Données scientifiques produites :
LUDICo (Condeixa-a-Velha, Portugal)
1Le projet LUDICo (anciennement LUDERE1) a débuté à la suite d’une recherche postdoctorale menée à l’École des Hautes Études Hispaniques et Ibériques entre 2020 et 2021. Il s’est poursuivi en 2022 sous l’égide de la Casa de Velázquez, en collaboration avec l’Université de Coimbra et le Musée Monographique de Conimbriga. Son objectif était de reconnaître les indices topographiques et les structures présentes dans le secteur de l’amphithéâtre afin de mieux connaître le monument, mais aussi de préciser les relations qu’il entretenait avec son environnement direct.
- 2 Correia, Ruivo 2015, p. 149.
2Simultanément au projet LUDICo, et offrant un cadre favorable de travail à ce dernier, le projet Conímbriga MMXX : Avaliação do potencial científico e patrimonial do Vale Norte de Conímbriga a été lancé. Il se concentre sur l’ensemble du quartier dit du « vale norte » (la vallée nord) et aborde plusieurs ensembles importants comme la maison aux jets d’eau (Casa dos repuxos), le viaduc ou encore l’amphithéâtre qui restent largement inconnus si on les compare à d’autres édifices ou quartiers de la ville de Conimbriga. Le projet Conimbriga MMXX, qui résulte d’une collaboration étroite entre l’université de Coimbra, le musée de Conimbriga et la municipalité de Condeixa‑a‑Nova, a pour principal objectif de développer un projet de fouilles étendu afin de contribuer à une meilleure connaissance du site, mais aussi d’évaluer le potentiel patrimonial de la zone et les indices de préservation et de conservation des monuments. Le plan d’intervention est d’autant plus important qu’il doit servir d’appui au développement d’un projet de valorisation de ce secteur, aujourd’hui marginalisé, en prévoyant un parcours de visite s’étalant de la maison aux jets d’eau jusqu’à l’amphithéâtre2. Il complétera ainsi le circuit actuel centré sur l’intérieur de la ville romaine, et rendra accessible un quartier monumental de la ville antique qui, aujourd’hui, reste encore trop éloignée du regard des visiteurs.
- 3 Correia 2021.
- 4 Ruivo, Correia, De Man, Reis 2018, p. 75.
3Ce programme, conditionné également par le processus d’acquisition des terrains contigus au site piloté par le Musée, a vu les premiers travaux de recherche repoussés à l’année 2021 en raison de la pandémie de COVID‑19. Actuellement, deux campagnes de fouilles ont été réalisées en 2021 puis 2022 sur la façade nord de la maison aux jets d’eau. Au‑delà de la seule reconnaissance du plan de la domus, dont l’extension était jusque‑là inconnue, les résultats préliminaires sont encourageants : ils ont permis de constater les différentes phases d’occupations de la maison et de renouveler notre approche des contextes structurels et stratigraphiques, mais aussi d’étudier le mobilier qui en est issu. En plus de ce travail de terrain, des prospections systématiques ont été réalisées sur l’ensemble de l’aire étudiée à l’aide de deux méthodes distinctes mais complémentaires : les prospections géomagnétiques puis radar (Ground Projection Radar). Les projets Conímbriga MMXX et LUDICo ont créé des circonstances propices à l’exploration des abords du viaduc et de l’amphithéâtre, situés directement au nord‑ouest de la maison aux jets d’eau, afin d’en caractériser les occupations. Les résultats des prospections se sont d’ailleurs révélés déterminants : si le projet LUDICo s’est d’abord concentré sur l’inventaire et l’analyse des constructions maçonnées de ce secteur, il a aussi été l’occasion de réaliser un premier diagnostic archéologique entre le viaduc et l’amphithéâtre. La partie centrale du vallon (fig. 1), fortement encaissée et disposant d’une pente régulière au nord, se présente comme une localisation idoine pour l’installation d’un théâtre, mais rien ne permet encore d’en affirmer la présence aujourd’hui3. L’étude de ce secteur s’avère par ailleurs déterminante si l’on s’intéresse à l’équipement et à l’organisation de la cité : le secteur du vale norte correspond à une zone charnière de la ville antique, semblant assurer la transition entre des quartiers résidentiels abritant de riches demeures, comme la célèbre maison aux jets d’eau, et des espaces artisanaux situés à proximité du viaduc, et l’un des monuments les plus imposants de la cité : l’amphithéâtre (fig. 2)4.
