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Notes critiques

Du sacerdoce à l’édition

From priesthood to publishing
Del sacerdocio a la edición
Étienne Fouilloux
p. 75-82
Référence(s) :

Ageneau Robert, De Spiritus à Karthala. Mémoires d’un éditeur de l’ombre, Paris, Karthala, 2023, 306 p.

Paul André, Paysan de la rive droite : 1933-2023, la mordante chronique d’un théologien libre, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Patrimoines », 2023, 297 p.

Rolland Denis, Histoire de L’Harmattan. Genèse d’un éditeur au carrefour des cultures (1939-1980), préfaces de J.-F. Sirinelli et de J.-Y. Mollier, Paris, L’Harmattan, 2022, 444 p.

Texte intégral

  • 1 Pour la période précédente, voir Gugelot, 2016.
  • 2 Notons qu’André Paul consacre un développement à « l’époque des “défroqués” aux destins contrastés  (...)

1Entre 1960 et 1975, plusieurs milliers de prêtres, de religieux, et de religieuses – trop souvent oubliées dans les statistiques – ont quitté volontairement le clergé français. Il s’agit de sa plus grosse hémorragie depuis la décennie révolutionnaire 1789-1799. Le phénomène, pourtant massif, a peu retenu l’attention des sociologues et des historiens1. On compte tout juste deux essais à chaud du prêtre et sociologue Julien Potel (Potel, 1977, 1986) et quelques pages suggestives de l’historienne Martine Sevegrand dans son livre (Sevegrand, 2004) sur la facette cléricale de la « crise catholique » (Pelletier, 2002), avant la mise au point bienvenue d’Yvon Tranvouez sur le cas de six curés bretons (Tranvouez, 2021) ou celle de Yann Raison du Cleuziou sur les Dominicains de la province de France (Raison du Cleuziou, 2022). Rien de comparable cependant à l’enquête exhaustive de Jean-Paul Willaime sur les ex-pasteurs, moins nombreux il est vrai (Willaime, 1979). À défaut d’une étude d’ensemble qui restituerait toute sa dimension au phénomène, on ne dispose que d’écrits à caractère autobiographique dont le nombre diminue à mesure du vieillissement et de la disparition des intéressé·es2.

  • 3 Elle est complétée par un volume de documents L’Harmattan, matériaux pour l’histoire d’un éditeur, (...)

2La plupart de ceux – et surtout de celles – qui sont sortis du clergé ont refait leur vie dans un anonymat peu propice au travail historique ou sociologique, si bien que l’on est parfois surpris de découvrir un passage par « les ordres » dans leur nécrologie. Pas d’anonymat en revanche dans le cas de certains des partants les plus titrés, qui n’étaient déjà pas des inconnus avant leur départ. Au terme d’une vie bien remplie, après la rupture comme avant celle-ci, ils écrivent ou font écrire des Mémoires qui en disent long, non seulement sur leur propre parcours, mais sur celui de nombre de leurs confrères ou consœurs et, plus largement, sur cet épisode marquant de la crise récente de l’Église catholique en France, qui fut au premier chef une crise du clergé. L’actualité éditoriale fournit ainsi trois ouvrages de grand intérêt sur trois prêtres ou religieux qui ont fait carrière dans l’édition après leur départ : les Mémoires de Robert Ageneau et d’André Paul et le livre de l’historien Denis Rolland, qui est en fait une biographie de Denis Pryen, nourrie par ses souvenirs3.

