Remerciements : Nous souhaitons exprimer notre plus vive reconnaissance à Jean-Christophe Sourrisseau et à Reine-Marie Bérard dont la bienveillance et la confiance ne nous ont jamais fait défaut et enfin à la Directrice du Parc archéologique de Leontinoi et Mégara, Carla Mancuso. Nous remercions également chaleureusement pour leur collaboration indéfectible à ces recherches Giuseppina Stelo, dessinatrice, et Macarena Enríquez de Salamanca Alcón, docteure en archéologie.
Données scientifiques produites :
Mégara Hyblaea. Recherches sur les productions céramiques d’époque hellénistique
Notices archéologiques dans le BAEFE :
Mégara Hyblaea. Études des productions céramiques d’époque classique et hellénistique. Campagnes 2018-2019
- 1 Munzi, Pouzadoux, Enríquez de Salamanca Alcón 2021.
1En collaboration avec MEGA, un programme structurant de l’EFR, le Centre Jean Bérard est chargé d’étudier l’ensemble des productions céramiques d’époques classique et hellénistique. Depuis quelques années l’équipe s’est concentrée sur une importante sélection de fragments réalisée par François Villard au cours des fouilles menées entre 1949 et 1978, vraisemblablement dans la zone à l’ouest de l’agora1.
2Une mission a été organisée cette année sur le site du 27 octobre au 1er novembre 2024, comprenant Pr. Munzi, Cl. Pouzadoux et S. Barresi. Au cours de cette campagne l’attention a porté sur l’étude de la céramique sicéliote décorée dans la technique à figures noires du ive siècle et en particulier sur les lécythes du type Pagenstecher.
- 2 Pagenstecher 1912, p. 229‑235. Avant Pagenstecher, cf. Furtwängler 1885. Si veda anche De Cesare 20 (...)
3Ces lécythes, répertoriés par R. Pagenstecher au début du xxe siècle et portant son nom2, se distinguent par leur décoration à figures noires, à une époque où la technique des figures rouges dominait en Italie du Sud. Ils mesurent généralement entre 9 et 15 cm de hauteur (rarement plus) et ils se distinguent par leur profil élancé, avec un pied en disque, un corps ovoïde sans épaule marquée, un col cylindrique, une embouchure haute en forme de trompette et une anse verticale allant du corps à mi‑hauteur du col.
- 3 Mingazzini 1958, cat. 1‑117 ; Mingazzini 1970, cat. Addenda 118‑137.
4La majorité de ces vases a été découverte en Campanie (en particulier à Paestum), en Sicile et en Apulie. Élégants dans leur style et de taille relativement modeste, ces vases à parfum présentent souvent une décoration simple : une figure unique, une tête ou un volatile, avec une décoration accessoire de palmettes. Après Pagenstecher, P. Mingazzini en a repris l’étude à partir de quelques exemplaires de Capoue et, en établissant un premier inventaire des occurrences, les a définis comme « campaniens »3.
- 4 Hurschmann 1997, p. 43‑63.
- 5 Turner 2005, p. 57‑95 ; pour le catalogue cf. p. 93‑95.
5Les lécythes du type Pagenstecher sont bien représentés en Sicile, surtout dans les nécropoles, mais aussi dans les sanctuaires. Une étude organique avec un important recensement a été fait par R. Hurschmann dans son volume sur les Pagenstecher Lekythoi en 19974, actualisé en 2005 par M. Turner, dans son article Aphrodite and her birds: the Iconology of Pagenstecher Lekythoi, dans lequel l’auteur a proposé d’identifier le groupe sicéliote d’« Aphrodite et ses oiseaux »5.
6Hurschmann identifie Paestum comme le lieu d’origine de cette production, en la mettant en relation avec l’huile de rose, utilisée dans le rituel funéraire. Depuis Paestum, cette forme se serait diffusée en Campanie, puis en Sicile, avec une destination essentiellement locale pour les produits des différentes régions.
7Dans son étude, le chercheur distingue, pour la production sicéliote, principalement deux groupes (A et B), définis en fonction du profil des formes, du répertoire iconographique et des aspects stylistiques. Chacun d’eux se subdivise en plusieurs sous-groupes.
8Le groupe A, influencé par les lécythes de l’atelier du Peintre campanien CA, privilégie les figures féminines en pied, ainsi que des têtes humaines et, plus rarement, des animaux. Les détails sont réalisés par incision, avec l’ajout de blanc pour la peau des femmes et d’un jaune doré pour les bijoux.
