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2022
Les cités vésuviennes

Pompéi TransVurbs” : le cippe de la voie du Forum (2021)

Responsable d’opération : Sandra Zanella

Entrées d’index

Établissement éditeur :

EFR

Année de lʼopération :

2021

Lieux :

Pompéi

Chronologie :

Antiquité romaine

Peuples :

Samnites, Romains
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Notes de la rédaction

avec la contribution d’Anika Duvauchelle (Musée romain d'Avenches).

Notes de l’auteur

Date précise de l’opération : 5‑23 juillet 2021

Autorité nationale présente : Parco Archeologico Pompei (MiC)

Composition de l’équipe de terrain : Anika Duvauchelle (Musée romain d'Avenches), Antonino Russo (Parco archeologico Pompei), Vincenzo Amato (Parco archeologico Pompei), Valeria Amoretti (Parco archeologico Pompei), Chiara Comegna (Parco archeologico Pompei), Chiara Corbino (Parco archeologico Pompei), Gourguen Davitian (UMR 7264, CEPAM), Saverio De Rosa (Numismate), Francesca Leolini (Parco archeologico Pompei), Sébastien Lepetz (Museum d’histoire naturelle Paris), Luana Toniolo (Parco archeologico Pompei), Domenico Sparice (Parco archeologico Pompei)

Partenariats institutionnels :
– Parco Archeologico Pompei
– Centre Jean Bérard
– UMR 7264 CEPAM
– EFR
– Université Côte d’Azur, IDEX UCAjedi

Établissements porteurs de l’opération : EFR, Parco Archeologico Pompei

Texte intégral

Remerciements : Le projet, mené dans le cadre d’une convention entre le Parco Archeologico di Pompei et l’École française de Rome, a été rendu possible grâce à l’étroite collaboration avec l’équipe du Parco que nous remercions pour leur disponibilité et professionnalisme. Nous remercions tout particulièrement les directeurs successifs, Massimo Osanna avec lequel le projet est né et Gabriel Zuchtriegel, pour avoir soutenu et rendu possible cette fouille dans un point tant sensible pour la ville. Ont participé aux opérations Antonino Russo (PAP), Vincenzo Amato (PAP), Valeria Amoretti (PAP), Chiara Comegna (PAP), Chiara Corbino (PAP), Gourguen Davitian (UMR 7264, CEPAM) Saverio De Rosa (numismate), Francesca Leolini (PAP), Luana Toniolo (PAP), Domenico Sparice (PAP), Cécilia Matias (étudiante) auxquels vont mes plus sincères remerciements. Le projet a été financé par l’École française de Rome, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (Mission archéologique « Italie du Sud »), UMR 7264 CEPAM – DYNAPP, Université Côte d’Azur, IDEX UCAjedi.

Introduction

1La campagne de fouille qui a eu lieu entre le 5 et le 23 juillet 2021 avait pour objectif de clarifier le rôle et la chronologie d’un élément identifié comme une anomalie dans le tracé de la voie du forum. Il s’agit d’une pierre, un cippe, dépassant de quelques centimètres de la chaussée et positionné à proximité du carrefour entre la voie du Forum/voie de Mercure et la voie des Thermes/voie de la Fortune (fig. 1).

Fig. 1. Le contexte topographie du cippe au nord du forum et à proximité du carrefour entre la voie nord‑sud (voie du Forum/Voie de Mercure) et la voie est‑ouest (voie des Thermes/voie de la Fortune).

Fig. 1. Le contexte topographie du cippe au nord du forum et à proximité du carrefour entre la voie nord‑sud (voie du Forum/Voie de Mercure) et la voie est‑ouest (voie des Thermes/voie de la Fortune).

Fond de carte PAP, réélaboration graphique S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

  • 1 Zanella 2019.
  • 2 Voir en ce sens De Caro 1992, p. 81‑83.

