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AccueilSites archéologiquesÉgypte2024Le désert oriental et le littoral...Ouadi Sannour (2023)

2024
Le désert oriental et le littoral de la mer Rouge

Ouadi Sannour (2023)

Mines de silex pharaoniques
Responsables d’opération : François Briois et Béatrix Midant-Reynes
Notice rédigée avec Pierre-Antoine Beauvais, Aurore Ciavatti et Maël Crépy

Entrées d’index

Établissement éditeur :

IFAO

Année de lʼopération :

2023
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Notes de l’auteur

Année de la campagne : 2023 (05 février – 05 mars)

Autorité nationale présente : Ministère du Tourisme et des Antiquités (MoTA) représenté par Dr Asmaa Farouk de l’inspectorat de Gizeh.

Numéro et intitulé de l’opération de terrain : 17133 – Ouadi Sannour

Composition de l’équipe scientifique : François Briois (archéologue, EHESS, UMR 5608 TRACES) ; Béatrix Midant-Reynes (archéologue, CNRS, UMR 5608 TRACES) ; Victoria Asensi-Amorós (anthracologue, Xylodata) ; Pierre-Antoine Beauvais (archéologue, UMR 5608 TRACES) ; Aurore Ciavatti (égyptologue, Einstein-Center Chronoi, Fondation Einstein) ; Maël Crépy (géoarchéologue, membre scientifique de l’Ifao) ; Mohamed Gaber (topographe, Ifao) ; Mohamed Hamdan (Professor, Quaternary Geology and Geoarchaeology ; Head of Department, Faculty of Science, Cairo University) ; Anita Quiles (directrice du pôle archéométrie de l’Ifao).
Le raïs Mohamed Ahmed Mohamed a dirigé une équipe de 15 ouvriers.

Partenariats institutionnels : EHESS ; CNRS, UMR 5608 Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés TRACES.

Organismes financeurs : Institut français d’archéologie orientale ; LabEx « Structurations des mondes sociaux » (SMS) portant la référence ANR-11-LABX-0066 ; fonds Khéops pour l’archéologie.

Texte intégral

Donnée scientifiques produites :
https://www.ifao.egnet.net/​recherche/​archeologie/​ouadi-sannour/​

Introduction

  • 1 Briois, Midant-Reynes 2019a ; Briois, Midant-Reynes 2019b ; Midant-Reynes, Briois 2022.

1Les recherches entreprises au Ouadi Sannour ont pour objectif l’étude d’un très vaste complexe minier localisé sur la partie sud-ouest du massif du Galâlâ nord, dans le désert oriental. Les calcaires éocènes localisés sur le sommet de ce grand plateau désertique contiennent de riches ressources de silex de grande qualité ayant fait l’objet d’une exploitation intensive depuis les premières dynasties jusqu’à l’Ancien Empire. Ce matériau est presque exclusivement utilisé pour la production industrielle de lames et de couteaux bifaciaux destinés aux sites consommateurs de la vallée du Nil. L’analyse des images satellites et les prospections au sol ont permis de découvrir des centaines de mines et d’ateliers répartis sur près de 1 000 km2, ainsi que des campements dont l’étude a été placée dans nos priorités1.

  • 2 Briois, Midant-Reynes 2015.
  • 3 Briois, Midant-Reynes 2016.
  • 4 Briois, Midant-Reynes 2017.

2En 2014, les travaux ont commencé avec des prospections et sondages sur deux centres miniers importants (WS100 et WS118) et la fouille de quatre constructions rectangulaires localisées près du Ouadi Nikhaybar (WS005), datées de l’Ancien Empire2. La campagne suivante a été consacrée à la fouille d’un nouveau campement localisé plus au sud (WS010), sur lequel ont pu être mis en évidence les restes de plusieurs constructions et un atelier de production de lames et de couteaux bifaciaux contemporains de WS0053. En 2016, nous avons repris les travaux dans le Ouadi Umm Nikhaybar et entrepris des prospections dans le Ouadi Abu Rimth où un petit atelier de débitage de lames intact (WS328), implanté au cœur d’un vaste complexe d’extraction de silex inédit, a pu être étudié4.