9Le Groupe B, plus abondant, se distingue par des représentations quasi exclusives d’oiseaux et de lièvres, avec peu de têtes féminines. Contrairement au Groupe A, il n’utilise presque pas l’incision, les détails étant peints en blanc.
- 6 Hurschmann 1997, p. 43.
10Selon l’auteur, le début de la production de ces formes est à relier à l’atelier du Peintre de Lentini et il propose de dater la production et la diffusion de ces lécythes entre 340 et 310/300 av. J.‑C., sur la base de comparaisons avec les vases à figures rouges6.
11Dans le premier groupe de Hurschmann (A), on retrouve principalement des productions de Lentini, Géla et Locres. Quant au deuxième groupe (B), il réunit plusieurs ensembles de lécythes du type Pagenstecher dont le « Marianopoli-Géla », le « Lentini-Syrakus Gruppe », le « Butera Gruppe » et le « Cambridge-Termini Gruppe ».
- 7 Hurschmann 1997 ; Bernabò Brea, Cavalier 1997, p. 93.
12Malgré l’intérêt et la richesse de son étude qui offre de nombreuses pistes de réflexions, l’approche d’Hurschmann reste tributaire d’une vision résolument « campanocentrée » conditionnée par la reconstruction des productions à figures rouges élaborée par Trendall. Aujourd’hui, la prédominance évidente des découvertes en Sicile conforte l’idée d’une fabrication aussi sicéliote, même s’il faut encore éclaircir les liens stylistiques avec les productions qui semblent se développer à Paestum et en Campanie. Cependant, la localisation précise des ateliers reste difficile à déterminer7.
13En l’état actuel, et en attendant une confirmation par des analyses archéométriques, il est effectivement possible d’observer une certaine récurrence, dans le répertoire iconographique adopté sur les exemplaires sicéliotes, de motifs tels que des figures féminines, des têtes de profil et surtout des volatiles.
14– Dans la ‘sélection’ de Villard, on trouve 44 exemplaires fragmentaires, constitués principalement de fragments de paroi, à l’exception de quelques individus conservant le fond et une partie du corps (8 fonds, 36 panses). Malheureusement, à cause de leur état de conservation, il n’est pas possible de faire une étude typologique de la forme.
15Le répertoire iconographique se révèle relativement répétitif. Lorsqu’il est identifiable, il inclut des volatiles (12 nmi ; fig. 1, n. 10‑20), tels que des échassiers, des cygnes ou d’autres oiseaux, des têtes de profil (4 nmi ; fig. 2, n. 6‑9), parfois coiffées d’un bonnet phrygien, ainsi que des figures féminines drapées (5 nmi ; fig. 3, n. 1‑5), représentées debout ou assises.
16La décoration secondaire, située sous l’anse, se compose de motifs floraux (palmettes, rinceaux, fleurs campanulées, demi-palmettes), lignes et points (fig. 4). L’embouchure et le fond extérieur sont peints en noir.
Fig. 1. Mégara Hyblaea : lécythes du type Pagenstecher avec volatiles.
Clichés P. Munzi, CNRS/CJB ; Dessin G. Stelo, EFR/CJB.
Fig. 2. Mégara Hyblaea : lécythes du type Pagenstecher avec des têtes de profil.
Clichés P. Munzi, CNRS/CJB ; Dao G. Stelo, EFR/CJB.
Fig. 3. Mégara Hyblaea : lécythes du type Pagenstecher avec figures féminines drapées.
Clichés P. Munzi, CNRS/CJB ; Dessin G. Stelo, EFR/CJB.
Fig. 4. Mégara Hyblaea : décoration secondaire sur les lécythes du type Pagenstecher.
Clichés P. Munzi, CNRS/CJB ; Dao G. Stelo, EFR/CJB.
17Cette production comprend des détails incisés et/ou surpeints en blanc. Cependant, l’état fragmentaire des exemplaires complique les observations stylistiques.
18La série représentant les figures féminines (fig. 3, n. 1‑5), debout ou assises, et les têtes de profil (fig. 2, n. 6‑9) bénéficient d’une exécution plus soignée, avec l’utilisation d’incisions et de surpeints pour les détails, tandis que les volatiles se distinguent, à l’exception de quelques exemplaires, par un traitement plus rapide et sommaire (fig. 1). Il reste difficile de déterminer si ces différences sont liées à des variations chronologiques et/ou à mettre en relation avec des ateliers de production différents.
Fig. 5. Lécythe Chr. VIII 399 de Copenhague (d’après Hurschmann 1997, p. 47, Cat. III, n. 19, pl. 25, d‑e) ; Mégara Hyblaea, fragment de lécythe n. 4 avec figure féminine assise ; Lentini, cratère en calice avec scène phlyaque.
