Introduction

1Le continent ouest-africain subit les effets néfastes du bouleversement climatique. Ces effets ont été mis en évidence dans de nombreuses études qui se sont penchées sur la question de la variabilité climatique en Afrique de l’Ouest [Descroix & al. 2015, Kouassi & al. 2017, Alexandre & Méringue 2018]. De ces travaux, il ressort que l’Afrique de l’Ouest connaît une succession d’épisodes climatiques secs et pluvieux ponctués de périodes de sécheresses dont l’intensité et l’extension spatiale sont devenues exceptionnelles depuis 1970 [Kouassi & al. 2017]. En Côte d’Ivoire, la caractérisation de la variabilité climatique a été menée à partir de plusieurs méthodes. Il s’agit entre autres des indices pluviométriques ou indices de Nicholson pour la mise en évidence de la fluctuation interannuelle des précipitations et l’identification des grandes tendances climatiques (période sèche, période normale et période humide), du test de Pettitt et/ou de la procédure de segmentation de Hubert pour la détection des ruptures dans les séries chronologiques de pluie, de la migration spatiale des isohyètes pour apprécier la variabilité spatiale des précipitations, des régressions linéaires pour apprécier dans le temps les tendances évolutives des paramètres climatiques, des modalités de l’évolution des pluies pour identifier la fréquence du nombre de jours pluvieux [Kouakou & al. 2012, Goula & al. 2012, Yao & al. 2013 Kouassi & al. 2017]. Il ressort de ces études que, globalement, le pays a enregistré des ruptures pluviométriques qui se sont signalées entre 1966 et 2000 et qui ont engendré des déficits de l’ordre de 21 % avec une hausse thermométrique comprise entre +1 et +1,6°C globalement sur la période 1960-2010. Suite aux manifestations de la variabilité pluviométrique, les communautés sur l’ensemble du territoire ivoirien et particulièrement dans le district d’Abidjan sont confrontées à des inondations de plus en plus violentes avec ses conséquences que sont l’érosion côtière, les glissements de terrains, la pollution des nappes et de l’environnement [Danumah 2016]. Globalement, la variabilité interannuelle des précipitations en Afrique de l’Ouest est relativement forte, comparée à d’autres régions du monde.

2Les conséquences du changement climatique sur les économies des pays africains sont indéniables, ce continent étant le plus vulnérable. Les enjeux liés à la persistance ou non de la sécheresse sont donc de première importance pour les pays et les habitants des régions ouest-africaines. Selon Karimou et al., les évènements climatiques extrêmes devraient devenir plus fréquents et plus intenses avec le réchauffement climatique [Karimou & al. 2015]. Ces évènements ont un impact négatif sur l’agriculture, l’élevage et les ressources naturelles qui sont des secteurs sur lesquels reposent l’essentiel des économies nationales ouest-africaines. Les populations de ces régions ont toujours payé un très lourd tribut à la variabilité interannuelle des saisons des pluies en raison de la dépendance directe des modes de production agricole, des économies locales, et donc de la vie des gens, aux aléas climatiques. En effet, les sécheresses majeures (de 1970 et 1989), ont engendré de nombreuses pertes dans les récoltes de céréales (600 000 tonnes par an) et occasionné plus de 100 000 morts au Mali, au Niger et en Mauritanie, et plus de 750 000 personnes se sont retrouvées entièrement dépendantes de l’aide alimentaire pendant cette période [Fanta 2010].

3L’économie ivoirienne repose essentiellement sur l’agriculture pluviale. En effet, plus de 60 % de la population active dépend de cette activité qui constitue en moyenne plus de 22 % du PIB depuis 2012 et constitue la principale source de revenu et d’emploi [MINADER 2017]. Les irrégularités annuelles et interannuelles de la pluviosité se traduisent par des saisons des pluies déficitaires avec pour conséquences de mauvaises récoltes. Une question pertinente est donc soulevée : quelle est l’évolution du régime climatique saisonnier en Côte d’Ivoire dans un contexte de changements climatiques ? Cette étude a ainsi pour but d’analyser les impacts des changements climatiques en cours sur les régimes climatiques saisonniers en Côte d’Ivoire. Il apparait, en effet, essentiel d’analyser la variabilité des conditions climatiques observées dans cette région de l’Afrique de l’Ouest qui constitue une des zones d’intérêt, afin de proposer des stratégies d’adaptation pour réduire la vulnérabilité des populations, des cultures, des infrastructures, etc. une fois les impacts majeurs des fluctuations climatiques appréhendés.