Fig. 1 – Localisation du quartier dit du « vale norte ».
F. Ferreira, d’après V. H. Correia.
Fig. 2 – Principaux ensembles monumentaux et localisation des sondages.
F. Ferreira, d’après V. H. Correia.
4Les résultats des campagnes de 2021 et 2022 mettent en lumière une densité de structures jusque‑là insoupçonnée dans le quartier nord de Conimbriga. Les nouvelles fouilles de la maison aux jets d’eau, de même que les prospections et les sondages de diagnostic réalisés près du viaduc ouvrent de nouvelles perspectives sur l’extension de la trame urbaine de Conimbriga et ses occupations de l’Antiquité à nos jours.
- 5 Silva, Ruivo, Dias 2021.
5L’intervention menée en 2021 s’est concentrée sur la façade nord de la maison aux jets d’eau (fig. 3), toutefois, la campagne de cette première année n’a pas permis de localiser avec précision la limite de la domus, ni de confirmer la jonction de son accès vers la rue qui structure l’ensemble du quartier nord inséré dans le vallon. Cependant, outre la vérification du potentiel archéologique de cette zone, les deux sondages réalisés ont permis de mettre en évidence le bon état de conservation des constructions mises au jour5.
Fig. 3 – Localisation des sondages 1 et 2 le long de la façade nord de la maison aux jets d’eau.
R. Costeira da Silva, d’après J. M. B. Oleiro, 1992.
6Le sondage 1 a permis d’identifier une nouvelle pièce accolée à la façade nord de la maison aux jets d’eau, fruit de plusieurs transformations successives qu’il est encore nécessaire de caractériser. Deux niveaux de circulations distincts ont été observés : le plus récent présentait un foyer, tandis que le second était associé à un niveau d’occupation riche en cendres et en nodules de charbons.
7Dans le second sondage, d’autres structures bien conservées sous une importante surface ont été perçues malgré l’imposante couverture de remblais récents et même contemporains. La stratigraphie a été très perturbée par des fosses et des tranchées parfois datées de la fin du xxe siècle. Les remblais eux‑mêmes sont souvent très récents, provenant des fouilles antérieures de la maison aux jets d’eau. Il a toutefois été possible de mettre au jour le couloir et l’entrée disposés du côté nord de la maison (fig. 4), mais aussi de découvrir un nouveau compartiment à l’ouest de ces derniers. La présence d’une cage d’escalier confirme l’existence d’une façade ayant au moins deux étages.
Fig. 4 – Vue de l’entrée menant au sous‑sol de la maison aux jets d’eau.
R. Costeira da Silva.
8Concernant la chronologie, les céramiques retrouvées n’excèdent pas le milieu du iiie s. apr. J.‑C., ce qui était attendu, le quartier étant exclu du périmètre défini par la muraille tardive. Si plusieurs données sont encore à étudier, tout comme les résultats de la campagne 2022, les conclusions préliminaires permettent de définir peu à peu l’emprise nord de la façade de la maison aux jets d’eau, réaffirmant son importance déjà soulignée par son décor somptueux.
- 6 Correia 2013, p. 77‑78.
9Le viaduc de Conimbriga se situe au nord-ouest de la maison aux jets d’eau et mène vers la porte nord de la cité dite « d’Aeminium ». Il permet de franchir le vallon qui était intégré à la ville du Haut-Empire, elle‑même délimitée par la muraille d’époque augustéenne. Après la réduction de l’emprise urbaine de la cité entre la fin du iiie s. et le début du ive s. apr. J.‑C., son usage reste maintenu durant cette période et jusqu’à nos jours, le comblement du passage sous la voûte assurant sa conservation. Découvert lors des campagnes réalisées dans les années 1930-1940, le viaduc est dégagé dans son ensemble de même que l’établissement aux piliers qui lui est accolé au sud-ouest6.