2Une première analyse de la situation topographique avait permis d’avancer des hypothèses, notamment fonctionnelles, en rapprochant l’élément à une sorte de point de repère qui aurait pu servir aux arpenteurs pour tracer certains des axes principaux de Pompéi, notamment les axes nord‑sud et est‑ouest en lien à des point notables du territoire (le Vésuve) et de proposer une corrélation avec le cycle des astres1. La pierre se trouve en effet à environ 100 pieds osques de la tour de Mercure, qui ferme la voie homonyme vers le nord alors que depuis ce même point, il aurait été possible, avant la réalisation du temple de la Fortune Auguste, d’observer la naissance du soleil au solstice d’été lorsque l’astre fait son apparition à l’arrière du mont Torrenone. Un point de repère fondamental pour Pompéi car sur cette directrice est tracée la voie de la Fortune2.

3Les résultats de l’exploration ont permis avant tout de confirmer l’intentionnalité de la réalisation de cet élément qui a donc expressément été planté en ce point précis de la voie à un moment assez tardif de l’histoire de Pompéi. Bien que l’étude du matériel soit en cours, la présence d’un fragment de céramique sigillée avec un timbre in planta pedis nous permet de définir un terminus post quem pour l’installation de la borne vers le 15 de n. è. Cette opération a nécessité le démontage partiel de la voie et le repositionnement du dallage, documentés par la fouille.

La stratigraphie

4Lors de l’analyse des caractéristiques du contexte de la borne, l’hypothèse avait été émise qu’elle fût installée dans une fosse dont les contours étaient reconnaissables par une discontinuité du dallage de la voie. Le nettoyage superficiel exécuté en début de campagne a confirmé cette hypothèse et la fouille s’est donc concentrée sur ce négatif. Pour ce faire, les dalles (B1‑B9) ont été ôtés pour offrir une fenêtre d’observation correspondant au négatif de la fosse (US13 ; fig. 2). Une autre dalle (B13) positionnée à l’ouest de la fosse a également été enlevée afin de vérifier le lien stratigraphique avec le trottoir.

Fig. 2. Le secteur de fouille avant le démontage du dallage.

Fig. 2. Le secteur de fouille avant le démontage du dallage.

En évidence les deux fosses (US13 ; US28)

DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

5Les dimensions du sondage ainsi imposées ont autorisé la poursuite de la fouille jusqu’à 1 mètre environ sous le niveau de la voie, sans compromettre la stabilité du cippe, ce qui a permis d’identifier trois phases principales d’aménagement.

Phase I : les niveaux de remblai et l’aménagement de la voie du Forum

Phase Ia : les niveaux de remblai

6Le niveau plus ancien atteint a été interprété comme un remblai qui semble avoir servi pour rehausser le niveau de circulation sur lequel reposent les niveaux de la voie actuelle (fig. 3‑4). Ce niveau, fouillé sur environ 0,6 m de profondeur, se compose principalement de trois couches (US20, 21, 24 et 25) qui se distinguent notamment par leur texture. La plus ancienne (US25), fouillée sur environ 0,25 m avant un arrêt arbitraire (US29), se caractérise notamment par la présence de sable volcanique, absent du niveau qui la couvre (US24). Ce dernier se caractérise par une texture argileuse due à la présence abondante de sédiments remaniés et par une importante présence de charbons de bois de dimensions centimétriques et sub-centimétriques, ainsi que des restes fauniques, de la céramique (notamment de gros conteneurs) et des scories de fer. Des scories de fer et des fragments de moellons de calcaire du Sarno sont apparus notamment vers le centre du sondage et dans la coupe est. Ce niveau présentait un pendage d’ouest en est que nous avons pu apercevoir vers le milieu de la fosse. Cette légère dépression est comblée par un niveau (US21) qui se caractérise par un nombre moindre d’inclusions et une présence plus abondante de sédiments d’origine volcanique, identifiables comme des produits de l’éruption de Mercato.

Fig. 3. Plan de la fosse (US13) après la fouille de l’US20.

Fig. 3. Plan de la fosse (US13) après la fouille de l’US20.

En évidence, les différents niveaux de rehaussement du niveau de la voie mis en lumière dans la fenêtre d’observation .

DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

7Le dernier niveau lié probablement aux opérations de rehaussement de la voie (US20) se caractérise par la présence abondante de fragments de calcaire du Sarno devenus très friables. Comme pour les niveaux inférieurs, on remarque la présence abondante de charbons, de faune, de fragments céramiques et de scories de fer.

8L’ensemble de ces niveaux est recouvert par la voie du Forum.