1. Matériel et méthodes

1.1. Présentation de la zone d’étude

4La Côte d’Ivoire est située en Afrique de l’Ouest, dans la zone intertropicale, entre les latitudes 4°30’ et 10°30’ Nord et les longitudes 8°30 et 2°30 Ouest (Fig. 1). Elle couvre une superficie de 322 462 Km² (environ 1 % du continent africain) et fait frontière avec le Golfe de Guinée au Sud, le Ghana à l’Est, le Libéria et la Guinée à l’Ouest, le Mali et le Burkina-Faso au Nord.

5Trois grands types de climat se côtoient en Côte d’Ivoire : le climat équatorial, le climat tropical et le climat de montagnes. Le climat équatorial dans le Sud est caractérisé par un fort taux d’humidité qui est de 82 % à Abidjan [Yao & al. 2013], des températures qui tournent autour de 26 °C (1961-2016), et des précipitations abondantes qui atteignent à Abidjan 1 675 mm et à Tabou 1962 mm (1961-2016). Ce climat est constitué de deux saisons sèches et deux saisons humides [Kouakou & al. 2017]. Le climat tropical concerne principalement la partie nord du pays. Les températures annuelles oscillent également autour de 26 °C (1961-2016) avec des amplitudes thermiques quotidiennes relativement plus importantes que celles du Sud. Le taux d’humidité, inférieur à celui du Sud du pays, est de 63 % à Korhogo [Yao & al. 2013]. La zone considérée est caractérisée par la présence intermittente entre les mois de décembre et février d’un vent frais et sec, l’harmattan. On y relève deux saisons : l’une sèche, et l’autre pluvieuse [Kouakou & al. 2017]. Les précipitations moyennes annuelles enregistrées sont généralement inférieures à 1300 mm et atteignent 1151 mm à Korhogo (1961-2016). Le climat de montagnes est localisé à l’ouest du pays avec des hauteurs pluviométriques annuelles importantes qui atteignent 1984 mm à Danané (1961-2016). Ce climat se caractérise par deux saisons, une pluvieuse et une autre sèche [Kouakou et al. 2017]. Les températures annuelles tournent autour de 24°C (1961-2016). L’humidité relative est très forte tout au long de l’année avec une valeur de 98 % à Man [Kouamé 2011].

1.2. Données de l’étude

6Les données utilisées pour réaliser la présente étude sont issues du réseau national de mesures météorologiques de la Côte d’Ivoire. Les données de pluies mensuelles et de températures moyennes mensuelles proviennent de neuf stations synoptiques réparties sur tout le pays et couvrent la période 1941-2016. Ces données ont été mises à notre disposition par la SODEXAM (Société de Développement et d’Exploitation Aéronautique, Aéroportuaire et Météorologique). Le choix des stations a été guidé par la disponibilité et la qualité des données chronologiques, et aussi en tenant compte du caractère représentatif de celles-ci de l’ensemble des régions de la Côte d’Ivoire. Des lacunes existent au sein des séries pluviométriques de certains postes. Elles ont été comblées en fonction des données pluviométriques des postes voisins à l’intérieur d’une même zone climatique à travers la méthode du vecteur régional [Kouamé 2011, Koudou 2013]. Les valeurs manquantes de certaines séries (Odienné, Korhogo, Bouaké, Man et Daloa) proviennent de réanalyses mises à notre disposition également par la SODEXAM. En effet, du fait de la crise politico-militaire qu’a connue la Côte d’Ivoire, la période 2002-2012 a été sans observations dans les zones Centre, Nord et Ouest. La fiabilité et l’intérêt à utiliser des données de réanalyses ont fait l’objet de nombreuses études [Konaté 2018].