3Outre un même choix professionnel tardif, bien des traits rapprochent les trois hommes. Nés en 1933 (André Paul), 1938 (Robert Ageneau) et 1939 (Denis Pryen), ils appartiennent à la même génération, marquée par la Seconde Guerre mondiale et ses suites (le père de Robert Ageneau fut prisonnier en Allemagne). Tous trois ont vécu leur enfance dans un monde rural à l’ancienne encore proche du xixe siècle, entre petite exploitation familiale et salariat agricole. Ils sont en effet les rejetons de familles nombreuses modestes dans des chrétientés rurales de la périphérie de l’Hexagone encore peu touchées par la modernisation : le pays du Comminges pyrénéen pour André Paul, la Vendée militaire pour Robert Ageneau et la Flandre française pour Denis Pryen. Le français n’est donc pas leur langue maternelle, mais une langue apprise à l’école : dans leur famille on parlait plutôt le gascon (André Paul), un patois vendéen (Robert Ageneau) ou le chtimi (Denis Pryen). Alors que Denis Pryen a fait toute sa scolarité à l’école catholique, André Paul et Robert Ageneau ont d’abord fréquenté l’école primaire de leur village avant de rejoindre, comme leur cadet, une filière cléricale pour la suite de leur scolarité.

  • 4 Pour Denis Pryen, nous suivons sa fiche aux archives spiritaines, communiquée par Paul Coulon, que (...)

4Dans leurs familles très attachées au catholicisme, le sacerdoce était un honneur autant qu’une voie de promotion culturelle et sociale pour de bons élèves auxquels elles étaient incapables de payer des études longues. André Paul et Denis Pryen avaient d’ailleurs un oncle prêtre. Dès la sixième tous les trois ont donc intégré l’internat du petit séminaire de leur diocèse (Montréjeau pour André Paul, Chavagnes-en-Paillers pour Robert Ageneau et Hazebrouck pour Denis Pryen), quitte à revenir aider leurs parents pendant les vacances pour les travaux des champs. Dans l’atmosphère assez rude que restitue André Paul pour Montréjeau, ils y ont acquis, jusqu’au baccalauréat, une culture classique étrangère à leur milieu d’origine et une vocation religieuse qui, tout en gommant leur écart d’âge, les différencie quelque peu. Déjà promis à l’enseignement, André Paul entre au séminaire universitaire de Toulouse (pas au grand séminaire), et commence ses études de théologie à l’Institut catholique de la ville rose en 1957, après trois ans de service militaire en Allemagne et au Maroc. Des vocations missionnaires, précoce pour Denis Pryen et accidentelle pour Robert Ageneau, conduisent ceux-ci au noviciat et au scolasticat des Pères du Saint-Esprit en 1956 et 1957 respectivement4, puis au scolasticat et enfin au séminaire français de Rome tenu par les Spiritains pour leurs études de philosophie à l’Université grégorienne, affectation prestigieuse qui témoigne des espoirs mis en eux. André Paul est ordonné prêtre en décembre 1960 ; et les deux spiritains peu avant la fin de leurs études romaines de théologie : Denis Pryen en septembre 1965, et non en 1962 comme l’indique par erreur Denis Rolland, avec une grande fête à Bois-Grenier, village où vit sa famille, près d’Armentières ; Robert Ageneau en juillet 1966. Tous trois ont été de bons élèves, tôt repérés pour leurs qualités intellectuelles et donc promis à des tâches d’enseignement ou de direction plutôt qu’au simple ministère paroissial ou missionnaire. André Paul n’est vicaire qu’un an avant d’entrer dans la Compagnie de Saint-Sulpice et de se spécialiser en exégèse à l’Institut catholique de Paris (1961-1963), puis à l’Institut biblique de Rome, proche de l’Université grégorienne (1963-1965). Il a donc pu croiser à Rome Denis Pryen et Robert Ageneau qui sont arrivés à la Grégorienne en 1962 et 1963 pour leurs propres études supérieures de théologie.