Dao G. Stelo, EFR/CJB. Clichés P. Munzi, CNRS/EFR.
- 8 Hurschmann 1997, p. 47, Cat. III, n. 19, pl. 25, d‑e. Voir aussi les liens observés entre deux vase (...)
- 9 Pour de semblables figures féminines, voir le skyphos inv. 642 de Géla (Trendall 1967, p. 593, n. 4 (...)
- 10 On peut les confronter, par exemple, avec celles du lébès inv. 33797 du Musée Archéologique Régiona (...)
- 11 On peut les rapprocher également des fleurs campanulées du skyphos inv. 642 de Géla cité précédemme (...)
- 12 Voir la fleur campanulée sur la pyxide skyphoide inv. 8 du Musée Mandralisca de Cefalù (Trendall 19 (...)
- 13 Voir celui de Dionysos sur le skyphos inv. 642 de Géla cité supra (Trendall 1967, p. 593, n. 48, pl (...)
- 14 On peut confronter le drapé, enrichi de lignes ondulées surpeintes en blanc, du lécythe avec le des (...)
19En effet, bien qu’elle soit fort appréciable, la tentative d’Hurschmann de classification des lekythoi du type Pagenstecher constitue aujourd’hui moins un point d’arrivée que de départ pour organiser ces productions à l’aide d’une approche holistique. Il est cependant légitime de proposer, pour quelques fragments de Mégara, des observations de caractère stylistique qui devront néanmoins être validées par la suite (fig. 5). Le fragment n. 4 de la fig. 3, par exemple, contribue à renforcer l’idée d’une production de Pagenstecher attribuable au Groupe de Lentini-Manfria : il est en effet très proche, pour le dessin et les détails iconographiques et décoratifs, du lécythe Chr. VIII 399 de Copenhague, déjà attribué par Hurschmann à cet atelier8. Mises à part les différences évidentes liées à l’utilisation de la technique de l’incision, le lécythe de Mégara présente une manière de traiter les plis et le drapé de la figure féminine assise qui est clairement attestée sur quelques vases à figures rouges du Groupe de Lentini-Manfria9. Les fleurs campanulées des fragments n. 26 et 27 de la fig. 4 rappellent non seulement celles du Groupe de Lentini10, mais aussi celles du Peintre de Manfria11, même s’il faut aussi prendre en considération le parallèle avec des motifs végétaux similaires sur des vases protosicéliotes du Groupe Prado-Fienga12. De même le thyrse triangulaire hérissé de franges rigides du fragment n. 1 de la fig. 3 appartient à la même typologie que ceux du Peintre de Manfria13. Le dessin de la figure féminine en pied du fragment n. 5 de la fig. 3 est, quant à lui, assurément plus courant ; dans ce cas également il semble intéressant de le rapprocher du Groupe de Lentini ou, du moins, des productions mineures qui lui ont déjà été attribuées14.
20L’exemplaire n. 1 de la fig. 3, en argile grise (mal cuit ?), se distingue du lot par la qualité du dessin et le sujet traité. Il s’agit d’un fragment de paroi près du col sur lequel est représentée une figure féminine, de profil vers la gauche, avec des cheveux bruns ; elle porte un péplos avec une ceinture, tient un thyrse dans la main droite et est coiffée d’un kekryphalos ; la chair et les plis du vêtement sont rendus en rehauts blanc avec des incisions, alors que les vêtements sont en vernis noir et les détails de la coiffure, du collier et de la ceinture en vernis brun (rouge ?).
- 15 Hurschmann 1997, p. 9‑10, Cat. I, n. 6, pl. 1, c ; Brommer 1959, p. 33, pl. 73, 7.
21L’exemplaire, en plus d’un rapprochement avec le Peintre de Manfria précédemment mentionné, trouve des points de contact stylistiques et iconographiques avec un lécythe attribué par R. Hurschmann à l’atelier du Peintre campanien CA, aujourd’hui conservé en Allemagne, à Adolphseck15.
- 16 Mégara 7, p. 316 (dernier quart du ive s.). Deux exemplaires sont exposés dans la vitrine « Mégara (...)
22La forme de la Pagenstecher était déjà attestée à Mégara Hyblaea par quelques exemplaires, notamment dans des contextes funéraires de la seconde moitié du ive siècle av. J.‑C., mais aussi dans l’habitat, comme en témoigne sa présence dans le remplissage du Puits 4/196516.