Phase Ib : l’aménagement de la voie du Forum

9Sur ces éléments repose un épais niveau, très compact (US26), qui sert de support aux dalles qui pavent la voie. Les caractéristiques propres au sondage, pratiqué à l’intérieur d’un négatif, n’ont pas permis de fouiller ce niveau, coupé pour l’installation de la borne, mais de l’apprécier seulement en coupe, sur les parois de la fosse (fig. 4).

Fig. 4. Les deux coupes est-ouest (C‑D) et nord-sud (A‑B) sur le secteur de fouille A‑B.

Fig. 4. Les deux coupes est-ouest (C‑D) et nord-sud (A‑B) sur le secteur de fouille A‑B.

DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

10Ce même niveau est également apparu sous la dalle B13 ; le niveau sur laquelle celle‑ci reposait (US23), en contact avec le trottoir et, bien que la fenêtre d’observation soit très étroite, il semble passer sous la limite même du trottoir qui longe à l’est l’îlot des thermes du forum. Ces éléments nous permettent d’avancer l’hypothèse que l’aménagement actuel de la voie ait été réalisé, en ce point, en une seule fois, au moment de la mise en place du trottoir. Lors de ces travaux, une fois installé le niveau de terre compacte (US26), le trottoir et les blocs qui le délimitent vers l’ouest ont été installés, puis les dalles qui pavent la voie ont été posées.

Phase II : l’installation du cippe

11Les travaux d’installation du cippe ont nécessité d’une part le démontage d’une portion du revêtement de la voie et de ses niveaux d’installation, d’autre part le découpage de deux dalles (B11 et 12). La fosse (US13) a été réalisée en démontant les dalles qui se trouvaient à l’emplacement de l’actuel négatif et qui étaient en contact direct avec les dalles B15‑B20 qui constituent ses limites sud‑ouest, sud, et est. À l’ouest, en revanche, deux dalles (B11 et 12) ont été coupées selon une ligne verticale jusqu’au premier niveau de remblai (US20) (fig. 4‑5). La fosse ainsi créée présente une profondeur maximale d’environ 0,40 m ; elle mesure 1,09 m dans le sens nord‑sud et, au maximum, 0,90 m dans le sens est‑ouest.

12Quant au côté nord de la fosse, il n’a pas été possible d’en observer plus précisément la stratigraphie car la borne (US27) s’appuie contre la dalle B10 qui en marque la limite, empêchant toute visibilité. En dépit de cela, il semble possible d’affirmer que cette dalle n’a pas subi de modification pendant la création de la fosse.

13Une fois la fosse aménagée, le cippe (US27) a été posé directement sur le dernier niveau de remblai (US20) et appuyé contre la dalle B10.

14À proximité du cippe, à sa base, aucune trace de surcreusement de l’US20 n’a été observée, confirmant donc que la borne a été simplement posée et assurée dans sa position par la stratification qui vient s’appuyer contre. Si la fosse a été comblée en une seule opération, les variations d’épaisseur des dalles utilisées pour combler la lacune et rétablir le pavement de la voie du Forum ont nécessité la mise en œuvre de différents types de remblais. C’est ainsi que le comblement de la fosse a commencé avec la mise en œuvre du niveau US17, constitué de terre sombre extrêmement compacte et dépourvue d’inclusions. Ce remblai est affecté d’un pendage du sud au nord ; il s’étale entre la limite sud de la fosse et la pointe nord de la dalle B12, en présentant une dépression plus importante vers le cippe (fig. 4 et 6). Cette conformation tient très probablement à l’installation de la dalle B8, qui présente en effet un profil en pointe de diamant. Ses dimensions et son poids ont donc façonné le profil de l’US17 dont la profondeur maximale correspond au centre de la dalle. En en épousant donc le négatif, cette US remonte vers le nord. Dans la partie nord de la fosse, l’US17 présente une pente vers la borne, à la fois dans le sens sud‑nord qu’est-ouest. Il s’agit d’un terrain très compact avec des inclusions rares de matériaux lithiques qui, pris sous le poids des dalles de couverture de la fosse, ont souffert d’un fort écrasement. Ses caractéristiques ne laissent pas de doutes quant au fait qu’elle a été posée au même moment que l’installation de la dalle centrale B8, qui en a déterminé le profil.

Fig. 5. La fosse à la base du cippe à la fin de la fouille, prise depuis l’est.