1.3. Méthodes utilisées

7Une combinaison de méthodes s’appuyant uniquement sur des indices climatiques a été utilisée pour l’analyse des impacts des changements climatiques sur le climat saisonnier et intra-annuel. Les indices climatiques utilisés sont de plusieurs natures. D’abord, il y a les indices basés uniquement sur les précipitations (indice de Péguy), ensuite les indices basés sur la combinaison des précipitations et des températures (indice d’Angot et indice de Moral) et enfin les indices basés sur la combinaison des précipitations et des évapotranspirations (indice UNEP). Ces indices expriment chacun un aspect climatique différent. Les expressions climatiques saisonnière et interannuelle concernent le semestre (indice d’Angot), le trimestre (indice de Péguy), le mois (indice de Moral) et la moyenne interannuelle (indice UNEP). Ces indices ont été appliqués sur plusieurs sous-périodes d’au moins trente ans (1941-1970 ; 1971-2000 ; 1981-2010 ; 1971-2016) pour analyser la dynamique du climat saisonnier et intra-annuel de part et d’autre de 1970, qui constitue l’année de référence en ce qui concerne la manifestation des effets des changements climatiques en Afrique de l’Ouest en général et en Côte d’Ivoire en particulier.

1.3.1. Indice d’aridité UNEP

8L’indice d’aridité UNEP (United Nations Environment Program) est un indicateur du degré d’aridité du climat à un endroit donné par rapport à la demande évaporative de l’atmosphère. Il est défini comme suit [Mokhtari et al. 2013] (équation 1) :

9I =P/ETP
où :

• P : précipitation annuelle moyenne en mm ;

• ETP : évapotranspiration potentielle annuelle moyenne en mm.

10L’ETP a été évaluée à partir de la méthode de Thornthwaite. Cet indice est largement utilisé [Mokhtari et al. 2013] pour l’évaluation de la qualité du climat et traduit le déficit annuel entre la quantité des précipitations reçue (P) par rapport à la demande évaporative de l’atmosphère (ETP), ce qui implique que plus l’indice est faible plus l’aridité est élevée et permet de classer les climats de l’hyperaride à l’humide selon les valeurs suivantes :

• hyperaride: I < 0,05;

• aride: 0,05 < I < 0,20;

• semi-aride: 0,21 < I < 0,50;

• subhumide sec : 0,51 < I < 0,65 ;

• subhumide et humide : I > 0,65.

1.3.2. Indice pluviométrique d’Angot

11Cet indice étudie le rapport entre les précipitations de la saison chaude et de la saison froide au cours d’une année (période) [Farah 2014, Ionac et al. 2015, Diomandé et al. 2017]. Pour cela, il fait intervenir les sommes des précipitations mensuelles en fonction des conditions de température qu’il calcule selon la formule suivante (équation 2) :

12où P : précipitations mensuelles en mm.

13Les critères de décision se présentent comme suit :

• I_a <1 : la période froide est plus arrosée que la période chaude ;

• I_a >1 : la période chaude est plus arrosée que la période froide.

1.3.3. Indice saisonnier de Péguy

14L’indice saisonnier de Péguy permet de rechercher quels sont les trois mois consécutifs dont la somme des hauteurs d’eau soit la plus grande possible, indépendamment de toute définition à priori d’une saison et à exprimer le rapport de ce total trimestriel au total annuel [Anser 2012, Sebaibi 2014].

1.3.4. Indice pluviométrique de Moral

15Proposé par Moral en 1964, cet indice est bien adapté pour la classification des climats dans la zone intertropicale [Farah 2014]. Sa valeur annuelle (I_M) se calcule, selon la formule suivante (équation 3) :

• P : les hauteurs annuelles des précipitations en mm ;

• T : les températures moyennes annuelles en °C.

16Le climat est considéré comme :

• sec, lorsque I_M < 1 ;

• humide, lorsque I_M > 1.

17Moral a aussi proposé un indice pour la classification des mois secs et des mois humides (I_m) au cours d’une même année. Cette classification s’appuie sur la formule suivante (équation 4) :

• P’ : précipitations mensuelles en mm

• t : température moyenne mensuelle en °C.