- 7 Brun 1997, p. 30‑31.
- 8 Correia, De Man, Reis 2011, p. 192.
10L’identification d’un moulin hydraulique longeant le parement interne du viaduc au sud‑est, publié par J.‑P. Brun en 1997, a fortement influencé les différentes interprétations des structures observées à proximité7. Le quartier s’est dès lors vu attribuer une fonction artisanale, renforcée par la présence d’une branche voisine de l’aqueduc8. L’établissement aux piliers a alors été considéré comme un entrepôt ou un pressoir. Toutefois, aucun élément mobilier n’a été découvert lors des fouilles qui puisse confirmer cette fonction. Dans le cadre de la campagne 2022, nous avons procédé à l’inventaire des constructions et précisé la chronologie relative des maçonneries du viaduc, de l’établissement aux piliers et des autres structures maçonnées découvertes à proximité.
11Le viaduc (fig. 5) est préservé sur une hauteur de 5,81 et 8,54 m de long en façade. Il est constitué de deux murs de soutènement maintenant les terres de part et d’autre du vallon, sur lesquels se développe une voûte en berceau délimitée à ses extrémités par deux rouleaux de briques en voussoirs d’une longueur de 8,85 m. La naissance de la voûte, située à 3,10 m au‑dessus du sol actuel, est marquée par un double lit de briques en encorbellement qui courent le long de chaque mur du passage, formant un léger débord servant d’imposte. Quelques trous de boulins ont été observés le long des murs à des hauteurs distinctes et de façon aléatoire, sauf au‑dessus de l’entrée où sept trous de boulins alignés ont été identifiés.
Fig. 5 – Vue du viaduc après le décapage.
J. Lousada.
12Les murs du viaduc présentent un parement constitué de moellons en pierre calcaire et présentant un revêtement de mortier sur lequel les joints ont été tirés au fer. Le dégagement d’une partie des remblais modernes et contemporains disposés au sud‑est du viaduc a permis de mieux en observer la façade orientale. Celle‑ci se présente de façon homogène et semble construite lors d’une seule et même phase de construction. On notera cependant que le ressaut de fondation du prolongement nord de la façade est situé au niveau du dérasement des murs perpendiculaires au mur de soutènement du viaduc. Il est donc probable que le bâtiment voisin ait disposé d’une terrasse ou ait formé un espace remblayé postérieurement.
13Deux nouveaux édifices jusque‑là inconnus ont été observés contre la façade orientale du viaduc. Au sud, le moulin hydraulique était déjà partiellement connu. Les prospections de 2022 ont permis de mettre au jour un mur inédit dans le prolongement de l’accès au moulin appartenant à un édifice accolé au viaduc. La façade sud‑est n’a pu être observée sur toute sa hauteur conservée. Le parement, réalisé en calcaire local, présente deux séries de trous de boulins correspondant aux échafaudages utilisés lors de la construction de l’édifice. Une fenêtre, située dans la partie supérieure du mur, a été mise en évidence et une seconde, localisée sur un mur parallèle au viaduc et perpendiculaire au précédent auquel il semble lié, a été observée. Dès lors, on peut supposer que l’activité qui se tenait dans l’édifice accolé au viaduc nécessitait un éclairage important et la disposition des fenêtres laisse deviner l’existence d’un espace ouvert, comme une cour, du côté interne de l’établissement.
14De l’édifice situé du côté opposé de la voie passant sous le viaduc, au nord‑est, seul un mur situé dans le prolongement du passage du viaduc a été observé. Il lui est relié par une maçonnerie intermédiaire ayant probablement servi à contreforter le viaduc. Cette dernière, contrairement aux autres maçonneries est composée de blocs de marne et de calcaire allant du petit au grand appareil. Ce mur semble combler un ancien passage situé entre le viaduc et l’édifice non-identifié. Le traitement des parements traduit cependant une certaine uniformité par une reprise des enduits qui s’étend à tous les murs (de l’intérieur à l’extérieur du viaduc) et que l’on retrouve également sur les contreforts disposés à l’ouest.
