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Marmaria, l’hestiatorion, le synédrion et le Philippéion

Μαρμαριά, το εστιατόριον, το συνέδριον και το Φιλιππείον
Marmaria, the hestiatorion, the Synedrion and the Philippeion
Anne Jacquemin, Didier Laroche, Sandrine Huber et Manon Bublot
p. 87-113

Résumés

En accompagnement de la reprise des fouilles, nous présentons de nouvelles données relatives aux trois monuments les plus occidentaux de la terrasse de la Marmaria, obtenues à l’occasion de l’inventaire des blocs hors œuvre, présents sur le site, et d’une relecture des sources textuelles antiques. La fonction d’hestiatorion de SD 44 est ainsi confirmée. Une nouvelle datation est proposée pour l’édifice de calcaire SD 43 dont l’architecture ne correspond pas à celle d’un temple, mais plutôt à celle d’une salle d’assemblée. La date de la tholos SD 40 est également abaissée, ce qui la met en relation avec le Philippéion d’Olympie. Ces acquis auront à être précisés par la poursuite de l’étude architecturale, mais ils invitent déjà à réévaluer la place que la Macédoine des Argéades tenait à Delphes.

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Texte intégral

  • 1 Si la tholos n’a fourni que des couvertures de tombes avec ses métopes dont les sculptures avaient (...)
  • 2 Chronique des fouilles en ligne 2017 ; 2018 ; 2019 ; 2020 ; 2021 ; Huber et al. 2022.

1De nouvelles recherches entreprises sous l’égide de l’École française d’Athènes rattachées au programme consacré aux abords sud‑est de Delphes portent notamment sur la terrasse appelée au xixe siècle la Marmaria (ἡ Μαρμαριά), « la marbrière », parce que l’endroit avait été transformé en carrière de marbre, dès la période protobyzantine1. Une première phase d’étude a été menée durant le contrat quinquennal 2017-20212, comportant uniquement des travaux qui ne demandaient aucune entreprise de fouille : identification du matériel au musée, aussi bien dans les salles d’exposition que dans les réserves, campagnes d’inventaire des blocs hors d’œuvre – un travail jamais entrepris de façon systématique –, interrogation des sources antiques, épigraphiques et littéraires, lecture critique de la production des voyageurs et des archéologues concernant ce secteur, y compris des documents graphiques et photographiques. Revu au lendemain de la fouille qui s’est déroulée du 1er août au 12 septembre 2022, l’article intègre certaines données résultats des sondages effectués.

  • 3 Jacquemin, Laroche 2019.
  • 4 Lerat 1957.
  • 5 Sur le thème des « énigmes de Marmaria », voir Le Roy 1977. Il y a eu, entre la découverte initial (...)

2Une interrogation sur l’épiclèse d’Athéna3 a déjà conduit à une mise en question, dans la ligne amorcée par L. Lerat en 19564, des périodes hautes du sanctuaire, amenant à mieux distinguer fréquentation du lieu, attestée déjà au néolithique, et existence d’un sanctuaire. Nous sommes aussi en mesure de mieux comprendre le texte de Pausanias et trouver une réponse à l’énigme des quatre ναοί apparaissant en contradiction avec les cinq ou six fondations découvertes par les fouilleurs5.

  • 6 Vitruve, Sur l’architecture VII, praef. 17.

3Les résultats de ce premier temps d’enquête, relus à la lumière des nouvelles données de fouilles, feront l’objet de trois articles qui aborderont les édifices d’ouest en est : l’article dont vous commencez la lecture (fig. 1) traite des édifices SD 44, autrefois désigné comme « maison des prêtres », en référence à l’étude qui lui fut consacrée par A. D. Kéramopoullos, SD 43, publié par J.‑P. Michaud et J. Blécon sous l’appellation de « temple en calcaire », et SD 40, la tholos qui doit son nom moderne au livre que rédigea l’architecte Théodoros de Phocée, ouvrage dont nous ne connaissons que le titre cité par Vitruve6. Les articles suivants porteront sur les deux édifices de marbre qui sont d’ordinaire désignés le premier (SD 33) comme « trésor des Massaliètes » et le second (SD 32) « trésor dorique », d’autre part sur la zone orientale, comprenant le temple de tuf SD 29, dédié à Athéna Pronaia, et les divers autels et autres structures, dont nous connaissons, pour les plus humbles, les divinités qui y étaient honorées. Il restera alors à structurer l’ensemble, en dégageant les limites de la (ou des) zone(s) sacrée(s) et en replaçant les circulations antiques.

Fig. 1 — Plan général de la terrasse avec indication des édifices étudiés dans cet article.

Fig. 1 — Plan général de la terrasse avec indication des édifices étudiés dans cet article.

D. Laroche d’après Y. Fomine 1925.

4Même si nous savons que les recherches modifieront ou, au moins, complèteront les résultats présentés ici, l’étude architecturale, déjà réalisée, nous a cependant persuadés de l’intérêt d’en donner dès maintenant les grandes lignes.

5Comme il a été précisé plus haut, la question de l’extension du sanctuaire de la terrasse de la Marmaria (ou des divers sanctuaires qui y sont installés) et celle des diverses enceintes qui en ont constitué au cours du temps les limites, seront abordées ultérieurement, en conclusion de ce travail.

L’édifice SD 44

  • 7 Nous suivons ici le parcours d’un visiteur ordinaire du site en 2022.
  • 8 Journal de la Grande Fouille, p. 546 (29 avril) : partie antérieure de l’édifice ; p. 550 (7 mai)  (...)
  • 9 Selon le Journal de la Grande Fouille, à la date du 1er mai, cette couche se trouve tout au fond, (...)
  • 10 On ne sait si elle fut inspirée par les Éthiopiques d’Héliodore qui mentionne la maison de la prêt (...)
  • 11 Kéramopoullos 1909, plan h. t. : dans l’édifice SD 44, on lit « οἰκὸς τῶν ἱερέων ἤ ἐργαστήριον ». (...)
  • 12 Roux 1965, p. 46‑53. G. Roux ne conclut pas sur les édifices que remplacèrent les cellae jumelles  (...)
  • 13 Bookidis 1983.
  • 14 Bousquet 1984. Ce parpaing non utilisé était en réalité un modèle qui a l’avantage de nous donner (...)

