Données scientifiques produites :
https://taposiris.hypotheses.org/​
https://www.ifao.egnet.net/​archeologie/​taposiris-magna-plinthine/​

1Pour un rappel des travaux antérieurs et des problématiques de la mission, on consultera les notices du BAEFE 2020 et 2021.

2La concession de la MFTMP comprend cinq sites répartis sur une dizaine de kilomètres le long de la rive nord du lac Maréotis. Taposiris Magna et Plinthine, les deux implantations les plus importantes, sont fouillées sans discontinuer depuis 1998 par la MFTMP. Après une décennie consacrée à la fouille de la nécropole de Plinthine, à l’étude des articulations et de l’organisation générale de la ville de Taposiris Magna et à la fouille des principaux monuments balnéaires de cette dernière, la MFTMP s’est engagée, en 2012, dans un programme de recherche qui vise à interroger la chronologie des deux villes et les raisons de leur implantation à l’interface entre mondes égyptien, libyen et méditerranéen.

3Pour cela, la mission a entrepris de déterminer la nature des occupations ramesside à saïto-perse de Plinthine, en même temps qu’elle analyse les effets de l’arrivée d’une nouvelle population, formée de colons gréco-macédoniens, sur son sol au début de l’époque hellénistique. Les fonctions portuaires de la ville tardive de Taposiris Magna sont particulièrement scrutées, en ce qu’elles éclairent les réseaux locaux et internationaux dans lesquels ont été insérés les habitants.

4En parallèle de ces interrogations, la mission cherche à comprendre les mécanismes qui ont conduit au choix des deux sites pour leur implantation. L’étude des activités liées à la viticulture – encouragée par le soutien du fonds Arpamed durant 3 ans et l’inscription du programme « VitiOrient » à la programmation scientifique de l’Ifao et de l’Efa en 2022 – entre pleinement dans ce cadre. Grâce à l’obtention d’un soutien de l’ANR pour le projet « Nile’s Earth », un nouvel axe de recherche a émergé en 2022, avec l’étude des matériaux de construction de Plinthine.

5La campagne de terrain à Taposiris Magna et Plinthine s’est tenue en mai et juin 2022. Elle a réuni sur le terrain la totalité de ses membres après une année 2021 qui s’était déroulée avec un effectif limité. Nous avons été rejoints par Thibaud Fournet, architecte responsable de l’étude des bains ptolémaïques de Taposiris Magna de 2003 à 2011, pour achever leur restauration. Nous avons aussi accueilli Damien Laisney, qui a, aux côtés d’Alexandre Rabot, consolidé les données topographiques et planimétriques anciennes. Enfin, deux chercheurs ont rejoint notre groupe : Clément Venton, chargé de conduire les analyses des architectures de terre crue de Taposiris Magna et Plinthine, dans le cadre du projet ANR « Nile’s Earth », et Lyubomir Malinov, spécialiste des aménagements portuaires d’époque romaine.

6Nous terminerons cette introduction en rappelant le décès de notre collègue et ami Olivier Callot le 12 août 2022. Il avait réalisé l’étude architecturale et le relevé des tombes de la nécropole de Plinthine, de 1998 à 2011, aux côtés de Marie-Françoise Boussac et Patrice Georges. Ces travaux ont paru au début de l’année 2023. Ils démontrent, comme toutes les publications que le monde scientifique lui doit, l’étendue de ses talents, ainsi que sa grande érudition et la finesse de ses analyses. Nous lui dédions ce modeste rapport.

Travaux à Taposiris Magna/Abousir

7La campagne 2022 s’est déroulée à Taposiris Magna du 7 mai au 1^er juin 2022 (fig. 1).

Secteur 13 : Le quartier des thermes byzantins

Joachim Le Bomin

8La campagne 2022 est la huitième menée dans le secteur 13. Auparavant, les travaux s’étaient concentrés sur les thermes byzantins des vi^e-vii^e s. apr. J.-C. Cette année, la fouille s’est déplacée vers un bâtiment situé au sud des thermes, séparé par une rue d’environ cinq mètres de large, identifié comme un bâtiment commercial. L’objectif principal est de comprendre l’organisation urbaine du quartier des thermes situé au centre de la ville de Taposiris Magna, près de la principale voie nord-sud menant du temple d’Osiris au port.

