Données scientifiques produites :
Recherches à Incoronata
Chroniques de l’EFR :
https://journals.openedition.org/cefr/3534
1Nonobstant les difficultés encore présentes suite à la crise sanitaire de la Covid‑19, nous avons pu organiser et mener à bonne fin la xixe campagne de fouille à Incoronata, qui a eu lieu du 7 juin au 6 juillet 2021. Comme l’année dernière, nous avons tenu à préserver la continuité scientifique de nos recherches, à assurer l’activité et la présence de la mission dans le territoire d’appartenance de la fouille et auprès de la communauté locale (Comune di Pisticci) et également à donner une perspective forte, en termes d’implication dans la recherche, aux jeunes membres de l’équipe.
2L’exploration des contextes mis au jour dans le secteur occidental du plateau (fig. 1, 23) a été conduite dans l’objectif de poursuivre l’investigation stratigraphique et topographique des structures, des espaces et des bâtiments réalisés du ixe au viie siècle avant J.‑C. dans cette zone cruciale de la colline. L’activité de fouille a été complétée par d’importants prélèvements archéobotaniques réalisés par une spécialiste du Laboratoire d’Archéobotanique de l’Université du Salento dans les différents contextes mis au jour.
Fig. 1. Incoronata 2021. Le secteur nord de la fouille, au petit matin, surplombant une mer de brume.
M. Denti / sur concession du MiC – SABAP Basilicata. Tous droits réservés.
3L’exploration archéologique a été menée dans deux zones principales du secteur, au nord et au sud, avec des résultats encore une fois absolument fondamentaux. Au nord, nous avons achevé la fouille des fosses rituelles qui contournent l’édifice à abside (fig. 2, 3, A) et poursuivi l’exploration de l’aménagement cultuel organisé autour d’une grande pierre ovale lisse (fig. 2, 3, B) ; la grande structure en pierre (fig. 2, 3, C) a été dégagée d’une partie ultérieure de l’importante couche d’oblitération, et les sols s’étendant au sud de celle‑ci ont été pour la première fois détectés et reconnus (fig. 3, C2). Au sud (fig. 2, D), nous avons poursuivi la mise au jour des structures interceptées auprès du terrassement artificiel sur lequel le contexte cultuel chtonien du ixe‑viiie siècle avait été construit.
Fig. 2. Incoronata 2021. Planimétrie de la fouille, avec le marquage des zones d’intervention.
DAO L. Marchand / sur concession du MiC – SABAP Basilicata. Tous droits réservés.
Fig. 3. Incoronata 2021. Photogrammétrie du secteur nord.
Elaboration C. Vita / sur concession du MiC – SABAP Basilicata. Tous droits réservés.
4Sur le côté nord de l’édifice à abside – dont la fonction cérémonielle s’est déployée sur au moins 4 phases de vie, toutes vraisemblablement inscrites à l’intérieur du VIIe siècle (fig. 3, A1 ; 4) – nous avons pu achever la fouille des remplissages des fosses qui n’avaient pas encore été vidées lors des campagnes précédentes (fig. 2, 3, A ; 4).
Fig. 4. Incoronata 2021. Planimétrie du secteur nord.
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5Une série de fosses à un profil subcirculaire, creusées l’une à l’intérieur de l’autre, a été comblée par de la terre meuble, contenant des objets (céramiques, os, pierre, galets) révélant des choix intentionnels de nature dépositionnelle. La plus grande de ces fosses (US 695, largeur max. 1,60 m, fig. 5, A) possède des parois verticales, qui respectent soigneusement la limite septentrionale du bâtiment absidial (fig. 5, B ; 4) ; elle a été remplie de terre contenant des pesons, de nombreux gros ossements de porc et de cervidé (fig. 6) et de grands fragments de céramique, pour la plus part œnôtre (à signaler un fragment de skyphos grec) allant de l’impasto, souvent très ancien, lissé et décoré en relief, de très haute qualité (fig. 7) jusqu’à de la matt painted plus récente (comme une écuelle bichrome d’origine iapyge, fig. 8).
Fig. 5. Incoronata 2021. Depuis le nord, les fosses mises au jour entre l’autel (en premier plan) et l’édifice à abside (sur le fond).