6Le premier édifice que rencontre le visiteur7, après avoir franchi le mur d’enceinte (SD 46), a été dégagé par la Grande Fouille entre le 26 avril et le 2 mai 1901, son plan est alors esquissé8 (fig. 2), mais le fouilleur M. Laurent ne propose aucune interprétation de l’édifice qui a livré aussi bien du matériel d’époque archaïque (éléments de trépieds et d’armes de bronze) que d’époque impériale (vaisselle de table, grand pithos à couvercle). Un seul détail retient son attention : la couche de 25 à 30 cm de poussière de marbre trouvée9. Th. Homolle attribue à l’édifice une fonction de bâtiment annexe, entrepôt de matériel, archives ou habitation du personnel cultuel. Cette dernière appellation10 s’est longtemps imposée, mais A. D. Kéramopoullos dans le plan de son Guide de Delphes11 ajoute à « habitation des prêtres » la mention « atelier » qui témoigne de sa connaissance de la découverte faite par les fouilleurs le 1er mai 1901. En 1965, G. Roux, frappé de la ressemblance du plan avec celui du temple à double cella d’Arès et d’Aphrodite à Sta Lénika en Crète, propose d’y voir, réunis en une seule structure, les deux temples d’Athéna et d’Artémis, les Vierges blanches qui avaient défendu Delphes face aux Galates en 279/8 ; pour cet archéologue, le sacrilège lié à un conflit mal daté dans le milieu dirigeant de la cité apporta par le biais d’une amende l’argent pour doter chacune des déesses de son propre temple12. Un autre rapprochement, fondé également sur le plan de l’édifice avec l’hestiatorion de Pérachora, conduisit N. Bookidis à y voir une salle de banquet13. En réaction, J. Bousquet tenta de réactiver l’hypothèse de l’atelier, en raison de la présence d’un parpaing non utilisé dans la tholos et de la couche de poussière de marbre déjà signalée14.

Fig. 2 — Plan levé au début de la fouille de Marmaria avec détail de SD 44.

Fig. 2 — Plan levé au début de la fouille de Marmaria avec détail de SD 44.

7Le socle des murs en appareil polygonal archaïque, identique à celui de la structure SD 25 appelée « grand autel », à l’est du temple d’Athéna, oriente nettement vers la fin du vie siècle.

8Le plan des deux pièces contiguës dont N. Bookidis a montré l’adaptation à l’installation de lits (klinai) nous a convaincus, par rapport aux autres hypothèses avancées, de la pertinence de son identification. Selon son schéma, chacune des pièces accueillait onze convives sur des couches disposées le long des murs. Elle pose la question du rang des usagers de cet hestiatorion, concluant qu’il ne s’agissait pas de pèlerins ou de simples Delphiens, mais probablement de personnel cultuel.

  • 15 On n’oubliera cependant pas que les fouilleurs ont trouvé dans l’édifice de la vaisselle d’époque (...)

9Pour terminer la description de cet édifice, rappelons que le soubassement en polygonal droit servait de socle à une élévation en briques crues et que deux colonnes monumentalisaient en façade l’accès au bâtiment. Lors de la construction de SD 43, le mur oriental de l’hestiatorion fut détruit. Peut‑être le bâtiment, légèrement amputé, s’est‑il alors adossé directement au mur ouest en calcaire de son voisin (fig. 3) ? Il est cependant plus probable qu’il ait été abandonné ou transformé, après un siècle et demi de fonctionnement15.

Fig. 3 — L’édifice SD 44 au ve siècle av. J.‑C. et après la construction de SD 43. Essai de restitution.

Fig. 3 — L’édifice SD 44 au ve siècle av. J.‑C. et après la construction de SD 43. Essai de restitution.

D. Laroche.

L’édifice en calcaire SD 43

  • 16 Pausanias, X 11, 5 ; Michaud, Blécon 1973, p. 2‑7.
  • 17 Michaud, Blécon 1977, p. 10.
  • 18 Voir Bommelaer 2015a, p. 91. L’hypothèse a été infirmée dans Laroche 2021.
  • 19 Thüngen 1994, p. 167‑168, no 151, pl. 89.1 et complément 64.1.

10L’édifice en calcaire SD 43 (fig. 4) est daté par J.‑P. Michaud de 360 av. J.‑C. sur la base d’une comparaison stylistique et technique avec d’autres constructions de cette période, en particulier l’autre édifice étudié par les mêmes auteurs, le trésor des Thébains consécutif à la victoire de Leuctres16. Demeuraient toutefois sans explication les caractères particuliers de l’édifice, absence de colonnade sur trois côtés, grande cella, krépis à empattement en façade et triple baie. La présence au fond de la cella d’une longue exèdre plus récente ne faisait que compliquer l’interprétation de ce bâtiment17. On a cru pouvoir dissocier l’exèdre de l’ensemble, en la supposant postérieure à la destruction de l’édifice18, mais le niveau restitué de la cella correspondant à celui de l’exèdre implique qu’aucune raison n’impose de privilégier cette hypothèse. Si l’on raisonne sans a priori, cette exèdre est datable du iiie siècle av. J.‑C., contemporaine des monuments comparables érigés dans le sanctuaire d’Apollon19.

Fig. 4 — Plan et élévations ouest et sud de l’édifice SD 43 (état ive siècle), avec plusieurs corrections par rapport aux restitutions de Michaud, Blécon 1977.

Fig. 4 — Plan et élévations ouest et sud de l’édifice SD 43 (état ive siècle), avec plusieurs corrections par rapport aux restitutions de Michaud, Blécon 1977.

D. Laroche.

11La publication de J.‑P. Michaud et J. Blécon s’était attachée à rétablir les dispositions essentielles de l’édifice, mais n’avait pas présenté l’ensemble du matériel disponible sur le terrain. En effet le caractère modulaire et répétitif de cette architecture avait incité les auteurs à ne retenir que les têtes de série. En confrontant les blocs inventoriés aux restitutions de FD II, nous avons constaté des problèmes dont certains avaient déjà été signalés par J.‑P. Michaud lui‑même. Ainsi, en cherchant à trouver une place à une série de blocs de 50,1 cm de haut, qui n’avaient pas pu être replacés dans la restitution, nous avons été amenés à réinterpréter la structure de soubassement de l’édifice, notamment la poursuite des assises de krépis sous les murs de la cella. La restitution obtenue avec une assise de socle intermédiaire à la place de cette supposée krépis (fig. 5) permet d’intégrer les blocs non utilisés par les auteurs de la publication et offre l’avantage d’une superposition alternée et régulière des différentes assises du soubassement. Du point de vue de la conception de l’édifice, cette modification souligne la dissociation entre la cella, simple chambre rectangulaire, et le prodomos formant un porche d’accès à la grande salle.

Fig. 5 — Nouvelle restitution du pied du mur avec assise de 50,1 cm remplaçant les deux assises de krépis 1 et 2.

Fig. 5 — Nouvelle restitution du pied du mur avec assise de 50,1 cm remplaçant les deux assises de krépis 1 et 2.