9La majeure partie des opérations a consisté à dégager le plan de ce bâtiment nommé BAT 1300, en particulier son aile nord (fig. 2). Elle est organisée selon une disposition classique à l’époque byzantine avec une enfilade de pièces d’environ 15 m² ouvrant sur de petits espaces. Ces pièces, où pouvaient s’effectuer des transactions, sont accessibles depuis une cour située au centre du bâtiment.

10Après le dégagement de l’aile nord, la pièce située à l’angle nord-est (PCE 019) a été entièrement fouillée. Un sondage a également été implanté à l’angle nord-est du bâtiment, afin de déterminer les niveaux de circulation des espaces extérieurs. Dans la pièce PCE 019, le sol a été entièrement récupéré, ce qui a permis d’atteindre les niveaux antérieurs, domestiques, datés du iii^e s. apr. J.-C.

Secteur 20 : la zone portuaire

Lyubomir Malinov, Marie-Françoise Boussac

11La campagne 2022 est la troisième opération menée dans le secteur 20, à l’interface entre le port et la ville. Des sondages de reconnaissance avaient permis de localiser un vaste bâtiment (BAT 2004) à caractère potentiellement public, eu égard à son caractère monumental, occupé et reconstruit au vii^e s. Situé à proximité immédiate du pont romain et du canal artificiel et à l’ouest de l’axe principal menant à la ville haute (fig. 3 et 4), cet édifice public pourrait être un marqueur, rare pour cette période, de la présence d’une administration portuaire.

12Les objectifs principaux ont été de délimiter le monument, d’explorer son organisation interne et de préciser sa chronologie. Un nettoyage extensif a été mené dans sa partie nord, aux abords d’un escalier monumental. S’il est impossible de confirmer l’extension du bâtiment au sud de cette zone, quatre nouvelles pièces ont été identifiées, portant à au moins six le nombre de salles. Une autre pièce située à l’ouest réutilise des structures antérieures indéterminées. Un sondage implanté dans le quart sud-est de la salle PCE 2002 munie d’une colonnade et de pavements successifs (fig. 5) a révélé trois phases, dont deux à caractère monumental, se succédant dans la première moitié du vii^e s. après l’abandon, au début du siècle, d’un précédent bâtiment partiellement dégagé. Quelques traces de fréquentation tardive marquent une phase de réoccupation opportuniste de la pièce comblée ensuite par l’effondrement des superstructures.

13Parallèlement à l’exploration du BAT 2004, les travaux de reconnaissance et de délimitation des structures situées au sud ont permis de réévaluer le plan d’un autre édifice de ce quartier portuaire : le « bâtiment sud » (BAT 2005 ; fig. 6). La partie ouest de ces structures situées au sud-ouest du pont avait été reportée sur le plan par Thomas Arnoux en 1998, mais n’avait pas été explorée. En 2022, l’exploration du complexe a été reprise en raison du niveau élevé des eaux du lac : les salles extérieures à l’ouest, au sud et à l’est étaient sous l’eau ; certains pavages et murs détruits. Le nettoyage global, la délimitation et la réévaluation topographique ont donc également été motivés par l’importance de collecter des données avant de nouvelles dégradations.

Secteur 22 : le « palais du gouverneur »

Joachim Le Bomin, avec la collaboration d’Alexandre Rabot

14Situé au sud-est de la ville moyenne de Taposiris Magna, un bâtiment appelé « The Governor’s palace », dégagé par l’équipe américaine du Brooklyn College (dir. E. Oschenschlager) en 1975, a fait l’objet d’un nouveau nettoyage cette année (fig. 7). Ce bâtiment peut être interprété comme la résidence d’un notable de la ville. L’objectif de l’opération était de permettre la réalisation d’un plan pierre à pierre. Un sondage de 2 × 1,5 m situé à l’angle sud-ouest du bâtiment a permis de définir la date de construction au cours du vi^e s., alors qu’elle avait été précédemment établie au iv^e s. par les Américains.

