Données scientifiques produites :
https://www.ifao.egnet.net/​recherche/​archeologie/​saqqara/​

1La mission a travaillé du 15 octobre au 17 décembre 2021, tant dans le secteur de la nécropole de Pépy I^er que dans celui de la nécropole de Pépy II.

1. Secteur de la nécropole de Pépy I^er

1.1. Le complexe funéraire de la reine Béhénou

2Un dernier nettoyage du temple funéraire a été mené dans les niveaux de destruction subsistant entre les éléments de dallage encore en place. Une série d’éléments de la décoration a été trouvée (fragments des piliers et des parois). Les bases des piliers ont été redressées et stabilisées, et certains éléments des piliers ont pu être replacés sur leur base.

1.2. Le secteur des tombes adjacent au « complexe de l’Ouest »

Xavier Hénaff et Noémie Monbaron

3La fouille de ce secteur s’est déroulée du 1^er au 18 novembre 2021. Elle fait suite à un sondage implanté à la fin de la campagne 2017, qui avait révélé la présence d’au moins une tombe en four. S’étendant sur une surface de 8 × 20 m, il est localisé entre le « complexe de l’Ouest » et l’entrée du complexe de la reine Ânkhnespépy II. Quatre tombes en four y ont été mises au jour (fig. 1).

4Ce secteur avait été fouillé pour la première fois en 1997‑1998 mais, pour diverses raisons, la fouille s’était arrêtée au niveau du sol de l’Ancien Empire. Plusieurs murs en briques avaient été dégagés révélant un ensemble au nord, au contact d’un groupe de tables d’offrandes, identifié comme un bâtiment cultuel. Une série de murs au sud avait été rattachée et identifiée comme appartenant à un autre bâtiment. L’existence de ce dernier est désormais à reconsidérer.

1.2.1. Le bâtiment en briques septentrional

5Si l’existence d’un bâtiment localisé au nord du secteur est certaine, plusieurs structures mises au jour dans ce secteur révèlent une histoire plus complexe (fig. 2).

6En préalable à la fouille de ce secteur, le linteau de granit appartenant à la porte d’entrée monumentale du complexe d’Ânkhnespépy II a été déplacé. En effet, celui‑ci occultait l’angle nord‑ouest du « bâtiment nord ». Malheureusement, la chute de ce monolithe de près de 10 tonnes a détruit la structure de briques à cet emplacement.

7Le nettoyage de l’édifice a montré que ses fondations s’appuient sur un remblai servant à aplanir le terrain naturel. Le niveau de circulation qui lui est associé est postérieur à celui du « complexe de l’Ouest » et est contemporain de la ruelle d’accès au complexe d’Ânkhnespépy II.

8Les niveaux sous‑jacents au remblai révèlent la présence d’une tombe en four (cf. infra § 1.2.2. La tombe 2) sans doute arasée lors de la construction du « bâtiment nord ».

1.2.2. Les tombes en four

La tombe 1

9La tombe 1, la plus méridionale du secteur, présente un puits rectangulaire (1,10 × 2,20 m pour 3,10 m de profondeur) aux parois en briques crues. L’espace d’accueil de la sépulture, perturbé par un puits de pilleur, est une construction rectangulaire (1,05 × 2,25 m) en briques crues fermée par une couverture à double voussoir. La hauteur sous‑voûte est de 1,35 m avec des parois de 80 cm de hauteur. L’ensemble est installé sur une couche de sable éolien pur. L’absence de mobilier et de restes humains laisse supposer que la tombe n’a pas accueilli de défunt.

La tombe 2

10La tombe 2, la plus septentrionale du secteur (fig. 3), est accessible à partir d’un puits rectangulaire (1,10 × 1,15 m) en briques crues de 3,10 m de profondeur. La tombe est rectangulaire (1,15 × 2,65 m), avec une hauteur de 1,25 m. Il s’agit d’une construction en briques crues à double voussoir, dont les parois de la chambre sont parementées de dalles de calcaire. La partie du plafond correspondant à l’épaisseur du mur sud du puits d’accès (1,06 m) est également renforcée à l’aide de dalles en calcaire. L’arrière de la tombe a été largement endommagé par les pilleurs : près de la moitié de la voûte s’est effondrée et les dalles supérieures du mur du fond ont été arrachées.