23– Trois tombes ont restitué comme élément de mobilier funéraire un lécythe du type Pagenstecher :
- Tombe 1/1966 (= t. 19), en sarcophage de dalles de pierre (fig. 6). Le mobilier était ainsi composé : une amphore achrome, une lékanis à figures rouges avec couvercle attribuable au Groupe du Peintre d’Adraste17, un skyphos à vernis noir du « type A attique » ou série F4373 de Morel, une coupelle à vernis noir à bord nettement bombé, basses et larges (« small bowl: later and light », Agora XII, 863‑876), un lécythe du type Pagenstecher décoré d’un lièvre, palmette et rinceaux et une petite cruche achrome à une anse et corps caréné. L’ensemble est daté entre le milieu et le troisième quart du ive siècle.
- Tombe à inhumation d’enfant isolée retrouvée dans le fossé jouxtant la porte méridionale de l’enceinte archaïque en 1980 (fig. 7)18. Elle était construite avec des blocs irréguliers ; la tête, les pieds et la couverture de la tombe manquent ; le squelette est mal conservé. La sépulture doit se rattacher à un sujet de sexe féminin. Le mobilier, préservé contre le bord est de la tombe, à hauteur du bras droit du mort, était ainsi composé : un lécythe du type Pagenstecher décoré d’une tête de femme et de palmette ; lékanis à décor de languettes verticales avec couvercle ; skyphos à vernis noir du « type C corinthien » ou série Morel F4311, avec vasque à profil assez arrondi. Le contexte est datable du dernier tiers du ive siècle.
- Tombe à inhumation en fosse parementée de tuiles retrouvée dans le secteur de l’Arenella en 2022 (fig. 8). Le défunt était en décubitus dorsal. Le mobilier était ainsi composé : un lécythe du type Pagenstecher décoré d’un oiseau et de palmette et rinceaux, un peson en céramique, un coquillage (murex) et une monnaie en bronze de Denys de Syracuse (400‑368 av. J.‑C.)19. L’ensemble funéraire est datable du dernier quart du ive siècle.
Fig. 6. Mobilier de la Tombe 1 de 1966.
Dessin P. Duboeuf 1996, cliché MARPO ; d’après Mégara 7, p. 69‑70, fig. 115.
Fig. 7. Tombe à inhumation d’enfant isolée retrouvée en 1980 dans le fossé jouxtant la porte méridionale de l’enceinte archaïque.
D’après Mégara 5, fig. 218.
Fig. 8. Le mobilier de la sépulture SP9009 de l’Arenella.
Cliché L. de Barbarin, EFR.
24– Deux autres lécythes du type Pagenstecher, décorés de volatiles et de palmettes, sont exposés dans la vitrine de « Mégara Hyblaea » du Musée Archéologique Régional « Paolo Orsi » de Syracuse (n. 38 et 39) avec, comme indication de provenance, « Dalla zona ad Ovest dell’agorà » (fig. 9). Ces deux vases à parfum font partie de la ‘sélection’ Villard.
Fig. 9. Deux lécythes du type Pagenstecher exposés dans la vitrine « Mégara Hyblaea » du Musée « Paolo Orsi » de Syracuse (n. 38 et 39) : « Dalla zona ad Ovest dell’agorà ».
Clichés P. Munzi, CNRS/CJB.
- 20 Hurschmann 1997, p. 58, n. 105‑106 (Musée Archéologique Régional « Paolo Orsi » de Syracuse) ; n. 1 (...)
- 21 Hurschmann 1997, p. 59, n. 114.
25Trois des exemplaires provenant de Mégara Hyblaea, dont celui de la tombe 1/1966 et le n. 39 au Musée de Syracuse, sont cités dans le catalogue de R. Hurschmann dans le « B Gruppe » et au sein du « Cambridge-Termini Gruppe »20, alors que le lécythe n. 38 prend place dans le « Gruppe des hängenden Bandes »21.
- 22 Pour une note bibliographique sur la diffusion des lécythes du type Pagenstecher en Sicile en l’éta (...)
26Les lécythes du type Pagenstecher ont une très large diffusion en Sicile. En l’état actuel de la recherche, ils sont attestés sur plusieurs sites de la Sicile orientale et centro-méridionale : Syracuse, Lentini, Monte San Basilio, Randazzo, Castiglione di Sicilia, Assoro, Troina, Palikè, Libertinia, Caltagirone, Butera, Licata, Géla, Agrigente, Monte Saraceno, Scornavacche Chiaramonte Gulfi, Gibili-Gabib, Marianopoli, Capodarso, Vassallaggi. D’autres attestations proviennent de la Sicile occidentale et centro-septentrionale : Birgi, Lylibée, Monte Adranone, Polizzi Generosa, Monte Iato, Montagnola di Marineo, Termini Imerese, Caronia et Tyndaris. Plusieurs autres exemplaires sont documentés dans les nécropoles de Lipari (fig. 10)22.
