Objectif de la mission

1Les fouilles archéologiques menées à la fin des années 1980 sous la direction d’Ali el-Khouli ont mis au jour plus de 3 000 blocs de construction, dont plusieurs portent, sur une ou plusieurs faces, des marques d’ouvriers inscrites à l’encre rouge, mentionnant des dates, des noms de phylés et leurs sections, ainsi que d’autres indications relatives au positionnement des pierres. Ces blocs sont conservés sur site, déposés sur la plaine à 150 m au nord de la pyramide de Meidoum.

4Une première mission a été effectuée en septembre 2021, ayant permis le dégagement, le retournement et l’étude des dépôts 1 et 2 rassemblant près de 700 blocs. Les résultats nous ont encouragé à reconduire cette opération afin d’achever cette révision des marques d’ouvriers de la pyramide de Snéfrou à Meidoum.

Déroulement de la mission

Dépôt 3

5Du 15 au 27 octobre, le travail s’est concentré sur le dépôt principal constitué par Ali el-Khouli, situé dans la plaine s’étendant au nord de la pyramide, appelé « dépôt 3 ».

6Les blocs, enchevêtrés les uns dans les autres et partiellement ensablés, ont été disposés en rangées grossièrement agencées. Après leur désensablement, chaque bloc a été examiné et retourné. Il nous a été ainsi possible de dénombrer 1 400 blocs, que nous avons répartis in situ en carrés de 100 blocs, répartis en 10 rangées. Des espaces de circulation ont été aménagés de manière à distinguer chacun des 14 groupes. Les vestiges des blocs détruits par l’érosion ont été utilisés pour aménager un muret délimitant le dépôt (fig. 1).

7Le dégagement des blocs a révélé qu’ils avaient gravement souffert de leur ensablement et des infiltrations des eaux pluviales, régulières et stagnantes en cet endroit ; l’emplacement du dépôt se situe en effet en contrebas du plateau, à la convergence de plusieurs drains. La plupart des faces se sont révélées lessivées par l’eau et le frottement du sable. Néanmoins, dès que des traces de pigment étaient visibles, une couverture photographique détaillée a été systématiquement réalisée.

8Ce travail nous a permis d’établir que plus d’un tiers des 1 400 blocs du dépôt 3 étaient à l’origine inscrits. Certains d’entre eux portaient des inscriptions sur deux voire, plus rarement, trois faces. Malheureusement, un grand nombre d’entre elles ont gravement souffert des conditions de conservation. Parmi les marques conservées, nous identifions des dates de règne, des indications de livraison et des marques de sections de phylé et quelques tracés directeurs, liés à la taille ou à la pose du bloc (fig. 2a-b). Toutes ces inscriptions semblent, pour l’heure, être inédites, ce que le traitement – en cours – des données viendra confirmer.

Dépôt 4 et étude des blocs épars

9Du 29 octobre au 3 novembre, le travail s’est concentré sur le reste des blocs déposés sans ordonnancement en contrebas du plateau de la pyramide. Le dépôt 4, rassemblant 40 blocs de taille particulièrement imposante, a été étudié, les blocs étant répartis désormais sur quatre rangées. Des marques inédites ont été découvertes, similaires à celles observées dans le dépôt 3.

1021 blocs monumentaux épars, situés à proximité du dépôt 3, ont été étudiés, révélant notamment deux inscriptions inédites mentionnant des dates du règne de Snéfrou, particulièrement bien conservées (fig. 3).

11Le travail s’est ensuite concentré sur le retournement systématique des blocs de taille monumentale abandonnés dans l’emmarchement artificiel séparant le plateau au nord de la pyramide et la plaine s’étendant en contrebas. Cette tâche s’est révélée particulièrement fastidieuse. La taille et le poids de ces blocs étaient considérables. La plupart d’entre eux étaient complètement ensevelis dans la pente courte et raide constituée des déblais générés par le dégagement de la façade nord de la pyramide, dirigé par A. El-Khouli.