D. Laroche.

12La triple baie que propose la publication doit être également corrigée : les vestiges, en particulier de la moulure inférieure de ces « baies », imposent de restituer une véritable porte, dotée d’un encadrement, sur l’axe médian et des fenêtres – ou plus simplement des ouvertures – au niveau supérieur. Cette disposition permettait d’éclairer le vaste espace de la cella, même en cas de fermeture de la baie centrale.

13La modification opérée dans le soubassement de la cella impose de restituer une assise supplémentaire aux murs de l’édifice. Avec ses nouvelles dimensions et proportions, la colonne de SD 43 devient l’exacte jumelle de celle de la tholos, confirmant une impression de correspondance qui avait été soulignée par J. Bousquet (fig. 6).

Fig. 6 - Exacte correspondance des colonnes de SD 40 (« tholos ») et SD 43 après correction de son élévation.

Fig. 6 - Exacte correspondance des colonnes de SD 40 (« tholos ») et SD 43 après correction de son élévation.

H. Ducoux et D. Laroche.

  • 20 Par exemple, les blocs angulaires de ces deux constructions sont pourvus de « louves horizontales  (...)
  • 21 Pour le nom d’Ophélandros qui confirme la datation du monument proposée en 1986 (Jacquemin, Laroch (...)
  • 22 Le cas du trésor des Thébains est différent, puisque sa construction a été financée par le butin f (...)
  • 23 Bousquet 1989, 74 II, l. 77‑78 : mention de travaux au synédrion de Delphes à l’automne 337.

14Les nombreuses observations qui ont pu être faites sur l’ensemble des blocs montrent une forte parenté technique entre ce monument et le pilier des Rhodiens érigé face au temple d’Apollon20. La date du pilier est relativement bien connue grâce à la présence du nom de l’entrepreneur Ophélandros, adjudicataire du marché des arases du péribole est, qui permet une datation proche de 333/2, date du paiement21. Nous avions proposé de mettre en rapport l’offrande rhodienne avec la libération de l’île de ses occupants macédoniens (323 av. J.‑C.). La date assignée précédemment à l’édifice en calcaire nous paraît donc trop haute, d’autant qu’E. Hansen a bien montré dans le cas du temple les changements intervenus dans les techniques constructives, notamment le passage des scellements en double T (encore utilisés dans le trésor des Thébains après 370) aux scellements en pi qui se généralisent au cours de la seconde moitié du siècle. L’édifice en calcaire de ce point de vue rejoint les constructions connues de la seconde moitié du ive siècle ; cette datation, plus basse, avait d’ailleurs été proposée par divers archéologues et E. Hansen lui‑même s’étonnait qu’on ait pu mettre en chantier un tel édifice vers 360, époque à laquelle la reconstruction du temple devait mobiliser les énergies22 22. Nous proposons, pour cet édifice qui avait d’ailleurs fait par le passé l’objet de datations diverses durant le ive siècle, une date autour de 34023.

  • 24 Bommelaer 2015a, p. 92.
  • 25 Voir le Télestérion d’Éleusis (Travlos 1988, p. 91‑169), édifice construit sous Périclès, que l’ar (...)

15Toutes ces remarques nous ont incités à remettre en cause l’interprétation comme un temple de cet édifice singulier, d’autant qu’une nouvelle lecture de la description de Pausanias nous a permis entre temps de reconnaître dans le temple en tuf l’unique temple d’Athéna décrit par Pausanias. Après cela, on aurait pu imaginer, comme cela a été fait dans le Guide du site24, que l’édifice en calcaire eût abrité le culte d’Artémis, attendu sur cette terrasse, mais les caractères propres du bâtiment orientent bien plus vers une salle de réunion, sur le modèle de la grande salle précédée d’un prostôon, connu par le Télestérion d’Éleusis et le Hiéron de Samothrace25.

  • 26 L’édifice est connu par des inscriptions du iiie siècle relatives à des réparations (Choix 2012, 1 (...)
  • 27 L’identification du lieu s’est très vite imposée et on la trouve déjà avant la Grande Fouille : el (...)
  • 28 Eschine, Contre Ctésiphon 118.

16Le soin apporté à l’exécution de cet édifice laisse entendre qu’il sert une institution digne de lui. Après avoir envisagé d’autres hypothèses, tout particulièrement le naopoiion26, nous sommes arrivés à la conclusion que le synédrion amphictionique, vainement recherché depuis les débuts des recherches à Delphes, était le meilleur candidat. Longtemps positionné, en raison du texte d’Eschine, à l’emplacement du cimetière de Kastri27, le synédrion peut trouver sa place à Marmaria, puisque depuis la terrasse qui porte les édifices du bas, on peut voir la terre sacrée : le massif du Kirphis en face, bien sûr, mais également la plaine du Pleistos et une partie de la côte, en écho aux propos d’Eschine adressés aux Amphictions28.

  • 29 Lefèvre 1998, p. 205‑216, avec un bilan clair p. 213 : le synédrion se compose des vingt‑quatre hi (...)

17Une fondation rectiligne avait été dégagée à l’intérieur de la pièce principale. Ses vestiges, que l’intervention d’août 2022 a fait de nouveau apparaître, se poursuivent sous l’exèdre placée contre le mur nord de l’édifice. Pour l’instant, rien ne permet de les interpréter de façon assurée et de les attribuer à un prédécesseur, au même endroit, du synédrion. Nous avons vérifié (fig. 7) que la salle était parfaitement proportionnée à l’accueil des participants d’une séance amphictionique, à savoir les vingt-quatre hiéromnémons et les pylagores ou agoratres qui les accompagnaient à titre de conseillers, entre deux à quatre par hiéromnémon, soit entre soixante-douze (au minimum) et cent vingt (maximum jamais atteint) personnes29. La longueur libre de 12 m dans la salle (après installation de l’exèdre au iiie siècle) correspond à vingt‑quatre emplacements de 50 cm, dimension requise pour une place assise. Les baies en partie haute éclairent ainsi les participants à ces réunions, disposés de la même manière que ceux des cérémonies au Hiéron de Samothrace, où des bancs ont été retrouvés le long des murs latéraux, et, à une époque plus récente, les membres du Parlement du Royaume‑Uni.

Fig. 7 — Installation des vingt‑quatre Amphictions et quarante‑huit pylagores (nombre minimal) dans la salle d’assemblée du synédrion, après l’érection au iiie siècle av. J.‑C. de l’exèdre étolienne au fond de la salle.

Fig. 7 — Installation des vingt‑quatre Amphictions et quarante‑huit pylagores (nombre minimal) dans la salle d’assemblée du synédrion, après l’érection au iiie siècle av. J.‑C. de l’exèdre étolienne au fond de la salle.

D. Laroche.

  • 30 Pour E. Hansen, le temple d’Apollon est achevé à l’été 333 (Amandry, Hansen 2010, tableau p. 489).
  • 31 Lamouille 2019, p. 616‑631.
  • 32 Les comptes de Delphes conservés mentionnent une fois du bois macédonien en ca 342 (Bousquet 1989, (...)
  • 33 Andronikos 1984, p. 38‑46.