  • 5 Briois, Midant-Reynes 2018 ; Briois, Midant-Reynes 2020.
  • 6  Ciavatti 2023.

3Depuis 2017, les travaux ont principalement été consacrés à la fouille d’un nouveau site (WS013), implanté sur une large terrasse localisée au fond du Ouadi Umm Nikhaybar5 (fig. 1). Il correspond à un camp de mineurs de 600 m² de superficie qui a fonctionné en relation avec les exploitations de silex et, dans une moindre mesure, la collecte de jaspe rouge provenant des formations fluviatiles du Ouadi Sannour. Il est placé au cœur d’un vaste réseau de pistes entre la vallée du Nil et la mer Rouge. Ce site, daté de la IVe dynastie, est l’établissement le plus important identifié à ce jour sur le plateau du Galâlâ. La découverte d’une marque incisée sur tesson, mentionnant le nom d’une équipe nommée d’après le nom d’Horus d’or du roi Khoufou – rḫw Bjkwy nbw6 – apporte un poids considérable à la datation et atteste, pour les mines de silex du Ouadi Sannour, d’une organisation semblable à celle du Ouadi el-Jarf et des grands sites d’exploitation de l’Ancien Empire.

Fig. 1.  Le camp WS013 dans le Ouadi Nikhaybar (M. Gaber).

Fig. 1.  Le camp WS013 dans le Ouadi Nikhaybar (M. Gaber).

@ Ifao. 17133_2023_NDMCN_001

4À l’issue de la campagne de fouille de 2022, le site affichait 24 bâtiments aux murs constitués de gros blocs de calcaire et plusieurs espaces ouverts (fig. 2). Cinq pièces (A, B, C, D, K) forment l’état initial de l’établissement, qui connut ensuite des phases successives de développement. Les pièces F et M furent les premières ajoutées, puis E, G, I, et O. Les pièces I, O, P, Q, R, S, formant l’extension ouest, ont été mises au jour durant la campagne 2018, mais ont été détruites par un puits de pillage, en 2019, avant d’avoir été fouillées. Deux complexes principaux se distinguent sur le plan général. Celui du sud comprend les pièces A, B, C, D, E, F, G ; l’autre s’étend vers le nord à partir de la pièce N et rejoint la bordure de la terrasse. En 2019, nous avions observé que la structure N était déconnectée de l’ensemble sud et avions alors émis l’hypothèse qu’elle constituait l’extrémité sud d’un autre complexe qui s’étendait vers le nord et n’était que suggéré en surface. Cette hypothèse a été confirmée par la mise au jour de nouvelles pièces et de nouveaux espaces (U, V, W) qui présentaient un meilleur état de conservation (murs conservés sur un plus grand nombre d’assises).

  • 7  Briois et al. 2022.

5L’ouverture de nouvelles pièces et de nouveaux espaces en 2021 et 2022 (Ba, Bc, Bd, Be, Ca, Cb) a révélé que les bâtis du nord présentaient une architecture différente et plusieurs phases de réaménagement, certains murs ayant été enlevés, d’autres ajoutés, des formes en arc se substituant parfois aux formes rectilignes7.

Fig. 2. Plan du camp WS013 complété avec les pièces mises au jour en 2023 (gris foncé) (M. Gaber).

Fig. 2. Plan du camp WS013 complété avec les pièces mises au jour en 2023 (gris foncé) (M. Gaber).

@ Ifao. 17133_2023_NDMCN_002

Résultats de la campagne 2023

6La mission 2023 avait trois objectifs :

  1. Poursuivre la fouille du site WS013, afin d’en dégager l’architecture vers le nord et de comprendre le fonctionnement des différents espaces ;
  2. Commencer une étude géoarchéologique sur le Ouadi Umm Nikhaybar, à la fois sur le camp WS013 en cours de fouille, sur la citerne WS012 se trouvant à proximité et sur l’environnement plus large ;
  3. Étudier un atelier de fabrication de couteaux bifaciaux (WS 920).

