Élevage bovin, productions et transformation laitière (1815-1979)
Résumés
Réaliser, en un seul article, une synthèse de l’histoire de l’élevage aux xixe et xxe siècles serait une véritable gageure ; nous nous proposons donc, dans cet article, d’analyser les interrelations entre l’élevage bovin, la production laitière et la transformation du lait en beurres et fromages, entre le début du xixe siècle et la fin des années 1970. Il s’agit d’une période de profondes transformations (terme que l’on préfère à « modernisation », beaucoup plus connoté) des techniques laitières ainsi que des marchés des produits laitiers. Quelques exemples de rythmes de transformations, liés au processus d’industrialisation et variés selon les régions, seront étudiés dans cet article.
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- 1 Pour un bilan historiographique nous nous permettons de renvoyer à : Fabien Knittel, Agronomie et t (...)
1Longtemps les questions liées à l’élevage ont été l’un des « parents pauvres » de l’histoire rurale1. Depuis une vingtaine d’années cependant, les historiens et les historiennes s’intéressent de plus près à ces questions, multipliant les travaux. Si l’élevage stricto sensu n’est pas actuellement la seule préoccupation des historiens et des historiennes qui s’intéressent à l’histoire des animaux, l’intérêt pour une histoire des animaux pour eux-mêmes renouvèle les connaissances historiques des rapports entre les êtres humains et les animaux domestiques et d’élevage.
2Pour autant, il ne s’agit pas ici de réaliser une synthèse de l’histoire de l’élevage aux xixe et xxe siècles, ce qui serait une véritable gageure, mais d’analyser les interrelations entre l’élevage bovin, les productions laitières et les transformations du lait en beurres et fromages, entre le début du xixe siècle et la fin des années 1970, une période de profondes transformations des techniques laitières ainsi que des marchés des produits laitiers. Les rythmes de transformations (terme que l’on préfère à « modernisation » beaucoup plus connoté) sont variés selon les régions mais il est indéniable que le processus d’industrialisation fondé sur les progrès techniques et scientifiques, entre autres en microbiologie et génétique, s’impose à l’ensemble de la filière bien que des pratiques plus artisanales perdurent.
- 2 Louis Augustin Guillaume Bosc, « Lait », dans A. Tessier, P. J. Bonnaterre et L. A. G. Bosc (dir.), (...)
- 3 Mentionnons qu’il existe des travaux sur d’autres productions laitières comme les fromages au lait (...)
3Le lait et le fromage sont consommés au Proche-Orient depuis les premières domestications animales du Néolithique. Si les éleveurs et paysans produisent et transforment différents types de lait de mammifères comme celui d’ânesse, de brebis ou de chèvre voire de jument, le lait de vache est le plus courant, dès l’Antiquité, en Europe de l’Ouest. L’explication en est assez simple : c’est la vache qui fournit les plus grandes quantités de lait2. C’est pourquoi nous avons choisi de resserrer notre étude au lait de vache3.
- 4 Anne Mendelson, Spoiled. The Myth of Milk as Superfood, New York, Columbia University Press, 2023.
4Avant l’extrême fin du xixe siècle et le début du xxe siècle, le lait est rarement consommé frais (il faut attendre la deuxième moitié du xxe siècle pour une consommation importante, quotidienne et sans risque de lait frais). Il se conserve très mal et est rapidement souillé ou avarié4. Le lait de vache est donc surtout transformé en beurres ou en fromages. À partir de la fin du xixe siècle, ces modes de transformations évoluent rapidement et s’industrialisent. Plus largement, on assiste, entre 1870 et 1900, à une véritable « révolution laitière » qui s’accompagne de mutations techniques, économiques et sociales ; la chimie du lait se développe et s’impose comme un domaine central au sein des laboratoires d’analyse laitière ; la microbiologie du lait, notamment avec les travaux du pastorien Émile Duclaux, et les débuts de la génétique au xxe siècle transforment les connaissances dans le domaine de la laiterie et de la sélection des races de bovins.
5Pour aborder ces questions, l’élevage bovin laitier et la production laitière durant le xixe siècle et le début du xxe siècle seront tout d’abord analysés. Ensuite, seront évoquées la spécialisation dans l’élevage bovin laitier au cours de la deuxième moitié du xixe siècle et la première moitié du xxe siècle, ainsi que la structuration de la filière lait, notamment à partir du cas de la montbéliarde. Enfin, la situation de l’industrie agro-alimentaire et le processus de standardisation de la production laitière dans la deuxième moitié du xxe siècle seront étudiés.
Élevage bovin laitier et productions laitières (xixe-début xxe siècle)
Aperçu de l’évolution des rendements laitiers sur une période longue : xviie-début xxe siècle
- 5 Antoine Lavoisier, La richesse territoriale du royaume de France, rapport présenté à l’Assemblée na (...)
- 6 Jacques Risse, « Nourrir les bovins », Ethnozootechnie, 99 (2015), p. 107-111, sur ce point p. 107.
- 7 J. Risse, « Nourrir les bovins », art. cit, p. 108.
- 8 Alessandro Stanziani, Histoire de la qualité alimentaire (xixe-xxe siècle), Paris, Seuil, 2005.
- 9 Pierre-Olivier Fanica, Le lait, la vache et le citadin, du xviiie au xxe siècle, Paris, Quaé éd., 2 (...)
6Au xixe siècle, l’élevage n’est plus un « mal nécessaire » (Lavoisier)5. Il est marqué par une extension quantitative importante et, pour certains paysans-éleveurs, fait l’objet d’une spéculation économique6. Cela devient un domaine d’autant plus important pour l’économie agricole que la consommation de viande et de lait augmente fortement au cours du xixe siècle, passant de 18 kg de viande bovine par an et par personne en France en 1812 à 45 kg en 19107. Cette transformation des régimes alimentaires en France entraine, par ailleurs, le développement d’inquiétudes relatives à la qualité des aliments consommés8. Aussi relève-t-on une réelle volonté d’améliorer les rendements laitiers, alors variables selon les régions et les vaches9.
Tableau 1 :
Dates |
Estimation du rendement en lait de vache/an (en litres) |
xviie siècle |
~ 2 250 |
xviiie siècle |
~ 2 300 |
1852 |
~ 900 |
1950 |
~ 5 000 |
2010 |
~ 10 000 |
- 10 Données issues de F. Knittel, La Fabrique du lait. Europe occidentale, op. cit.
Le rendement laitier par vache, du xviie siècle à nos jours10
- 11 Bruce M. S. Campbell et Mark Overton, Land, labour and Livestock. Historical Studies in European Ag (...)
- 12 Marcel Lachiver, « Lait », dans id., Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, Fayard, (...)
- 13 Bertrand Vissac, Les vaches de la République, Paris, INRA éd., 2002, p. 94.
7Tout au long de l’époque moderne, les rendements globaux sont demeurés stables : au xviie siècle la production moyenne de lait par jour et par vache oscille entre 5 et 7 litres, soit environ 2 250 litres par an et par tête de bétail, puis passe à environ 2 300 litres de lait par an et par tête de bétail au xviiie siècle11. Toutefois, vers 1880, Marcel Lachiver estime qu’une vache produit environ 1 000 litres12. Il faut attendre la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle pour que la production laitière par vache augmente sensiblement et atteigne environ 50 hectolitres (soit 5 000 litres) vers 195013. Néanmoins, les variations d’une région à l’autre, d’une exploitation à l’autre, d’une race à l’autre demeurent souvent très fortes.
Évaluer le rendement laitier pour la production fromagère et beurrière (première moitié du xixe siècle)
- 14 Charles Lullin, Des associations rurales pour la fabrication du lait, connues en Suisse sous le nom (...)
- 15 Pour approfondir ce point, nous renvoyons à F. Knittel, La Fabrique du lait…, op. cit., p. 69-85.
- 16 Le serai est constitué de la matière grasse du petit lait mélangée à la caséine. Il est obtenu aprè (...)
- 17 Ce résidu peut être désigné par le terme « cuite ».