Fig. 5. La fosse à la base du cippe à la fin de la fouille, prise depuis l’est.

DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

Fig. 6. Plan de la fosse après le soulèvement des dalles de couverture et la fouille de l’US8.

Fig. 6. Plan de la fosse après le soulèvement des dalles de couverture et la fouille de l’US8.

DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

15La fosse semble donc avoir été comblée du sud vers le nord, créant ainsi une dépression vers la borne sur laquelle les différents niveaux de remblaiement viennent s’appuyer (fig. 7). La pente entre la limite nord de l’US17 et la limite nord de la fosse fut ainsi comblée par un niveau très spécifique (US8), composé presque exclusivement de fragments de calcaire blanc de dimensions centimétriques et sub-centimétriques (avec une fragmentation plus importante vers le bas du niveau ; fig. 8‑9). En dépit du faible volume, le niveau était très riche en matériel céramique, verre, métal, faune et charbon. Ce niveau a donc un profil en « U » du sud vers le nord ; il remonte le long des bords de la fosse vers le nord en formant une superficie plane autour de la borne et en rattrapant le niveau de US17. Sur ces remblais furent installées les dalles B1‑B5, d’une taille assez réduite pour combler l’espace autour de la borne. En effet plus on se rapproche du cippe, plus l’épaisseur des dalles diminue. Les niveaux de remblais jouent un rôle important dans la gestion du niveau de la voie.

16À l’est du cippe, entre ce dernier et les limites de la fosse (dalles B10‑11), l’espace a été comblé par un niveau de terre cuite (architecturale ? US7) dont la superficie a été très érodée et dont seule se conservait une très faible épaisseur en contact avec les fragments de calcaire (US8 ; fig. 10‑11). Dans le niveau a été recueillie, entre autres, une monnaie en argent illisible, en attente de restauration.

Fig. 7. Au premier plan, l’US17 qui présente une pente du sud vers le nord. Sur la droite, le cippe (US27) pris dans l’US17.

Fig. 7. Au premier plan, l’US17 qui présente une pente du sud vers le nord. Sur la droite, le cippe (US27) pris dans l’US17.

Vue depuis le sud

S. Zanella – PAP, © CC BY‑NC‑SA.

Fig. 8. Plan de la fosse après le soulèvement des dalles de couverture.

Fig. 8. Plan de la fosse après le soulèvement des dalles de couverture.

DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

Fig. 9. La fosse pendant la fouille de l’US17.

Fig. 9. La fosse pendant la fouille de l’US17.

Sur la droite, il est possible d’apprécier la stratification qui s’appuie contre le cippe US27) et, en particulier, le niveau d’écailles de calcaires (US8) sous la dalle B2.

S. Zanella – PAP, © CC BY‑NC‑SA.

17Dans la partie sud de la fosse, la dalle B9, de faibles dimensions, a été installée directement sur le remblai US15. Par la suite, les interstices entre les dalles, ont été remplis d’écailles de calcaire insérées une fois que l’ensemble du pavement a été mis en place dont l’épaisseur varie en fonction des endroits, confirmation du caractère de « finition » de ces éléments (fig. 4 et 10). Dans ce même sens sont à interpréter des coulées de béton de tuileau visibles en plusieurs points de la voie et en particulier entre les dalles B2 et B19‑20, à l’est de la fosse. En ce point a été recueillie une monnaie en bronze (illisible, en attente de restauration) coincée entre les parois verticales des dalles B5 et B4.

Fig. 10. Plan du secteur de fouilles avant l’intervention.

Fig. 10. Plan du secteur de fouilles avant l’intervention.

DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

Fig. 11. Image de détail du niveau d’argile (US7) à l’ouest du cippe et du niveau d’écailles de calcaire (US8).

Fig. 11. Image de détail du niveau d’argile (US7) à l’ouest du cippe et du niveau d’écailles de calcaire (US8).

Une monnaie en argent prise dans l’US7 est visible.