Le campement de mineur WS013

Le complexe nord. Les pièces Da, Db, Dc, Dd, De, Df

7Un grand bâtiment constitué de six pièces a été découvert cette année. Trois d’entre elles ont été totalement fouillées (fig. 3).

Fig. 3. Pièces dégagées en 2023 sur l’extrémité nord du camp WS013 (B. Midant-Reynes).

Fig. 3. Pièces dégagées en 2023 sur l’extrémité nord du camp WS013 (B. Midant-Reynes).

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8À l’est, la pièce Da est orientée selon un axe nord-sud. Deux foyers en occupaient le centre. Elle mesure 7,30 × 3,50 m (espace interne) et possède dans le tiers nord du mur ouest (M87) une ouverture de 70 cm qui lui permet d’accéder, via un corridor en chicane (Dc), à la pièce Db qui est localisée à l’ouest (fig. 4). Cette complexité de l’architecture est une nouveauté. Elle suggère que les occupants de ce lieu avaient un statut plus élevé que ceux des autres bâtiments. Outre la présence de dépôts de lames de silex (voir infra, « L’industrie lithique »), de 22 coquillages (21 neritas et un ancilla) groupés, la découverte de deux ostraca sur galets calcaires distingue Da et l’ensemble du bâtiment du reste de l’établissement.

Fig. 4. WS013, plan de la pièce Da bordée à l’ouest par le couloir d’accès Dc et la pièce Db (relevé : M. Gaber ; DAO : F. Briois).

Fig. 4. WS013, plan de la pièce Da bordée à l’ouest par le couloir d’accès Dc et la pièce Db (relevé : M. Gaber ; DAO : F. Briois).

@ Ifao. 17133_2023_NDMCN_003

9À l’ouest de Da, s’appuyant contre la partie sud du mur ouest (M87), la longue pièce Db se déroule selon un axe est-ouest, divisée en deux parties (Db1 et Db2) par un mur transversal (M92) qui présente un passage de communication au sud entre les deux espaces.

10Db1 (espace interne : 8,20 × 3,70 m) n’a été fouillée que dans sa moitié est (Db1a), une section ayant été conservée afin de reconnaître les dépôts sédimentaires successifs qui se sont accumulés après que le secteur fut abandonné (voir infra, « L’étude géoarchéologique ») (fig. 5). Un foyer simple, posé sur le sol, en constitue l’unique structure.

Fig. 5. WS013. Stratigraphie de la pièce Db1 : section nord-sud au centre de la pièce montrant la succession des dépôts sédimentaires après abandon (B. Midant-Reynes).

Fig. 5. WS013. Stratigraphie de la pièce Db1 : section nord-sud au centre de la pièce montrant la succession des dépôts sédimentaires après abandon (B. Midant-Reynes).

@ Ifao. 17133_2023_NDMPF_002

11Db2 (3,10 × 3 m) est un espace relativement petit, marqué par la présence de deux foyers creusés dans la terrasse naturelle et par un nombre important de traces de sceaux en terre crue totalement effrités sur place. De cet espace d’activité et de stockage ne subsiste qu’un support de jarre presque complet. Une aiguille à chas en cuivre et un fragment d’une fine tige de cuivre en proviennent également.

12La suite des fouilles s’est concentrée sur le dégagement des murs afin d’évaluer l’étendue et la complexité du bâtiment (fig. 6).

13Dd est une grande pièce rectangulaire (7,20 × 3,30 m), orientée est-ouest. Elle couvre, avec De (3,40 × 3,50 m), l’étendue, au nord, de Db1-Db2 et partage avec Db1 le mur M89.

14L’espace De prolonge Db2 vers le nord et n’est séparé de ce dernier que par un muret transversal dans le prolongement de M89. Il semblerait que Db2 et De forment une pièce dont l’orientation serait alors similaire à celle de Da.

Fig. 6. WS013. Les pièces Dd et De dans la partie nord-ouest du site (B. Midant-Reynes).