18Les résultats donnent la classification suivante :

• mois pluvieux : P > t²/10+t+30 ;

• mois humide : t²/10+t+30 > P > t²/10-t+20 ;

• mois sec : t²/10-t+20 > P > t²/20-t+10 ;

• mois aride : t²/20-t+10 > P.

2.2. Résultats et discussion

2.1. Résultats de l’indice d’Angot

19Les résultats de l’indice d’Angot montrent que le climat saisonnier en Côte d’Ivoire a subi des modifications en passant de la période avant 1970 aux périodes après 1970 (fig. 2). En effet, les semestres les plus froids sont généralement plus arrosés que les semestres les plus chauds, avec les valeurs de l’indice d’Angot inférieures à 1 sur l’ensemble des périodes et des localités considérées. Il est observé globalement que la valeur de l’indice d’Angot sur la période avant 1970 est inférieure à celles des périodes après 1970. Ces résultats montrent que le bouleversement climatique constaté sur la période 1961-2016 a modifié le caractère « semestre le plus froid est plus arrosé que le semestre le plus chaud » qui est plus prononcé sur la période avant 1970 que sur les périodes après 1970. Cependant, la localité de Gagnoa (Centre-Ouest) montre une valeur de l’indice d’Angot supérieure à 1 sur la période avant 1970. Pour ce qui concerne les périodes après 1970, seule la localité de Sassandra (Sud) présente les périodes 1981-2010 et 1971-2016 qui ont des valeurs de l’indice d’Angot supérieures à 1. Ces résultats montrent que pour ces cas, les semestres les plus chauds sont plus arrosés que les semestres les plus froids (fig. 2). Il semble donc que les semestres les plus chauds ont tendance à être relativement plus arrosés après 1970 dans certaines localités du pays.

2.2. Résultats de l’indice de Péguy

20La période avant 1970 enregistre, selon l’indice de Péguy, les cumuls pluviométriques trimestriels les plus importants sur l’ensemble des localités étudiées. Le niveau de baisse des précipitations, sur les périodes après 1970, est parfois très considérable avec la période 1981-2010 enregistrant dans l’ensemble les plus faibles cumuls pluviométriques trimestriels. Au niveau des localités situées au Sud (Abidjan, Sassandra, Tabou), le trimestre le plus pluvieux est passé de Mai-Juin-Juillet (MJJ) sur la période avant 1970 au trimestre Avril-Mai-Juin (AMJ) sur deux au moins des périodes après 1970 (fig. 3). Au niveau de la localité de Bouaké (Centre), le passage s’est effectué d’Août-Septembre-Octobre (ASO) sur la période avant 1970 à Juillet-Août-Septembre (JAS) sur toutes les périodes après 1970 (fig. 3). Ces résultats traduisent un glissement du trimestre le plus pluvieux après 1970 dans certaines localités de la Cote d’Ivoire, surtout dans les régions Sud et Centre.

21Figure 3 – Modification après 1970 du trimestre le plus pluvieux au niveau des stations d’Abidjan, Sassandra, Tabou et Bouaké