Études de la céramique

Julie Marchand

Secteur 13

15Les couches de démolition du bâtiment BAT 1300 peuvent être datées du vi^e s. apr. J.-C. au plus tôt, d’après la présence d’amphores importées de la région d’Ashkelon/Gaza et de Chypre/Cilicie. Outre la céramique, des fragments de placage de marbre, de verre (gobelets, bouteilles et vitres), quelques monnaies et des lampes ont été récoltés. Des blocs réemployés présentent des traces de décoration. Sous les fondations de ce complexe, des couches d’occupation d’un édifice antérieur datent du iii^e siècle d’après les amphores (proto-LRA 1, AE 4 locale, F 65-66, Kapitän II), auxquelles s’ajoutent des plaques de cuisson ou encore un brûle-parfum en forme d’autel à cornes.

Secteur 20

16Le mobilier récolté en 2022 a fourni des informations similaires à la précédente campagne concernant la datation de BAT 2004. Il a été occupé pour la dernière fois après 625, probablement abandonné et démoli partiellement dans la deuxième moitié du vii^e s., d’après la présence d’amphores bag-shaped. Jusqu’à présent, seule la dernière phase d’occupation du secteur a été bien étudiée, mais on entrevoit un bruit de fond du iii^e s., avec de nombreuses amphores AE 3 et 4 locales et des importations ciliciennes et chypriotes. Très peu de céramiques culinaires y ont été trouvées.

Études des ostraca

Marie-Françoise Boussac

17Deux ostraca ont été découverts sur le sol de la pièce PCE 2002 du « New Building » qui correspond au dernier niveau de circulation de celle-ci. Le terminus post quem donné par le matériel est le deuxième quart du vii^e s. apr. J.-C. Tous deux sont en grec cursif et l’un d’eux a déjà été partiellement déchiffré par Jean-Luc Fournet et Tomasz Derda qui en ont fait une étude préliminaire.

18Cet ostracon porte cinq lignes de texte rédigées en grec à l’encre noire, sur une panse d’amphore de Maréotide. Il constitue, d’après la l. 5, un reçu d’amphores vinaires : « J’ai reçu, moi Theodôros […], de ta part à toi, [̣…], 10 kollatha de vin (?) ».

19Le terme kollathon, qui désigne un type d’amphore et une capacité, est fréquent dans les sources documentaires grecques et coptes entre le vi^e et le viii^e s. apr. J.-C. On le trouve par exemple dans CPR IV 34 (Hermopolis/Achmounein, vii^e s.) et sur une série d’ostraca d’Abou Mina (voir N. Litinas, Greek Ostraca From Abu Mina (O. Abu Mina), APF 25, Berlin, New York, 2008).

Travaux à Kôm el-Nogous/Plinthine

20La campagne de terrain à Plinthine (Kôm el-Nogous) s’est tenue du 31 mai au 27 juin 2022 (fig. 8).

Fouille du secteur 6

Louis Dautais

21Situé au nord du fouloir saïte (exploré entre 2015 et 2021), BAT 606 a été entièrement exploré cette année. Ce bâtiment (fig. 9), d’une surface approximative de 80 m², comprend une unique pièce (4,70 × 3,20 m), enserrée par quatre murs mesurant entre 2,25 et 2,65 m de largeur. La tour est dotée d’un escalier à l’intérieur du mur sud, qui permettait d’accéder aux étages (peut-être 3 ou 4). En 2022, nous avons exploré le comblement des deux caves (PCE 625 et 626) de la tour formé des briques crues du niveau de préparation du rez-de-chaussée et des briques crues des voûtes nubiennes qui couvraient les deux caves (fig. 10). Le matériel de ces couches s’est avéré très pauvre et composé exclusivement de céramique saïte.