Fig. 6. WS013. Les pièces Dd et De dans la partie nord-ouest du site (B. Midant-Reynes).

@ Ifao. 17133_2023_NDMPF_003

15Db3 (3,40 × 2,50 m) est un petit compartiment ajouté à l’extrémité ouest du bâtiment et jointif avec la pièce formée par Db2/De (fig. 6). Sa fonction comme boulangerie s’affiche clairement par l’abondance de fragments de moules à pain en relation avec deux fours creusés dans la terrasse (fig. 7) (voir infra, « La céramique »).

Fig. 7. WS013. Pièce Db3 : la boulangerie (B. Midant-Reynes).

Fig. 7. WS013. Pièce Db3 : la boulangerie (B. Midant-Reynes).

@ Ifao. 17133_2023_NDMPF_004

16Df est la dernière pièce explorée au nord et dont le plan reste incomplet dans l’état actuel de la fouille.

L’industrie lithique

17La plus grande partie des industries en silex de cette année provient du niveau de base (phase 1) de la pièce Da. Quatre concentrations (1851, 1852, 1853 et 1854), totalisant 300 lames environ, ont été découvertes contre le mur est M86 (fig. 8), associées à quelques grands éclats plats et racloirs. Ces lames et ces outils constituent des stocks de pièces neuves et de grande qualité technique destinées à être acheminées vers les sites consommateurs de la vallée du Nil. Le sol de base de la pièce a également livré un grand nombre d’éclats bruts témoignant d’activités de débitage réalisées dans la pièce comme l’indique les nombreux raccords et remontages de blocs ayant pu être effectués. Un autre amas de lames (1842), appartenant à une phase postérieure (phase 2), a été découvert dans l’angle nord-ouest de la pièce. Il était composé de 184 lames brutes indiquant que la pièce Da a continué à jouer le rôle d’aire de stockage.

Fig. 8. WS013. Un des quatre dépôts de lames (1851) découverts contre le mur est de la pièce Da (B. Midant-Reynes).

Fig. 8. WS013. Un des quatre dépôts de lames (1851) découverts contre le mur est de la pièce Da (B. Midant-Reynes).

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La céramique

18La collection n’excède pas cette année 1 608 tessons, révélant un répertoire de récipients fonctionnels, bien datés du début de la IVe dynastie, étudié par A. Ciavatti.

19Au moins 22 jarres, ovoïdes pour la plupart, sont attestées parmi les espaces fouillés en 2023. Une d’entre elles a été retrouvée entière (iso 1368/Cer.23.17), basculée dans le mur M88, non loin de sa jonction avec M87 (fig. 9). Petite jarre en pâte alluviale à engobe blanc, à col court et lèvre triangulaire, elle se distingue par une ouverture étroite et un fond pointu. À ces vestiges s’ajoutent deux grosses jarres globulaires en pâte alluviale dont le profil et les dimensions sont similaires aux grandes jarres globulaires produites au Ouadi el-Jarf.

Fig. 9. WS013. La jarre Iso 1368/Cer.23.17 en place, contre le parement extérieur du mur nord (M 88) de la pièce Db1 (B. Midant-Reynes).

Fig. 9. WS013. La jarre Iso 1368/Cer.23.17 en place, contre le parement extérieur du mur nord (M 88) de la pièce Db1 (B. Midant-Reynes).

@ Ifao. 17133_2023_NDMPF_006

20Outre ces conteneurs liés à la fonction du stockage, sont identifiés d’autres formes liées à la préparation alimentaire et au service : on dénombre six bols carénés dits « Maidum bowls », en pâte alluviale exclusivement, ainsi qu’une jatte et deux coupes, l’une d’entre elles étant confectionnée en pâte désertique caractéristique des productions du Ouadi el-Jarf. D’autres individus sont produits dans ce même type de pâte : un support bitronconique, une jarre globulaire miniature, et un bol caréné original qui se distingue par son bec verseur latéral. Bien que la pâte soit caractéristique de celle produite au Ouadi el-Jarf, cette forme n’est, à ce jour, pas attestée dans le vaisselier du site portuaire.