5En 1965-1967, au terme de ce parcours d’excellence, ces jeunes diplômés en sciences sacrées sont donc prêts pour les tâches d’encadrement auxquelles ils ont été destinés. Cependant, dix ans plus tard, tous trois ont pris leurs distances avec le sacerdoce et sont en rupture plus ou moins nette avec l’institution ecclésiale. Que s’est-il donc passé au cours de cette décennie décisive pour eux, mais aussi pour nombre de leurs confrères et consœurs ? Rien ne permettait de prévoir une telle évolution. Certes, la longue coupure du service militaire a pu constituer un choc difficile à digérer, les faisant sortir brutalement du moule clérical – hors de la métropole pour deux d’entre eux et dans les convulsions de l’indépendance algérienne, à Oran en 1962, pour Denis Pryen. Certes leurs studieuses « vacances romaines » ont pu avoir un caractère ambivalent. D’un côté, elles les ont plongés de manière exaltante au cœur d’une Église en état de concile ; de l’autre, elles leur ont fait toucher du doigt des manœuvres et des intrigues qui les ont conduits à douter de sa capacité à se réformer vraiment. Leurs longues études les ont de plus dotés d’un capital culturel qui les met en porte-à-faux avec leur milieu d’origine tout en leur fournissant des outils critiques qu’ils peuvent retourner contre l’Église à laquelle ils doivent leur promotion. Mais il ne s’agit encore que de virtualités en 1965-1967. C’est bel et bien le choc avec le réel lors d’une première affectation qui leur permet de se développer, en créant un écart qui ira grandissant entre la radicalité des projets des trois clercs et les fonctions qui leur sont assignées.

6En 1965, André Paul est nommé professeur d’Écriture sainte au séminaire régional d’Albi, séminaire de premier cycle pour les diocèses environnants. Le nouveau promu se sent plus proche de ses élèves que de collègues plus âgés dont il entreprend de secouer la routine de deux manières différentes : en instaurant un rapport moins rigide entre professeurs et élèves, par la suppression du cours magistral notamment ; en délivrant un enseignement de type universitaire ouvert aux nouvelles voies de la recherche exégétique. Ce double non-conformisme prête vite le flanc à des critiques qui font du jeune professeur un « nouvel Alfaric », nom d’un de ses prédécesseurs devenu champion de la Libre Pensée. Il est muté à Paris en 1969, d’abord au grand séminaire d’Issy-les-Moulineaux puis à l’Institut catholique de Paris où les adversaires de ses positions exégétiques l’empêchent de vraiment s’intégrer. Aussi accepte-t-il en 1972 un poste d’« attaché à la direction littéraire » de la maison d’édition catholique Desclée et Cie qui lui donne, pour la première fois de son existence, une indépendance financière. Il quitte en 1973 son logement clérical pour un appartement « en ville ». Constatant alors qu’il n’a plus de véritable activité sacerdotale, il demande sa réduction à l’état laïc, qu’il obtient en 1977, et se marie. Le départ d’André Paul ne fait pas de vagues, car il ne s’est pas illustré dans la contestation consécutive au mouvement du printemps 1968, malgré une proximité conjoncturelle avec des intellectuels communistes. En revanche ses Mémoires fournissent un témoignage saisissant sur les « années de grâce folles » (chapitre VII) que furent, dans certains milieux cléricaux brusquement ouverts à toutes les modes intellectuelles, les années 1970. Non sans humour, il dit ne plus comprendre aujourd’hui ce qu’il écrivait alors dans un jargon mâtiné de sciences humaines.

7Après un an sans affection précise à Dakar, où Pierre Fougeyrollas et Louis-Vincent Thomas l’initient aux sciences humaines, Denis Pryen est nommé en 1967 administrateur de la revue Spiritus, d’origine spiritaine, mais portée par plusieurs congrégations missionnaires. Il y est rejoint en 1969 par Robert Ageneau, nommé directeur de la revue, qui enseignait auparavant la théologie à la Catho de Paris et au scolasticat spiritain de Chevilly-Larue, dans le Val-de-Marne. Le tandem Ageneau-Pryen donne à Spiritus un lustre nouveau, mais dans un sens de plus en plus protestataire. Ils s’impliquent aussi personnellement dans le mouvement des communautés de base de la région parisienne. Après un dernier livre à quatre mains dans lequel ils contestent, en 1974, l’existence même de la mission, leur mandat à la tête la revue n’est pas renouvelé. Alors que le départ silencieux d’André Paul n’a pas défrayé la chronique, la crise de Spiritus fait un certain bruit. Robert Ageneau et Denis Pryen ayant renoncé, eux aussi, à leurs activités sacerdotales, ils doivent se reconvertir.