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Fig. 6. Incoronata 2021. Ossements du remplissage de la grande fosse US 695.
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Fig. 7. Incoronata 2021. Céramiques du remplissage de la grande fosse US 695.
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Fig. 8. Incoronata 2021. Céramiques du remplissage de la grande fosse US 695.
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- 1 Chapman 2000.
- 2 Un phénomène que nous avions déjà pu observer à Incoronata lors de la campagne 2015 : Denti 2017, (...)
- 3 Denti 2020, p. 4‑11, fig. 5‑12.
6Une série majeure d’éléments significatifs est à observer dans ce contexte. En premier lieu, le système de l’imbrication entre plusieurs fosses, creusées l’une à l’intérieur de l’autre, qui s’avère compatible avec la pratique rituelle1 consistant à réaliser sous terre, de la part d’individus ou de groupes familiaux, une série de bothroi connectés les uns aux autres dans l’objectif de mettre les vivants en relation avec le monde souterrain des ancêtres2. À cette pratique correspondent avec cohérence également les caractéristiques de la céramique retrouvée, associée à d’importants restes d’ossements d’animaux ; la déposition d’une pierre plate sur le fond de la fosse ; surtout, la présence d’une forte concentration de mobilier longeant sur 2,10 m le bord interne oriental de la fosse, dans lequel se trouvait la plus haute accumulation de grands fragments céramiques et des ossements, associés à des restes carbonisés (fig. 9). Tous ces éléments offrent des arguments‑clé pour confirmer la nature rituelle du comblement de cette fosse, en l’inscrivant avec une grande cohérence dans la série des fosses à forte connotation chtonienne qui caractérisent l’espace entourant l’édifice à abside3.
Fig. 9. Incoronata 2021. La concentration de mobilier longeant le bord oriental de la grande fosse US 695.
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- 4 Kourou 2021, p. 310, fig. 5.
7À l’ouest de la grande fosse, nous avons vidé les comblements d’une série de 3 autres plus petites (diamètre 60‑80 cm en moyenne), parfaitement circulaires, alignée entre elles et communicantes par un court canal et rangées sur le côté sud‑est de l’autel en pierres (fig. 3, A ; 4 ; 5, C). La fosse plus méridionale s’ouvre à la fois sur une quatrième fosse (fig. 5, D), lui donnant ainsi une forme bilobée. La découverte d’un double anneau en bronze, décoré par un petit galet blanc percé (fig. 10) et déposé sur le bord de l’une de ces fosses, ainsi que l’emplacement de ce système de fosses en liaison topographique étroite avec l’autel (fig. 5, E) et les autres bothroi, suggèrent l’hypothèse d’une possible fonction rituelle de ce même ensemble. Cette suggestion s’appuie également sur la comparaison avec les 2 (ou 3) fosses également reliées entre elles de la phase géométrique du sanctuaire cycladique de Xobourgo à Tinos et interprétées comme des fosses cérémonielles4.
Fig. 10. Incoronata 2021. L’anneau en bronze décoré par un petit galet blanc percé, du bord de l’une des fosses à la fig. 5.
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8Plus à l’ouest, au nord de l’édifice en pierre (fig. 2 ; 3, B ; 4), nous avons procédé à la fouille de la structure circulaire qui se trouvait en relation topographique et fonctionnelle avec un aménagement rituel constitué d’un lit de galets, sur lequel des restes de repas cérémoniels et de libations gisaient (des ossements, le crâne d’un veau de quelques mois, des tessons appartenant à des coupes grecques datables du viie siècle)5. Cet aménagement encadrait une structure concave, dotée d’un profil ovale, scellée par un mélange très dur de galets posés sur une couche d’écailles de pierres, de petits cailloux et de briques : au moment de sa découverte, nous l’avions supposé – comme on le verra, à raison – comme le « bouchon » d’un bothros6 (fig. 11).
Fig. 11. Incoronata 2019. La structure concave, avec la face supérieure de la grande pierre ovale au centre du « bouchon ».
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- 7 Denti 2000, p. 12, fig. 16.
- 8 Observations réalisées, non de visu, par le géomorphologue de notre équipe, Bruno Comentale, que j (...)