8Dans l’Arc jurassien, les quantités de lait nécessaires à la fabrication de gruyère de comté sont telles qu’un seul troupeau de vaches laitières ne peut suffire. L’objectif des fruitières est alors de rentabiliser la production laitière de chaque paysan adhérant. Aussi « en établissant une fruitière […] cherche[-t-on] à y réunir trois ou quatre cents litres de lait par jour dans la bonne saison [i.e. l’été] »14. Pour obtenir 300 litres de lait par jour il faut compter, vers 1810, au moins cinquante à cent vaches laitières par fruitière15. Ces quantités sont indispensables pour les fruitières où sont produits des fromages de gruyère pour lesquels le lait doit être abondant et avoir une forte teneur en matière grasse. Avec environ 2 000 litres de lait on peut produire environ 135 kg de fromages de type gruyère de comté, ainsi que 38 kg de beurre et 88 kg de serai (sérac dans les Alpes)16. Souvent mélangé à de la crème pour être consommé, le sérai est un sous-produit de la fabrication du gruyère extrêmement nourrissant car très riche en protéines (liées à la caséine). Il est auto-consommé par les familles paysannes jurassiennes tandis que les fromages de type gruyères de comté sont réservés pour la vente, notamment sur les marchés urbains. Par ailleurs, le résidu de petit-lait issu de la fabrication du serai17 est souvent utilisé pour nourrir et engraisser les porcs de l’exploitation agricole. L’exploitation laitière de moyenne montagne constitue ainsi un système complet de production pour le marché et pour l’alimentation tant de la famille paysanne que des bêtes d’élevage, avec le lait comme pivot.
- 18 Christophe-Joseph-Alexandre Mathieu de Dombasle, « Vaches », Annales Agricoles de Roville, 2 (1825) (...)
9Autre exemple, en Lorraine, à Roville-devant-Bayon (au sud de Nancy), en 1825, au sein de la ferme-exemplaire de Mathieu de Dombasle (1777-1843), il faut 17 litres de lait pour fabriquer une livre de beurre. Dans la seconde livraison des Annales agricoles de Roville, Mathieu de Dombasle indique qu’une vache de la « race du pays qu’[il] habite », notation pour le moins vague, produit 1 416 litres de lait par an et calcule que produire une livre de beurre lui coûte entre 50 et 55 centimes18. S’il le vend à Nancy 75 centimes la livre, cela devient un produit économiquement intéressant. Toutefois, le lait utilisé pour la nourriture des veaux est plus rentable car la vente de la viande rapporte davantage.
- 19 Pour un glossaire plus complet des termes techniques, voir F. Knittel, La Fabrique du lait…, op. ci (...)
10Quelques mots du lexique fromager19 :
- 20 M. Lachiver, Dictionnaire du monde rural, op. cit., p. 47.
Aisy : mot d’ancien français qui signifie vinaigre. Il est surtout utilisé dans le Jura et en Savoie. Marcel Lachiver précise que c’est une sorte de présure20. |
Ferment lactique : enzyme qui entraîne le processus de fermentation du lait c’est-à-dire qui décompose le lactose et le transforme en acide lactique et en acide carbonique. Processus biologique qui permet la fabrication des fromages. |
Pasteurisation : traitement du lait par chauffage (le plus souvent à une température d’environ 70°C pendant 15 secondes puis refroidi rapidement) pour en éliminer les bactéries et autres agents pathogènes. Cette technique s’est généralisée en France à partir de la loi de juillet 1935. Si l’on choisit une pasteurisation haute, le lait est chauffé à 95°C pendant quelques secondes. Avec la pasteurisation basse, la température de chauffage n’atteint que 65°C mais durant 30 minutes. |
Présure : enzyme qui se trouve dans le quatrième estomac des veaux et qui permet de faire cailler le lait en coagulant la caséine. |
Serai : sous-produit de la fabrication du gruyère, très nourrissant car riche en protéines. |
Nourrir les vaches pour obtenir plus de lait (des années 1830 au début du xxe siècle)
- 21 Louis Poirot de Valcourt, Mémoires sur l’agriculture, les instrumens aratoires et d’économie rurale (...)
- 22 Patrick Gasqui et Jean-Marie Trommenschlager, « A new standard model for milk yield in dairy cows b (...)
- 23 John Belchier, « An Account of the Bones of Animals Being Changed to a Red Colour by Aliments Only (...)
11Durant les années 1830-1840, un autre agronome lorrain, Louis Poirot de Valcourt (1771-1855), au sein de son domaine de Valcourt près de Toul conseille de nourrir le cheptel bovin avec de l’herbe issue de prairies naturelles et qui, pour lui, constitue le meilleur aliment possible pour les vaches laitières21. Par-là, il réaffirme le rapport entre la qualité de l’alimentation des vaches et la qualité du lait produit22 qui avait été théorisé au xviiie siècle. Dès les années 1730, John Belchier (1706-1785), médecin membre de la Royal Society (Royal Society of London for the Improvement of Natural Knowledge), avait en effet apporté la preuve de l’importance du régime alimentaire pour le développement et la santé des animaux domestiques dans un article paru dans les Philosophical Transactions23.
- 24 Jacques Beauroy, « Productivité agricole, légumineuses et prairies artificielles en Angleterre (130 (...)
- 25 Aussi orthographié Béchelbronn.
- 26 Jean-Baptiste Boussingault, Économie rurale considérée dans ses rapports avec la chimie, la physiqu (...)
- 27 Honoré de Balzac, Le médecin de campagne (1833), Paris, LGF, rééd. 1999, p. 86.
- 28 Pour de plus amples précisions sur la démonstration de Boussingault voir : F. Knittel, Agronomie et (...)
- 29 Quelques exemples : Louis Nicolas Grandeau, Stations agronomiques et laboratoires agricoles : but, (...)
12La saisonnalité de la production laitière étant forte et la production laitière moins importante en hiver, certains paysans cherchent ainsi à élaborer un régime alimentaire différent pour favoriser une lactation optimale durant cette saison « creuse ». Parmi les végétaux consommés par les bovins, ce sont principalement les légumineuses qui sont pourvoyeuses d’azote (l’azote favorise la lactation chez les vaches et permet d’obtenir un lait plus riche en matières grasses)24. Inversement, Jean-Baptiste Boussingault (1802-1887) dans son exploitation de Péchelbronn25 (dans le Bas-Rhin), durant les années 1830-1840, s’interroge sur les mécanismes physiologiques permettant l’ingestion d’azote par les bovins. Il publie ses résultats en 1839 dans les Annales de chimie et de physique, et réédite ses conclusions, entre autres, dans son Économie rurale en 184426. Boussingault, considéré au début des années 1840 comme l’un des agronomes les plus sérieux d’Europe, tente de démontrer que l’alimentation des vaches a peu d’effet sur la quantité de lait produite. Or, à cette époque, c’est déjà une quasi-certitude qu’une meilleure alimentation des vaches assure des rendements laitiers plus élevés. Honoré de Balzac, dans son roman Le médecin de campagne (1833), précise que « les gens du bourg y virent poindre d’excellentes prairies, et obtinrent une plus grande quantité de lait, grâce à la meilleure qualité des pâturages »27. Pourtant, Boussingault réfute le lien entre alimentation améliorée et quantité de lait en augmentation28 et ne pose pas celui qui relierait alimentation améliorée des vaches et meilleure qualité du lait produit. À rebours des premières conclusions de Boussingault, les travaux publiés après 1844 démontrent le lien entre la qualité de l’alimentation des vaches et la qualité du lait produit29.
- 30 Annie Antoine, « La sélection des animaux au début du xixe siècle : pratiques et représentations », (...)
- 31 Émile Thierry, Les vaches laitières, Paris, J.-P. Baillières et fils, 1895, p. 67.
- 32 Jules-édouard Lucas, La vache laitière. Hygiène et production du lait, Paris, Librairie agricole de (...)
- 33 Bernard Denis, « Évolution des races bovines en France. Panorama général », dans Prémices et débuts (...)