11L’intérieur de la tombe était comblé de différentes couches de rejets provenant à la fois du puits d’accès et du comblement du tunnel des voleurs pratiqué au sud. La fouille et le tamisage des sédiments ont permis de prélever plusieurs éléments appartenant probablement au défunt, dont subsistent le crâne et des fragments d’os longs. Malgré les dégâts causés par les pillages, le mobilier funéraire récolté était relativement riche. En effet, plusieurs éléments sont remarquables : deux bols en céramique, dont la technique et les thèmes décoratifs rappellent les productions nubiennes du Groupe C (fig. 4), un pendentif doré ainsi que plusieurs fragments de vases fins en pierre – dont un inscrit avec le nom de la pyramide de Pépy II possiblement ([]‑mn‑ʿnḫ).

Les tombes 3 et 4

12Les tombes 3 et 4 forment un ensemble architectural commun, situé au milieu du secteur (fig. 5). Adjacentes, elles sont construites contre un même mur de soutien long de 4,80 m. La tombe 3, la plus grande, mesure 2,40 m de longueur pour 1,60 m de largeur et 1,45 m de hauteur, tandis que la tombe 2 s’étend sur 2,15 × 1,30 m pour 1,25 m de hauteur. Les deux chambres possèdent un couvrement à double voussoir de briques. Fait étonnant, ces structures ne possèdent pas de puits d’accès, habituellement situé au nord. Cette « anomalie » architecturale pourrait être le témoignage d’un abandon en cours de construction. Par ailleurs, nous avons remarqué un autre détail intéressant concernant les étapes de construction de ces tombes : vides de tout occupant, elles étaient fermées par un muret en briques crues destiné probablement à éviter leur comblement accidentel lors du creusement du puits d’accès.

1.2.3. Les autres structures en briques

13Dans l’angle sud‑ouest du secteur, une petite structure en brique et en pierre, dont le sol est recouvert de dalles en pierre, avait été également mise au jour lors des campagnes 1997 et 1998. En poursuivant la fouille autour de la tombe 1, précédemment décrite, nous avons dégagé deux grandes jarres céramiques encore in situ (fig. 6). Celles‑ci sont en partie enterrées dans le sol et semblent fonctionner avec les petits aménagements de ce secteur.

1.2.4. Chronologie du secteur

14À l’issue de la fouille de la campagne 2021, il s’avère que la chronologie de ce secteur est plus complexe qu’il n’y paraissait. En ce qui concerne la chronologie relative, la stratigraphie démontre que le « complexe de l’Ouest » fut la première construction du secteur. Les tombes 3 et 4 appartiennent à une deuxième phase, mais nous ne pouvons réellement estimer le temps écoulé entre les deux phases.

15Les tombes 1 et 2 appartiennent à une troisième phase, sans que l’on puisse établir laquelle des deux fut érigée en premier.

16Le lien entre le complexe d’Ânkhnespépy II (phase 4) et les tombes 1 et 2 est plus compliqué à établir en l’absence de liens stratigraphiques et architecturaux. Cependant, il semble que le complexe soit postérieur. Un fragment de vase dans la tombe 2, présentant peut‑être le nom de la pyramide de Pépy II, attesterait un faible écart temporel avec la construction du complexe d’Ânkhnespépy II, commencé certainement lors des premières années de règne du roi, au moment de la régence de la reine‑mère.

17Enfin, les questions concernant les aménagements de briques découverts en 1997‑1998 sont en partie résolues. L’arasement de la tombe 2, antérieure, pourrait en partie expliquer l’exhaussement général du sol (de 30 à 50 cm) qui s’est appuyé sur des remblais.

18En termes de chronologie absolue, les tombes 3 et 4 seraient en partie contemporaines ou immédiatement postérieures au « complexe de l’Ouest », soit au début du règne de Pépy I^er, tandis que les tombes 1 et 2 seraient datables du début du règne de Pépy II, comme le complexe d’Ânkhnespépy II. Enfin, le bâtiment de briques crues situé au nord du secteur pourrait être une construction bien postérieure, peut‑être contemporaine des réaménagements de la nécropole de Pépy I^er, soit au début du Moyen Empire.