9Au centre, à 15‑20 cm de profondeur, cette couche très résistante cimentait littéralement la face supérieure d’une grande pierre dont restait visible une portion, de forme ovale, de la surface lisse et rougeâtre, en forme de grand œuf (fig. 11) ; quand elle a été mise au jours lors de la campagne du 2019, elle a été immédiatement – et facilement – interprétée comme intentionnellement déposée7. Une fois fouillé, le bouchon est apparu constitué de 3 différentes strates de matériaux lithiques et de fragments de briques, formant une couche épaisse et très dure ; réalisées au même moment, elles ont fixé, au centre, cette pierre (fig. 12). Il s’agit d’une roche extrêmement lourde, mesurant une trentaine de cm, de forme parfaitement ovoïde, avec une surface lisse mais en même temps plutôt rugueuse (présence de gros cristaux imbriqués), de couleur rouge (fig. 13). Cette coloration dépend de l’oxydation du fer présente dans la masse de cette roche magmatique (de la rhyolite ou, plus probablement, du granite)8.
Fig. 12. Incoronata 2021. La structure concave, en cours de fouille, avec les couches de matériel fixant au centre la pierre ovale.
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Fig. 13. Incoronata 2021. La grande pierre rouge ovale.
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- 9 Kourou, p. 311, fig. 7.
- 10 Denti sous presse.
- 11 Dernièrement, Göransson 2012, avec bibliographie précédente. Cette pierre (largeur 19 cm) est plus (...)
- 12 Pour un récente encadrement du culte, Romani 2020. Je remercie l’auteure pour l’information.
10Les lieux de culte dans l’espace méditerranéen – notamment dans le milieu cycladique, comme par exemple, celui de Tinos déjà cité9 – témoignent de l’utilisation de gros galets de forme ovoïde constituant en soi un objet de culte10. L’un des cas les plus célèbres est certainement représenté par la pierre ovale, objet d’un culte connecté à la sphère de la fertilité, mise au jour par la Swedish Cyprus Expedition à la fin des années vingt dans le sanctuaire d’Agia Irini à Chypre11. Retrouvée posée sur un autel en pierre calcaire et entourée par plus de deux mille statuettes votives en terre cuite aménagées en demi-cercles concentriques, la pierre formait le cœur de l’activité religieuse de ce sanctuaire en plein air à l’époque archaïque12. Ces comparaisons plaident en faveur de la valeur cultuelle de notre objet, confirmée par ses caractéristiques morphologiques et sa couleur, aussi bien que par la typologie de son installation, aménagée précisément et positionnée exactement au centre de la partie supérieure du scellage d’un bothros.
11Nous rappelons que, de façon très significative, un système rituel analogue a été mis au jour par notre mission plus au sud, là où une grande pierre lisse (cette fois de couleur blanc) a constitué un objet de culte (ou peut‑être un autel ?) (fig. 20 ; 21, C) : elle aussi a été retrouvée entourée des restes de repas cérémoniels et de libations (os et céramiques à vocation rituelle) et placée exactement au centre d’un bouchon très compact en galets qui scellait une fosse sous-jacente, remplie de cendres, d’os carbonisés et de dépositions céramiques (fig. 21, A). Ce contexte chtonien, daté du VIIIe siècle, était antérieur au nôtre d’un siècle, mais l’aménagement, les pratiques rituelles et la logique cultuelle n’ont pas changé.
12Revenons à notre pierre ovale. Au‑dessous de son aménagement, comme on s’y attendait, une grande fosse subcirculaire est en effet apparue (fig. 3, B ; 4). Elle avait été remplie de terre, caractérisée par une plus forte présence de charbons et de galets dans les couches supérieures, de cendres et de traces de brûlé dans celles plus profondes. Ces couches, d’une hauteur moyenne de 10 cm, ont révélé un profil concave, plus profond au milieu et remontant aux extrémités vers le haut, en s’appuyant sur les parois de la fosse. La couche inférieure est constituée de nombreux nodules d’argile, ossements et cendre (la fouille complète de la fosse, toutefois, n’a pas été terminée).