13De fait, l’amélioration des rations alimentaires et les progrès dans la sélection des bêtes permettent une nette augmentation du rendement laitier qui demeure cependant variable selon les vaches30. En Franche-Comté, à la fin du xixe siècle, les vaches de race tourache donnent ainsi près de 2 400 litres de lait. Le vétérinaire Émile Thierry (1839-1907), professeur de zootechnie à l’École pratique d’agriculture de La Brosse (dans le département de l’Yonne), établit un classement des rendements laitiers qu’il publie en 1895 : les vaches de race hollandaise dominent le haut du tableau suivies des races suisses, tandis que la montbéliarde se retrouve en milieu de classement avec une production annuelle, elle aussi, de 2 400 litres de lait31. De la même manière, au début du xxe siècle, Jules-Édouard Lucas (1880-1965), ingénieur agronome et directeur des fermes expérimentales de Suresnes et Gournay-sur-Marne en Île-de-France, croise l’âge des vaches laitières et la qualité de leur alimentation pour démontrer qu’une vache bien nourrie produit plus de lait. Il montre que la lactation est plus faible avec les premiers veaux puis augmente avec le quatrième et ce jusqu’au sixième et que les différences de lactation entre les vêlages sont plus importantes lorsque les vaches sont mal nourries32. Ces calculs permettent de recommander aux éleveurs les meilleures races de vaches laitières mais conduisent aussi à uniformiser les troupeaux régionaux33. Ainsi la vosgienne, médiocre productrice de lait, tend à disparaître des pâturages du massif des Vosges, tandis que la montbéliarde s’impose dans le Jura.
Spécialisation dans l’élevage bovin laitier et structuration de la filière lait (deuxième moitié du xixe siècle et première moitié du xxe siècle)
La lente spécialisation des zones d’élevage
- 34 Jean Boichard, L’élevage bovin. Ses structures et ses produits en Franche-Comté, Paris, Les Belles (...)
- 35 Annie Antoine, « L’élevage : un facteur de spécialisation des économies rurales anciennes », dans P (...)
- 36 Mathieu Kalyntschuk, Entre agricolisation et pastoralisation. Histoire sociale du développement agr (...)
- 37 M. Kalyntschuk, Entre agricolisation et pastoralisation, op. cit., vol. 1, p. 71-72.
14Durant la première moitié du xixe siècle, dans les massifs montagneux se développe un système agraire fondé sur l’élevage bovin laitier, alors que dans les plaines, l’élevage bovin a davantage pour but d’obtenir des animaux de travail34. À partir de la seconde moitié du xixe siècle, la production fromagère s’étend dans certaines plaines où se développe conséquemment un élevage laitier qui transforme le système agraire initial en un système de polyculture-élevage avec un équilibre entre polyculture vivrière et spécialisation dans l’élevage bovin laitier35. Au sein de cette spécialisation progressive cohabitent cultures céréalières et élevages de type vivrier comme celui du cochon ou encore la basse-cour. Par exemple, dans le Jura, la polyculture domine en plaine tandis que la montagne est caractérisée par un système agraire fondé sur l’élevage bovin, principalement laitier, et les activités forestières. Les bas plateaux se trouvent dans une situation mixte intermédiaire durant la première moitié du xixe siècle36. À partir de l’exemple de la commune d’Amondans, dans le département du Doubs, Mathieu Kalyntschuk explique « la conquête de l’herbe » opérée par les paysans37, à savoir l’augmentation, y compris en plaine, des surfaces fourragères. Parallèlement, l’évolution du système agraire en faveur d’une prééminence de l’élevage bovin laitier permet de récupérer les sous-produits de la production fromagère ou beurrière afin de nourrir le petit bétail utile à l’alimentation humaine au sein des exploitations agricoles les plus modestes.
- 38 A. Antoine, « L’élevage : un facteur de spécialisation… », art. cit., p. 32.
15Néanmoins, si les paysans choisissent progressivement de se spécialiser dans l’élevage bovin, ce choix n’implique pas de restreindre l’usage des vaches à leur production laitière. En montagne les vaches sont très souvent utilisées pour leur force de travail. Par exemple, la race vosgienne correspond à une vache de petite taille, relativement bonne laitière, mais surtout capable d’assurer les charrois nécessaires sur les pentes raides du massif montagneux. En Bretagne aussi on trouve ce type de petite vache robuste qui assure une production laitière pour faire le beurre et sa part de travail38.
L’exemple de la montbéliarde et le rôle du comice de Montbéliard
- 39 J. Boichard, L’élevage bovin…, op. cit., p. 93.
- 40 B. Vissac, Les vaches de la République…, op. cit., p. 96.
- 41 Julie Labatut, « Valuation of Life : Genetic Models and the Making of Markets », Entreprises & Hist (...)
- 42 David L. Wykes, « Robert Bakewell (1725-1795) of Dishley : farmer and livestock improver », Agricul (...)
16La montbéliarde reste une race de vaches que l’on peut qualifier de rustique au regard de sa polyvalence : elle est bonne laitière mais aussi bête de trait si nécessaire39. Lors des sélections effectuées pour assurer la reproduction de la race, la polyvalence et la rusticité des vaches jouent un rôle important. La sélection des bovins s’est développée, depuis la fin du xviie siècle, notamment au Royaume-Uni, dans le Lancashire (Angleterre du Nord-Ouest) en particulier, stimulée par l’activité laitière40. Robert Bakewell (1725-1795) est alors, outre-Manche, l’un des principaux acteurs de la transformation des techniques de sélection41. Ces techniques, élaborées par Bakewell à partir des moutons, sont ensuite adaptées aux bovins et aboutissent à la race Durham (Herdbook de 1822) qui suscite un grand intérêt en France. Ces façons de faire deviennent la « doctrine Bakewell » qui est au fondement, à la fin du xixe siècle, du « système hiérarchique des livres généalogiques »42, dont le Herdbook de la race montbéliarde est un des exemples en France.
- 43 J. Boichard, L’élevage bovin, op. cit., p. 122.
17Dans l’Ouest de la France, l’influence anglaise est importante. De nombreux croisements entre des vaches locales et des taureaux Durham, importés des îles britanniques, sont effectués. Cette « durhamisation » a davantage pour objectif de développer les races de bêtes à viande. Dans l’Est, les fromagers suisses et les fermiers anabaptistes-mennonites du pays de Montbéliard jouent un rôle important dans la diffusion de races de vaches locales, plus rustiques, aux aptitudes laitières plus favorables. L’uniformisation liée à l’émergence de la montbéliarde à la fin du xixe siècle est lente et dure près d’un siècle43. Dans l’Arc jurassien, au cours du xixe siècle, l’aptitude « viande » tend à disparaitre mais les éleveurs restent attachés à des vaches capables de produire du lait tout en assurant le trait des charrues ou les charrois.
- 44 François Spindler et Claire Chevalier, « Histoire de la race pie rouge de l’Est », Ethnozootechnie, (...)
- 45 Mathieu Kalyntschuk, « Les anabaptistes mennonites dans les exploitations agricoles de Montbéliard (...)
- 46 Sur le processus politique de cette reconnaissance nous renvoyons à : Fabien Knittel, « Les enjeux (...)
- 47 J. Boichard, L’élevage bovin, op. cit., p. 122.
18Dans la principauté de Montbéliard, dès la fin du xviiie siècle, les vaches de type taurache sont croisées avec des vaches de type pie-rouge (plus tard appelées Simmenthal française) provenant de l’Oberland bernois. Elles sont introduites dans la principauté par les mennonites (communauté anabaptiste) lors de leurs migrations pour fuir les persécutions religieuses dès la fin du xviie siècle. Au cours de la seconde moitié du xixe siècle, certains éleveurs cherchent à améliorer leur cheptel et choisissent de favoriser les caractéristiques de la pie-rouge pour la production laitière44. Parmi eux, Joseph Graber (1840-1923), exploitant agricole et éleveur à Couthenans (non loin de Montbéliard), présente, pour la première fois, en 1872 dans le cadre du concours de bétail de Langres des animaux sous le nom de « race de Montbéliard »45. En décembre 1889, la « race de Montbéliard » est reconnue officiellement46 et est rapidement privilégiée car c’est une « bonne laitière, fournissant un lait abondant et riche en matières azotées »47, en plus d’une certaine aptitude au travail en altitude.