22La campagne 2022 a aussi été l’occasion de fouiller une zone importante pour asseoir la chronologie relative de l’ensemble des constructions du quartier. Le sondage permet de conclure que la pièce au fouloir a été construite en premier, rapidement suivie par la construction de l’imposante tour BAT 606 et d’un petit mur perpendiculaire MR 688 fermant l’espace entre les deux bâtiments. Ce cul-de-sac est rapidement devenu un dépotoir formé par les déchets de la grande maison-tour (BAT 601) utilisée à cette période. Peu après, le mur défensif MR 619 est venu se dresser contre la tour BAT 606, aux dépens du mur MR 688. Par la suite, le mur est du fouloir a été reconstruit. Signalons, au cours de ces travaux, la découverte d’une anse timbrée portant le cartouche du pharaon Néchao II (PO 1173).

Secteur 7

Sylvain Dhennin, Claire Somaglino, avec la collaboration de Paul François

23Deux nouveaux sondages ont été ouverts au cours de la saison, au sud (sondage 9) et au nord (sondage 10). Pour rappel, un grand temple ptolémaïque a été identifié au centre du kôm de Plinthine. Nos fouilles ont montré qu’il n’en reste presque rien, hormis les vestiges d’une plate-forme de fondation, des murs de fondation et une partie de son dromos. Le bâtiment a probablement été détruit, peut-être à l’époque romaine, afin de récupérer les pierres de cette vaste structure. Le bâtiment ptolémaïque recoupait des niveaux d’occupation datant de la Troisième Période intermédiaire (TPI), qui sont les plus anciens identifiés sur le site à ce jour. L’un des objectifs de cette nouvelle campagne était d’étendre les sondages déjà réalisés dans le secteur afin d’accéder à une plus grande surface de ces couches anciennes.

24Dans le sondage 10 (5 × 8 m), la continuité de BAT 702 (un grand bâtiment en calcaire dont seule la plate-forme de fondation semble subsister) a été dégagée. La fonction de cet édifice, repéré en 2021, reste à déterminer. À l’est du bâtiment et parallèlement à celui-ci, un mur de soutènement est apparu sous un amas de pierres résultant de la récupération de blocs du temple ptolémaïque.

25Dans le sondage 9 (5 × 10 m), nous avons rapidement repéré, à l’ouest du sondage, la tranchée de récupération des pierres du temple ptolémaïque. Dessous, nous avons mis au jour une vaste fosse remplie de sable blanc pur, qui a détruit une partie des couches de la TPI découvertes l’an dernier (en particulier la rue et les bâtiments adjacents en briques crues). Elle semble être liée au projet de construction du temple et du bâtiment 702, à l’époque ptolémaïque (fig. 11).

26Une partie de la conduite d’eau de la TPI identifiée l’année dernière a été préservée, sur le côté est de la fosse (fig. 12). Sous la fosse ptolémaïque et sous les quelques vestiges des niveaux de la Troisième Période intermédiaire, on a découvert plusieurs couches d’un dépotoir, dont la céramique est datée du Nouvel Empire. Après la découverte de différents éléments en réutilisation depuis plusieurs années (blocs d’un temple), ce sont les premières couches archéologiques encore en place pour cette période. Elles indiquent avec certitude une occupation du site de Kôm el-Nogous depuis au moins la période ramesside. Ces couches de décharge reposaient sur le substrat naturel.

Secteur 11

Séverine Marchi

27L’objectif de cette deuxième campagne dans la zone 11 était de comprendre l’extension et la fonction d’un immense bâtiment en briques crues (BAT 1104) découvert en 2021 et daté de la Basse Époque. Deux des trois pièces voûtées mises au jour ont été fouillées jusqu’à leur sol (fig. 13).

28Les maçonneries construites en briques crues en élévation et en pierres en fondation sont très bien conservées. La pièce sud (PCE 1106) mesure 3,55 m de long et 2,95 m de large avec une élévation de 2,60 m de haut. Une porte avec un seuil en pierre est visible dans le mur ouest. Elle mène à une autre pièce située sous la limite de la fouille. Un bassin calcaire carré occupe l’angle nord-ouest de la pièce et le sol a livré quelques objets attestant d’une activité de tissage (outils en os, pesons). Il faut également noter la présence dans le niveau de démolition de fragments de plâtre blanc avec des traces de peinture (rouge, noire, jaune et bleue), qui ont pu être appliqués sur les cadres en bois d’une porte ou d’une fenêtre.

