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Comptes rendus

Joachim Bouflet, Impostures mystiques

Paris, Éditions du Cerf, 2023, 389 p.
Étienne Fouilloux
p. 193-194
Référence(s) :

Joachim Bouflet, Impostures mystiques, Paris, Éditions du Cerf, 2023, 389 p.

Texte intégral

1Terme accusateur, « imposture » ne fait pas partie du vocabulaire des sciences sociales du religieux. Celles-ci constatent l’existence de phénomènes qui se disent ou qu’on dit mystiques et se limitent à en rendre compte avec leurs méthodes spécifiques, sans faire de distinction entre eux, et ce au nom d’une orthodoxie ou d’une orthopraxie qui leur sont tout aussi étrangères. Elles ont ainsi élaboré leur propre discours sur la mystique que Joachim Bouflet connaît sans doute, mais auquel il ne se réfère pas ici. Tel n’est pas son but. Son livre, aux apparences de répertoire érudit, est en fait un combat contre la multiplication, sous nos yeux, de visions ou d’apparitions jugées frauduleuses par le Magistère catholique. L’auteur, spécialiste de ce genre de phénomènes et collaborateur de la Congrégation romaine pour la cause des saints, se retranche derrière les décisions du Magistère et une impressionnante érudition pour alerter le lecteur sur quelques-unes des « fraudes mystiques » contemporaines. Alors qu’on s’attendrait à les trouver dans l’introduction, les critères du tri entre l’ivraie de ces « fraudes » et le bon grain de la « saine mystique » sont fournis dans la conclusion : d’abord, le mensonge ou la « falsification de phénomènes extraordinaires » relativement faciles à déceler objectivement, mais aussi la « désobéissance à l’autorité ecclésiastique légitime » ou la non-conformité à la « saine doctrine » de l’Église (citations p. 384). Armé de ces critères, Joachim Bouflet passe en revue vingt cas récents, après avoir rapidement montré l’existence de telles « fraudes » dans l’histoire de l’Église depuis ses origines. Douze concernent des femmes et huit des hommes. Treize se situent en Europe, dont trois en France et trois en Italie, et sept dans les autres continents, dont deux aux États-Unis et un au Canada. La plupart ne donnent lieu qu’à des notices de quelques pages documentées par une bibliographie minimale.

2Quatre cas font au contraire l’objet d’examens approfondis, sans que ce choix soit justifié. On suppose que ce sont ceux qui sont jugés les plus dangereux du fait de leur rayonnement. Il s’agit de Marie-Paule Giguère (1921-2015) au Canada, mais surtout de l’Italienne Maria Valtorta (1897-1961), à laquelle sont consacrées trente pages, et de deux des protagonistes des « apparitions » de Međugorje en Bosnie-Herzégovine, l’ex-franciscain Tomislav Vlašic (né en 1942) et l’une des « voyantes », Vicka Ivanković-Mijatović (née en 1964), dont le procès s’étend sur plus de quatre-vingt-dix pages. À eux quatre, ils représentent plus de 40 % de l’ouvrage. On comprend vite que l’auteur, adversaire déclaré de Maria Valtorta et du mouvement né autour d’elle, ainsi que des « apparitions » de Međugorje, y poursuit contre leurs thuriféraires, l’abbé René Laurentin notamment, et avec un luxe de précisions documentaires, le combat commencé ailleurs. Il est relativement aisé à mener contre Maria Valtorta dont le « cinquième Évangile » a été mis à l’Index en 1960 et à laquelle Bouflet refuse l’ouverture d’un procès en béatification ; mais surtout contre Tomislav Vlašic, l’un des premiers tuteurs des « voyants » de Međugorje, du fait de ses errements ultérieurs ; plus difficile à l’encontre de la « voyante » Vicka malgré ses multiples affabulations et repentirs. Le fait que des autorités théologiques comme le servite Gabriele Maria Roschini, le père Hans Urs von Balthasar ou Mgr Petrus Canisius van Lierde se soient laissés un temps séduire complique le tableau. Si le cas de la « stigmatisée » française Marthe Robin n’est pas traité en soi, la polémique récente autour d’elle plane sur tout le livre, de la première à la dernière page. Joachim Bouflet ne l’accuse pas formellement de « fraude », mais il s’interroge manifestement sur son cas au point d’en suggérer un nouvel examen, quitte à ce que sa cause de béatification soit « abandonnée » (p. 386).

3Répétons que le travail des sciences sociales du religieux se situe sur un tout autre plan. Elles pourront cependant utiliser le volume de Joachim Bouflet comme une source particulièrement bien informée, sans pour autant prendre parti dans des combats ecclésiaux qui ne sont pas les siens.

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Pour citer cet article

Référence papier

Étienne Fouilloux, « Joachim Bouflet, Impostures mystiques », Archives de sciences sociales des religions, 208 | 2024, 193-194.

Référence électronique

Étienne Fouilloux, « Joachim Bouflet, Impostures mystiques », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 208 | 2024, mis en ligne le 01 février 2025, consulté le 14 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/assr/76663 ; DOI : https://doi.org/10.4000/138tf

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Auteur

Étienne Fouilloux

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