Fig. 10. Carte de diffusion des lécythes du type Pagenstecher en Sicile (mars 2025).
Dao G. Stelo, EFR/CJB.
- 23 Montironi 1992 (1997), p. 61‑66.
27A. Montironi, en étudiant le mobilier funéraire de la tombe 105 de Lentini dans lequel est présent, en association avec d’autres vases à figures rouges et à vernis noir, un lécythe du type Pagenstecher figurant une tête de profil coiffée d’un bonnet phrygien, propose de dater l’introduction de cette forme en Sicile dès les premières décennies du ive siècle av. J.‑C.23.
- 24 Tullio 2018, p. 61‑76.
28Un article récent de A. Tullio fait le point sur cette production céramique à partir des nombreux exemplaires retrouvés dans la nécropole de ive‑iiie siècle de Polizzi Generosa, site de l’intérieur près du massif des Madonie, à la frontière entre la Sicile punique et l’aire d’influence de Syracuse24. L’auteur attribue les lécythes plus anciens (surtout avec des figures humaines masculines et féminines), datables de la première moitié du ive siècle, à une production « campanienne », alors que les exemplaires provenant des contextes plus récents (deuxième moitié du ive‑iiie siècle) seraient plutôt le produit d’ateliers sicéliotes, vraisemblablement locaux.
- 25 Bernabò Brea, Cavalier 1997, p. 93‑99. L. Bernabò Brea et M. Cavalier attribuent les exemplaires li (...)
- 26 Marianapoli 2000, p. 77‑94. Il s’agit de la tombe 2, une sépulture à inhumation, probablement dans (...)
- 27 Pizzo 1998‑1999, p. 207‑395, en particulier pour les lécythes du type Pagenstecher, v. les tombes 4 (...)
- 28 Caltanissetta 2003, p. 26, t. 21 (deuxième moitié du ive s.) ; p. 35, sarcophage dans la roche (deu (...)
29À côté de ceux attestés à Leontini et à Polizzi Generosa, il convient également de mentionner les lécythes mis au jour dans les contextes funéraires, d’une part de Lipari25, mais aussi sur les sites de la vallée du fleuve Salso, Marianopoli26, Vassallaggi27 et Gibil-Gabib28, ornés de figures humaines, principalement féminines, exécutées avec une grande qualité stylistique.
30Un autre exemplaire particulièrement intéressant provient de la tombe 3 de Monte San Basilio (nécropole de la Fossa / Scordia), où il a été retrouvé en association avec une lékanis du Groupe de Lentini. Il représente une figure féminine vêtue d’un chiton, assise sur un rocher. Ce contexte est daté du milieu – troisième quart du ive siècle.
31Sur l’ensemble des sites sicéliotes, les mobiliers funéraires comprennent également des lécythes ornés de têtes féminines, parfois coiffées d’un bonnet phrygien, ainsi que de représentations animales, principalement des volatiles, généralement traités de manière plus rapide et sommaire.
32En l’état actuel des recherches, les découvertes de Lipari, Polizzi Generosa, Marianopoli, Vassallaggi, Gibil-Gabib et Lentini, auxquelles se rajoutent aujourd’hui celles de Mégara Hyblaea, sont d’un grand intérêt pour l’étude de cette classe de céramiques en Sicile, car les exemplaires ont été trouvés dans des contextes funéraires, associés à d’autres catégories de céramiques et presque toujours dans des associations très significatives pour leur datation chronologique. Dans la plupart des cas, ces lécythes à figures noires sont associés à des vases à figures rouges, à des céramiques à vernis noir et avec décoration surpeinte (notamment du « Vine Group ») et à des bombylioi à figures noires, confirmant une datation, au moins pour la plupart des cas, dans la deuxième moitié du ive‑début du iiie siècle.
33Ce qui apparaît indiscutable, c’est la matrice iconographique des exemplaires retrouvés en Sicile qui, même s’ils peuvent être attribués à des ateliers sicéliotes, présentent de fortes affinités avec les productions tyrrhéniennes. Et, dans ce cas comme dans d’autres, Lipari semble avoir joué un rôle central dans les relations de contact et d’échange entre les deux régions.