29Une autre porte dans le mur nord, bloquée une seconde fois, donnait un accès direct à la deuxième pièce fouillée cette saison (PCE 1107). Plus petite que la précédente, elle mesure 3,20 m de long pour 2,25 m de large. Les maçonneries sont conservées sur plus de 1,70 m de hauteur et la partie occidentale de la pièce est détruite par les fondations en pierre d’un bâtiment plus récent. La plupart des murs en briques du bâtiment semblent avoir été disloqués, peut-être lors d’un séisme, et renforcés. C’est le cas du mur est de la pièce PCE 1107 qui a été renforcé par la construction d’un grand muret en pierre.

30A l’est, plusieurs murs appartiennent à un bâtiment contigu d’une longueur d’au moins 11 m et d’une largeur de plus de 6 m (BAT 1103). En raison des nombreuses fosses creusées à l’époque ptolémaïque dans la zone (pour récupérer les briques crues), cette unité est partiellement détruite. Néanmoins, il est possible de distinguer au moins deux phases. Pour la phase la plus ancienne, une pièce couverte par une voûte nubienne (fig. 14) a été mise au jour en fin de campagne. Les aménagements les plus récents se caractérisent par une petite pièce carrée aux sols régulièrement rechapés (PCE 1103) contre laquelle était installé un four circulaire. Ce dispositif artisanal pourrait être lié à une activité métallurgique.

Secteur 12

Bérangère Redon

31Le village ptolémaïque de Plinthine a été exploré lors d’une mission rapide en 1937 par A. Adriani, puis à deux reprises par la MFTMP, aux abords sud du kôm. Pour compléter nos données sur ce village, un nouveau secteur a été ouvert au sud-est, à proximité des champs de figuiers qui, chaque année, tendent à s’étendre et à détruire une partie du village. L’emplacement du secteur 12 a été choisi car les vestiges étaient potentiellement bien conservés, comme l’a montré l’étude géophysique menée en 2019 dans la zone : on y discerne un grand bâtiment carré (BAT 1201) avec une cour au centre et plusieurs pièces disposées sur au moins trois côtés. Nos travaux montrent qu’il mesure 22,36 m sur au moins 28,9 m (fig. 15).

32Nos objectifs cette année étaient les suivants : évaluer l’état de conservation des vestiges, dater l’occupation du bâtiment, déterminer si une occupation antérieure pouvait être décelée dans le village avant la période ptolémaïque. Pour cela, trois pièces ont été fouillées : PCE 1203, 1204 et 1205.

33La première (3,25 × 4,05 m) a été fouillée jusqu’au premier sol. Elle était équipée d’une porte qui a été bloquée lors d’une seconde phase d’occupation. Sa fonction est inconnue, mais elle disposait d’un escalier et d’au moins une niche dans le mur sud. PCE 1204 (largeur 3,20 m, longueur inconnue) était probablement une cuisine, dotée d’un équipement en quart de cercle dans l’angle nord-est (fig. 16). À l’intérieur, de la céramique en quantité a été mise au jour (bols, assiettes, unguentaria, lampes). Le PCE 1205 (3,20 × 5,88 m au moins) se tenait dans une tour située dans l’angle nord-ouest du bâtiment. Aucun équipement n’a été dégagé lors des fouilles qui permettrait de connaître sa fonction. Nous avons réalisé un sondage profond sous le niveau de construction de la pièce, qui a montré la présence d’une occupation datée de la Basse Époque en dessous.

34Un sondage a été ouvert à l’extérieur du bâtiment, au nord-est. On y a découvert un système hydraulique ptolémaïque. Il est composé d’un puits ou réservoir circulaire et d’un réservoir carré, alimentés par trois canalisations, le tout recouvert d’un très beau mortier hydraulique.