2.3. Résultats de l’indice de Moral

22L’évolution de l’indice de Moral montre que sur la quasi-totalité des localités étudiées, au cours des différentes périodes, règne un climat globalement humide avec la valeur annuelle de l’indice supérieure à 1. Cependant, il est constaté au niveau de certaines localités une modification dans la distribution des saisons en termes du nombre de mois humides et secs en passant de la période avant 1970 aux périodes après 1970. Ainsi, pour les localités d’Abidjan, Sassandra et Tabou situées au Sud les mois humides passent de six, sept ou huit selon les cas avant 1970 à des mois humides compris entre six et dix après 1970 (fig. 4). Ces localités montrent que le mois de mars qui était un mois sec, avant 1970, est devenu un mois humide sur les périodes 1971-2016 (Tabou, Sassandra), 1981-2010 (Sassandra) et sur toutes les périodes après 1970 (Abidjan). Le mois de décembre est passé d’un mois humide avant 1970 à un mois sec sur toutes les périodes après 1970 au niveau de Sassandra. Les mois d’août et septembre sont passés de mois secs avant 1970 à des mois humides respectivement aux stations de Tabou (toutes les périodes après 1970) et Abidjan (1981-2010 et 1971-2016). Au niveau des localités d’Odienné (Nord), Dimbokro (Est) et Gagnoa (Centre-Ouest) les mois humides passent de six, huit ou dix avant 1970 à des mois humides compris entre sept et neuf après 1970 selon les cas (fig. 5). A Odienné, le mois d’avril qui était un mois sec avant 1970, est devenu un mois humide sur les périodes 1981-2010 et 1971-2016. Pour la localité de Dimbokro, le mois de novembre est passé d’un mois sec avant 1970 à un mois humide sur toutes les périodes après 1970. Concernant la localité de Gagnoa, le mois de décembre est passé d’un mois humide avant 1970 à un mois sec sur toutes les périodes après 1970. La figure 5 montre l’exemple des localités d’Odienné et Gagnoa. Ces résultats montrent que certaines localités sur l’ensemble du territoire ivoirien ont connu une modification de la saison humide après 1970.

2.4. Résultats de l’indice d’aridité UNEP

23Les résultats relatifs à l’indice d’aridité UNEP (Tableau 1) permettent de constater que toutes les localités étudiées indiquent un climat subhumide et humide sur les périodes avant et après 1970, avec les valeurs de l’indice supérieures au seuil définissant l’humidité du climat (0,65). Le caractère climatique de la Côte d’Ivoire selon l’indice d’aridité UNEP n’a pas changé en passant de la période antérieure à la période postérieure à 1970. La période avant 1970 présente globalement les valeurs les plus grandes de l’indice de sécheresse tandis que les périodes après 1970 enregistrent les valeurs les plus faibles. Ces résultats traduisent une diminution du caractère humide du climat après 1970 sur l’ensemble du territoire ivoirien.

Tableau 1 – Evolution de l’indice de l’UNEP avant et après 1970

Stations	1941-1970	1971-2000	1981-2010	1971-2016
Abidjan	1,39	1,37	1,19	1,26
Adiaké	1,45	1,44	1,25	1,34
Bouaké	1,45	0,94	0,83	0,87
Dimbokro	1,31	0,87	0,82	0,87
Gagnoa	1,47	1,18	1,12	1,13
Man	1,65	1,64	1,59	1,59
Odienné	1,44	1,23	0,99	1,05
Sassandra	1,44	1,16	1,10	1,15
Tabou	1,47	1,96	1,66	1,67