21Cet individu, unique sur le site du Ouadi Sannour, a été retrouvé dans la pièce Db3 et devait probablement servir à la préparation du pain. Il se trouvait à proximité immédiate d’une aire de combustion, dont la fouille a livré a minima dix moules à pain-bedja et six plateaux de cuisson ou moules à pain-pesen. Comme à l’accoutumée, ces moules à pains sont produits dans une pâte calcaire locale très grossière (F5), à l’exception de trois moules à bulbe (bedja) confectionnés dans une matrice argileuse riche en inclusions végétales (F2C).

22Mis à part l’assemblage de Db3 dont le caractère spécifique peut clairement être mis en relation avec une activité de boulangerie, les autres témoins céramiques sont relativement homogènes d’une pièce à l’autre, tant en termes de fabriques que de formes. En revanche, ce sont les pâtes alluviales qui sont majoritaires cette année alors que, depuis 2017, les pâtes marneuses dominaient largement les assemblages.

23De rares marques incisées après cuisson, fragmentaires, ont été trouvées cette année, ainsi que quelques marques portées avant cuisson, en lien avec l’organisation des ateliers de potiers.

Ostraca sur galets calcaires

24Deux petits blocs de calcaire de taille décimétrique, comportant des inscriptions sur deux faces différentes (fig. 10), ont été étudiés par A. Ciavatti. Deux anthroponymes y sont inscrits à l’encre noire : l’un des deux, qui semble répété sur les deux ostraca, est associé au titre sḥḏ nw(w), « inspecteur des chasseurs ». Si une vingtaine d’ostraca sont attestés à ce jour sur divers sites de la IVe dynastie (Meidoum, Tourah ou Ouadi el-Jarf), ce type spécifique d’inscriptions n’a de parallèle que sur un ostracon retrouvé au Ouadi el-Jarf.

Fig. 10. WS013. Les deux ostraca provenant de la pièce Da (B. Midant-Reynes).

Fig. 10. WS013. Les deux ostraca provenant de la pièce Da (B. Midant-Reynes).

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L’étude géoarchéologique

25L’étude géoarchéologique effectuée par M. Crépy au cours de la mission de terrain 2023 visait à :

  1. Caractériser les différentes couches des secteurs fouillés du WS013 d’un point de vue environnemental/géomorphologique ;
  2. Vérifier les types de processus qui ont pu modifier WS013 depuis son abandon ;
  3. Enregistrer et échantillonner une archive sédimentaire exceptionnelle conservée dans la citerne (WS012) située dans un ouadi affluent proche de WS013.

26Les méthodes se sont appuyées sur une prospection pédestre du bassin versant amont et aval du Ouadi Nikhaybar, avec un effort spécifique sur la partie amont du ouadi affluent dans lequel la citerne a été creusée, et sur l’analyse stratigraphique des coupes de sédiments. 41 échantillons de sédiments ont été prélevés pour une analyse plus approfondie dans le cadre du projet.

27En ce qui concerne le point 1, l’étude des coupes situées dans les zones excavées a montré que les couches composées d’un mélange de calcaire, de graviers, de galets, de sables rouges et d’argile ne sont pas d’origine naturelle et résultent d’activités anthropiques (même si leur nature exacte reste incertaine). Les monticules constitués d’un mélange de sable et de poussière de calcite, de graviers blancs et de galets de calcaire le sont également, comme l’attestent leur forme et leur stratigraphie. L’étude d’une coupe de sédiments fins montre, qu’à l’exception d’une couche sableuse qui résulte probablement d’une préparation des sols du site au début de son occupation et des principales couches d’occupation et des blocs provenant de la destruction des murs, seuls deux processus différents se sont produits sur le site depuis son abandon : le dépôt de limons et de sables fins éoliens (lœss désertique) en plusieurs phases séparées par des épisodes pluvieux et le développement de la végétation, et le dépôt colluvial de sables gris et de graviers fins provenant des pentes voisines – ce processus ne s’est produit que dans une zone plus basse. Le dépôt de lœss explique l’excellente préservation de la couche archéologique.