13Ces différentes couches de remplissage contiennent des nombreux tessons de céramique œnôtre, tandis que seules les couches supérieures sont caractérisées par la présence d’impasto, de matt painted (monochrome et bichrome), de céramique grecque, locale mais aussi d’importation (des nombreux skyphoi). Parmi elle, nous devons signaler le bord de krateriskos (fig. 14), qui colle parfaitement avec les tessons retrouvés non loin, en 201813, dans la large fosse adjacente à la paroi nord du grand bâtiment en pierres (fig. 3, C ; 4)14. Il s’agit d’un témoignage ultérieur d’un phénomène désormais bien connu dans les contextes chtoniens d’Incoronata, celui de l’enchainment, la pratique rituelle prévoyant la fragmentation de céramique – normalement de prestige – et sa déposition à l’intérieur de différentes structures rituelles, même topographiquement éloignées.
Fig. 14. Incoronata 2021. Krateriskos d’importation, fragmenté et déposé tant dans l’une des couches de remplissage de la fosse située sous le « bouchon » contenant la pierre ovale, que dans la fosse adjacente au grand bâtiment en pierres.
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14Conjointement à la présence d’autres céramiques grecques d’importation et de production locale de très haut niveau (dont des fragments d’un autre krateriskos, d’une œnochoé, mais surtout de l’œnochoé figurée de style WGS que nous connaissons désormais bien, car elle avait été aussi éparpillée dans les différentes fosses limitrophes15), cette nouvelle découverte permet également de confirmer la contemporanéité de toutes ces actions rituelles dont témoigne la dispersion simultanée de plusieurs parties d’un même vase dans des espaces de déposition différenciées mais limitrophes. Cette pratique a été réalisée dans un moment bien avancé du viie siècle sur une surface de grande ampleur (fig. 3, A, B, C), caractérisée par la même physionomie cultuelle à caractère chtonien.
15L’ablation d’une tranche importante de l’énorme couche d’oblitération en terre et briques encore présente au centre de cette zone de la colline (fig. 3, 5) a permis de libérer une nouvelle section du grand bâtiment en pierres orienté est‑ouest, dont nous connaissons actuellement ce qui reste, probablement, de sa fondation (US 591, fig. 3, C ; 4, 15‑16). Comme prévu, celle‑ci s’étend vers l’ouest, longeant la limite du plateau collinaire et rejoignant ainsi actuellement 12 m de longueur et 3 m en largeur (fig. 1‑4) ; tout au long de son profil méridional, elle est apparue caractérisée par un aménagement de blocs de pierres plates, formant un alignement plus solide et structuré (fig. 15). Également, le sol de petits cailloutis très compact, qui avait recouvert, en guise de véritable tapis, cette imposante structure à la suite de son démantèlement, se poursuit vers l’ouest : nous en avons laissé une partie comme témoin (US 640, fig. 3, C1 ; 4, 15‑16). Une autre donnée majeure a été confirmée cette année : la présence d’un pendage qui caractérise la structure dans le sens de la largeur. Celle‑ci décroit en effet progressivement du nord au sud, sur un dénivelé d’au moins 30 cm.
Fig. 15. Incoronata 2021. Vue du sud‑est, la nouvelle section de la grande structure en pierres, avec la partie conservée du sol qui l’a oblitérée et l’alignement des blocs dans sa limite méridionale.
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Fig. 16. Incoronata 2021. Photogrammétrie du grand bâtiment en pierres, avec un schéma stratigraphico-chronologique de ses phases.
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- 16 Pour un approfondissement de la séquence chronologique, voir Denti 2021, p. 9.
16La figure 16 nous montre l’état actuel de nos connaissances, sur une base stratigraphique, de la chronologie la plus probable des différentes phases d’intervention qui ont vraisemblablement caractérisé ce bâtiment16, depuis sa fondation entre la fin du viiie et le début du viie siècle, jusqu’à son recouvrement par le sol US 640 dans la seconde moitié du viie. Des renseignements plus précis concernant la fonction et la datation des phases de cet ensemble monumental ont commencé à nous parvenir cette année grâce à l’élargissement de la fouille dans l’espace situé au sud de la structure en pierres (fig. 2, C).