2.5. Discussion

24L’étude réalisée a montré que le climat saisonnier et intra-annuel de la Côte d’Ivoire a subi des modifications en passant de la période avant 1970 aux périodes après 1970. Les indices climatiques appliqués, qui expriment chacun un aspect différent du régime climatique saisonnier, ont montré que le caractère « semestre froid plus arrosé que le semestre chaud » est plus prononcé sur la période avant 1970 que sur les périodes après 1970 avec une tendance des semestres les plus chauds à être relativement plus arrosés après 1970 dans certaines localités. La période avant 1970 enregistre les trois mois consécutifs les plus pluvieux sur l’ensemble des localités étudiées. Un glissement du trimestre le plus pluvieux est constaté sur les périodes après 1970 dans certaines localités, surtout dans les régions Sud et Centre. Au niveau des localités d’Abidjan, Sassandra et Tabou, le trimestre le plus pluvieux est passé de Mai-Juin-Juillet (MJJ) sur la période avant 1970 au trimestre Avril-Mai-Juin (AMJ) sur deux au moins des périodes après 1970. A Bouaké, le passage s’est effectué d’Août-Septembre-Octobre (ASO) sur la période avant 1970 à Juillet-Août-Septembre (JAS) sur toutes les périodes après 1970. Ainsi, certaines localités sur l’ensemble du territoire ivoirien ont connu une modification de la saison humide après 1970. Le mois de décembre est passé d’humide avant 1970 à sec après 1970 (sur toutes les périodes considérées) au niveau des localités de Gagnoa et Sassandra. Les mois de mars, avril, août, septembre et novembre sont plutôt passés de secs avant 1970 à humides sur au moins une des périodes après 1970 au niveau de l’une ou l’autre des localités d’Abidjan, Sassandra, Tabou, Dimbokro et Odienné. Ces résultats sont en accord pour le mois de décembre et en désaccord pour les mois de mars, avril, août, septembre et novembre avec les travaux de Servat et al. [1999] sur l’Afrique de l’Ouest et Centrale, Diomandé [2011] sur le Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire et Yao et al. [2012] sur le bassin versant de la Lobo (Ouest de la Côte d’Ivoire). Servat et al. [1999] ont montré que sur l’ensemble des pays étudiés, seuls trois pays de l’Afrique de l’Ouest bordant le Golfe de Guinée (Côte d’Ivoire, Togo et Bénin) ont connu des modifications notables au niveau des régimes pluviométriques saisonniers. En effet, le déroulement des saisons des pluies semble dorénavant un peu différent de ce qui était observé précédemment (pendant la phase humide). Une tendance au raccourcissement des saisons des pluies semble se dégager. Plus précisément, en Côte d’Ivoire, la seconde saison des pluies a une durée plus courte qu’auparavant. La première saison des pluies connaît la même tendance, mais de manière moins importante. Au Togo comme au Bénin, le raccourcissement de la durée touche surtout la première saison des pluies ; au Cameroun, c’est l’inverse. La comparaison des moyennes pluviométriques mensuelles des données des stations du Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire sur les périodes 1951-1960 (période humide) et 2001-2008 (période sèche) effectuée par Diomandé [2011], a montré que d’une façon générale, en raison de l’inégale répartition des quantités de pluie, les mois de mars et octobre ont basculé parmi les mois secs. On assiste à une accentuation du caractère unimodal qui tend à se limiter à un nombre réduit de mois humides dans l’année. Les travaux de Yao et al. [2012] sur le bassin versant de la Lobo (Ouest de la Côte d’Ivoire), portant sur la variation moyenne mensuelle interannuelle des précipitations avant et après rupture (1966), ont montré que la différence notable réside dans le fait que les quantités d’eau précipitées après la rupture sont relativement en baisse quelles que soient les saisons. L’observation générale montre que les mois les plus pluvieux (septembre et octobre) sont les plus affectés par la baisse de la pluviométrie. Les mois secs sont plus ou moins affectés par la baisse de la pluviométrie. Toutefois, le bouleversement constaté n’a pas affecté le type de climat sur l’ensemble du territoire ivoirien. Il est demeuré subhumide et humide, malgré la diminution du caractère humide après 1970.

Conclusion

25Cette étude avait pour objectif d’analyser les impacts des changements climatiques sur les régimes climatiques saisonniers et intra-annuels en Côte d’Ivoire. Les résultats de l’étude ont montré que le climat saisonnier et intra-annuel en Côte d’Ivoire a subi des modifications entre la période avant 1970 et les périodes après 1970. Le caractère « semestre froid plus arrosé que le semestre chaud » est plus prononcé sur la période avant 1970 que sur les périodes après 1970, avec une tendance des semestres les plus chauds à être relativement plus arrosés après 1970 dans certaines localités. La période avant 1970 enregistre les trois mois consécutifs les plus pluvieux avec un glissement du trimestre le plus pluvieux qui est constaté sur les périodes après 1970 dans certaines localités du Sud et du Centre du pays. Sur l’ensemble du territoire ivoirien, certaines localités ont connu une modification de la saison humide après 1970 en termes de mois de début, de fin et de durée. Toutefois, le bouleversement observé n’a pas affecté le type de climat en Côte d’Ivoire. Il est demeuré subhumide et humide, malgré la diminution du caractère humide après 1970.

Les auteurs de cert article remercient les évaluateurs dont les critiques et les suggestions ont permis d’améliorer le présent article. Ils remercient également la SODEXAM pour leur avoir fourni les données de pluie et de température utilisées dans le présent article.