S. Zanella – PAP, © CC BY‑NC‑SA.

18Le cippe (US27) est un bloc monolithique qui mesure environ 0,77 m de hauteur et entre 0,32 m et 0,39 m de largeur. Il présente un profil parallélépipédique régulier jusqu'à environ 0,46 m de la base, à partir de ce point les angles sont arrondis et le bloc s'effile vers la face verticale. Ce profil a sans doute été façonné une fois que les opérations de pavage avaient déjà été effectuées. La ligne d'arrêt du martelage coïncide en effet avec l'enfouissent de la pierre. Le cippe ne présente aucun signe particulier et est anépigraphe.

Interventions modernes

  • 3 Les dalles B24 et B25 présentent en effet de signes de passage de charrettes dont la position n’es (...)
  • 4 Je remercie Addolorata D’Auria et Teresa Virtuoso pour les informations.

19Lors de l’étude de l’environnement du cippe, l’anomalie (US28) qui caractérise le dallage en bordure du trottoir de l’îlot des thermes du Forum (VII 5) est apparue très clairement (fig. 2). Elle suit le bord du trottoir entre la dalle que nous avons soulevée (B13) et l’angle nord‑est de l’îlot des thermes ; il semble qu’elle corresponde au repositionnement des dalles au contact avec le trottoir qui auraient par la suite été substituées par des dalles de dimensions moindres dont certaines en remploi3. En l’état, le bord du trottoir ne semble pas montrer de signes de réfection. Les opérations récentes de restauration (dans le cadre du Grande Progetto Pompei 2012-2015), qui ont notamment porté à la réfection du pavement, n’ont en effet pas mis en évidence d’intervention antérieure dans le secteur, même si les fouilles n’ont pas, à cet endroit, été approfondies jusqu’aux niveaux archéologiques4. Toutefois, il est fort probable que la situation actuelle relève de réfections mises en œuvre au tout début du xxe siècle. En effet, l’angle du trottoir est désormais assez régulier avec une série de blocs de dimensions cohérentes l’une avec l’autre, agencées de manière assez régulière. Elles rejoignent le bord nord du trottoir qui longe l’îlot des thermes pour former un angle droit (fig. 12A). Cette situation est en réalité le résultat de la régularisation d’une situation originelle bien moins régulière, comme en attestent des photographies anciennes (fig. 12B‑C) : au moins jusqu’au tout début du xxe siècle, l’angle nord‑est du trottoir de l’îlot VII 5 présentait un profil courbe, marqué par de petits blocs (qui ne semblent pas en basalte, mais en calcaire du Sarno) ; une image datant de 1873 montre clairement cette situation (fig. 12B). D’autre part, si cinq blocs (plus une à l’angle du trottoir) marquent actuellement la limite orientale du trottoir comprise dans le négatif (US28), les images d’archives montrent clairement que non seulement en ce point il n’y avait que trois blocs de basalte mais qu’ils étaient à un niveau légèrement plus bas par rapport aux autres et que leur profil empiétait de quelques centimètres sur la chaussée (fig. 12C).

Fig. 12. Synopsis de l’évolution de l’angle nord‑est du trottoir de l’îlot VII 1.

Fig. 12. Synopsis de l’évolution de l’angle nord‑est du trottoir de l’îlot VII 1.

S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.

  • 5 Archivi Alinari Firenze : FVQ‑F‑008031‑0000 (Veduta di via del Foro nell'area archeologica di Pomp (...)

20Il est évident que l’état actuel du trottoir est à mettre sur le compte d’une rectification de la bordure du trottoir intervenue au plus tard en 1910, date à laquelle fut prise une photographie qui montre clairement cette nouvelle configuration5.

21Il nous a été impossible de remonter aux raisons qui ont porté à cette reconstruction et au démontage partiel du pavement de la voie. D’autre part dans l’emprise du trottoir ont été logés, à l’époque moderne, les réseaux hydrauliques et électriques pour le fonctionnement du site. La régularisation du trottoir a certainement été effectuée à ce moment. L’analyse des photographies d’archive permet en outre d’établir un lien entre la rectification de l’angle du trottoir et l’installation de la fontaine publique au pieds de l’arc sur la voie de Mercure. Dans toutes les photographies qui ont été consultées et où il a été possible de voir dans le même cadre la fontaine et l’angle du trottoir, ce dernier apparaît en effet déjà resauté.