28En ce qui concerne le point 2, il semble que la terrasse du ouadi sur laquelle l’établissement WS013 a été construit n’a jamais subi de grande inondation, ou pourrait seulement avoir été atteint par un flux de très faible énergie provenant du ouadi. Les inondations historiques n’atteignent pas l’élévation du site, qui a seulement souffert de quelques événements colluviaux provenant du versant est. L’analyse granulométrique des dépôts d’alluvions situés au nord du site permettra d’évaluer la puissance de certaines des inondations historiques.

29Le point 3 repose sur la réalisation d’un grand sondage dans la citerne WS012, jusqu’à son fond rocheux, et sur l’analyse de la stratigraphie (fig. 11). Il apparaît que 230 cm de cette puissante accumulation sédimentaire correspond à des dépôts non remaniés qui enregistrent 29 crues après le creusement de la citerne. Les autres parties de la coupe sont des remplissages d’opérations ultérieures de creusement dans les sédiments piégés par la citerne et ont enregistré au moins huit inondations dans l’un de ces remplissages. Au moins quatre opérations de creusement ont eu lieu depuis la première ouverture de la citerne. Au fond des structures, on trouve des couches d’argile rouge dont la mise en place est probablement d’origine humaine et qui ont été utilisées pour étanchéifier la citerne, dont les parois sont fissurées. Certaines des fissures de la paroi sont également colmatées avec de l’argile rouge. 27 couches ont été échantillonnées pour une analyse plus approfondie.

Fig. 11. Sondage dans la citerne WS012 (B. Midant-Reynes).

Fig. 11. Sondage dans la citerne WS012 (B. Midant-Reynes).

@ Ifao. 17133_2023_NDMPF_007

Prospections et étude du site WS920

  • 8 Tillmann 2007.

30L’un des objectifs de la campagne 2023 a été de reprendre les prospections sur un ensemble de collines localisées en bordure de l’une des branches orientales du Ouadi Sannour, à 12 km au nord-est du chantier du Ouadi Umm Nikhaybar. Un important atelier de façonnage de couteaux bifaciaux (WS920.6), datant du début de l’époque pharaonique, y avait été découvert en 2021 à proximité immédiate d’un important complexe de mines de silex ayant fait l’objet d’un relevé topographique par M. Gaber. Cet atelier, directement accessible en surface, est pratiquement intact et seule sa partie occidentale a été en partie érodée à l’endroit où un petit talweg se développant vers le sud prend naissance. La nappe de déchets de taille est de forme ellipsoïdale et couvre une surface de 24 m². Elle contient de nombreux éclats de façonnage de pièces bifaciales, 80 préformes et fragments de couteaux bifaciaux abandonnés à différents stades d’élaboration, quelques nucléus à lames et de rares préformes de disques bifaciaux. Les pièces les plus significatives ont été relevées en plan sur le terrain et un important travail réalisé pendant la campagne a permis de les documenter en photo et en dessin et de réaliser des raccords sur 30 pièces. Cette opération permet de disposer d’un corpus bien calé dans le temps puisqu’il répond à des activités de taille sans doute limitées à une saison pour une petite équipe d’artisans. Ces préformes correspondent à des couteaux de grandes dimensions (jusqu’à 30 cm de longueur), à dos fréquemment concave ou droit et à taillant convexe (fig. 12), dont les types se rapportent aux premières dynasties selon la classification de A. Tillmann8.

Fig. 12. Préformes de couteaux bifaciaux découvertes dans l’atelier WS920.6 (B. Midant-Reynes).

Fig. 12. Préformes de couteaux bifaciaux découvertes dans l’atelier WS920.6 (B. Midant-Reynes).