18La portée intérieure de la charpente de la cella est de 9,50 m. Il s’agit de la plus grande portée, après le temple d’Apollon (10,80 m), à Delphes. La dimension importante de ces deux bâtiments, maintenant considérés chronologiquement proches30, a conduit St. Lamouille à restituer une charpente à ferme, seul système, selon lui, apte à franchir un tel espace31. Il serait tentant de mettre en rapport cette portée exceptionnelle avec des commandes de bois macédonien32. D’autre part le dispositif très particulier des demi-colonnes ioniques appuyées contre les piédroits des baies rappelle un trait caractéristique de l’architecture macédonienne, notamment au palais d’Aigai33. On se rappellera que Philippe II devint membre au titre de roi des Macédoniens de l’Amphictionie en 346, à la fin de la troisième guerre sacrée. Avec l’appui de ses alliés thessaliens et béotiens, il contrôlait ainsi l’organisation pyléo-delphique. Il ne serait donc pas surprenant qu’à cette occasion il eût entrepris la reconstruction, avec un soin particulier, du synédrion, lieu des réunions des douze peuples de l’Amphictionie.

19Une conséquence de notre interprétation du lieu serait de faire disparaître de la liste des temples parmi lesquels chercher les quatre ναοὶ de Pausanias SD 44 – qui n’a jamais vraiment figuré parmi les candidats –, mais surtout SD 43, longtemps identifié avec le temple d’Athéna Pronaia décrit par le Périégète. L’absence complète de décor sculpté sur l’édifice de calcaire, contrastant avec la luxuriance de toutes les autres constructions de la terrasse, aurait pu interroger sur le caractère de l’édifice et sa probable fonction non religieuse.

  • 34 Michaud, Blécon 1977, p. 10, n. 1.
  • 35 Thüngen 1994, p. 57‑58, no 13, pl. 10, complément 7 (Thermos, exèdre A) ; p. 65, no 27, pl. 18, co (...)
  • 36 Courby 1913-1927, p. 291‑294 ; Thüngen 1994, p. 65‑66, no 28, complément 13.

20Comme l’avait bien compris J.‑P. Michaud34, l’exèdre ajoutée au fond de la salle portait, en raison de sa profondeur (1,50 m), des statues. Il est tentant de la rapprocher d’exemples connus en Étolie35 ou à Delphes36 et de la dater de l’époque de la domination étolienne. Pour les statues, on peut penser soit à des héros étoliens soit aux divinités auxquelles se réfèrent les Amphictions dans leurs serments, soit encore – vu la taille du monument – à une composition associant dieux et humains. Selon l’interprétation que l’on fait d’une exèdre, sujet sur lequel nous nous pencherons ultérieurement, on n’est pas obligé de considérer que la banquette accueillait des membres de l’assemblée.

  • 37 R. Demangel avait été fort embarrassé devant cette structure, car aucune de ses hypothèses ne rési (...)
  • 38 Le matériel qui y a été trouvé pourrait convenir à un rituel de fondation (Demangel 1926, p. 103‑1 (...)
  • 39 Lefèvre 1998, p. 206 et 255.
  • 40 Nous avons légèrement modifié la hauteur de la colonne de SD 43 (fig. 6) et il faut garder à l’esp (...)
  • 41 C’est un des résultats de l’inventaire architectural des blocs, montrant que le socle des murs lat (...)

21Ajoutons, à titre d’hypothèse, que la structure circulaire37 placée contre l’angle sud‑est de SD 43 pourrait être interprétée comme un bothros38, mais il ne peut s’agir de l’autel qui recevait les actes rituels accompagnant les sessions de l’Amphictionie39. D’une manière plus globale, SD 43 se présente comme un édifice hybride : prostôon reproduisant, en réduction, la façade du temple d’Apollon40 en cours d’achèvement, et à l’arrière une grande salle de réunion, dépourvue de krépis41. Les dessins provisoires donnés ici montrant les modifications apportées à la publication de cet édifice seront contrôlés après l’examen plus poussé des 700 à 750 blocs errants attribuables à cette construction. Un nouvel examen des blocs moulurés déposés au musée est nécessaire pour préciser l’agencement des ouvertures (porte et fenêtres) prenant place dans les baies du mur de refend.

La tholos SD 40

  • 42 La sculpture de la tholos sera publiée par Ph. Jockey. Voir en attendant Jockey 2021.

22Contrairement à l’édifice de calcaire SD 43, la tholos de Delphes a donné lieu depuis sa découverte (et sans doute même avant, puisque Vitruve possédait le De tholo quae est in Delphis de Théodoros de Phocée) à de nombreuses hypothèses. Il est donc impossible de traiter ici de toutes les questions relatives notamment à sa restitution et à son décor sculpté42. Nous nous contenterons d’aborder les points sur lesquels nous pensons pouvoir apporter du nouveau.

L’architecture

  • 43 Bommelaer 2015b.

23Le dernier état de la restitution de la tholos a été publié par J.‑Fr. Bommelaer en 201543. Selon cette étude, la base annulaire courant le long du parement intérieur de la cella portait dix colonnes corinthiennes, chiffre déjà donné dans la publication de J. Charbonneaux et K. Gottlob en 1925 et confirmé par la révision des blocs, par l’étude des mortaises présentes sur la base et la répartition des traces d’appui sur le parement interne des parpaings du mur. L’article de J.‑Fr. Bommelaer conclut à l’existence d’un ordre supérieur représenté par les restes de six chapiteaux ioniques à volutes angulaires. Les chapiteaux corinthiens ne présentent aucune trace indiquant la présence d’un entablement, en bois ou en pierre, mais le mauvais état de conservation de ces chapiteaux incite à la prudence. Le principe d’un entablement en bois cintré est en soi peu concevable à cette époque. Il paraît surprenant au vu de la quantité de blocs conservés de la rotonde, représentatifs de toutes les parties du monument, qu’aucun vestige d’un entablement en pierre n’ait survécu ; il est vrai que l’élévation interne des murs a presque entièrement disparu sous l’effet d’un incendie. Les chapiteaux ioniques ont exactement le même diamètre au lit de pose que les chapiteaux corinthiens ; ils n’ont pas l’air d’avoir souffert d’un incendie, mais portent les traces de réparation au moyen de petits scellements en forme de « papillon ».

24Les chapiteaux ioniques partagent avec les chapiteaux corinthiens l’absence de toute trace de fixation d’un entablement, mais c’est aussi le cas des demi-chapiteaux corinthiens engagés du Philippéion d’Olympie, surmontés d’un entablement qui n’est en réalité qu’une projection de l’élévation du mur. En fonction des modifications qu’a subies la colonnade intérieure, attestées par deux mortaises voisines, il sera peut‑être possible d’attribuer les chapiteaux ioniques à l’un ou l’autre état de cette colonnade.