Observations sur l’environnement du cippe

22Pendant la campagne, un nettoyage fin du pavement des environs immédiats du cippe a été exécuté pour mettre en évidence d’autres éléments qui auraient pu être liés avec la borne (fig. 1). Cette opération a permis, avant tout, de souligner les traitements spécifiques des jointures entre les dalles, souvent assurées par du béton de tuileau coulé de manière ponctuelle en guise de réparation ou d’entretien de la chaussée. Les interstices entre les dalles se sont également révélés très riches en matériel, notamment en scories de bronze et fer et, de manière plus sporadique, en monnaies.

  • 6 Zanella 2019.

23À la suite du nettoyage, une situation spécifique est apparue à quelques centimètres du cippe, juste au nord de la dalle B10. En ce point, les interstices entres les dalles sont de dimensions assez importantes et trahissent probablement des interventions multiples sur la chaussée. Un point en particulier a attiré notre attention, là où une importante quantité de béton de tuileau (US16) vient combler une lacune. Ce traitement, loin d’être la réparation d’un problème ponctuel, a été soigneusement apposé pour combler l’espace autour d’un élément dont les caractéristiques rappellent celle du cippe US27. En d’autres termes, il nous semble possible de retrouver ici la même configuration qui caractérise les environs du cippe. L’hypothèse de la présence de deux fosses, l’une à nord et l’autre au sud de la dalle B10 avait déjà été avancée en phase d’analyse6 ; les informations recueillies pendant le nettoyage permettent de pouvoir avancer avec plus de conviction l’hypothèse qu’un deuxième cippe soit présent au nord et reconnaissable dans la pierre à l’est de US16.

Réflexions conclusives

  • 7 Mansuelli 1965 ; Gottarelli 2010.
  • 8 Voir en dernier lieu Belfiore 2019.

24Dans l’attente de l’étude du matériel archéologique, nous pouvons déjà remarquer que la mise en place du cippe, de ce point de repère, semble être assez tardive par rapport au panorama urbain pompéien. Le fait qu’il ne soit probablement pas isolé mais à mettre en relation avec un élément similaire, planté quelques centimètres plus au nord, ouvre d’autres perspectives qui ne pourront s’éclaircir qu’une fois que ce deuxième élément sera fouillé. Néanmoins, il nous semble évident que ce carrefour a revêtu un rôle majeur dans la construction de la forma urbis de Pompéi ; cependant les caractéristiques des signacula demeurant sur le territoire urbain sont pour l’heure des unica dans les mondes romain ou italique. Le parallèle qui paraîtrait le plus immédiat serait à dresser avec les pierres présentant des lignes de decussis retrouvées, entre autres, à Marzabotto7. La difficulté majeure dans ce rapprochement tient à la visibilité : si les pierres de Marzabotto mais également d’autres villes comme Oderzo et Padoue, sont enterrées sous la chaussée8, la pierre de Pompéi nécessitait d’être visible comme en témoigne le travail accompli pour son positionnement. D’autre part, dans ces exemples, les cippes ne sont jamais isolés mais participent à un système lié à la délimitation de la ville ; à Pompéi, pour l’heure, l’élément que nous avons fouillé semble être isolé.

25Ces parallèles rapides nous invitent donc à pousser la recherche vers une autre piste. Il nous semble, en effet, qu’il pourrait s’agir d’avantage d’un élément qui aurait la double fonction de point de repère géométrique pour l’orientation des axes principaux de la ville et, de l’autre, il assurerait, aux yeux de la communauté, la fonction de monumentum matérialisant dans le paysage urbain le point d’origine de la ville et de rassemblement.

Le mobilier métallique [par Anika Duvauchelle]

26Les investigations de 2021 menées autour du cippe de la Via del Foro sous la direction de Sandra Zanella ont livré un mobilier métallique relativement important. En effet, près de 1,5 kg de métal ont alors été mis au jour, issu pour l’essentiel des couches liées à l’installation du cippe (cf. tableau).

   Phase    Fer Alliage cuivreux Plomb Total

 

NMI Poids
(g)
NMI Poids
(g)
NMI Poids
(g)
NMI Poids
(g)
Ia 131 444.9 2 18.3

 

 

133 463.2
Ib 16 16.0 5 2.0 1 3.8 22 21.8
II 287 699.0 224 175.3 65 104.0 576 978.3
moderne

 

 

5 26.5 1 4.5 6 31.0
Total    434    1159.9 236 222.1 67 112.3 737  1494.3 

État de conservation

  • 9 Aucun traitement en laboratoire de conservation-restauration n’a été réalisé préalablement à l’inv (...)

