporelles semblent correspondre des chaînes spatiales, les jonctions ou consécutions nécessaires entre les actions (temps) ayant pour pendant des jonctions ou contiguïtés également nécessaires entre les éléments de l’action (espace) : corps, instruments, objets » (France, 2010 : 229).

11 Cette notion d’angle de prises de vue fait référence aux relations d’orientation entre la caméra et les personnes filmées (plongée, contre-plongée, angle plat).

12 Les cadrages, valeurs de plan ou échelles de plan renvoient à tout qui a trait aux relations de distance entre la caméra et les personnes filmées (plan d’ensemble, demi-ensemble, américain, rapproché, gros plans, très gros plans, etc.).

13 Il m’arrivait d’être hébergée à l’hôtellerie et de partager les repas avec les retraitants et les aumôniers, entre autres.

14 Seules les religieuses professes étaient autorisées à témoigner. La prieure ne souhaitait pas que les postulantes ou les novices participent aux entretiens.

15 En prenant appui sur les neuf manières de prier de Saint Dominique.

16 Les deux films de commande ont une durée de 30 à 40 minutes environ.

17 Il faut noter que seule une minorité de religieuses a accepté de témoigner tant pour les récits de vocation que pour les autres thématiques.

18 J’ai utilisé ces deux entretiens pour mes propres travaux.

19 La durée moyenne des entretiens est de 40 minutes à 1h voire 1h30.

20 Cette idée fait référence à la notion de « profilmie » ou spectrum selon Souriau, 1953 et Barthes, 1980.

21 Film de 55 minutes produit et diffusé en 1989 pour l’émission Océaniques de la SEPT, faite de débats d’idées et de thèmes variés autour de faits de société et de personnalités du monde intellectuel et artistique.

22 Dans le prolongement de ce constat, on peut s’appuyer sur la réflexion de Sophie Barreau-Brouste au sujet des normes cathodiques et de « la nature même du médium “télévision” qui impose des conventions de production, inconnues au cinéma, auxquelles les professionnels doivent adapter leurs projets […] alors que dans le cadre “des normes cinématographiques […] le documentaire d’auteur se caractérise par le regard personnel du réalisateur sur un sujet donné” » (Barreau-Brouste, 2013 : 68-69).

23 Composé d’une dizaine de collaborateurs techniques opérateurs de prises de vues, directeur de photographie, ingénieur du son, maquilleur, etc.

24 Au Carmel, je n’ai jamais réalisé d’entretien filmé. J’étais juste autorisée à enregistrer les propos des carmélites sous forme audio.

25 Les moniales respectent la règle du silence dans les différentes parties du cloître. Dans ce contexte, les parloirs constituent des lieux opportuns pour recevoir les familles ou toute personne souhaitant discuter avec un membre de la communauté.

26 En prenant en compte l’atmosphère sonore générale au monastère baigné de silence, il semblait logique de rester fidèle aux conditions qui préexistaient à mon incursion et de m’appuyer sur leur spécificité.

27 Le film d’une durée de 26 minutes est formaté pour la télévision et centré sur la foi et l’engagement dans la vie monastique avec des entretiens. Il a été tourné dans l’abbaye cistercienne La Joie-Notre-Dame de Campénéac. Le film est produit par le Comité français radio-télévision (CFRT) et Les films d’ici pour l’émission de France TV, Le Jour du Seigneur.

28 Cette notion se réfère à l’explication qu’en fournit Annie Comolli : « Le cinéaste filme l’enquêté dans son action commentante ; ce dernier énonce son commentaire directement sur l’image, au moment même où il est filmé » (Comolli, 1995a : 107).

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films sur la prière d’oraison montrant des exemples de valeurs de cadre en plan rapproché à angle plat et en plongée.
Légende Crédit : Caroline Lardy et Sandra Berthelot
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/76429/img-1.png
Fichier image/png, 83k
Titre Figure 2. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films sur la prière d’oraison montrant des exemples de valeurs de cadre en plan rapproché à angle plat et en plongée.
Crédits Crédit : Caroline Lardy et Sandra Berthelot
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/76429/img-2.png
Fichier image/png, 50k
Titre Figure 3. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films montrant différents lieux de tournage dans les deux monastères étudiés.
Crédits Crédits : Caroline Lardy et Sandra Berthelot
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/76429/img-3.png
Fichier image/png, 150k
Titre Figure 4. Croquis réalisé à partir des photogrammes des films montrant différents lieux de tournage dans les deux monastères étudiés.
Crédits Crédits : Caroline Lardy et Sandra Berthelot
URL http://journals.openedition.org/assr/docannexe/image/76429/img-4.png
Fichier image/png, 69k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Caroline Lardy, « Filmer au monastère. Méthodes et pratiques », Archives de sciences sociales des religions, 208 | 2024, 37-56.

Référence électronique

Caroline Lardy, « Filmer au monastère. Méthodes et pratiques », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 208 | 2024, mis en ligne le 01 février 2025, consulté le 15 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/assr/76429 ; DOI : https://doi.org/10.4000/138sy

Haut de page

Auteur

Caroline Lardy

Centre d'Histoire "Espaces et Cultures" (CHEC)

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
  • Logo Éditions de l’EHESS
  • Logo CNRS - Institut des sciences humaines et sociales
  • OpenEdition Journals
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search