25Concernant l’élévation extérieure, les études récentes ont confirmé les connaissances acquises à la suite de l’anastylose de 1938, qui avait corrigé la hauteur des colonnes du péristyle, passant de quatre à cinq tambours. La proportion élancée de l’ordre dorique, étonnante à la date assignée à l’édifice (ca 375 av. J.‑C.), avait intrigué plusieurs savants, qui avaient essayé de la justifier du fait de la rotondité du bâtiment. Nous pensons que cette proportion peut s’expliquer plus simplement. En effet, plusieurs caractéristiques techniques de cette construction renvoient à la seconde moitié du ive siècle. Les scellements verticaux des tambours s’engagent dans des boîtes en bronze (empolion), elles‑mêmes engagées dans des mortaises remplies de plomb. Cette technique sophistiquée se rencontre au pilier des Rhodiens, à l’édifice en calcaire (SD 43) et au monument de Charixénos. D’une manière générale, la tholos, en dehors du matériau utilisé, s’apparente, pour tout ce qui concerne le travail de la pierre, au pilier des Rhodiens et à SD 43. Inversement, pour s’en tenir à l’architecture, aucun indice ne plaide en faveur d’une date dans la première moitié du ive siècle. Pour ce qui est de la sculpture, Ph. Jockey, en charge de sa publication, ne voit pas d’objection à reconsidérer la date traditionnellement retenue de 375‑370.

  • 44 Laroche 1992 ; Bommelaer 2015b.
  • 45 St. Lamouille (IRAA-CNRS) est venu rejoindre l’équipe, qui bénéficie ainsi de son expertise sur le (...)

26Il avait été proposé que la toiture de la rotonde ait connu deux états successifs44 : une première couverture sur plan octogonal entièrement en marbre, dont les débris dénotent une courte exposition aux intempéries ; une réfection avec un chéneau plus haut, à bord supérieur rectiligne, dont les tuiles intérieures, probablement en terre cuite, auraient disparu. Un autre scénario est cependant plus vraisemblable : le « petit chéneau » aurait été un modèle non utilisé auquel on aurait préféré finalement le grand chéneau, plus en rapport avec la taille des tuiles. Dans ce cas, il faudrait revenir à la solution hybride de G. Roux, légèrement modifiée : une toiture octogonale selon le schéma imaginé par Fr. Kirk, bordée par un chéneau rayonnant. Nous travaillons sur cette hypothèse (fig. 8), ainsi que sur de nouvelles pistes concernant la charpente couvrant la cella et portant cette couverture de marbre exceptionnelle45.

Fig. 8 - Plan et élévation restitués de la rotonde de marbre SD 40.

Fig. 8 - Plan et élévation restitués de la rotonde de marbre SD 40.

D. Laroche.

  • 46 Robert 1939, p. 46‑155.

27Le terme tholos employé par Théodoros de Phocée pour désigner cette rotonde, comme on l’a longtemps admis, renvoie en réalité à la forme conique de la toiture, du fait de la concavité du profil de la couverture46.

  • 47 Vitruve, Sur l’architecture IV 8, 2.
  • 48 Voir Gros (éd.) 1992, p. 199‑205.

28En plan, on constate une correspondance entre les proportions indiquées par Vitruve47 pour ce type d’édifice et les vestiges de la rotonde de Marmaria : proportion de 1/3/1 entre le péristyle et la cella. En revanche, les difficultés d’interprétation du passage de Vitruve concernant les proportions verticales de la couverture48 ont jusqu’à présent contribué à ne pas établir de lien entre les indications données par le théoricien romain et la construction ronde de Delphes.

Interprétation de l’édifice

  • 49 Hérodote, VIII 39 ; Pausanias, X 8, 7. La rotonde ne correspond pas à ce que ces auteurs disent de (...)
  • 50 Roux 1984, p. 161 ; voir aussi Roux 1988.
  • 51 Bousquet 1960.
  • 52 Laroche 1992, p. 216‑221.
  • 53 Lerat 1985.
  • 54 Choix 2012, 110.

29De nombreuses propositions ont été formulées à propos de cette construction depuis sa découverte : hérôon de Phylakos, connu par Hérodote et Pausanias49, temple d’Athéna50, d’Artémis51 ou des Vents52, hoplothèque de Pronaia53, mentionnée dans un décret de Delphes pour l’entrepreneur Akidôn en 201/054. Aucune d’elles n’a emporté l’adhésion des commentateurs. Du fait de la nouvelle datation proposée plus haut, nous développerons ici les raisons qui nous orientent vers une consécration argéade, à l’instar du Philippéion d’Olympie. En effet, si les datations anciennement retenues avaient limité les possibilités de comparaison entre ces édifices, il nous apparaît maintenant, grâce à la nouvelle proposition chronologique, que de nombreux points communs plaident en faveur d’une destination identique des deux rotondes.

  • 55 Schleif, Zschietzschmann 1944 ; Herrmann 2013 (étude liée à l’anastylose partielle du monument à l (...)
  • 56 Malgré la présence d’un tel motif sur le larnax d’or qui contenait les restes de Philippe II, le m (...)

30La comparaison en plan des rotondes de Delphes et d’Olympie (fig. 9) montre de surprenantes correspondances, à commencer par leur diamètre extérieur. Leur similitude dimensionnelle en élévation dépend de la restitution du Philippéion, qui a fait l’objet de différentes propositions55. À côté de ces ressemblances, notamment une cella avec colonnade adossée, on constate des variantes dans l’emploi des différents ordres et également dans les matériaux mis en œuvre : marbre limité au sol et à la sima à Olympie, emploi exclusif du marbre du Pentélique à Delphes associé pour le dallage à du calcaire bleu-noir d’Éleusis. Enfin, l’édifice de Marmaria se distingue par la surabondance du décor sculpté comprenant deux séries de quarante métopes, un splendide chéneau et huit acrotères en périphérie et un acrotère faîtier, sans oublier le plafond à caissons du péristyle orné de quatre‑vingts étoiles d’or à seize branches56. Ce décor somptueux explique à lui seul l’emploi du marbre contrairement à Olympie.

Fig. 9 — Plans comparés des plafonds de péristyle de SD 40 (Delphes) et du Philippéion d’Olympie.

Fig. 9 — Plans comparés des plafonds de péristyle de SD 40 (Delphes) et du Philippéion d’Olympie.
  • 57 Pausanias, V 20, 10.
  • 58 À l’époque de Pausanias, les statues féminines avaient été déplacées dans l’Héraion (V 17, 4). P.  (...)
  • 59 Roux 1988, p. 294.
  • 60 Bommelaer 2015a, p. 88.