- 48 M. Kalyntschuk, Entre agricolisation et pastoralisation, op. cit., vol. 1, p. 178-180 et vol. 2, p. (...)
- 49 B. Vissac, Les vaches de la République, op. cit., p. 112.
- 50 Flaubert, dans Madame Bovary, insiste sur les discours et l’aspect festif du comice (Gustave Flaube (...)
- 51 Nadine Vivier, « Le rôle des comices dans le développement de l’élevage bovin (1835-1880) », dans L (...)
- 52 Jean-Luc Mayaud, « Les comices agricoles et la pédagogie de l’exemple dans le France du xixe siècle (...)
- 53 Jean-Luc Mayaud, « La “belle vache” dans la France des concours agricoles du xixe siècle », Cahiers (...)
19À l’origine de ce développement, Joseph Graber est aussi membre du comice agricole de Lure depuis 1865 avant de devenir délégué du comice pour le canton d’Héricourt en 1875 et, finalement, vice-président du comice de Lure en avril 1889. Les comices agricoles sont des lieux d’émulation agricole en développement à partir des années 1830 (le comice de Montbéliard est fondé en 184148). Ils sont surtout implantés dans des régions qui se sont spécialisées ou se spécialisent dans l’élevage comme la Bretagne, le Nord-Ouest ou une partie de la France de l’Est, principalement les départements du Doubs et du Jura49. Le temps fort pour les membres des comices et les paysans du canton correspond à la fête annuelle qui tend à se développer à partir des années 185050 et durant laquelle se déroulent des concours (charrue, bestiaux…). Ceux-ci aboutissent à la distribution de récompenses financières pour les lauréats, à partir de subventions versées par l’État et/ou les Conseils généraux, afin d’encourager le développement agricole51. Avec l’organisation annuelle de ces concours agricoles, les comices deviennent le lieu d’une « pédagogie de l’exemple »52. Lors des concours de bétail, il s’agit de rechercher la « belle vache »53.
Des structures dynamiques organisent la filière fromagère : l’exemple de la Franche-Comté
20Le dynamisme des comices dans le département du Doubs favorise la constitution de syndicats d’élevage au début des années 1890. Paradoxalement, dans le département du Jura, ces syndicats d’élevage n’apparaissent que vingt ans plus tard, en 1913. Une même dynamique agro-pastorale ne se traduit donc pas par une évolution identique des organisations administratives d’un département à l’autre.
- 54 André Gueslin, Les origines du crédit agricole, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1978.
- 55 Alain Mélo, Fruitières comtoises : de l’association villageoise au système productif localisé, Morr (...)
- 56 Archives départementales du Doubs, M 2528, dossier de constitution du Syndicat des agriculteurs du (...)
21En Franche-Comté, la tradition coopérative facilite la création et le développement du premier syndicat agricole français, très rapidement après la promulgation de loi dite loi Waldeck-Rousseau, du 21 mars 1884, ainsi que du premier bureau de crédit agricole, ouvert en 1884-188554. Ces nouvelles structures favorisent l’expansion de la production fromagère comtoise et son essor économique. Dans l’arrondissement de Poligny (Jura), par exemple, un syndicat agricole est fondé le 17 novembre 188455. Le syndicat des agriculteurs du Doubs est ensuite fondé en 188956. En 1890, le syndicat des fromageries du Doubs regroupe 46 fromageries associatives. Le modèle syndical tend alors à « chapeauter » la production tout en assurant la promotion de la fromagerie comtoise.
- 57 A. Mélo, Fruitières comtoises, op. cit., p. 106.
- 58 M. Kalyntschuk, Entre agricolisation et pastoralisation, op. cit., vol. 1, p. 361-364.
- 59 A. Mélo, Fruitières comtoises, op. cit., p. 92-93.
22L’organisation de la filière fromagère s’accentue encore durant les premières années du xxe siècle. En 1900, le syndicat des fruitières du canton de Salins (Jura) est restructuré avant de devenir, en 1914, le syndicat des sociétés de fromageries de Franche-Comté57. Une union des syndicats d’élevage du Doubs est organisée à partir de 1903 sous l’autorité de Benjamin Kohler, ancien professeur départemental d’agriculture et directeur de l’École nationale des industries laitières de Mamirolle (Doubs)58. L’union des syndicats d’élevage du Doubs se donne pour tâche principale de défendre la race montbéliarde. En 1910, la fondation de la Fédération nationale des mutuelles et coopératives agricoles renforce la configuration favorable au modèle coopératif de type fruitière59.
- 60 Stéphane Kronenberger, « Des fromagers suisses en Franche-Comté. Compétences, pluriactivité et rése (...)
- 61 Claire Delfosse, « Le savoir-faire des fromagers suisses de la France de l’Est (1850-1950) », Étude (...)
- 62 Pierre Barral, Les agrariens français de Méline à Pisani, Paris, Armand Colin, 1968 ; Jean-Pierre J (...)
23Depuis les années 1860, les coopératives laitières comtoises affrontent une forte concurrence suisse60. Les exportations de fromages suisses, principalement vers la France, augmentent de plus de 43 % entre 1885 et 1914. Cette concurrence suisse stimule l’émulation des producteurs français qui proposent des fromages de meilleure qualité61. Cette situation change au début des années 1890 du fait des lois protectionnistes, les « tarifs Méline », votées en France en 1890 et 189262. Toutefois, les exportations provenant de Suisse ne cessent pas bien que diminuant après 1892.
Transformations techniques et industrialisation de la production
- 63 René Lezé, Les industries du lait, Paris, Firmin-Didot éditeur, rééd. 1904, p. 597.
24Le choix de la présure pour faire cailler le lait est important pour la qualité finale du fromage de gruyère. Si la présure est trop forte, le lait coagule trop vite et le fromage est de piètre qualité. À l’inverse si elle est dosée trop faiblement, « le fromage reste mou et spongieux […], la pâte est cassante et sans cohésion »63. Au cours du xixe siècle, les machines sont de plus en plus présentes dans les chalets de fabrication. La principale pièce du chalet de production correspond à l’atelier de fabrication, communément appelé cuisine, où se trouvent la chaudière et la presse, instruments principaux pour le façonnage des fromages. Si traditionnellement les chalets de production des fruitières ne sont pas des lieux où se fabrique le beurre, cela évolue dans le dernier tiers du xixe siècle lorsque le commerce du beurre devient plus lucratif.
- 64 François Vatin, L’industrie du lait. Essai d’histoire économique, Paris, L’Harmattan, 1990, p. 26sq
- 65 F. Vatin, L’industrie du lait, op. cit., p. 40-41.
- 66 Michel Vernus et Daniel Greusard, Le pays des fromages, la Franche-Comté, Joué-les-Tours, Alan Sutt (...)
- 67 David Edgerton, Quoi de neuf ? Du rôle des techniques dans l’histoire globale, trad. C. Jeanmougin, (...)
25Surtout, à partir des années 1880, la fabrication des fromages et du beurre s’industrialise64. Par exemple, dans la « chambre à beurre » on trouve l’écrémeuse centrifuge, machine centrale du processus d’industrialisation de la laiterie65. Il reste tout de même de nombreuses opérations à effectuer à la main, comme la mise en moule du caillé lors de la fabrication du gruyère qui exige une grande dextérité. Au même moment le pressage du caillé se perfectionne à l’aide de presses mécaniques. Le matériel des chalets de production, comme les presses ou le pèse-lait, est de plus en plus élaboré et fabriqué par des industriels comme Laurioz à Arbois ou Japy à Montbéliard66. Durant cette phase d’industrialisation, entre 1870 et 1900 environ, l’ancien et le nouveau cohabitent sur le plan technique67.
Industrie agro-alimentaire et standardisation de la production laitière (deuxième moitié du xxe siècle)
Le lait : un apport nécessaire en protéines pour les enfants (années 1940-1950)
- 68 Maud Cussey-Besançon et Fabien Knittel « Lait, hygiénisme et alimentation : deux études de cas en F (...)