12Pratiquement tous les blocs se sont avérés être inscrits, la plupart portant des dates du règne de Snéfrou ou des indications de livraison des blocs sur le chantier de construction de la pyramide de Meidoum (Fig. 4a-b). Plus de 90 blocs ont ainsi pu être étudiés. Ici encore, chaque bloc a été retourné et photographié dès que des traces de pigment étaient visibles. La totalité des marques identifiées sont inédites, ces blocs n’ayant jamais été dégagés de leur remblai.

13La mission a également eu le plaisir de recevoir la visite du directeur de l’inspectorat de Beni Suef, Dr Omr Gamal, et d’une délégation de l’Ifao conduite par le directeur de l’Institut, Laurent Coulon, le directeur des études, Abbès Zouache, et le responsable du pôle Archéométrie, Joachim Le Bomin.

Résultats préliminaires et publication

14Cette mission 2022 a ainsi permis l’étude de 1 600 blocs conservés sur le site de Meidoum. Au moins 483 blocs comportaient initialement des inscriptions ; cependant, une grande partie d’entre elles ont subi une si grande détérioration depuis leur découverte il y a 35 ans qu’elles demeurent à présent inexploitables.

15D’autres dépôts se situent en des points plus éloignés au nord et au nord-est de la plaine. Notre prospection a établi que ces concentrations rassemblaient des blocs de petites dimensions qui ont particulièrement souffert de l’érosion. Un dépôt situé au nord-est de la pyramide se trouve en bordure de plantations, sur un terrain très humide, où les plantes sauvages prolifèrent (fig. 5). D’autres blocs épars ont été observés à l’ouest, mais là encore, leur état de conservation ne laissait guère espérer la préservation d’inscriptions éventuelles. De rares blocs se trouvent à présent piégés dans les remblais délimitant la piste aménagée pour desservir la nécropole au nord et les mastabas de Nefermâat, Rahotep et Nefret. Enfin, d’autres inscriptions – probablement bien conservées – restent certainement à découvrir dans les déblais de fouilles constituant la butte qui prolonge artificiellement le plateau de la pyramide au nord. Les sondages que nous avons réalisés dans ces remblais extrêmement indurés démontrent qu’il s’agirait là d’une opération complexe nécessitant des moyens importants, qu’il s’agisse du dégagement des blocs, de l’évacuation des remblais ou de la sécurisation des ouvriers.

16Néanmoins, l’étude de plus de 2 100 blocs lors des missions 2021 et 2022 permet aujourd’hui d’établir un diagnostic parfaitement cohérent et clairement représentatif des données épigraphiques préservées parmi les 3 000 blocs mis au jour par A. el-Khouli. La grande homogénéité des dates et des autres indications découvertes ces deux dernières années ne nous encourage pas, à ce jour, à mener notre exploration plus avant.

17De nombreuses dates inédites ont été découvertes, plusieurs interrogations soulevées à la suite de la première publication des inscriptions peuvent désormais être résolues, et des précisions sont établies concernant leur signification ; les objectifs de notre mission d’étude sont donc atteints. Le traitement numérique de la documentation photographique et la réalisation des facsimilés des inscriptions exploitables sont actuellement en cours, en vue d’assurer la rapide publication de ce corpus, désormais doublé.

18Enfin, cette mission d’étude a également permis la découverte d’une date inscrite sur un bloc du Mastaba 17, construit dans le voisinage immédiat de la pyramide et à l’architecture particulièrement remarquable, dont le propriétaire reste à ce jour anonyme. Cette marque d’ouvrier apporte un éclairage supplémentaire sur la chronologie de ce majestueux mastaba, mais aussi, par extension, sur le développement chronologique de la nécropole de la famille royale de Snéfrou.

19Les premiers résultats de ces missions seront prochainement présentés au colloque international Tempus Fugit: Challenging Time(s) and Text(s) in Order to Refine Ancient Egyptian Historical Chronology, clôturant l’ERC « Challenging Time(s) » dirigé par Roman Gundacker (ÖAW), à Vienne, en juillet 2023. La publication d’un catalogue complémentaire des blocs inscrits de Meidoum (en anglais) est en préparation.