31Les deux édifices sont pourvus, dans la cella, d’une base en arc de cercle, base indépendante au Philippéion, base annulaire presque complète contre le parement intérieur à Delphes. La base d’Olympie est bien connue grâce aux vestiges et à la description de Pausanias57, les cinq cavités accueillaient les effigies du roi macédonien, de son père et de son fils, ainsi que celles de sa mère et de son épouse58. À Delphes, on ne sait pas si la base annulaire qui portait les dix colonnes portait également des statues. G. Roux, s’appuyant sur la profondeur de la base, restituait des statues (chryséléphantines) entre les colonnes59. Le Guide du site mentionne la possibilité de placer les neuf Muses dans les entrecolonnements60. Une alternative que nous privilégions consiste à replacer les mêmes statues qu’à Olympie dans les cinq entrecolonnements centraux, voire neuf statues occupant la longueur complète de la base. Les dix colonnes peuvent renvoyer aux neuf Muses et à leur mère Mnémosyne, également représentées de part et d’autre d’Apollon au fronton ouest du temple.

  • 61 On peut songer aux Muses du Vatican, retrouvées près de Tivoli en 1774, que la recherche a associé (...)
  • 62 Sur le sanctuaire de Dion au pied de l’Olympie, où se déroulait le concours scénique des Olympia c (...)

32De nombreuses représentations des Muses, graphiques ou plastiques61, les montrent en cercle autour du dieu. On connaît le culte des Muses à Dion, principal sanctuaire macédonien et on sait la dévotion de la reine Eurydice pour ces déesses62. Les plans comparés des rotondes d’Olympie et de Delphes montrent que le dispositif que nous proposons pour cette dernière offre une visibilité égale pour les statues des souverains macédoniens. Les traces du violent incendie qui a dévasté le parement intérieur de la cella ne se retrouvent pas au sol de cet espace, ce qui ne laisse pas d’intriguer. Une explication serait que l’on a provoqué ce sinistre en mettant volontairement le feu aux pièces exposées sur la base : les statues chryséléphantines avec leur âme en bois auraient ainsi été anéanties dans un attentat qui révèlerait un acte anti-macédonien peu surprenant dans les années 324‑322 ; à part 302‑301, les années où fut vraisemblablement élevé le monument de Cratéros à Delphes, entre la recréation de la Ligue de Corinthe par Antigone le Borgne et la défaite de ce dernier à Ipsos, les rois de Macédoine, qui avaient perdu leurs voix amphictioniques dans ce Conseil dirigé par les Étoliens, ne furent jamais en mesure de restaurer cet hérôon dynastique avant le règne de Persée. Le bâtiment dévasté – et jamais reconstruit après une tentative possible dans cette brève période d’affirmation antigonide en Grèce centrale – serait ainsi « le temple en ruines » signalé par Pausanias en tête de son énumération des quatre ναοί.

33Après le passage de Pausanias, les marbres de la rotonde, contrairement aux parpaings quadrangulaires des deux « trésors » voisins démontés avec soin, ont été violemment débités pour fournir le matériau des fours à chaux. Seules les plaques des métopes, débarrassées de leurs figures en ronde-bosse, ont fait l’objet de remploi, sous forme de couvertures de tombes, aussi bien à Delphes qu’à Amphissa.

  • 63 Miller 2000, p. 266‑271.
  • 64 Mari 2002, p. 73‑202.
  • 65 Daux 1949, p. 259‑260, no 5, pl. VIII ; Arena 2004-2005 (proposition de restituer la colonne perdu (...)
  • 66 Londey 1994.

34Lors du colloque Delphes cent ans après. Essai de bilan qui s’était tenu à Athènes et à Delphes en 1992, St. Miller avait rassemblé les éléments relatifs aux rapports entre la Macédoine et Delphes, en s’intéressant particulièrement au règne de Philippe II63. Cette question avait été reprise par M. Mari64. Cependant à part la statue de Philippe II offerte par les Amphisséens65, nul monument ne rendait compte du tournant historique que représentait l’octroi des deux voix des Phocidiens au roi qui avait mis fin à leur occupation du sanctuaire66. Si l’on suit les identifications nouvelles des deux derniers édifices étudiés dans cet article, nous aurions au contraire une présence forte de la dynastie argéade à l’ouest de la terrasse qui accueillait les sanctuaires d’Artémis et d’Athéna, auxquels s’intéresseront les articles suivants.

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Notes

1 Si la tholos n’a fourni que des couvertures de tombes avec ses métopes dont les sculptures avaient été abattues, les blocs de l’édifice SD 33 ont été largement remployés dans les constructions sacrées et profanes des ve et vie siècles ; de SD 32 un bloc d’épistyle a été retaillé à l’époque protobyzantine (Amandry 1984, p. 185‑192) ; trois triglyphes ont été retrouvés au gymnase et trois autres dans la partie inférieure du sanctuaire d’Apollon, enfin une métope a servi de couverture de tombe (La Coste-Messelière 1966, p. 704‑705 et 708).

2 Chronique des fouilles en ligne 2017 ; 2018 ; 2019 ; 2020 ; 2021 ; Huber et al. 2022.

3 Jacquemin, Laroche 2019.

4 Lerat 1957.

5 Sur le thème des « énigmes de Marmaria », voir Le Roy 1977. Il y a eu, entre la découverte initiale du site et la reprise des travaux en 1900-1901, dans le cadre de la Grande Fouille, une rupture introduite par le remblaiement de la première fouille, celle d’E. Laurent en 1838, documentée uniquement par une description laconique et un croquis rudimentaire inséré par H. N. Ulrichs dans le plan de l’architecte topographe (Ulrichs 1840, p. 263‑264 ; pl. h. t. I : plan restauré de Delphes ; pl. h. t. II : plan actuel du site). En 1860, P. Foucart ne put voir les vestiges dégagés vingt‑deux ans plus tôt (Foucart 1865, p. 12).

6 Vitruve, Sur l’architecture VII, praef. 17.

7 Nous suivons ici le parcours d’un visiteur ordinaire du site en 2022.

8 Journal de la Grande Fouille, p. 546 (29 avril) : partie antérieure de l’édifice ; p. 550 (7 mai) : avec le vestibule de SD 43.

9 Selon le Journal de la Grande Fouille, à la date du 1er mai, cette couche se trouve tout au fond, sur le sol vierge et semble s’étendre dans la partie nord et déborder la structure, comme l’indique la mention des murs E et F et le montre le plan à cette date. Tout ceci conduirait à séparer cette couche de l’édifice SD 44, contrairement à ce que firent A. D. Kéramopoullos et J. Bousquet.