1.3. Le complexe funéraire de la reine Ankhnespépy II

19Le côté nord des fondations de la pyramide de la reine a été dégagé et une orthophotographie de toute la partie nord du complexe a été effectuée, complétant ainsi le relevé de l'ensemble du complexe funéraire.

1.4. Le dépôt secondaire d’ossements de bovidés

20Alain Charron et Mathieu Luret ont poursuivi l’étude de l’abondant matériel osseux issu des fouilles de 2016 et 2019.

2. Secteur de la nécropole de Pépy II

2.1. Le complexe funéraire de la reine Neith

21Le nettoyage principal des parois de la chambre funéraire de la reine a été achevé, mais certaines zones particulièrement touchées nécessiteront une intervention supplémentaire.

2.2. La pyramide de Pépy II

22La quasi‑totalité du relevé photographique des parois des appartements funéraires du roi a été réalisée. Le début de la dérestauration du sol en béton de l'antichambre a permis de retrouver de nombreux fragments de Textes des Pyramides.

2.3. Le complexe funéraire du roi Qakarê Ibi

Christelle Alvarez et Audran Labrousse

23Les travaux ont porté sur la fosse de fondation de l’appartement funéraire (caveau et serdab) et sa tranchée d’accès. Les relevés et l’étude de l’architecture ont permis de préciser les données publiées par Gustave Jéquier en 1935 avec la présence d’une herse, un décrochement de la cuve correspondant à la paroi sud du serdab et surtout une réduction de la dimension du côté de la pyramide de 60 à 50 coudées (26,20 m), ce qui modifie l’aspect du temple funéraire qui y est accolé. 57 nouveaux blocs et fragments des Textes des Pyramides ont été recueillis ; la restitution des parois de la chambre funéraire effectuée par G. Jéquier a été reprise, en particulier pour les parois est et ouest. En plus de ces travaux menés sur le site, des vérifications et des assemblages de fragments de Textes des Pyramides ont également été effectués dans le magasin et à l’intérieur de la pyramide.

2.3.1. La zone du couloir de la descenderie

24Le nettoyage de la descenderie a permis de mettre au jour une imposante structure encore en place comprenant un bloc bouchon, déjà connu, mais également le sous‑dallage jusqu’à la base du couloir qui fait suite (fig. 7). Le linteau de la descenderie, brisé sur toute sa longueur et tombé entre fin 2018 et 2019, a été restauré au début de la mission. Le dégagement du couloir a révélé un bloc de poudingue en place. Ce renforcement du dallage en calcaire indique sans doute la présence d’une herse.

2.3.2. Le serdab

25Le serdab, à l’est de la chambre funéraire, a été nettoyé jusqu’au niveau du dallage. L’analyse du sol a révélé la présence d’un troisième niveau de dallage. Aucun détail concernant l’emplacement de la porte du serdab n’a pu être retrouvé, bien que des traces soient peut‑être visibles sous le mur moderne qui supporte la restitution des textes.

26Les murs de soutènement de la fosse de construction sont conservés souvent intégralement. Leur hauteur correspond au sommet des parois de la chambre funéraire (3,46 m au‑dessus du dallage ; 6,5 coudées = 3,41 m), soit le niveau général du chantier, ce qui permettait de glisser à l’horizontale les linteaux de couvrement du caveau et du serdab. La fosse présente un décrochement au niveau de la partie sud du serdab qui ne correspond pas au plan publié par G. Jéquier. La partie sud du mur de la fosse se prolonge d’un mètre au sud et suit, à priori, la structure asymétrique de la pièce. Les marques de carriers relevées par G. Jéquier sur la paroi nord du serdab ne sont plus visibles, mais des traces et marques d’architectes sur le mur de la fosse et les blocs d’appuis, dont mḏȝt‑nṯr (fig. 8), ont été notées.

2.3.3. L’espace à l’ouest de la chambre funéraire

27L’étude de l’espace à l’ouest de la chambre funéraire avait pour objectif principal de déterminer l’emplacement du mur ouest de la chambre funéraire. En effet, plusieurs fragments découverts lors de la saison 2015 et appartenant aux textes positionnés à gauche de la façade de palais sur la paroi nord ont remis en question la restitution de la paroi ouest de G. Jéquier.

