Cécile Vanderpelen-Diagre, Des voix dans le siècle. Culture et engagement catholique en Belgique francophone depuis 1945
Cécile Vanderpelen-Diagre, Des voix dans le siècle. Culture et engagement catholique en Belgique francophone depuis 1945, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2023, 142 p.
Texte intégral
1Issu d’un remaniement en profondeur de textes antérieurs, ce petit livre rédigé en écriture inclusive ne manque pas d’ambition. Cécile Vanderpelen-Diagre, qui enseigne l’histoire contemporaine à l’Université Libre de Bruxelles, y entreprend en effet de montrer comment des intellectuels catholiques ont contribué à la transformation culturelle de la Belgique de langue française au cours de la seconde moitié du xxe siècle en abandonnant la posture principalement défensive qui était la leur auparavant et en acceptant de jouer le jeu pluraliste de la modernité.
2Un premier chapitre brosse le cadre de cette aventure : sur fond de déclin rapide de la pratique religieuse, une forme de « christianitude » se maintient ainsi par le « pilier » confessionnel, certes en voie d’érosion et de sécularisation interne, mais encore solide dans le domaine de l’enseignement et du soin notamment. Un deuxième chapitre décrit sommairement les vecteurs principaux du changement, à travers l’évolution d’un périodique comme la Revue nouvelle, créée après-guerre dans la proximité d’Esprit, autour de laquelle gravitent la plupart des acteurs de l’histoire évoquée. Ces fondements posés, un troisième chapitre, qui constitue le cœur de l’ouvrage, peut passer en revue les principaux domaines dans lesquels des intellectuels catholiques acceptent de « regarder les signes des temps avec les yeux de la foi », sur la base d’un « humanisme chrétien » de type personnaliste en dialogue empathique avec la modernité, et non plus en guerre contre elle : les sciences et la philosophie avec Jean Ladrière ou Georges Thill ; la littérature avec Charles Moeller ou Franz Weyergans ; le cinéma avec Franz Weyergans de nouveau ; la sociologie avec Jacques Leclercq, Pierre de Bie ou François Houtart ; la psychanalyse avec Étienne De Greeff ou Antoine Vergote. Et l’on pourrait sans doute allonger la liste, du côté des arts plastiques ou de la poésie notamment, ce que ne fait pas l’auteure. Tous ces acteurs travaillent au cours des années 1950 et 1960 dans un climat qui annonce l’aggiornamento conciliaire avant d’en recevoir l’aval avec la constitution Gaudium et spes sur « l’Église dans le monde de ce temps » qui doit beaucoup à l’expert louvaniste Charles Moeller. Sans nier la créativité belge dans certains secteurs, celui de la bande dessinée notamment, ce travail s’effectue pour une bonne part sous influence française, à travers des œuvres comme celles d’Emmanuel Mounier et de Pierre Teilhard de Chardin, avant celle de Michel de Certeau. L’autrice ne manque pas de le signaler, mais sans mesurer vraiment l’étendue d’une telle influence, ni en fixer les limites. Cette influence ne disparaît pas lors de la « crise catholique » postérieure au concile et aux « événements » de 1968 : les communautés charismatiques dont l’autrice signale l’implantation en Belgique sont d’origine française. Mais son quatrième chapitre, intitulé « Engagements », montre comment la crise présente, en Belgique, des spécificités par rapport à celle de la grande voisine d’outre-Quiévrain : un plus fort investissement dans l’antipsychiatrie ou dans l’écologie politique, mais surtout dans le féminisme avec Marie Denis, les Cahiers du GRIF ou « Femmes et Hommes dans l’Église » de Marie-Thérèse van Lunen-Chenu et Pierre de Locht. Un cinquième et dernier chapitre fournit une autre spécificité belge : « le sens de la mesure » fondé sur l’expertise plus que sur l’idéologie, dont l’autrice trouve un modèle chez le sinologue Simon Leys, catholique aussi convaincu que discret. Les noms égrenés au fil des pages disent tout l’intérêt du parcours, même si le lecteur peu au fait des réalités belges reste parfois sur sa faim et souhaiterait des développements plus fournis. Il y a dans cet essai la matrice d’une synthèse sur l’intelligentsia belge de langue française du second xxe siècle. À défaut d’index, la copieuse bibliographie de fin de volume montre que Cécile Vanderpelen-Diagre dispose de bien des atouts pour nous la procurer.
Pour citer cet article
Référence papier
Étienne Fouilloux, « Cécile Vanderpelen-Diagre, Des voix dans le siècle. Culture et engagement catholique en Belgique francophone depuis 1945 », Archives de sciences sociales des religions, 208 | 2024, 304-305.
Référence électronique
Étienne Fouilloux, « Cécile Vanderpelen-Diagre, Des voix dans le siècle. Culture et engagement catholique en Belgique francophone depuis 1945 », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 208 | 2024, mis en ligne le 01 février 2025, consulté le 15 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/assr/77117 ; DOI : https://doi.org/10.4000/138ux
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page