- 69 Liquide, le lait est surtout consommé dans les hôpitaux, considéré comme un médicament revigorant p (...)
- 70 Maud Cussey-Besançon, Collèges, lycées, écoles professionnelles et université en Franche-Comté au c (...)
26La Seconde Guerre mondiale et l’Occupation ont entrainé des conditions de vie quotidienne épouvantables pour les populations civiles, notamment pour les enfants68. Le lait, produit essentiel à l’alimentation des plus jeunes69 est parfois difficile à obtenir, d’où le rationnement établi à partir de 1940. Des distributions de lait sont organisées dans les écoles primaires durant l’Occupation et jusque dans les années 195070. En 1954, Pierre Mendès France, président du Conseil, propose de faire distribuer un verre de lait chaque jour aux écoliers et écolières afin de de lutter contre la dénutrition et l’alcoolisme.
Une filière lait de plus en plus industrialisée
- 71 Pierre Guillaume, Histoire sociale du lait, Paris, éditions Christian, 2008, p. 128.
- 72 Didier Nourrisson, Du lait et des hommes. Histoire d’un breuvage nourricier de la Renaissance à nos (...)
- 73 Claire Delfosse et Pierre Le Gall, « Les produits laitiers locaux face à l’industrialisation de la (...)
- 74 Sara B. Pritchard et Carl A. Zimring, Technology and the Environment in History, Baltimore, Johns H (...)
27À partir de la Libération, la filière lait stricto sensu s’impose en France. Elle accompagne la modernisation de l’alimentation, et surtout, dans un premier temps, son amélioration tant quantitative que qualitative. Au début des années 1960, Pierre Guillaume explique que « l’industrie laitière est […] la plus importante des industries alimentaires nationales, avant la meunerie et la sucrerie »71. À ce moment-là environ 100 000 salariés travaillent dans l’industrie laitière française. Cela correspond à un moment, que Didier Nourrisson qualifie d’« économie lactarisée »72, de profondes mutations pour la filière lait. La poursuite des améliorations de l’élevage et l’organisation commune du marché du lait à partir de juillet 1968, dans le cadre de la politique agricole commune, favorisent le développement du marché laitier. Cette modernisation prend avant tout la forme d’un renforcement de l’industrialisation des fabrications de produits laitiers. La part de la production livrée à l’industrie agro-alimentaire ne cesse d’augmenter : de 52 % en 1960 à 68 % en 1970 et 88 % en 198473. Le lait sert alors de moins en moins à l’alimentation des autres animaux d’élevage (veaux et cochons) tandis que la vente directe s’effrite ; il devient un mode de production industrialisé et s’inscrit pleinement dans la consommation de masse de la période dite des « Trente Glorieuses »74.
L’exemple du beurre industriel breton
- 75 C. Delfosse et P. Le Gall, « Les produits laitiers locaux », art. cit.
- 76 François Vatin, Le lait et la raison marchande. Essais de sociologie économique, Rennes, Presses un (...)
- 77 C. Delfosse et P. Le Gall, « Les produits laitiers locaux », art. cit., p. 315.
- 78 Ibid., p. 314.
28Comme l’ont montré Claire Delfosse et Pierre Le Gall, le beurre est, en France, le produit phare de cette modernisation industrielle : d’une production essentiellement fermière à la fin de la Seconde Guerre mondiale on est passé dès les années 1970 à une production industrialisée avec des produits uniformes au goût standardisé75. La Bretagne, notamment le département d’Ille-et-Vilaine, est le lieu principal de cette évolution76. Les beurres normands passent au second plan tandis que l’on parle d’une « révolution beurrière » en Bretagne77. Les entreprises bretonnes, notamment Bridel, produisent du beurre pasteurisé, le conditionnent en plaquettes de 250 g et l’emballent dans du papier d’aluminium. Ce rapide développement industriel s’accompagne d’une concentration industrielle tout aussi rapide : pendant que la production de beurre industriel issu de Bretagne augmente de 60 % entre 1963 et 1970, le nombre d’usines diminue de 20 % sur la même période78.
- 79 B. Vissac, Les vaches de la République, op. cit., p. 367-401.
29Plus largement, l’industrialisation de la production de beurre entraine à partir des années 1950 une transformation de certains systèmes agraires bretons, passant de la polyculture-élevage à la spécialisation dans l’élevage bovin laitier. Les vaches privilégiées pour cette spécialisation sont des normandes, race laitière dont la productivité a été améliorée suite aux avancées de la génétique, devenue un véritable enjeu scientifico-social que Bertrand Vissac, reprenant le cadre d’intelligibilité foucaldien, qualifie de « biopouvoir sur les animaux »79.
- 80 Martin Bruegel, Eva Barlösius et Marilyn Nicoud (dir.), Le choix des aliments. Informations et prat (...)
- 81 Éric Kocher-Marboeuf, « Les secrets de la réussite de la laiterie d’Échiré de ses pères fondateurs (...)
- 82 C. Delfosse et P. Le Gall, « Les produits laitiers locaux », art. cit., p. 319.
30Par ailleurs, la margarine devient un concurrent sérieux, le marketing jouant sur les effets en matière de santé. Pour contrer l’essor de la margarine, le lobby du beurre cherche alors par tous les moyens à valoriser son produit en proposant des produits allégés en matières grasses pour lutter contre le cholestérol80. Face à cette industrialisation à grande échelle de la production de beurre, les producteurs de Poitou-Charentes, qui dominaient le marché au xixe siècle et au début du xxe siècle, organisent leur réponse en favorisant la qualité de crus beurriers au goût bien marqué81. Le syndicat des laiteries de Poitou-Charentes renforce la cohésion entre les producteurs à la fin des années 1960 avant d’obtenir une appellation d’origine au mois d’août 197982.
Agriculture paysanne vs agriculture productiviste : l’exemple d’André Pochon dans les années 1950-1970
- 83 Ibid., p. 320-325.
31En Auvergne dans les années 1950-1970, le saint-nectaire est un fromage qui met en lumière la tension entre industrialisation agricole et savoir-faire locaux traditionnels : Claire Delfosse et Pierre Le Gall le montrent en analysant le processus, débuté au début des années 1930, menant à l’appellation d’origine, l’AOC étant obtenue en 195583.
- 84 André Pochon, Agronomes et paysans. Un dialogue fructueux, Versailles, Quae éditions, 2008, p. 9.
- 85 Pierre Cornu, Egizio Valceschini et Odile Maeght-Bournay, L’histoire de l’INRA, entre science et po (...)
32Si l’on revient à la Bretagne, est à noter un exemple atypique et éclairant pour comprendre les tensions extrêmes entre pratiques paysannes et doxa productiviste dans la seconde moitié du xxe siècle. André Pochon (né en 1931) travaille sur la ferme familiale dès ses 16 ans et s’installe en 1954 avec sa femme sur une exploitation laitière de 9 hectares à Saint-Mayeux dans les Côtes-d’Armor84. Curieux d’améliorations culturales et des pratiques d’élevage, il contribue à créer le Centre d’études techniques agricoles (CETA) de Corlay en février 1954. C’est un CETA de petits agriculteurs à la tête d’exploitations de 15 hectares en moyenne. Dans ce cadre, les exploitants cherchent à œuvrer au développement agricole et rural en lien avec la chambre d’agriculture puis la Direction départementale de l’agriculture (DDA) et l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), (re-)fondé en 1945 à la suite de l’Institut de la recherche agronomique qui n’a pas survécu à la Seconde Guerre mondiale85.
- 86 André Pochon, La prairie temporaire à base de trèfle blanc, ITEB, 1981.