10 On ne sait si elle fut inspirée par les Éthiopiques d’Héliodore qui mentionne la maison de la prêtresse Chariclée dans le sanctuaire d’Artémis (III 6).

11 Kéramopoullos 1909, plan h. t. : dans l’édifice SD 44, on lit « οἰκὸς τῶν ἱερέων ἤ ἐργαστήριον ». Ce plan a été utilisé à l’époque où le seul plan publié par l’EFA l’avait été dans la Revue de l’art ancien et moderne 10, 1901, et présentait des erreurs qui étaient corrigées par le savant grec dans son guide. Son plan a été ainsi repris dans Karo 1910, p. 217.

12 Roux 1965, p. 46‑53. G. Roux ne conclut pas sur les édifices que remplacèrent les cellae jumelles ; la documentation relative à ce conflit (Aristote, Politique V 4, 5, 1303 b 37-1304 a 4 ; Plutarque, Principes politiques 825 B‑C) autorise une datation au vie siècle aussi bien qu’au ive siècle : voir Carrière 1984.

13 Bookidis 1983.

14 Bousquet 1984. Ce parpaing non utilisé était en réalité un modèle qui a l’avantage de nous donner l’aspect exact des blocs tels qu’ils étaient posés dans le mur, avec encore le bourrelet de protection des arêtes. Ce modèle, doté également de ses mortaises de scellement, permettait aux ouvriers de transformer les blocs parallélépipédiques sortis de la carrière du Pentélique en parpaings courbes.

15 On n’oubliera cependant pas que les fouilleurs ont trouvé dans l’édifice de la vaisselle d’époque impériale.

16 Pausanias, X 11, 5 ; Michaud, Blécon 1973, p. 2‑7.

17 Michaud, Blécon 1977, p. 10.

18 Voir Bommelaer 2015a, p. 91. L’hypothèse a été infirmée dans Laroche 2021.

19 Thüngen 1994, p. 167‑168, no 151, pl. 89.1 et complément 64.1.

20 Par exemple, les blocs angulaires de ces deux constructions sont pourvus de « louves horizontales » permettant d’ajuster précisément leurs positions en tirant le bloc grâce à ce dispositif.

21 Pour le nom d’Ophélandros qui confirme la datation du monument proposée en 1986 (Jacquemin, Laroche 1986), voir Luce 2008, p. 10, et pour le marché des arases, Bousquet 1989, 81 A, l. 21‑24.

22 Le cas du trésor des Thébains est différent, puisque sa construction a été financée par le butin fait moins lors de la bataille de Leuctres que lors des expéditions dans le Péloponnèse en 370 et 369.

23 Bousquet 1989, 74 II, l. 77‑78 : mention de travaux au synédrion de Delphes à l’automne 337.

24 Bommelaer 2015a, p. 92.

25 Voir le Télestérion d’Éleusis (Travlos 1988, p. 91‑169), édifice construit sous Périclès, que l’architecte Philon acheva entre 317 et 307 en lui adjoignant un porche (Vitruve, Sur l’architecture VII, praef. 17) et le prétendu « Hiéron » de Samothrace (Lehmann 1969) : le nom de Hiéron connu par les textes littéraires et les inscriptions, comme celui d’Anaktoron, ne renvoie pas à l’édifice que les archéologues appellent ainsi : voir Clinton 2003, p. 61 et n. 43. Nous évoquerons plus tard le parallèle qu’on peut établir avec un autre monument très proche, le monument de Nicias à Athènes, daté de 319/8. Sur ce point, voir Westcoat 2003.

26 L’édifice est connu par des inscriptions du iiie siècle relatives à des réparations (Choix 2012, 109 : les Étoliens honorent le Delphien Athaniôn qui s’occupe de la panoplie consacrée par les Amphictions, du gymnase, du grand portique, des ateliers et du local des naopes – deuxième tiers ou [plutôt] fin du iiie siècle ? ; Choix 2012, 110 : les Delphiens honorent l’entrepreneur Akidôn qui couvre avec les tuiles fournies par la cité l’hoplothèque de Pronaia, le gymnase du bas, le grand portique, le local des naopes, les ateliers – en 201/0 – archontat de Philaitôlos). Ce bâtiment n’est pas mentionné dans les comptes qui connaissent les substantifs ναοποιός (naope), ναοποιΐα (charge de naope) et le verbe ναοποιέω (être naope), mais il devait exister à l’époque de la construction du temple.

27 L’identification du lieu s’est très vite imposée et on la trouve déjà avant la Grande Fouille : elle repose sur le texte d’Eschine (Contre Ctésiphon 118) et la présence d’un mur à contrefort qui retient, depuis l’époque moderne, les terres du cimetière du village. Fr. Lefèvre (Lefèvre 1998, p. 194‑195) conclut que la phrase « procède d’une dramatisation rhétorique » et que « la localisation traditionnelle accumule les invraisemblances », et, tout en rappelant qu’un autre passage du même orateur (Sur l’ambassade infidèle 117) mentionne que les hiéromnémons se réunissent dans le sanctuaire, ce qui assure leur sécurité – il fait allusion à la réunion de 346 qui eut lieu dans un contexte de grande tension autour des Thermopyles.

28 Eschine, Contre Ctésiphon 118.

29 Lefèvre 1998, p. 205‑216, avec un bilan clair p. 213 : le synédrion se compose des vingt‑quatre hiéromnémons et des agoratres ou pylégores.

30 Pour E. Hansen, le temple d’Apollon est achevé à l’été 333 (Amandry, Hansen 2010, tableau p. 489).

31 Lamouille 2019, p. 616‑631.

32 Les comptes de Delphes conservés mentionnent une fois du bois macédonien en ca 342 (Bousquet 1989, 46 B III, l. 8‑14 : pour l’éditeur, il doit s’agit de poutres d’un hangar) et on peut supposer que les fournisseurs de cyprès qui se font payer au printemps 335 en philippes d’or, une monnaie toute nouvelle, sont des Macédoniens (Bousquet 1989, 76 II, l. 9‑12) et non les Sicyoniens chez qui les naopes, accompagnés de l’architecte, ont fait d’importants achats (Bousquet 1989, 60).

33 Andronikos 1984, p. 38‑46.

34 Michaud, Blécon 1977, p. 10, n. 1.

35 Thüngen 1994, p. 57‑58, no 13, pl. 10, complément 7 (Thermos, exèdre A) ; p. 65, no 27, pl. 18, complément 12 (Thermos, exèdre B).

