Données scientifiques produites :
https://www.ifao.egnet.net/​archeologie/​coptos/​

1. Problématique et bilan des principaux résultats

• Étude de l’évolution architecturale et urbaine des centres religieux de la ville, de l’époque pharaonique à l’époque romaine impériale ;
• Découverte et fouille d’un mammisi construit par Ptolémée IV ;
• Identification d’un temple d’Isis et Harpocrate décoré par Ptolémée IX ;
• Mise en évidence des réaménagements successifs des ensembles cultuels durant l’époque gréco‑romaine ;
• Anastylose de petits monuments d’époque romaine.

2. Travaux réalisés en 2021

2.1. Mission

1Les travaux de cette saison, qui s’est déroulée du 9 février au 15 mars 2021, se sont concentrés, selon les préconisations du Comité permanent, sur les deux secteurs du mammisi et de la chapelle orientale d’Isis.

2.1.1. Le mammisi de Ptolémée IV

Cédric Gobeil, Béatrice de Faveri, Laure Pantalacci et Ihab Mohammed Ibrahim

2L’objectif de la campagne 2021 dans la zone du mammisi était de poursuivre et d’étendre les fouilles au sud, à l’ouest et à l’est des pierres de sol et de fondation déjà connues, afin de recueillir les fragments décorés restants et de mieux comprendre les niveaux inférieurs tout autour du monument (fig. 1).

3L’exploration du secteur ouest du mammisi a permis de mettre au jour huit nouvelles pierres de fondation encore dans leur position initiale (fig. 2).

4Cette découverte a apporté des renseignements très utiles quant au niveau général de fondation du monument (173,03 m) et à sa limite occidentale, cette dernière étant également confirmée par le dégagement d’un niveau d’accumulation induré (US 363) brusquement coupé selon une ligne nord‑sud à l’endroit où devait se trouver la paroi extérieure ouest du mammisi (voir plan, fig. 1). Cette ligne bien dessinée pourrait en effet être l’empreinte en négatif du mur occidental spolié à l’époque byzantine.

5La fouille du secteur oriental du mammisi a également donné des résultats très intéressants. Huit nouvelles pierres de fondation ont été mises au jour – dont cinq toujours dans leur position d’origine – tandis que des traces d’autres pierres de fondation ont été aussi trouvées sous la forme de nombreux petits fragments de grès jaune (US 388) (fig. 3), dont le niveau maximum supérieur est parfaitement identique à celui des pierres encore en place (173,53 m).

6Il est intéressant de noter que ces traces de grès s’arrêtent exactement à l’endroit où la face extérieure du mur oriental du mammisi devait se trouver (voir plan, fig. 1). Ce secteur montre également des signes évidents de réoccupation post‑destruction, similaires à ceux qui avaient été observés lors des campagnes précédentes. Des surfaces indurées (US 382, 384 et 391), sols d’usage autour des assises basses de fondation, et un petit bassin de forme semi‑circulaire en pierres sèches (US 390) sont autant de témoignages de cette réoccupation, au cours de laquelle fonctionnaient de petits ateliers dont la nature des activités reste jusqu’à présent indéterminée. Ces ateliers ont été installés immédiatement contre et sur la surface nivelée du mur US 175 (niveau 173,93 m), dégagé en 2013. Cette saison, une autre partie du même mur (US 372) a été dégagée plus au sud. La berme est de notre fouille, située presque à la verticale exacte de la face ouest du mur, a révélé une paroi de mur couverte d’un enduit blanc de belle qualité, préservé sur une hauteur de 90 cm. La fondation de ce mur US 372 (172,53 m) présente quatre assises de briques crues (fig. 4). L’axe du mur et le traitement consacré à sa paroi exposée renforcent l’idée, développée lors de la découverte du mur US 175, qu’il s’agisse du mur d’enceinte du deuxième pylône du temple de Min et Isis.

7Le dégagement du secteur sud du mammisi s’est poursuivi pour trouver des traces de sa limite sud. Cette opération a mené à une découverte surprenante : nous avons mis au jour une installation complexe faite d’une structure en briques crues (US 371) connectée à un petit canal (US 379 et 401) menant à un grand bassin rectangulaire de 5,25 × 2,40 m (fig. 5). Les bords de ce dernier sont en fait formés de plusieurs sections non jointives, consistant chacune en des accumulations de terre (US 253, 263, 273 et 398) qui contenaient de nombreux fragments décorés du mammisi.