33Tant dans son exploitation qu’au sein du CETA de Corlay, André Pochon, partant du principe que les vaches laitières sont bien nourries au pâturage, élabore un système herbager fondé sur la culture du trèfle blanc. Il détaille cette technique, rapidement qualifiée de « méthode Pochon », et l’explique dans un ouvrage publié en 198186. Son idée principale, qu’il défend à partir de la fin des années 1960 et durant les années 1970, est que la meilleure façon de nourrir les vaches consiste à les laisser manger de l’herbe au pâturage. La prairie temporaire de trèfle blanc permet de limiter les intrants, notamment les apports en azote qui coûtent très cher aux agriculteurs. Le recours au trèfle blanc va cependant susciter une incompréhension entre lui et les chercheurs de l’INRA qui travaillent de leur côté sur le trèfle violet. Cet exemple permet de comprendre la complexité des régimes de savoirs et illustre les tensions entre les pratiques paysannes et les savoirs savants jusque dans les années 1960-1970. Culture et végétation de ces deux types de trèfles sont très différentes et si le trèfle violet réclame un apport important en azote, ce n’est pas le cas du trèfle blanc, ce que démontre André Pochon à partir de son expérience de praticien et de ses observations empiriques.
- 87 A. Pochon, Agronomes et paysans, op. cit., p. 37.
- 88 Ibid., p. 33.
34Il fait aussi la démonstration que même avec une légère diminution de la production laitière son système demeure plus intéressant sur le plan économique que l’approche productiviste fondée sur l’alimentation des vaches à l’auge en stabulation à base de maïs ensilage (très gourmand en eau et en engrais azotés), car les coûts diminuent fortement aboutissant à un bénéfice net excédentaire de près de 20 %87. Il vise alors un optimum agronomique pour permettre la pérennité économique et financière de l’exploitation agricole. Son modèle technique alternatif amène André Pochon à formuler un adage quasi-révolutionnaire : « gagner un peu plus et travailler moins »88.
- 89 Ibid.
- 90 « L’importance du rendement d'une récolte est déterminée par l’élément qui se trouve en plus faible (...)
- 91 Gilles Lemaire, « Une nouvelle approche de la fertilisation des cultures », Agronomie, environnemen (...)
- 92 Gilles Lemaire, Liang Tang, Gilles Bélanger, Yan Zhu et Maris-Hélène Jeuffroy, « Forward new paradi (...)
35Si la préoccupation d’André Pochon est avant tout économique, elle croise rapidement les inquiétudes environnementales générées par le modèle productiviste défendu par les principaux syndicats agricoles comme la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), les autorités ministérielles et les instances européennes, notamment avec la politique agricole commune qui débute à partir de 196289. Dans ce cadre de pensée, André Pochon s’éloigne de la loi du minimum de Liebig90 et se rapproche de la loi de l’optimum énoncée par Liebscher dès 1885 : « chaque élément nutritif est utilisé de manière d’autant plus efficiente que la disponibilité de l’élément qui est le plus limitant est portée près de son optimum »91. Cette réflexion environnementale ne permet plus de poursuivre une approche trop linéaire de la fertilisation minérale des plantes en ne visant que la recherche des meilleurs rendements. André Pochon s’inquiète de la préservation de la ressource en eau et comprend que pour cela il faut limiter drastiquement l’apport d’engrais azoté à une époque, les années 1960-1970, où le modèle productiviste est dominant. Il propose alors une approche de type agro-écologique qui insiste sur les interactions et rétroactions à l’œuvre dans le système sol-plante92.
Conclusion
- 93 A. Mendelson, Spoiled. The Myth of Milk as Superfood, op. cit.
36Pour finir, il faut noter que le développement de la consommation de masse du lait et des produits laitiers entraine des conséquences sanitaires et environnementales parfois malheureuses. Sur le plan sanitaire, la consommation de produits lactées pasteurisés voire stérilisés par le procédé UHT, provoque le développement de certaines allergies et autres intolérances alimentaires quand la consommation de lait cru par les jeunes enfants tend à renforcer certaines défenses immunitaires. Le lait cru aurait davantage de bénéfices que de risques à être consommé93.
- 94 Nathalie Jas et Soraya Boudia, Toxicants, health and regulation since 1945, Londres, Pickering & Ch (...)
- 95 Laurence Heydel, Diagnostic et maîtrise des contaminations des eaux souterraines par les résidus d’ (...)
37Sur le plan sanitaire relevons aussi les débuts d’une prise de conscience dans les années 1960 et 1970 des dangers pour les agriculteurs eux-mêmes de l’usage de certains intrants phytosanitaires entrainant des maladies professionnelles graves, notamment des cancers94. L’usage de l’atrazine, un pesticide terriblement efficace et, bien que très polluant (la molécule se transforme en di-atrazine après lixiviation dans le sol), massivement utilisé par les agriculteurs durant les années 1960-1970 et jusqu’aux années 1990, est finalement interdit en octobre 2001 – en imposant aux agriculteurs une fin d’utilisation fixée au début de l’année 2003 – après que le lien avec des pathologies cancéreuses a été démontré95. Les enjeux liés aux technologies de réfrigération sont aussi questionnés à la fin des années 1970 mais encore de manière timide.
- 96 François Purseigle, Geneviève Nguyen et Pierre Blanc (dir.), Le nouveau capitalisme agricole. De la (...)
38Lorsqu’on prend les choses sous l’angle environnemental, dès la fin des années 1970 l’existence d’exploitations agricoles laitières de plus en plus grandes est questionnée. Ce sont de quasi-firmes agraires qui se développent dont l’activité épuise les écosystèmes96. Les conséquences de l’impact de l’agro-industrie sur les vaches laitières elles-mêmes méritent d’être étudiées, mais on en est encore loin en 1979.
Notes
1 Pour un bilan historiographique nous nous permettons de renvoyer à : Fabien Knittel, Agronomie et techniques laitières. Le cas des fruitières de l’Arc jurassien (1790-1914), Paris, Classiques Garnier, 2021 et id., La Fabrique du lait. Europe occidentale (moyen Âge-xxe siècle), Paris, CNRS, 2023. Les deux premières parties de cet article sont des synthèses de certaines idées développées dans ces deux ouvrages.
2 Louis Augustin Guillaume Bosc, « Lait », dans A. Tessier, P. J. Bonnaterre et L. A. G. Bosc (dir.), Encyclopédie méthodique, Agriculture, t. V., Paris, Panckoucke, 1813, p. 127-133.
3 Mentionnons qu’il existe des travaux sur d’autres productions laitières comme les fromages au lait de chèvres ou de brebis. Par exemple sur le roquefort : Sylvie Vabre, Le sacre du roquefort : l’émergence d’une industrie agroalimentaire : fin XVIIIe siècle-1925, Rennes / Tours, Presses universitaires de Rennes / Presses universitaires François-Rabelais, 2015.
4 Anne Mendelson, Spoiled. The Myth of Milk as Superfood, New York, Columbia University Press, 2023.
5 Antoine Lavoisier, La richesse territoriale du royaume de France, rapport présenté à l’Assemblée nationale en 1791, repris dans Résultats d’un ouvrage intitulé La richesse territoriale du royaume de France par M. Lavoisier, Paris, Mme Huzard, 1819. Sur la notion de « mal nécessaire », voir Jacques Mulliez, « Du blé mal nécessaire. Réflexion sur les progrès de l’agriculture de 1750 à 1850 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 26 (1979), p. 3-47.
6 Jacques Risse, « Nourrir les bovins », Ethnozootechnie, 99 (2015), p. 107-111, sur ce point p. 107.
7 J. Risse, « Nourrir les bovins », art. cit, p. 108.
8 Alessandro Stanziani, Histoire de la qualité alimentaire (xixe-xxe siècle), Paris, Seuil, 2005.
9 Pierre-Olivier Fanica, Le lait, la vache et le citadin, du xviiie au xxe siècle, Paris, Quaé éd., 2008.
10 Données issues de F. Knittel, La Fabrique du lait. Europe occidentale, op. cit.
11 Bruce M. S. Campbell et Mark Overton, Land, labour and Livestock. Historical Studies in European Agricultural Productivity, Manchester, Manchester University Press, 1991.
12 Marcel Lachiver, « Lait », dans id., Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Paris, Fayard, 2006 (2e éd.), p. 781.