17L’opportunité de poursuivre ultérieurement vers le sud l’enlèvement de grandes strates de couverture appartenant au programme d’oblitération définitive du site (fin viie-début VIe siècle) a ainsi permis de commencer à mettre au jour l’espace qui côtoyait notre grande structure tout au long de sa limite méridionale (fig. 3, C2 ; 4 ; 16, A). Il s’agit évidemment d’un espace‑clé, qui nous laisse accéder progressivement à la contextualisation de ce monument fondamental à l’intérieur de son environnement topographique et, donc, fonctionnel. D’un côté, en effet, il nous offre l’opportunité d’observer le fonctionnement de la structure par rapport à son espace réel de fréquentation : un espace impossible à détecter sur son côté nord, là où elle apparaît délimitée par des fosses (fig. 16, B) et par un rehaussement (dont la nature se révèle de plus en plus, à nos yeux, artificielle) relatif à des niveaux de piétinement plus récents (fig. 16, C). De l’autre, il nous donnera les moyens pour inscrire sa réalisation, et sa vie, à l’intérieur d’un phasage chronologique plus précis.
18Le plan le plus important que nous avons détecté (US 877, fig. 3, C2 ; 4 ; 16, A ; 17) s’étend tout au long de la limite méridionale de la structure en pierres et est caractérisé par la présence de concentrations de galets (souvent brisés) et de tessons retrouvés à plat. Ceux‑ci comprennent, notamment et de manière significative, de la céramique grecque d’importation, dont une coupe PC, un grand conteneur et plusieurs fragments d’amphore SOS (fig. 18).
Fig. 17. Incoronata 2021. Le côté oriental de l’espace au sud de la grande structure en pierre : le plan US 877 et la couche de terre argileuse artificielle qui le recouvre à l’est, US 645.
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Fig. 18. Incoronata 2021. Fragments d’amphore SOS présents sur le plan US 877.
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19Deux micro-sondages réalisés au‑dessous de la paroi méridionale du mur (fig. 16, D) ont montré que l’extension du plan s’arrête en correspondance de cette limite : il ne continue en effet plus sous la terre de substruction du mur, mais il s’interrompt nettement juste au‑dessous des premiers alignements de pierres. Le mur semble donc avoir été construit (sous bénéfice d’inventaire en raison de l’étroitesse des deux sondages) en association avec ce plan, plutôt que sur celui‑ci. Par conséquent, nous pouvons en déduire – en l’état actuel de nos connaissances – que notre plan aurait bien pu représenter l’espace de piétinement connecté à la construction de la grande structure. La chronologie haute de la céramique (notamment grecque) retrouvée sur ce plan semble bien correspondre, d’ailleurs, à la chronologie haute de la céramique (exclusivement indigène) retrouvée à l’intérieur des pierres constituant la structure, donnant ainsi une cohérence à cette hypothèse du point de vue de la chronologie absolue : nous devrions donc bien nous trouver dans un contexte datable de la fin du viiie-début du viie siècle.
- 17 Car, sur ce côté de la colline, nous n’étions jamais descendus à ces niveaux stratigraphiques.
20Notre plan US 877, enfin, apparaît délimité à l’est par une véritable couronne de fosses qui ont été réalisées à l’intérieur d’une énorme masse de terre argileuse jaunâtre, plein de micro-inclusions de calcite (US 645, fig. 3, D ; 17). Nous avons pu définitivement vérifier, cette année, la nature réelle de cette couche : elle ne constitue pas partout le terrain naturel de la colline – la strate « vierge » d’argile, comme nous l’avons longtemps cru17 – mais le fruit d’un énorme aménagement artificiel, sur lequel les structures les plus récentes, datables du viie siècle, ont été réalisées (comme, par exemple, l’édifice à abside). Cette circonstance – que nous avions déjà commencé à détecter au nord du grand bâtiment en pierre, et qui est attestée également dans les phases les plus anciennes de l’occupation de la colline, au sud, comme on le verra dans le prochain paragraphe – nous a été confirmée par l’observation stratigraphique de la superposition de cette couche de terre argileuse au plan US 877. Rapportée, remaniée et modelée plastiquement, elle a fonctionné comme réceptacle des fosses, aussi bien que comme une sorte de borne renforcée pour ancrer des gros éléments de poudings qui y sont incorporés sur le côté nord-est.