8Le fond du bassin (de 173,09 à 172,94 m) est formé par une mince couche de petits fragments de grès contenus dans une couche de sable gris compact presque aussi dure qu’une surface de béton (US 399), laissant supposer que de l’eau (ou un autre liquide) y a été utilisée, en grande quantité et/ou pendant une assez longue période. L’extrémité sud du petit canal (US 401) est fermée par trois pierres plates posées à la verticale et couvertes d’un enduit blanc. Elle est plus haute que son extrémité nord (pente S‑N de 173,34 à 173,15 m), ce qui montre que le liquide coulait dans une direction sud‑nord, de la structure en briques crues jusqu’au bassin. Malgré ces observations détaillées, nous n’avons pas encore pu identifier la fonction précise de cette installation au‑delà du fait qu’un liquide, probablement de l’eau, y était utilisé. Le niveau de cette installation par rapport à la stratigraphie générale de la zone, ajouté au fait qu’elle contenait de nombreux fragments décorés du mammisi, indique qu’elle est contemporaine des activités d’atelier développées dans ce secteur au Bas‑Empire après la destruction du monument. L’analyse de la céramique provenant des couches fouillées devrait permettre de vérifier cette hypothèse.

9Les 273 fragments décorés trouvés cette année ont été documentés et catalogués, puis photographiés par Ihab Mohammed Ibrahim (Ifao). Notablement plus grands que ceux des campagnes précédentes, ils proviennent en majorité de la partie avant du mammisi, et souvent d’angles de blocs décorés. Ils seront donc utiles pour reconstituer la disposition générale du décor. De nouveaux motifs ont été identifiés, et d’autres déjà reconnus ont pu être complétés. En outre, on a remarqué que de très petits fragments ont été taillés dans les parois décorées pour y découper des détails (étoiles, visages, signes hiéroglyphiques divers), peut‑être destinés à devenir des amulettes. C’est une trace intéressante de la réception de la culture pharaonique par les Égyptiens de l’époque romaine tardive.

10Sur un bloc de bandeau de dédicace (n° 3047) apparaît le nom de l’éphémère empereur Galba (68‑69 apr. J.‑C.), très rarement attesté en Égypte. C’est à ce jour le dernier souverain dont le nom ait été gravé au mammisi. Enfin, un fragment statuaire en grès de belle facture, la jambe d’une figure masculine (n° 3093) trouvée hors‑contexte dans une couche de déblais (US 357), a pu appartenir au mobilier du mammisi.

2.1.2. Le secteur de la chapelle orientale d’Isis

Clémens Thienpont, Ebeid Mahmoud Hamid, Hind Abd el‑Shafi

11L’anastylose du podium romain qui portait une statue en bronze de la déesse Isis a été poursuivie et achevée. La dernière assise, formant corniche, est constituée de trois blocs qui ont été hissés à leur place à l’aide d’un trépied et d’un palan, par une équipe coordonnée par C. Thienpont et E. Mahmoud Hamid. Les quatre mortaises visibles à la surface des blocs latéraux ont servi à la fixation de la statue ; les canaux de coulée indiquent que cette dernière avait été fixée en place avec du métal fondu, probablement du plomb (fig. 6).

12La corniche endommagée du bloc de façade a été restaurée et son angle d’origine reconstitué au mortier de chaux sur une armature inox (fig. 7). Enfin, le cœur du piédestal a été maçonné au mortier de chaux avec des éclats de grès de récupération provenant de la zone du mammisi.

13Ensuite, les bases des deux pilastres qui flanquaient le podium au nord et au sud ont été remontées. L’assemblage des blocs avait fait l’objet d’une étude préliminaire de Samuel Louvion, étude dont les différentes marques d’outils et de pose ont confirmé l’exactitude. Le pilastre nord ne conserve que deux assises, fondation et base, tandis que pour celui du sud une assise supplémentaire est préservée (fig. 8). On peut se demander si la dernière assise du pilastre septentrional a disparu, ou si le projet a été hâtivement terminé à bon marché, en complétant tout le reste de son élévation en briques crues.

14Un mortier de finition a été appliqué sur les bases reconstruites.

15La dernière opération a consisté à bâtir derrière le podium et les pilastres un mur de clôture en briques crues qui, en fermant l’espace du côté est, redonne quelque idée de l’aspect originel de la chapelle.

16Lors de la prochaine saison, une opération complémentaire est prévue au nord du secteur restauré : tous les blocs de la base en pierre du pilastre immédiatement voisin de la chapelle au nord, sont eux aussi préservés. Après sondage de la zone, il pourra donc être remonté, et le mur de brique prolongé jusqu’à lui pour le relier au secteur de la chapelle.

3. Valorisation de la recherche

17L. Pantalacci, « Coptos : nouvelles données sur la ville gréco‑romaine », Les rendez‑vous de l’archéologie, Ifao/IFE, 28 février 2021, https://youtu.be/​93Fi5Jao89s

4. Parutions récentes

18L. Pantalacci, C. Gobeil, « The mammisi of Coptos: a preliminary report », dans D. Budde, A. Abd el‑Halim (éd.), Acts of the First Colloquium Mammisis of Egypt, à paraître.

19L. Pantalacci, « Coptos », dans L. Coulon, M. Cressent (éd.), French Archaeology in Egypt: Research, Cooperation, Innovation, BiGen 59, Le Caire, 2020, p. 116‑119.