15Du côté occidental, le débouché du passage a également été encadré de deux maçonneries venant contreforter le mur de soutènement oriental du viaduc. Ces murs présentent un appareil similaire de moellons en calcaire et sont conservés sur une même hauteur de 6,30 m et une longueur de 3,5 m.
16Le prolongement nord de ce dernier, formé à partir d’un mur de moellons en calcaire jaune d’une nature très différente de tous les autres murs, pourrait être une construction contemporaine réalisée lors des premières fouilles.
- 9 Etienne, Alarcão 1976, p. 16.
17Un édifice, connu sous le nom d’établissement aux piliers (fig. 6)9, a été additionné au sud‑ouest du viaduc. Cet édifice se présente sous la forme d’une vaste salle de 11,85 x 9,90 m accessible par une ouverture à l’ouest et divisée en quatre galeries délimitées par des piliers. Le mur nord se présente dans le prolongement du contrefort. L’adjonction d’un départ de voûte entre les deux maçonneries permet de supposer une construction postérieure de l’établissement aux piliers. De même, le mur du côté est, servant de soutènement au viaduc, présente plusieurs reprises de maçonneries probablement liées à la construction de l’établissement aux piliers. Différentes consoles ont d’ailleurs été observées sur les murs nord, ouest et est, permettant de définir une succession de voûtes rampantes. Les départs des arcs sur les piliers, successivement installés à 2,90 m de haut puis 2,50 m d’est en ouest, permettent dès lors de supposer un couvrement en pente de l’établissement dont les fonctions restent encore incertaines.
Fig. 6 – Vue de l’établissement aux piliers.
F. Ferreira, d’après R. Costeira da Silva.
18L’analyse de l’ensemble bâti a permis d’établir une chronologie relative des maçonneries dans le secteur du viaduc. Ce dernier correspond à l’une des premières constructions de cette zone, assurant le passage du sud vers le nord de la ville du Haut-Empire. Postérieurement, des raidisseurs ont été ajoutés aux extrémités du passage. Les autres murs des pièces voisines, correspondant à l’établissement aux piliers au nord‑est et aux deux établissements dont la fonction est encore indéterminée au sud-ouest, ont été construits dans un second temps. Peu d’éléments permettent de proposer une identification certaine des structures présentes à l’est : on peut seulement supposer l’existence de deux édifices de grande dimension encadrant la rue longeant la maison au jets d’eaux et descendant sous le viaduc.
19Concernant l’établissement aux piliers, l’analyse du bâti a permis d’observer d’importantes reprises dans le mur de soutènement du viaduc, notamment dans ses parties supérieures où sont disposés des éléments de supports, comme les départs d’arcs, et des éléments correspondant au bois mis en œuvre lors de leur construction comme les trous de boulins. Les différences entre les parements laissent supposer une reprise des parties hautes du mur lors de restaurations, par exemple, qu’elles aient été anciennes ou plus récentes. Outre le raidisseur localisé au sud‑ouest du viaduc, les murs périmétraux de l’établissement aux piliers présentent un aspect uniforme témoignant d’une même phase de construction. Il en est de même pour les piliers composés de blocs cubiques alternativement lisses ou à bossage, supportant le départ de chaque arc. Si les sommiers de briques liées au mortier reposent directement sur chaque pilier, ceux reposant sur les murs sont maintenus par des consoles de pierre observées notamment sur les murs nord et sud. La diminution progressive de la hauteur de départs d’arc permet d’envisager l’existence de voûtes rampantes inclinées vers les sud‑ouest (fig. 7). Dès lors, le couvrement de l’établissement aux piliers pouvait supporter une structure inclinée, comme des escaliers ou une rampe.
Fig. 7 – Coupe nord‑ouest/sud-est de l’établissement aux piliers.