8Dans le cas d’André Paul comme dans celui des deux Spiritains, la cause majeure de leur sortie de l’état clérical est donc d’ordre proprement idéologique : une contradiction évidente entre les tâches qui leur sont assignées – former des prêtres ou soutenir les missions – et leur critique radicale du sacerdoce ou de la mission dans leur acception classique, bien qu’en cours d’évolution conciliaire. Leur cas est le plus visible d’une hémorragie cléricale multiforme : celui de prêtres ou de religieux dotés d’une bonne formation universitaire et détenteurs de positions de responsabilité au sein de l’institution, mais promoteurs de réformes si profondes qu’elles sont inacceptables par celle-ci. Les changements liturgiques et monastiques opérés à l’abbaye de Boquen conduisent de la même manière Dom Bernard Besret à la rupture (Lebel, 2015). La recherche d’une stabilité économique ou la vie en couple, avec ou sans mariage, viendront après, sans demande de réduction à l’état laïc pour les deux religieux. Robert Ageneau est radié de sa congrégation après s’être marié civilement en 1976.

9Ageneau et Pryen ont acquis sur le tas, à la direction de Spiritus, une compétence éditoriale et un carnet d’adresses. Aussi sensibles au sort de l’Afrique que leur congrégation d’origine, ils ont l’idée de fonder une entreprise qui leur permettrait de valoriser cet acquis et d’assurer leur subsistance. C’est ainsi que naît en 1975 L’Harmattan, nom d’un vent du Sahel, tout à la fois librairie tenue par Denis Pryen avec sa compagne Odile Chartier, et maison d’édition aux bons soins de Robert Ageneau. L’Harmattan maintient un temps des liens forts avec la contestation catholique, en publiant par exemple le volume des textes du mouvement de déclergification « Échanges et dialogue ». Mais son orientation tiers-mondiste ne tarde pas à prendre le dessus. La maison s’engage résolument aux côtés de plusieurs mouvements tardifs de décolonisation ou d’émancipation nationale, au Timor oriental sous domination indonésienne ou au Sahara occidental sous domination marocaine, notamment.

10Cependant, des rivalités de personnes s’ajoutent à un différend sur le fond et provoquent la rupture entre les deux fondateurs. Denis Pryen mise sur la librairie, qui devient la meilleure à Paris pour tout ce qui concerne le tiers-monde, alors que Robert Ageneau, plus éditeur que libraire, regrette le manque de professionnalisme de la maison dans son secteur. Le désaccord s’envenime et finit devant les tribunaux en 1980, ce qui explique que Rolland-Pryen et Ageneau n’en donnent pas la même version dans leurs souvenirs. Denis Pryen conserve la raison sociale L’Harmattan et la librairie dont le succès permet la publication d’une foule de manuscrits sur lesquels l’éditeur intervient le moins possible. Ainsi L’Harmattan devient-il le premier éditeur français en sciences humaines et la providence d’auteurs de thèses en mal de publication. Au terme du processus, l’origine religieuse de la maison a quasiment disparu. Robert Ageneau, de son côté, fonde la maison d’édition Karthala, du nom d’un volcan comorien, qui conserve une vraie spécialité africaine et malgache, avec des publications moins nombreuses, moins directement engagées aussi, mais mieux éditées, du fait de la recherche systématique d’une couverture universitaire et des subventions qui vont avec. Au fil du temps, L’Harmattan suivra le même chemin. Le filon de la contestation catholique est mieux préservé chez Karthala grâce au long compagnonnage de Robert Ageneau avec l’oratorien Robert Dumont pour ses collections de témoignages et d’études sur les prêtres-ouvriers, puis sur les prêtres français Fidei donum en Amérique latine et sur la théologie de la libération. Alors que Denis Pryen semble fort éloigné de ses attaches religieuses, Robert Ageneau donne sur le tard un second souffle à sa recherche d’un christianisme libéral, tel qu’il le trouve chez l’évêque épiscopalien américain John Shelby Spong, lointain écho de son réformisme radical d’origine.