13 Bertrand Vissac, Les vaches de la République, Paris, INRA éd., 2002, p. 94.
14 Charles Lullin, Des associations rurales pour la fabrication du lait, connues en Suisse sous le nom de fruitières, Paris/Genève, J.J. Paschoud éditions, 1811, p. 34.
15 Pour approfondir ce point, nous renvoyons à F. Knittel, La Fabrique du lait…, op. cit., p. 69-85.
16 Le serai est constitué de la matière grasse du petit lait mélangée à la caséine. Il est obtenu après avoir fait bouillir le petit-lait et ajouté de l’aisy lors de la fabrication du gruyère. L’aisy « est une sorte de présure » issue de la fabrication des fromages à pâte pressée, comme le gruyère, qui sert à coaguler la caséine pour fabriquer le serai (Marc Lachiver, « Aisy », dans id., Dictionnaire du monde rural, op. cit., p. 47). Cf. l’encart « quelques mots du lexique fromager » dans le présent article.
17 Ce résidu peut être désigné par le terme « cuite ».
18 Christophe-Joseph-Alexandre Mathieu de Dombasle, « Vaches », Annales Agricoles de Roville, 2 (1825), p. 145-153, plus précisément p. 151-153.
19 Pour un glossaire plus complet des termes techniques, voir F. Knittel, La Fabrique du lait…, op. cit., p. 181-183.
20 M. Lachiver, Dictionnaire du monde rural, op. cit., p. 47.
21 Louis Poirot de Valcourt, Mémoires sur l’agriculture, les instrumens aratoires et d’économie rurale, comptabilité agricole, Paris, Bouchar-Huzard, 1841, p. 203.
22 Patrick Gasqui et Jean-Marie Trommenschlager, « A new standard model for milk yield in dairy cows based on udder physiology at the milking-session level », Scientific Reports, 7 (2017) [En ligne : https://www.nature.com/articles/s41598-017-09322-x].
23 John Belchier, « An Account of the Bones of Animals Being Changed to a Red Colour by Aliments Only », Philosophical Transactions, 39 (1735), p. 287-288 et id., « A Further Account of the Bones of Animals Being Made Red by Aliment Only », Philosophical Transactions, 39 (1735), p. 299-300. Sur le développement de l’agronomie durant les xviiie et xixe siècles ainsi que sur les Académies d’agriculture, voir entre autres : François Sigaut, « Histoire rurale et sciences agronomiques, un cadre général de réflexion », Histoire et Sociétés Rurales, 3 (1995), p. 203-214 ; Marie-Claire Amouretti et François Sigaut (dir.), Traditions agronomiques européennes : élaboration et transmission depuis l’Antiquité, Paris, CTHS, 1998 ; Gilles Denis, « Du physicien agriculteur du xviiie siècle à l’agronome des xixe et xxe siècles : mise en place d’un champ de recherche et d’enseignement », Comptes rendus de l’Académie d’Agriculture de France, 87-4 (2001), p. 81-103 ; Daniel Roche, Le siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris/La Haye, éd. EHESS/ Mouton, 1978, 2 vol.
24 Jacques Beauroy, « Productivité agricole, légumineuses et prairies artificielles en Angleterre (1300-1800) », dans Francis Brumont (dir.), Prés et pâtures en Europe occidentale, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, p. 101-122.
25 Aussi orthographié Béchelbronn.
26 Jean-Baptiste Boussingault, Économie rurale considérée dans ses rapports avec la chimie, la physique et la météorologie, Paris, Bechet jeune éd., 1844, 2 tomes.
27 Honoré de Balzac, Le médecin de campagne (1833), Paris, LGF, rééd. 1999, p. 86.
28 Pour de plus amples précisions sur la démonstration de Boussingault voir : F. Knittel, Agronomie et techniques laitières, op. cit., p. 189-195.
29 Quelques exemples : Louis Nicolas Grandeau, Stations agronomiques et laboratoires agricoles : but, organisation, installation, personnel, budget et travaux de ces établissements, Paris, Berger-Levrault, 1869 ; E. Ferville, L’industrie laitière. Le lait, le beurre, le fromage, Paris, J.-B. Baillière et fils, 1888 ; Hyacinthe Friant, Le Gruyère, manuel de fromagerie, Lons-le-Saunier, A. Gey, 1899 ; René Lezé, Les industries du lait, Paris, Firmin-Didot, 1904 [1891] ; Léon Lindet, Le lait. La crème, le beurre, les fromages, Paris, Gauthier-Villars, 1907 ; Jules-Édouard Lucas, La vache laitière. Hygiène et production du lait, Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1914.
30 Annie Antoine, « La sélection des animaux au début du xixe siècle : pratiques et représentations », dans Prémices et débuts de la sélection animale en France, numéro de : Ethnozootechnie, 63 (1999), p. 15-26.
31 Émile Thierry, Les vaches laitières, Paris, J.-P. Baillières et fils, 1895, p. 67.
32 Jules-édouard Lucas, La vache laitière. Hygiène et production du lait, Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1914, p. 48.
33 Bernard Denis, « Évolution des races bovines en France. Panorama général », dans Prémices et débuts de la sélection animale en France, numéro de : Ethnozootechnie, 63 (1999), p. 91-97, p. 95.
34 Jean Boichard, L’élevage bovin. Ses structures et ses produits en Franche-Comté, Paris, Les Belles Lettres, 1977, p. 100.
35 Annie Antoine, « L’élevage : un facteur de spécialisation des économies rurales anciennes », dans Philippe Madeline et Jean-Marc Moriceau (dir.), Acteurs et espaces de l’élevage (xviie-xxie siècles). Évolution, structuration, spécialisation, Caen/Rennes, AHSR/Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 23-38.
36 Mathieu Kalyntschuk, Entre agricolisation et pastoralisation. Histoire sociale du développement agricole et de ses acteurs dans le département du Doubs, xixe siècle-première moitié du xxe siècle, thèse de doctorat, Histoire contemporaine, Université Lumière-Lyon 2, 2011, vol. 1, p. 66.
37 M. Kalyntschuk, Entre agricolisation et pastoralisation, op. cit., vol. 1, p. 71-72.
38 A. Antoine, « L’élevage : un facteur de spécialisation… », art. cit., p. 32.
39 J. Boichard, L’élevage bovin…, op. cit., p. 93.
40 B. Vissac, Les vaches de la République…, op. cit., p. 96.
41 Julie Labatut, « Valuation of Life : Genetic Models and the Making of Markets », Entreprises & Histoire, 88 (2017-3), p. 89-102.
42 David L. Wykes, « Robert Bakewell (1725-1795) of Dishley : farmer and livestock improver », Agricultural History Review, 52-1 (2004), p. 38-55. Pour des precisions sur les méthodes de Bakewell voir : Bertrand Vissac, « R. Bakewell (1725-1795), pionnier de l’élevage moderne ? », Ethnozootechnie, 63 (1999), p. 3-14.
43 J. Boichard, L’élevage bovin, op. cit., p. 122.
44 François Spindler et Claire Chevalier, « Histoire de la race pie rouge de l’Est », Ethnozootechnie, 50 (1992), p. 33-57.
45 Mathieu Kalyntschuk, « Les anabaptistes mennonites dans les exploitations agricoles de Montbéliard (xviiie-xxe siècles), Bulletin de la société d’émulation de Montbéliard, 136 (2013), p. 165-186.
46 Sur le processus politique de cette reconnaissance nous renvoyons à : Fabien Knittel, « Les enjeux politiques de la production laitière dans les départements du Doubs et du Jura (années 1880-1890) », dans Jean-Pierre Williot (coord.), Des enjeux politiques en histoire contemporaine de l’alimentation, dossier de : Histoire @ politique, à paraître.
47 J. Boichard, L’élevage bovin, op. cit., p. 122.
48 M. Kalyntschuk, Entre agricolisation et pastoralisation, op. cit., vol. 1, p. 178-180 et vol. 2, p. 45-47.
49 B. Vissac, Les vaches de la République, op. cit., p. 112.
50 Flaubert, dans Madame Bovary, insiste sur les discours et l’aspect festif du comice (Gustave Flaubert, Madame Bovary. Mœurs de province (1857), Paris, Gallimard, 2001).