F. Ferreira.
20Plusieurs éléments topographiques dans le secteur central du vale norte, à proximité du viaduc, avaient déjà attiré notre attention lors des prospections pédestres de 2021 : outre la présence de légers reliefs sur le terrain, une plus faible densité de la végétation était également notable. Après le nettoyage de plusieurs maçonneries, il a été possible d’observer le dénivelé important du coteau nord‑est décrivant un arc de cercle, mais aucune structure antique n’a formellement été identifiée. Toutefois, les données géophysiques et magnétiques obtenues par Cornelius Meyer ont mis en évidence l’existence de structures localisées entre l’amphithéâtre et le viaduc (fig. 8). Plusieurs anomalies sont apparues à proximité de l’établissement aux piliers décrivant des arcs de cercle disposés sur le versant sud‑ouest du vale norte ; d’autres anomalies, rectilignes cette fois et situées au nord‑ouest du même édifice, ont également été observées. Enfouies à environ 2 m en dessous du sol actuel, ces anomalies laissaient envisager des constructions monumentales. Afin de compléter cette première approche et d’en déterminer l’état de conservation, trois sondages de diagnostic ont été réalisés.
Fig. 8 – Résultats préliminaires des prospections géophysiques.
Meyer, Sala, Rodríguez Simón 2023.
21Les trois sondages réalisés ont été implantés sur les anomalies suggérant la présence de maçonneries. Les deux premiers sondages ont été implantés à proximité du versant nord‑ouest du vale norte, tandis que le troisième a été réalisé au nord de l’établissement aux piliers, perpendiculairement à la voie passant sous le viaduc (fig. 9).
Fig. 9 – Vue des murs arasés découverts dans le sondage 3.
R. Costeira da Silva.
22Le premier sondage, mesurant 10 x 4 m, a été implanté dans le sens sud‑est/nord-ouest parallèlement à la ligne droite formée par l’égout antique qui traverse le vale norte. Sous les remblais modernes et contemporains, un mur localisé à plus de 2 m de profondeur a été découvert. Bien qu’il ait été repéré à une autre hauteur lors des prospections, il convient de supposer qu’il correspond à l’anomalie rectiligne précédemment observée dans ce secteur. Même si le mur ne permet pas d’avancer l’existence d’un édifice monumental sur place, la dimension importante des éléments lapidaires découverts nous autorise à supposer la présence d’un monument voisin, ou de plusieurs, ayant disposé de murs construits en grand appareil et de colonnes. De façon plus générale, ce dernier confirme l’occupation du secteur après l’époque romaine et la pratique de remploi.
23Le second sondage est orienté nord‑est/sud-ouest, il a été réalisé perpendiculairement à l’égout, entre le sondage 1 et le mur de soutènement du viaduc. Il mesure 1,44 m de long sur 0,63 m de large. Le sondage 2 permet de confirmer la présence du mur suspecté lors des prospections géophysiques et localisé à la profondeur estimée. Le mode de construction employé est caractérisé par l’usage de remplois. Aucun élément céramique n’a été retrouvé dans ce sondage et ne permet de proposer une datation, même approximative. Cependant, la stratigraphie reste cohérente avec celle du sondage précédent et permet d’associer cette construction à la même période que le niveau de démolition observé dans le sondage 1. Il est donc possible, mais encore incertain, que cette construction soit postérieure aux constructions romaines voisines et qu’elle date du début de l’époque médiévale.
24Le dernier sondage, mesurant 7,62 x 5,41 m, a été effectué au nord-ouest de l’établissement aux piliers, dans le sens sud-ouest/nord-est et perpendiculairement à l’égout. Dans ce secteur, les prospections ont mis en évidence l’existence de maçonneries et d’importants niveaux de démolition. Plusieurs niveaux de remblais, accumulés sur près de 2,5 m de hauteur, scellent une couche de limon brun sombre compacte et homogène, comportant plusieurs inclusions de mortier, de calcaire et de charbon correspondant à une couche d’occupation dont le mobilier céramique date du milieu du iiie s. apr. J.‑C. Au sud‑est, deux murs formant un angle droit ont été observés (fig. 10). Le premier est orienté nord‑est/sud-ouest et mesure 2,90 x 0,30 m ; le second est disposé dans le sens nord‑ouest/sud-est et mesure 2,42 x 0,35 m. Ils sont composés de deux files de blocs relativement plats en moyen appareil disposés en panneresse ou en boutisse, jointoyés à l’aide d’un mortier gris-beige très friable. La fouille ne s’est pas poursuivie au‑delà de ces niveaux.