@ Ifao. 17133_2023_NDMPM_002

Conclusion

31Les travaux conduits cette année sur le site WS013 ont permis de dégager l’extension nord d’un vaste établissement de mineurs, en lien avec les exploitations de silex du Ouadi Sannour, jamais encore étudié pour la période considérée, la IVe dynastie. Le complexe nord, mis au jour cette année et dont la fouille doit être poursuivie en 2024, est un grand bâtiment d’au moins six pièces mitoyennes témoignant par sa complexité architecturale, dont les réaménagements sont actuellement à l’étude, par le matériel recueilli et notamment par la mention d’un « inspecteur des chasseurs » sur l’un des deux ostraca en provenant, du statut privilégié des gens qui l’occupaient.

32L’étude, débutée cette année, du contexte environnemental, orientée sur la problématique de l’eau, notamment par l’étude de la citerne WS012, constitue un point crucial pour mieux appréhender la survie dans ces zones désertiques des expéditions lancées dans l’exploitation des matières minérales.

33Ces deux thématiques – la fouille de WS013 et les études liées à l’économie de l’eau – constitueront les objectifs de la prochaine mission.

34Les résultats obtenus sur l’atelier de façonnage de couteaux bifaciaux de WS920 offrent des informations à la fois sur les formes, qui renvoient aux premières dynasties, mais aussi sur le plan technologique, par l’observation de toutes les étapes de la chaîne opératoire.

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Bibliographie

Briois, Midant-Reynes 2015
F. Briois, B. Midant-Reynes, « Sur les traces de Georg August Schweinfurth : les sites d’exploitation du silex d’époque pharaonique dans le massif du Galala nord (désert Oriental) ». BIFAO 114/1, 2015, p. 73-98.

Briois, Midant-Reynes 2016
F. Briois, B. Midant-Reynes, « Ouadi Sannour » [rapport d’activité 2015-2016], BIFAO-Suppl. 116, Le Caire, 2016, p. 49-55.

Briois, Midant-Reynes 2017
F. Briois, B. Midant-Reynes, « Ouadi Sannour » [rapport d’activité 2016-2017], BIFAO-Suppl. 117, Le Caire, 2017, p. 332-355.

Briois, Midant-Reynes 2018
F. Briois, B. Midant-Reynes, « Ouadi Sannour » [rapport d’activité 2018], BIFAO-Suppl. 118, Le Caire , 2018, p. 293-302.

Briois, Midant-Reynes 2019a
F. Briois, B. Midant-Reynes, « Ouadi Sannour », dans L. Coulon, M. Cressent (éd.), Archéologie française en Égypte. Recherche, coopération, innovation, BiGen 59, Le Caire, 2019, p. 250-255.

Briois, Midant-Reynes 2019b
F. Briois, B. Midant-Reynes, « Recent Discovery: The Flint Mines of North Galala (Eastern Desert) between the Nile Valley and the Red Sea », EgArch 54, 2019, p. 27-31.

Briois, Midant-Reynes 2020
F. Briois, B. Midant-Reynes, « Ouadi Sannour (2019) » [notice archéologique], BAEFE [en ligne], Égypte, mis en ligne le 05 octobre 2020, consulté le 11 février 2024, http://journals.openedition.org/baefe/955 ; DOI : https://doi.org/10.4000/baefe.955.

Briois et al. 2022
F. Briois, B. Midant-Reynes, P.-A. Beauvais, V. Le Provost, A. Ciavatti, « Ouadi Sannour (2021) » [notice archéologique], BAEFE [en ligne], Égypte, mis en ligne le 01 juin 2022, consulté le 11 février 2024, http://journals.openedition.org/baefe/5934 ; DOI : https://doi.org/10.4000/baefe.5934.

Ciavatti 2023
A. Ciavatti, « De Giza à la mer Rouge : une équipe d’ouvriers du règne de Khoufou au ouadi Sannour », BIFAO 123, 2023, p. 37-52.

Midant-Reynes, Briois 2022
B. Midant-Reynes, F. Briois, « La découverte des mines de silex du Galala nord (désert oriental) : sources d’approvisionnement et société de la fin du prédynastique à la fin de l’Ancien Empire », dans G. Andreu-Lanoë, T.-L. Bergerot (éd.), Une aventure égyptologique. Mélanges offerts à Christine Gallois, EAO, numéro spécial, supplément au no 105, Montségur, 2022, p. 45-54.