Étude de la céramique

Mikaël Pesenti

35Lors de la campagne 2022, nous avons traité la céramique provenant de quatre secteurs différents (6, 7, 11 et 12). Le nombre de tessons n’était pas aussi important que lors de la campagne précédente. Cela est probablement dû au fait que les fouilles des secteurs 6, 7 et 11 ont concerné des zones dépourvues de dépotoir, qui avaient, les années précédentes, livré un matériel extrêmement abondant. Ces quatre secteurs varient dans leur chronologie et donnent un éclairage sur la longue occupation du site du Nouvel Empire à la période romaine (avec très peu d’éléments de la période romaine tardive).

36La poursuite des fouilles dans le secteur 6 confirme une occupation massive durant la période saïte, avec peut-être une petite occupation au début de l’époque perse. Il faut noter l’importance des importations dans les assemblages trouvés dans la tour, provenant le plus souvent de Grèce orientale et de Palestine.

37Le secteur 7 a livré plus de 2 000 tessons dans la fosse creusée à l’époque romaine pour le démantèlement du temple. Malheureusement, elle a spolié une partie des occupations de la TPI et de la Basse Époque. Néanmoins, quelques tessons résiduels sont datés de ces périodes. Les couches les plus anciennes fouillées cette année ont livré du matériel daté assurément du Nouvel Empire, dont un vase à étrier de transport d’origine égéenne.

38Une grande fosse ptolémaïque du secteur 11 a livré une belle collection de poterie. Le reste de la céramique mise au jour dans le secteur est sans aucun doute de la période saïte.

39Le secteur 12 a livré un grand nombre de céramiques fines ptolémaïques ainsi qu’une amphore presque complète, une imitation de type grec (rhodien), datée du ii^e s. av. J.-C. Le bel assemblage provenant de l’aménagement de PCE 1204 reflète le mode de vie alexandrin du iii^e au ii^e s. av. J.-C.

Étude des architectures de terre

Clément Venton

40L’objectif de cette première mission était de constituer un corpus de référence sur le matériau utilisé dans les constructions de terre de Plinthine. Treize échantillons (11 briques et 2 enduits en terre) ont été prélevés dans les différents secteurs en cours de fouille, provenant de différentes périodes d’occupation du site afin de constituer un panel représentatif. Des échantillons étaient également prévus sur le site de Taposiris Magna mais n’ont pu être collectés en raison du niveau d’eau du lac Maréotis.

41Ces échantillons ont été documentés et soumis à une première phase de tests qui ont pu être réalisés sur le terrain, à commencer par une étude du contexte. Après le prélèvement, chaque échantillon a été photographié, sa texture et sa composition documentées afin d’identifier les éléments visibles de l’échantillon (pierres, sables, agrégats, traces de fibres, ou autres ajouts lors de la préparation du matériau). Pour les briques crues, chaque face a été décrite afin d’identifier les traces de fabrication.

42Dans un deuxième temps, une série de 7 tests a été conduite (fig. 17).

43Développés par le laboratoire français CRAterre (Centre international d’étude des constructions en terre) et validés par un protocole mis en place par le projet ANR « Nile’s Earth », ils ont l’avantage de nécessiter un équipement minimal et de pouvoir être réalisés directement sur les sites. Ils permettent d’obtenir rapidement des données quantifiables pour juger de la qualité d’une argile pour la construction, mais aussi de pouvoir comparer les différents échantillons afin d’établir des relations entre eux. Les données obtenues fournissent une première idée de la qualité des différentes argiles utilisées à Plinthine. Elles doivent être complétées par des analyses de laboratoire plus détaillées afin de confirmer les résultats obtenus sur le terrain et d’étudier plus spécifiquement les argiles. Pour cela, 13 échantillons ont été envoyés au Caire pour être analysés au laboratoire de l’Ifao.

Étude de la faune de Taposiris Magna et Plinthine

Nicolas Morand

44L’étude archéozoologique porte sur l’ensemble des restes animaux trouvés à Plinthine et Taposiris Magna afin d’analyser la diversité des habitudes alimentaires et les stratégies d’approvisionnement en Maréotide sur près d’un millénaire. Le corpus faunique de Plinthine s’élève à environ 7 000 ossements répartis sur plusieurs secteurs couvrant une chronologie s’étendant de la Troisième Période intermédiaire à l’époque hellénistique. À Taposiris Magna, l’ensemble compte quelques centaines de restes.