25L’implantation du sondage a permis de vérifier l’existence de maçonneries qui avaient également été révélées par les prospections géophysiques. Seul le mur d’apparence curviligne localisé au sud n’a pas pu être atteint lors du diagnostic.
26La présence de murs construits selon des procédés déjà observés dans la ville antique laisse supposer une occupation du secteur à l’époque romaine. L’orientation des murs, proche de celle des maçonneries de l’établissement aux piliers, permet d’envisager une contemporanéité des deux ensembles. Les murs restent toutefois situés à une profondeur beaucoup plus importante, ce qui suggère l’existence d’une pente entre le niveau de sol dallé recouvrant l’égout (visible sous le viaduc et longeant l’établissement aux piliers) et celui associé aux murs perpendiculaires. Le léger décalage dans l’alignement de ces maçonneries avec les constructions voisines ne peut être expliqué à partir des données obtenues actuellement.
27Les campagnes d’étude et de fouilles réalisées en 2021 et 2022 ont permis d’analyser de façon plus précise l’un des principaux secteurs de la ville antique de Conimbriga qui, jusque‑là, n’avait pas fait l’objet de recherches approfondies. Les résultats obtenus sont significatifs et ouvrent de nouvelles perspectives de recherches.
28Tout d’abord, l’étude de la façade de la maison aux jets d’eau permet d’appréhender les fonctions importantes qu’elle occupait dans la construction du paysage urbain et la richesse de ses occupants. Ouverte sur le quartier nord par le biais d’une entrée monumentale à son rez‑de-chaussée, la maison contribue par son caractère imposant à délimiter le quartier qui était accessible depuis la rue passant sous le viaduc.
29L’importance de cette voie se confirme également par le rôle significatif du viaduc : si ce dernier sert avant tout à enjamber la dépression topographique du vallon pour mener à la porte nord de la ville, les parements de la voûte encadrant la voie inférieure ont fait l’objet d’une attention particulière. Ils ont reçu un revêtement spécifique de joints incisés, vraisemblablement repris lorsque les raidisseurs ont été ajoutés aux extrémités du passage voûté. L’occupation du secteur s’est densifiée au cours du temps par l’adjonction d’édifices dont les fonctions sont encore indéterminées à l’est et par celle de l’établissement aux piliers à l’ouest. La nature de ce dernier reste encore énigmatique en raison de sa forme, mais aussi de son système de couvrement inattendu.
- 10 Ruivo, Correia, De Man, p. 15‑24.
30Enfin, les constructions observées dans les deux premiers sondages, réalisées à partir de matériaux remployés, mettent en évidence une occupation tardive ou médiévale du vallon, tandis que les deux murs modestes observés au sud sont de facture antique. Ces derniers semblent délimiter un espace aligné avec l’établissement aux piliers et contourné par l’égout de la voie passant sous le viaduc. L’usage de remploi, déjà documenté à l’intérieur de la ville tardo-antique, s’observe également en dehors du périmètre défini par l’enceinte tardive10.
31La stratégie envisagée pour l’année 2023 passera nécessairement par l’articulation conjointe des deux projets menés sur des zones voisines. La poursuite de cette opération permettra à la fois de documenter de façon extensive l’histoire du quartier nord de Conimbriga, de dresser un plan étendu du secteur et d’en caractériser les différentes formes d’occupation. La continuité des travaux de recherches permettra dans un premier temps de poursuivre l’exploration de la partie ouest de la maison aux jets d’eau, puis de caractériser le plan des constructions associées au viaduc et d’assurer la jonction stratigraphique entre le troisième sondage réalisé en 2022 et l’établissement aux piliers pour dater et d’identifier les fonctions de cet ensemble monumental.