27Deux éléments permettent cependant de relativiser cette masse globale relativement importante. D’une part, tous les métaux sont fortement corrodés. Les alliages cuivreux présentent régulièrement des points de corrosion pulvérulente vert clair, tandis que l’oxydation du plomb passe du blanc au rouge. Le fer est, quant à lui, enrobé d’une importante gangue de corrosion incluant des éléments du terrain d’enfouissement. Or la corrosion ferreuse est non seulement volumineuse, mais également massive. Ajoutons que cette gangue n’ayant pas été dégagée, elle pose des problèmes d’identification9.

28D’autre part, le mobilier métallique a subi une forte fragmentation. C’est ainsi qu’un seul objet semble entier, à savoir une petite charnière en alliage cuivreux mise au jour dans US1 et liée aux interventions modernes. En outre, les fragments mesurent entre 3 et 90 mm (majoritairement entre 10 et 25 mm), pour un poids moyen de 2 gr (0,9 gr pour les alliages cuivreux, 1,7 gr pour le plomb et 2,7 gr pour le fer), ce qui est particulièrement faible.

Catégories de mobilier métallique représentées

  • 10 Les difficultés d’identification expliquent cette fourchette assez large.
  • 11 Duvauchelle, Monteix 2013.

29Entre un tiers et la moitié des fragments mis au jour sont liés à la métallurgie10, qu’elle soit des alliages cuivreux, du fer ou du plomb. Les déchets de plomb proviennent quasi exclusivement de la phase II et sont très comparables à ceux découverts dans l’atelier de plombier découvert en VII 5, 2811. Les déchets de fer, peu nombreux, sont liés exclusivement à la phase I (Ia et Ib). En revanche, les déchets en alliages cuivreux sont issus de toutes les phases.

30Outre les déchets métallurgiques, les investigations ont livré quelques clous de menuisier, décoratifs ou de soulier et de nombreux fragments indéterminés : problèmes d’identification pour cause de non-dégagement et/ou fragments trop petits pour pouvoir identifier les objets desquels ils proviennent.

31Parmi les très rares objets mis au jour, mentionnons la découverte d’une charnière en alliage cuivreux (US1), ainsi qu’une autre en fer, d’identification incertaine (US24), et finalement un pied de récipient en forme de pelte en alliage cuivreux (US22).

Le mobilier métallique par phase

32Les phases Ia et Ib, correspondant à des remblais et à l’aménagement de la Via del Foro, ont livré peu de mobilier métallique. Il en est de même pour la phase moderne.

33L’essentiel du mobilier métallique provient des couches de la phase II, soit de la fosse liée à l’aménagement du cippe. L’assemblage des fragments mis au jour ne diffère cependant pas de celui des autres phases.

Conclusions

34Le faciès du mobilier métallique mis au jour lors des investigations de 2021 correspond à du mobilier résiduel : très fragmentaire, de petites dimensions, essentiellement des déchets, peu ou prou de mobilier lié à la vie quotidienne.

35Aucune volonté de dépôt intentionnel n’a été observée, que ce soit dans un choix de mobilier spécifique ou la localisation dans la fosse.

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Bibliographie

Belfiore 2019
Valentina Belfiore, « Aspetti materaili e ideologici delle delimitazioni pubbliche nella cultura etrusca e italico-settenrionale », in Rachele Dubbini (éd.), I confini di Roma, Atti del convegno internazionale, Università degli Studi di Ferrara, Pisa, 31 mai–2 juin 2018, Pisa, Edizioni ETS, Mousai : laboratorio di archeologia e storia delle arti 13, 2019, p. 47‑62.

De Caro 1992
Stefano De Caro, « Lo sviluppo urbanistico di Pompei », Atti e memorie della società Magna Grecia, III.I, 1992, p. 67‑90.

Duvauchelle, Monteix 2013
Anika Duvauchelle, Nicolas Monteix, « Comprendre la métallurgie du plomb. Un exemple pompéien », Nouv. Archéologie 131, 2013, p. 34‑39.