21Comme le lecteur qui a suivi l’évolution des données de nos recherches pendant tous ces années a pu le voir, nous nous trouvons donc, actuellement, à un moment fondamental de notre démarche, non loin de la compréhension définitive du fonctionnement global de ce secteur crucial de l’occupation de la colline d’Incoronata. Il ne faut pas manquer en effet d’observer que les mêmes typologies architecturales identifiées au nord (structures en blocs de pierre, sols en cailloutis, terrassements artificiels en terre argileuse) ont été mises au jour, lors des campagnes précédentes, également dans la zone méridionale de la fouille18. Elles affichent de manière significative les mêmes coordonnés spatiales, techniques et aussi chronologiques et – fait absolument fondamental – les mêmes altitudes (fig. 19) :
22a) le sol US 640 (fig. 19, A), qui recouvre le grand bâtiment en pierres au nord, datable du viie siècle, possède – à côté d'une même technique constructive, en petit cailloutis – des altitudes identiques au sol US 38, au sud (fig. 19, A1), également datable du viie siècle : US 640, de m 62,80 à 63,28 = US 38, de m 62,95 à 63,03. Au millimètre près ;
23b) le plan US 877 (fig. 19, B), au sud de la grande structure en pierres, que nous pensons actuellement datable entre la fin du viiie et le début viie siècle, possède des altitudes identiques au plan US 70, au sud (fig. 19, B1), datable également entre la fin du viiie et le début viie siècle : US 877, m 62,47 = US 70, m 62,53. Au millimètre près.
Fig. 19. Incoronata 2021. Planimétrie de la fouille, avec l’indication des correspondances chronologiques, typologiques et altimétriques entre les différentes structures (A ‑ A1 et B ‑ B1) ; en rose, au centre (C), la partie non encore fouillée de grandes couches d’oblitération.
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24Il s’agit d’une situation qui restitue parfaitement, en l’état actuel de nos connaissances, la potentialité extraordinaire des perspectives qui s’ouvrent devant nous : nous avons maintenant la capacité de lire le développement de l’occupation et de la structuration monumentale de la colline d’Incoronata à l’âge du Fer à travers la superposition de ses différentes phases sur l’ensemble d’un espace de plus d’1 km2. L’opportunité d’enlever, lors des campagnes à venir, ce qui reste de grandes couches d’oblitération se trouvant encore au centre de la zone de fouille (fig. 19, C), permettra en effet d’uniformiser et de renforcer la compréhension de l’étendue et de l’envergure de ce faciès monumental du viiie et viie siècle, témoignage extraordinaire du niveau de la pratique évergétique des élites indigènes actives sur la colline (fig. 23).
- 19 Notamment Denti 2019. En 2020 nous n’avons pas pu ouvrir le secteur sud de la fouille en raison de (...)
25Dans le secteur méridional de la fouille (fig. 2, D) nous avons poursuivi la mise au jour des structures détectées lors de la campagne de 2019, qui se développent au sud du plus ancien contexte archéologique connu à Incoronata (fig. 20) : l’espace de culte chtonien, construit sur un terrassement en terre argileuse, qui comprenait une série d’aménagements rituels s’étendant sur plusieurs phases du ixe au viiie siècle : un bothros (fig. 21, A) ; un enclos triangulaire (fig. 21, B) ; une grande pierre cultuelle aniconique (ou un autel ? fig. 21, C) entourée d’offrandes associées à de restes de libations et de repas cérémoniels19.
Fig. 20. Incoronata 2021. Planimétrie du Secteur sud.
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Fig. 21. Incoronata 2021. Photogrammétrie du secteur sud.
Elab. C. Vita / sur concession du MiC – SABAP Basilicata. Tous droits réservés).
26La campagne 2021 avait comme objectif de poursuivre l’extension de la fouille dans l’espace entourant cet aménagement rituel, pour le contextualiser et mieux en comprendre le fonctionnement. Le sondage entamé il y a deux ans a été donc élargi vers le sud, où une imposante construction en pierres (déjà partiellement interceptée) est apparue. Elle est constituée de deux alignements parallèles de blocs irréguliers (fig. 21, D ; 22) qui, laissant au milieu un espace vide de 1,70 m de largeur, remontent de sud‑est vers nord‑ouest, du bas vers le haut, jusqu’au niveau du plateau sur lequel l’aire cultuelle repose. Ce pendage dépend du fait que nous nous trouvons désormais au‑delà des bords méridionaux du plateau collinaire, sur une pente caractérisée par un dénivelé important (fig. 22). Les pierres constituant ces alignements sont maintenues ensemble par la même technique que nous avons observée dans toute autre réalisation architecturale d’Incoronata : le liant est, tout simplement, de la terre.