11André Paul, pour sa part, mène de front une double carrière. Une carrière d’éditeur de plus en plus importante chez Desclée et Cie, jusqu’au titre de directeur littéraire, puis de directeur tout court. Dans ces fonctions, qui ne l’écartent guère de son enracinement catholique, il mène à bien des entreprises éditoriales du poids et de la qualité de l’Histoire du christianisme en treize volumes, largement due à la génération d’historiens formés au groupe dit de la Bussière, ou la collection de théologie « Jésus et Jésus-Christ » avec le sulpicien Joseph Doré, futur évêque de Strasbourg, qu’il a rencontré à Rome. André Paul mène conjointement une carrière d’exégète « free lance » sur le christianisme naissant et son rapport au judaïsme : docteur en théologie à la Catho de Paris en 1966 pour une thèse sur le karaïsme et docteur d’État en histoire, en 1978, sous la direction de l’historien marxiste Pierre Lévêque. Sa profession d’éditeur lui évite de briguer un poste dans l’Université qui se refuserait à lui, mais pas de travailler. Il se fait connaître notamment par le bulletin sur le judaïsme ancien qu’il donne durant cinquante ans aux Recherches de science religieuse jésuites (1972-2021), et par plusieurs livres qui ne craignent pas la polémique. Il poursuit cette activité, après sa retraite d’éditeur prise en 1998, par des séries de conférences qui nourrissent ensuite ses volumes.

  • 5 Le cas de Charles Ehlinger (1927-2020) est différent, car il n’était plus directeur des éditions du (...)

12Tous trois devenus éditeurs, bien que dans des secteurs différents, André Paul, Robert Ageneau et Denis Pryen ont dû se croiser, à l’occasion de salons littéraires ou de réunions corporatives. On est curieux de savoir ce qu’ils ont pu se dire… Ont-ils évoqué leurs parcours qui se recoupent sur bien des points, souvenirs romains au temps du concile Vatican II, par exemple, ou bien choix professionnels ? De façon assez logique, André Paul qui est le seul à avoir mis sa situation canonique en règle avec l’institution, par une réduction à l’état laïc, est aussi le seul à travailler, sinon à son service, du moins dans une maison d’édition catholique. Désormais bien documenté, leur cas n’est pas isolé. D’autres prêtres aux marges de l’Église ou en rupture avec elle ont eux aussi fait une carrière d’éditeurs : Jean Puyo, maître d’œuvre de l’encyclopédie 2 000 ans de christianisme ou de grands entretiens avec des personnalités chrétiennes aux éditions du Centurion. Et Jean Grosjean, Jean Sulivan, voire Jean-Claude Barreau ou Maurice Bellet, qui ont complété leurs droits d’auteurs par des directions de collection, chez divers éditeurs5.

13Est-il iconoclaste de se demander in fine ce que l’Église a perdu dans l’aventure ? L’État commence bien à se préoccuper du « pantouflage » vers le secteur privé de hauts fonctionnaires formés dans ses Grandes Écoles. L’évaluation du manque à gagner occasionné par le départ du clergé d’une partie de ses futurs cadres ne semble guère avoir troublé les évêques ni les supérieurs religieux, du moins publiquement. D’éminents représentants de la « génération Jean-Paul II » ont même affirmé, mezza voce, que ces départs étaient un bon débarras et qu’il n’y en avait pas encore assez. Une telle réaction est compréhensible, mais un peu courte. Dans une logique comptable, étrangère à l’Église, on peut dire que le rapport sur investissement est meilleur dans le cas d’André Paul, éditeur chez Desclée et Cie, que dans celui des deux anciens Spiritains, Denis Pryen surtout. De tels départs, joints au tarissement des vocations, ont sensiblement réduit, en quantité et en qualité, le vivier des responsables ecclésiaux potentiels, et ont obligé à les chercher de plus en plus dans les ordres religieux ou dans les « communautés nouvelles », ce qui n’est pas sans effet sur la physionomie actuelle du catholicisme français et sur ses choix.