Gottarelli 2010
A. Gottarelli, « Templum solare e culti di fondazione. Marzabotto, Roma, Este: appunti per una aritmo-geometria del rito (IV) », Ocnus- Quaderni della Scuola di Specializzazione in Beni Archeologici, 2010, p. 53‑74.

Mansuelli 1965
Guido Mansuelli, « Contributo allo studio dell’urbanistica di Marzabotto », PP, 20, 1965, p. 314‑325.

Zanella 2019
Sandra Zanella, « Pompei. Sulle tracce di fondazione e di rifondazioni urbane », RSP, 30, 2019, p. 7‑21.

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Notes

1 Zanella 2019.

2 Voir en ce sens De Caro 1992, p. 81‑83.

3 Les dalles B24 et B25 présentent en effet de signes de passage de charrettes dont la position n’est pas compatible avec les traces d’usure observées sur le reste de la voie.

4 Je remercie Addolorata D’Auria et Teresa Virtuoso pour les informations.

5 Archivi Alinari Firenze : FVQ‑F‑008031‑0000 (Veduta di via del Foro nell'area archeologica di Pompei. Cartolina postale).

6 Zanella 2019.

7 Mansuelli 1965 ; Gottarelli 2010.

8 Voir en dernier lieu Belfiore 2019.

9 Aucun traitement en laboratoire de conservation-restauration n’a été réalisé préalablement à l’inventaire.

10 Les difficultés d’identification expliquent cette fourchette assez large.

11 Duvauchelle, Monteix 2013.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Le contexte topographie du cippe au nord du forum et à proximité du carrefour entre la voie nord‑sud (voie du Forum/Voie de Mercure) et la voie est‑ouest (voie des Thermes/voie de la Fortune).
Crédits Fond de carte PAP, réélaboration graphique S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 756k
Titre Fig. 2. Le secteur de fouille avant le démontage du dallage.
Légende En évidence les deux fosses (US13 ; US28)
Crédits DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 558k
Titre Fig. 3. Plan de la fosse (US13) après la fouille de l’US20.
Légende En évidence, les différents niveaux de rehaussement du niveau de la voie mis en lumière dans la fenêtre d’observation .
Crédits DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 607k
Titre Fig. 4. Les deux coupes est-ouest (C‑D) et nord-sud (A‑B) sur le secteur de fouille A‑B.
Crédits DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 431k
Titre Fig. 5. La fosse à la base du cippe à la fin de la fouille, prise depuis l’est.
Crédits DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 608k
Titre Fig. 6. Plan de la fosse après le soulèvement des dalles de couverture et la fouille de l’US8.
Crédits DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 606k
Titre Fig. 7. Au premier plan, l’US17 qui présente une pente du sud vers le nord. Sur la droite, le cippe (US27) pris dans l’US17.
Légende Vue depuis le sud
Crédits S. Zanella – PAP, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 604k
Titre Fig. 8. Plan de la fosse après le soulèvement des dalles de couverture.
Crédits DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 655k
Titre Fig. 9. La fosse pendant la fouille de l’US17.
Légende Sur la droite, il est possible d’apprécier la stratification qui s’appuie contre le cippe US27) et, en particulier, le niveau d’écailles de calcaires (US8) sous la dalle B2.
Crédits S. Zanella – PAP, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 579k
Titre Fig. 10. Plan du secteur de fouilles avant l’intervention.
Crédits DAO S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 613k
Titre Fig. 11. Image de détail du niveau d’argile (US7) à l’ouest du cippe et du niveau d’écailles de calcaire (US8).
Légende Une monnaie en argent prise dans l’US7 est visible.
Crédits S. Zanella – PAP, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 581k
Titre Fig. 12. Synopsis de l’évolution de l’angle nord‑est du trottoir de l’îlot VII 1.
Crédits S. Zanella, © CC BY‑NC‑SA.
URL http://journals.openedition.org/baefe/docannexe/image/6565/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 429k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sandra Zanella, « “Pompéi TransVurbs” : le cippe de la voie du Forum (2021) » [notice archéologique], Bulletin archéologique des Écoles françaises à l’étranger [En ligne], Italie, mis en ligne le 31 août 2022, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/baefe/6565 ; DOI : https://doi.org/10.4000/baefe.6565

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Auteur

Sandra Zanella

UCA, CEPAM (UMR7264)

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