Fig. 22. Incoronata 2021. La construction en pierres dans la pente, au sud-est de la terrasse supérieure dans le secteur sud.
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27De cet aménagement, nous noterons quelques éléments majeurs : l’espace entre les deux alignements (fig. 22, A) avait été comblé par un remplissage de terre contenant de la céramique assez récente (un tesson de vernis noir se trouvait dans la strate supérieure), une circonstance qui peut laisser entendre que cet espace aurait pu être, à l’origine, vide ; il faut considérer, toutefois, que sa fouille n’est pas encore terminée. Incorporé dans l’alignement occidental, en outre, un aménagement de pierres soigneusement imbriquées à plat entre elles sur plusieurs niveaux progressifs (fig. 22, B) suggère la fonction possible de cette installation comme structure destinée à permettre de franchir la déclivité propre de ces terrassements. La présence d’une importante concentration de galets de forme et couleurs identiques, étendue dans la partie méridionale entre les deux alignements de pierres (fig. 22, C) évoque de près une situation analogue mise au jour plus à l’ouest, interprétée comme une oblitération probable d’un seuil d’accès à la colline20. Encore plus intéressante, enfin, se révèle la découverte d’un énorme monolithe, encore in situ, de forme rectangulaire fortement allongé (cm 88 x 52 x 44), retravaillé partiellement et émergeant en hauteur à l’intérieur de l’alignement oriental (fig. 22, D). Il a été fixé verticalement dans la terre et consolidé par des pierres à plat : en guise de sema ?
28Tous ces arguments pourraient suggérer une interprétation de cette structure (destinée à être fouillée complètement l’année prochaine) sous la forme d’un éventuel accès aménagé à l’espace de culte se trouvant en hauteur, comme il avait déjà été suggéré lors de la campagne du 2019. Dans ce cas, pourrait‑il être envisageable d’imaginer une présence originaire d’éléments en bois intégrant cette armature lithique, en guise par exemple de marches ? Il s’agit naturellement, en l’état actuel de nos connaissances, d’une simple hypothèse de travail.
29La donnée certainement la plus importante et sûre que nous avons pu obtenir dans ce secteur reste en tout cas la confirmation de la nature artificielle de la grande couche argileuse jaunâtre sur laquelle les diverses composantes du contexte cultuel reposent en haut (fig. 22, E) : les pierres de la nouvelle structure, plus en bas, aussi bien que la terre à laquelle elles se lient, se développent en effet au‑dessous de la plateforme supérieure. Cela ne peut signifier qu’une chose : notre structure est plus ancienne que le terrassement sur lequel le contexte rituel s’appuie, ou bien – au cas où l’ensemble de ces éléments a été réalisé à un seul moment – elle en est contemporaine.
30La très haute chronologie de ce contexte – ixe-viiie siècles – inscrit donc notre aménagement à l’intérieur d’un système de terrassements progressifs, qui a modelé complètement les bords de ce côté de la colline à une phase très ancienne de l’occupation du site : en l’état actuel de nos connaissances, au ixe siècle, voire même avant... Ce résultat extraordinaire s’appuie sur des données exclusivement stratigraphiques, car nous ne sommes pas à l’heure actuelle en mesure de dater avec plus de précision cette installation (la documentation céramique associée étant, pour l’heure, extrêmement limitée).
31La découverte de cette nouvelle structure permet de se rendre compte ultérieurement de l’envergure des travaux de terrassement et de monumentalisation qui ont caractérisé (au moins) ce côté de la colline, que nous pouvons maintenant commencer à reconstruire comme ayant été complétement aménagée et artificiellement remodelée déjà au début de son occupation : un témoignage supplémentaire du très haut niveau de l’engagement évergétique des élites œnôtres qui, depuis ce site, ont dominé la côte ionienne de l’Œnôtrie à l’âge du Fer (fig. 23).
Fig. 23. Incoronata 2021. Photo aérienne de la zone de la fouille, du drone.
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