45Le spectre faunique de Plinthine est composé d’au moins vingt-deux espèces de mammifères, douze d’oiseaux, dix-huit de poissons, trois de reptiles et vingt-huit d’invertébrés. La triade bovins, ovins, porcins est très bien représentée sur l’ensemble du site et constituait la base de l’alimentation carnée. Le gibier est diversifié avec douze taxons dont plusieurs bovidés et oiseaux sauvages. La faune aquatique est également abondante avec des poissons du Nil et des spécimens marins.

Restauration des bains ptolémaïques de Taposiris Magna (secteur 6)

Thibaud Fournet

46La restauration des bains ptolémaïques de Taposiris Magna (secteur 6) a été menée avec l’aide de deux restaurateurs spécialisés dans la conservation de la pierre, de quatre ouvriers locaux ainsi qu’un ouvrier spécialisé de Gourna. Un soudeur et son assistant sont également intervenus.

48Les interventions ont été les suivantes :

• Rejointement des murs extérieurs : les murs de la salle 6, abîmés par l’érosion naturelle, ont été consolidés par l’application d’un mortier teinté par l’ajout d’un sédiment local pour donner une homogénéité visuelle aux vestiges. L’escalier sud, en partie effondré, a été remonté à l’identique.
• Restauration des grilles des salles souterraines : les accès aux espaces souterrains ont été protégés en 2006 par l’installation de six portes ou grilles en fer forgé, scellées dans le rocher. Après 15 ans d’exposition à l’humidité et au climat salin, une restauration était nécessaire. Les surfaces métalliques ont été nettoyées, protégées et repeintes (fig. 19). Les scellés ont été consolidés, en particulier ceux de la grille donnant sur la salle 3, abîmée en 2021. Des armatures soudées ont été ajoutées et les espaces entre la roche et les parties métalliques ont été renforcés par de la maçonnerie.

• Consolidation des limites de fouille : comme pour la partie ouest du secteur en 2021, des murs de pierres sèches ont été élevés devant les anciennes bermes stratigraphiques, à la limite nord du secteur et au-dessus du rocher.
• Modélisation 3D et suivi des dégradations : une modélisation photogrammétrique en 3D des salles souterraines et des vestiges extérieurs (avant et après les travaux de conservation) permettra de faire une étude plus précise du monument, et de suivre les éventuelles dégradations des vestiges.
• Dépôts lapidaires : de nombreux blocs architecturaux mis au jour lors de la fouille étaient abrités dans deux des salles souterraines. Cette année, les blocs ont été installés sur des tasseaux en bois dans les niches de la rotonde occidentale (salle 2), restaurées en 2021. Cette réorganisation a été couplée à un inventaire détaillé et à une modélisation 3D des éléments les plus importants (fig. 20).

• Stabilité globale et érosion du rocher naturel : l’état général du bâtiment est, à l’issue de cette deuxième mission de conservation, très satisfaisant. À l’extérieur, les vestiges de la période romaine sont consolidés et les vestiges hellénistiques, conservés dans le cadre de cette réoccupation, ont été comblés. Les limites de la zone fouillée sont stabilisées. Quant aux salles souterraines, principal intérêt de ce secteur, elles sont en excellent état. Aucune fissure n’est apparue, les salles sont exactement dans le même état que lors de nos premières visites il y a près de 20 ans. Le ruissellement, qui a été un temps particulièrement préoccupant pour la rotonde ouest (salle 2), s’est avéré extrêmement faible. Le nettoyage des talus au-dessus de la trémie de cette rotonde ainsi que la restauration de la grille de protection ont encore limité ce risque déjà faible. L’installation d’un drain ou la récupération de la terre accumulée au-dessus de la roche sont toutes deux peu pertinentes. La roche est suffisamment stable pour soutenir les remblais au-dessus des bains, et ces remblais constituent même une protection.