14La littérature et l’édition ne sont qu’une des voies de sortie de la prêtrise et de la vie religieuse au cours des années 1970. Elle est sans doute moins fréquente que le soin aux personnes en difficulté, l’enseignement privé ou le travail social, mais elle est riche de leçons sur le marasme du clergé français au temps de la « crise catholique ».

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Bibliographie

Gugelot Frédéric, 2016, « Edmond Ortigues et les clercs sortis d’Église dans les années 1950 », Archives de sciences sociales des religions, 173, p. 33-49.

Lebel Béatrice, 2015, Boquen entre utopie et révolution, 1965-1976, préface d’É. Fouilloux, postface de B. Besret, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Pelletier Denis, 2002, La crise catholique. Religion, société, politique en France (1965-1978), Paris, Payot.

Potel Julien, 1977, Les prêtres séculiers en France. Évolution de 1965 à 1975, Paris, Le Centurion.

Potel Julien, 1986, Ils se sont mariés, et après ? Essai sur les prêtres mariés, Paris, L’Harmattan.

Sevegrand Martine, 2004, Vers une Église sans prêtres. La crise du clergé séculier en France (1945-1978), Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Tranvouez Yvon, 2021, « Distanciations et départs dans le clergé », in Y. Tranvouez, L’ivresse et le vertige. Vatican II, le moment 68 et la crise catholique, Paris, Desclée de Brouwer, p. 299-322.

Raison du Cleuziou Yann, 2022, « Les répertoires de gouvernement des religieux éprouvés par la “tentation” amoureuse », in O. Fillieule, C. Leclercq et R. Lefebvre (dir.), Le malheur militant, Louvain-la-Neuve, Paris, De Boeck Supérieur, 2022, p. 235-254.

Willaime Jean-Paul, 1979, Les Ex-Pasteurs. Les départs de pasteurs de 1950 à 1975, résultats d’une enquête entreprise en 1975-1976, introduction par R. Mehl, Strasbourg, Centre de sociologie du protestantisme.

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Notes

1 Pour la période précédente, voir Gugelot, 2016.

2 Notons qu’André Paul consacre un développement à « l’époque des “défroqués” aux destins contrastés » (Paul, 2023 : 199-207).

3 Elle est complétée par un volume de documents L’Harmattan, matériaux pour l’histoire d’un éditeur, 1962-1980, Paris, L’Harmattan, 2022.

4 Pour Denis Pryen, nous suivons sa fiche aux archives spiritaines, communiquée par Paul Coulon, que nous remercions vivement, plutôt que les indications confuses ou erronées fournies par Denis Rolland (p. 49-51).

5 Le cas de Charles Ehlinger (1927-2020) est différent, car il n’était plus directeur des éditions du Centurion quand il a quitté la congrégation des Augustins de l’Assomption.

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Pour citer cet article

Référence papier

Étienne Fouilloux, « Du sacerdoce à l’édition », Archives de sciences sociales des religions, 208 | 2024, 75-82.

Référence électronique

Étienne Fouilloux, « Du sacerdoce à l’édition », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 208 | 2024, mis en ligne le 01 février 2025, consulté le 15 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/assr/76447 ; DOI : https://doi.org/10.4000/138sz

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Auteur

Étienne Fouilloux

LARHRA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes)

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Droits d’auteur

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