28Le désensablement de cet espace a mis au jour les blocs d’appui de la paroi nord et ouest partiellement préservés sur quatre assises, ainsi que trois niveaux de dallages. Le mur de la fosse est également en place jusqu’à la base de la troisième assise. La base du mur moderne ouest se situe approximativement à 80 cm au‑dessus du sous‑dallage et repose sur un ensemble de fragments de calcaire avec un bloc de granit (1,22 m × 0,41 m) provenant du sarcophage. Cette zone n’avait donc pas été atteinte lors des fouilles dans les années 1930.

29Des traces verticales à la peinture rouge sur les parois du mur de la fosse à l’ouest de la chambre funéraire correspondent aux indications de l’emplacement des parois nord et sud. Cependant, ni les traces sur les blocs ni les marques d’architectes n’ont été suffisamment convaincantes pour nous permettre de déterminer l’emplacement du mur ouest avec certitude. La découverte d’un imposant bloc inscrit appartenant à l’extrémité ouest de la paroi nord permettra de poursuivre cette étude (voir ci‑dessous). L’espace entre le mur moderne et le mur de la fosse s’élève à 3,13 m en incluant l’épaisseur du mur moderne (52 cm d’épaisseur). En comparaison aux pyramides du complexe de Pépy I^er, l’espace entre le mur de la fosse et la paroi ouest couvre entre 1 et 2,20 m. Il est donc très probable que la chambre funéraire était plus longue.

30Une ouverture dans le mur ouest moderne, le long de la paroi nord, a permis d’observer que celle‑ci était également creusée pour la mise en place et l’imbrication du sarcophage. En plus du long bloc en granit visible sous le mur ouest moderne, des fragments qui proviennent très certainement de la paroi sud du sarcophage sont pris dans l’angle sud‑ouest de la maçonnerie moderne. Ces fragments s’ajoutent à un ensemble important de fragments de granit appartenant au sarcophage et trouvés sous le sol de la chambre funéraire en 2019. Ils permettront d’entreprendre la restitution du sarcophage et d’investiguer la manœuvre nécessaire pour sa mise en place dans la chambre funéraire.

2.3.4. Les Textes des Pyramides

31Le nombre de fragments de Textes des Pyramides découvert durant cette saison s’élève à 57, parmi lesquels 53 ont été transférés au magasin (numéros d’inventaire I‑600 à I‑667). Des fragments provenant des stèles façades de palais et un fragment avec des étoiles incisées (I‑661) ont également été rapportés au magasin. Quatre fragments portant des Textes des Pyramides, dont deux blocs imposants ont été restaurés et sécurisés sur le site : deux à l'intérieur de la pyramide et deux autres entre le mur de la fosse et le mur ouest de la chambre funéraire. Ces deux derniers sont conservés sur toute leur assise.

32Le premier a été trouvé sur la deuxième assise le long de la paroi nord et mesure 1 m de long et 0,77 m de haut. Seules trois colonnes inscrites sur une hauteur de 19 cm ont été préservées. La qualité de la gravure correspondant aux registres supérieurs, il provient très probablement de la paroi ouest. Le second bloc a été découvert sur sa face inscrite, au niveau du dallage, le long du mur sud (fig. 9). Il mesure 1,19 m de long et 0,77 m de haut. Les traces des colonnes à la peinture noire restent visibles autour des signes incisés. Six lignes et 13 colonnes sont partiellement préservées. Les textes sont inscrits sur une fine couche de mortier et d’enduit.

33Le contenu des textes, la forme de la cassure, la présence d’inscription en ligne et leur orientation correspondent et complètent un bloc déjà connu, placé sur la quatrième assise de la paroi nord à quelques centimètres de la paroi ouest. Leur assemblage rajouterait donc 0,96 m au mur nord. Un autre ensemble de fragments découvert en 2015 (I‑35 + I‑300) a pu être sorti du magasin et a également permis de confirmer l’assemblage avec ce nouveau bloc découvert.

2.3.5. Autre matériel archéologique

34Des fragments provenant de monuments alentour ont été retrouvés dans les déblais qui remplissaient la fosse de construction. Parmi ceux‑ci, un montant de porte (I‑638) et une partie d’une stèle fausse‑porte en trois fragments (I‑662, I‑663 et I‑664).