51 Nadine Vivier, « Le rôle des comices dans le développement de l’élevage bovin (1835-1880) », dans L’élevage bovin : enjeux anciens et tendances actuelles, numéro de : Ethnozootechnie, 99 (2015), p. 123-130.
52 Jean-Luc Mayaud, « Les comices agricoles et la pédagogie de l’exemple dans le France du xixe siècle », dans Michel Boulet (dir.), Les enjeux de la formation des acteurs de l’agriculture, 1760-1945, Dijon, Educagri, 2000, p. 253-257.
53 Jean-Luc Mayaud, « La “belle vache” dans la France des concours agricoles du xixe siècle », Cahiers d’histoire, 3-4 (1997), p. 521-541.
54 André Gueslin, Les origines du crédit agricole, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1978.
55 Alain Mélo, Fruitières comtoises : de l’association villageoise au système productif localisé, Morre, Fédérations départementales des coopératives laitières Doubs-Jura, 2012, p. 104.
56 Archives départementales du Doubs, M 2528, dossier de constitution du Syndicat des agriculteurs du Doubs, 1889.
57 A. Mélo, Fruitières comtoises, op. cit., p. 106.
58 M. Kalyntschuk, Entre agricolisation et pastoralisation, op. cit., vol. 1, p. 361-364.
59 A. Mélo, Fruitières comtoises, op. cit., p. 92-93.
60 Stéphane Kronenberger, « Des fromagers suisses en Franche-Comté. Compétences, pluriactivité et réseaux (1850-1914) », Histoire et Sociétés Rurales, 41 (2014-1), p. 55-87.
61 Claire Delfosse, « Le savoir-faire des fromagers suisses de la France de l’Est (1850-1950) », Études rurales, 135-136 (1994), p. 133-144.
62 Pierre Barral, Les agrariens français de Méline à Pisani, Paris, Armand Colin, 1968 ; Jean-Pierre Jessenne, Les campagnes françaises. Entre mythe et histoire (xviiie-xxie siècles), Paris, Armand Colin, 2006 p. 204-205.
63 René Lezé, Les industries du lait, Paris, Firmin-Didot éditeur, rééd. 1904, p. 597.
64 François Vatin, L’industrie du lait. Essai d’histoire économique, Paris, L’Harmattan, 1990, p. 26sq.
65 F. Vatin, L’industrie du lait, op. cit., p. 40-41.
66 Michel Vernus et Daniel Greusard, Le pays des fromages, la Franche-Comté, Joué-les-Tours, Alan Sutton éditions, 2013, p. 61 ; Pierre Lamard, Histoire d'un capital familial au xixe siècle, le capital Japy (1777-1910), Belfort, Société belfortaine d’émulation, 1988.
67 David Edgerton, Quoi de neuf ? Du rôle des techniques dans l’histoire globale, trad. C. Jeanmougin, Paris, Le Seuil, 2013.
68 Maud Cussey-Besançon et Fabien Knittel « Lait, hygiénisme et alimentation : deux études de cas en Franche-Comté (vers 1900-années 1940) », Anthropology of Food, à paraître début 2025.
69 Liquide, le lait est surtout consommé dans les hôpitaux, considéré comme un médicament revigorant pour avoir des forces puis donné aux enfants dont les mères ne peuvent pas allaiter à la fin du xixe siècle. Voir Fabien Knittel, « Milk and hygiene in Eastern France : the “goutte de lait” at Besançon and the “œuvre du bon lait” at Bar-le-Duc (Late nineteenth to early twentieth centuries)”, French History, 36-3 (2002), p. 334-347.
70 Maud Cussey-Besançon, Collèges, lycées, écoles professionnelles et université en Franche-Comté au cœur des grandes mutations de l’éducation au milieu du xxe siècle : ruptures, renouveau et continuités (1938-1947), thèse de doctorat, Histoire contemporaine, Université de Bourgogne-Franche-Comté, 2020.
71 Pierre Guillaume, Histoire sociale du lait, Paris, éditions Christian, 2008, p. 128.
72 Didier Nourrisson, Du lait et des hommes. Histoire d’un breuvage nourricier de la Renaissance à nos jours, Paris, Vendémiaire, 2021, p. 205-212.
73 Claire Delfosse et Pierre Le Gall, « Les produits laitiers locaux face à l’industrialisation de la filière-lait (1950-1980) », dans Margot Lyautey, Léna Humbert et Christophe Bonneuil (dir.), Histoire des modernisations agricoles au xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2021, p. 313-326.
74 Sara B. Pritchard et Carl A. Zimring, Technology and the Environment in History, Baltimore, Johns Hopkins university Press, 2020, p. 27-42.
75 C. Delfosse et P. Le Gall, « Les produits laitiers locaux », art. cit.
76 François Vatin, Le lait et la raison marchande. Essais de sociologie économique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996, p. 90.
77 C. Delfosse et P. Le Gall, « Les produits laitiers locaux », art. cit., p. 315.
78 Ibid., p. 314.
79 B. Vissac, Les vaches de la République, op. cit., p. 367-401.
80 Martin Bruegel, Eva Barlösius et Marilyn Nicoud (dir.), Le choix des aliments. Informations et pratiques alimentaires, de la fin du Moyen Âge à nos jours, Rennes/Tours, Presses universitaires de Rennes/Presses universitaires François-Rabelais, 2010.
81 Éric Kocher-Marboeuf, « Les secrets de la réussite de la laiterie d’Échiré de ses pères fondateurs à l’Europe verte (1894-1970) », Bulletin de la société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, 39 (2004), p. 325-345.
82 C. Delfosse et P. Le Gall, « Les produits laitiers locaux », art. cit., p. 319.
83 Ibid., p. 320-325.
84 André Pochon, Agronomes et paysans. Un dialogue fructueux, Versailles, Quae éditions, 2008, p. 9.
85 Pierre Cornu, Egizio Valceschini et Odile Maeght-Bournay, L’histoire de l’INRA, entre science et politique, Paris, Quae éd., 2018.
86 André Pochon, La prairie temporaire à base de trèfle blanc, ITEB, 1981.
87 A. Pochon, Agronomes et paysans, op. cit., p. 37.
88 Ibid., p. 33.
89 Ibid.
90 « L’importance du rendement d'une récolte est déterminée par l’élément qui se trouve en plus faible quantité par rapport aux besoins de la culture », Liebig cité par Marika Blondel-Mégrelis, « Liebig et la loi du minimum », Les mots de l’agronomie, 2020 [En ligne : https://mots-agronomie.inrae.fr/index.php ?title =Liebig_et_la_loi_du_minimum].
91 Gilles Lemaire, « Une nouvelle approche de la fertilisation des cultures », Agronomie, environnement et sociétés, 9-1 (2019), p. 56.
92 Gilles Lemaire, Liang Tang, Gilles Bélanger, Yan Zhu et Maris-Hélène Jeuffroy, « Forward new paradigms for crop mineral nutrition and fertilization towards sustainable agriculture », European Journal of Agonomy, 125 (2021) [En ligne : https://doi.org/10.1016/j.eja.2021.126248].
93 A. Mendelson, Spoiled. The Myth of Milk as Superfood, op. cit.
94 Nathalie Jas et Soraya Boudia, Toxicants, health and regulation since 1945, Londres, Pickering & Chatto, 2013.
95 Laurence Heydel, Diagnostic et maîtrise des contaminations des eaux souterraines par les résidus d’atrazine, thèse de doctorat, Agronomie, INRA/ENSAIA-INPL, 1998.
96 François Purseigle, Geneviève Nguyen et Pierre Blanc (dir.), Le nouveau capitalisme agricole. De la ferme à la firme, Paris, Presses de Sciences Po, 2017.
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Référence électronique
Fabien Knittel, « Élevage bovin, productions et transformation laitière (1815-1979) », Bulletin de l’Association des historiens modernistes des universités françaises [En ligne], 46 | 2025, mis en ligne le 28 janvier 2025, consulté le 17 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/bahmuf/1518 ; DOI : https://doi.org/10.4000/136k8
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