Tillmann 2007
A. Tillmann, Neolithikum in den Späten Bronzezeit: Steingeräte des 2. Jahrtausend aus Auaris-Piramesse, Forschungen in der Ramses-Stadt 4, Gerstenberg, 2007.

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Notes

1 Briois, Midant-Reynes 2019a ; Briois, Midant-Reynes 2019b ; Midant-Reynes, Briois 2022.

2 Briois, Midant-Reynes 2015.

3 Briois, Midant-Reynes 2016.

4 Briois, Midant-Reynes 2017.

5 Briois, Midant-Reynes 2018 ; Briois, Midant-Reynes 2020.

6  Ciavatti 2023.

7  Briois et al. 2022.

8 Tillmann 2007.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1.  Le camp WS013 dans le Ouadi Nikhaybar (M. Gaber).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMCN_001
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Fig. 2. Plan du camp WS013 complété avec les pièces mises au jour en 2023 (gris foncé) (M. Gaber).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMCN_002
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 610k
Titre Fig. 3. Pièces dégagées en 2023 sur l’extrémité nord du camp WS013 (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPF_001
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 3,8M
Titre Fig. 4. WS013, plan de la pièce Da bordée à l’ouest par le couloir d’accès Dc et la pièce Db (relevé : M. Gaber ; DAO : F. Briois).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMCN_003
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 154k
Titre Fig. 5. WS013. Stratigraphie de la pièce Db1 : section nord-sud au centre de la pièce montrant la succession des dépôts sédimentaires après abandon (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPF_002
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 2,8M
Titre Fig. 6. WS013. Les pièces Dd et De dans la partie nord-ouest du site (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPF_003
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 1,8M
Titre Fig. 7. WS013. Pièce Db3 : la boulangerie (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPF_004
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 1,9M
Titre Fig. 8. WS013. Un des quatre dépôts de lames (1851) découverts contre le mur est de la pièce Da (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPF_005
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 4,7M
Titre Fig. 9. WS013. La jarre Iso 1368/Cer.23.17 en place, contre le parement extérieur du mur nord (M 88) de la pièce Db1 (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPF_006
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 2,7M
Titre Fig. 10. WS013. Les deux ostraca provenant de la pièce Da (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPM_001
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
Titre Fig. 11. Sondage dans la citerne WS012 (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPF_007
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 3,7M
Titre Fig. 12. Préformes de couteaux bifaciaux découvertes dans l’atelier WS920.6 (B. Midant-Reynes).
Crédits @ Ifao. 17133_2023_NDMPM_002
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/10645/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 828k
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Pour citer cet article

Référence électronique

François Briois, Béatrix Midant-Reynes, Pierre-Antoine Beauvais, Aurore Ciavatti et Maël Crépy, « Ouadi Sannour (2023) » [notice archéologique], Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger [En ligne], Égypte, mis en ligne le 01 mai 2024, consulté le 14 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/baefe/10645 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11sx7

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Auteurs

François Briois

Archéologue, EHESS, UMR 5608 TRACES

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Béatrix Midant-Reynes

Archéologue, CNRS, UMR 5608 TRACES

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Pierre-Antoine Beauvais

Archéologue, UMR 5608 TRACES

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    Mines de silex pharaoniques
    Paru dans Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger, Égypte
  • Ouadi Sannur (2020) [Texte intégral]
    Mines de silex pharaoniques
    Paru dans Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger, Égypte

Aurore Ciavatti

Égyptologue, Einstein-Center Chronoi, Fondation Einstein

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Maël Crépy

Géoarchéologue, membre scientifique de l’Ifao

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François Briois

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  • Ouadi Sannur (2020) [Texte intégral]
    Mines de silex pharaoniques
    Paru dans Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger, Égypte
  • Ouadi Sannur (2019) [Texte intégral]
    Paru dans Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger, Égypte
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