36 Courby 1913-1927, p. 291‑294 ; Thüngen 1994, p. 65‑66, no 28, complément 13.

37 R. Demangel avait été fort embarrassé devant cette structure, car aucune de ses hypothèses ne résistait à un examen (Demangel 1926, p. 100‑107), et J. Bousquet avait conclu qu’il s’agissait d’une construction du début du xxe siècle apr. J.‑C., élevée au lendemain de la fouille, comme le prouve la mention de « construction sotirique » (du nom du contremaître Soritis Aghious, célèbre par ses murs de soutènement faits de remplois antiques) à côté de la photographie fig. 112 p. 101 de l’exemplaire de la maison de fouilles de Delphes. L’examen des photographies, en attendant un sondage, montre qu’il ne s’agit pas d’une crypte qui serait dépourvue d’accès, ni d’ailleurs d’une construction due au personnel de la fouille.

38 Le matériel qui y a été trouvé pourrait convenir à un rituel de fondation (Demangel 1926, p. 103‑105), mais sans être forcément lié à SD 43 ou plutôt à un éventuel prédécesseur.

39 Lefèvre 1998, p. 206 et 255.

40 Nous avons légèrement modifié la hauteur de la colonne de SD 43 (fig. 6) et il faut garder à l’esprit que la hauteur de la colonne du temple d’Apollon n’est pas assurée. Ce dernier point est en cours de vérification grâce aux relevés de tambours effectués en 2022 par une équipe du laboratoire Archéovision de l’université Montaigne à Bordeaux.

41 C’est un des résultats de l’inventaire architectural des blocs, montrant que le socle des murs latéraux était formé d’orthostates et non de degrés.

42 La sculpture de la tholos sera publiée par Ph. Jockey. Voir en attendant Jockey 2021.

43 Bommelaer 2015b.

44 Laroche 1992 ; Bommelaer 2015b.

45 St. Lamouille (IRAA-CNRS) est venu rejoindre l’équipe, qui bénéficie ainsi de son expertise sur les toitures.

46 Robert 1939, p. 46‑155.

47 Vitruve, Sur l’architecture IV 8, 2.

48 Voir Gros (éd.) 1992, p. 199‑205.

49 Hérodote, VIII 39 ; Pausanias, X 8, 7. La rotonde ne correspond pas à ce que ces auteurs disent de la localisation du sanctuaire de Phylakos.

50 Roux 1984, p. 161 ; voir aussi Roux 1988.

51 Bousquet 1960.

52 Laroche 1992, p. 216‑221.

53 Lerat 1985.

54 Choix 2012, 110.

55 Schleif, Zschietzschmann 1944 ; Herrmann 2013 (étude liée à l’anastylose partielle du monument à l’occasion des Jeux olympiques de 2004).

56 Malgré la présence d’un tel motif sur le larnax d’or qui contenait les restes de Philippe II, le motif est antérieur à ce roi – il figure, entre autres, sur les caissons de l’Héphaistéion à Athènes (Tancke 1989, p. 25, fig. 3) – et dans le monnayage de Philippe, il ne figure jamais comme type et n’apparaît que trois fois comme symbole secondaire (Le Rider 1978, monnayage d’argent nos 367‑373 : tétradrachmes frappés à Pella en 336/5 ; monnayage d’or no 59 : statères frappés à Pella en 345‑340 ou 342‑336. Le motif, associé aux Dioscures et au thème sotérique de la vie heureuse dans l’au‑delà, n’a été lié à la Macédoine qu’avec Démétrios Poliorcète, véritable inventeur du « bouclier macédonien » (Ritter 1981). L’association de l’étoile à la Macédoine a été facilitée chez les Modernes par le récit d’Hérodote sur l’origine de la monarchie argéade (VIII 137‑139), où il s’agit en fait du rond dessiné sur le sol de la maison du roi par le soleil à travers le trou de fumée.

57 Pausanias, V 20, 10.

58 À l’époque de Pausanias, les statues féminines avaient été déplacées dans l’Héraion (V 17, 4). P. Schultz (Schultz 2007), en se fondant sur les cuvettes de la base, a émis l’hypothèse que les statues que Pausanias avait vues étaient en fait en marbre doré, une idée combattue par Krumreich 2007 (p. 169). Selon Palagia 2010, l’Eurydice mentionnée par Pausanias serait non la mère de Philippe, mais sa dernière épouse, plus connue sous le nom de Cléopâtre, mais cette hypothèse n’a guère convaincu (Carney 2015, p. 90).

59 Roux 1988, p. 294.

60 Bommelaer 2015a, p. 88.

61 On peut songer aux Muses du Vatican, retrouvées près de Tivoli en 1774, que la recherche a associées au groupe original des Muses du temple d’Apollon près du portique d’Octavie à Rome, œuvre de Philiscos de Rhodes (Pline l’Ancien, HN XXXVI 34) ou à la mosaïque d’une villa du iiie siècle d’Élis où les symboles des Muses entourent la lyre, attribut d’Apollon (Yalouris 1996, p. 126, fig. 112).

62 Sur le sanctuaire de Dion au pied de l’Olympie, où se déroulait le concours scénique des Olympia consacré par le roi Archélaos à Zeus et aux Muses (Diodore, XVII 16, 3), voir Pandermalis 2011. Sur le lien entre la reine Eurydice et les Muses, voir Jacquemin 2019.

63 Miller 2000, p. 266‑271.

64 Mari 2002, p. 73‑202.

65 Daux 1949, p. 259‑260, no 5, pl. VIII ; Arena 2004-2005 (proposition de restituer la colonne perdue de la statue du roi de Macédoine sur la base dédiée par les Amphisséens).

66 Londey 1994.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 — Plan général de la terrasse avec indication des édifices étudiés dans cet article.
Crédits D. Laroche d’après Y. Fomine 1925.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 573k
Titre Fig. 2 — Plan levé au début de la fouille de Marmaria avec détail de SD 44.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 270k
Titre Fig. 3 — L’édifice SD 44 au ve siècle av. J.‑C. et après la construction de SD 43. Essai de restitution.
Crédits D. Laroche.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 267k
Titre Fig. 4 — Plan et élévations ouest et sud de l’édifice SD 43 (état ive siècle), avec plusieurs corrections par rapport aux restitutions de Michaud, Blécon 1977.
Crédits D. Laroche.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 552k
Titre Fig. 5 — Nouvelle restitution du pied du mur avec assise de 50,1 cm remplaçant les deux assises de krépis 1 et 2.
Crédits D. Laroche.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 233k
Titre Fig. 6 - Exacte correspondance des colonnes de SD 40 (« tholos ») et SD 43 après correction de son élévation.
Crédits H. Ducoux et D. Laroche.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 468k
Titre Fig. 7 — Installation des vingt‑quatre Amphictions et quarante‑huit pylagores (nombre minimal) dans la salle d’assemblée du synédrion, après l’érection au iiie siècle av. J.‑C. de l’exèdre étolienne au fond de la salle.
Crédits D. Laroche.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 310k
Titre Fig. 8 - Plan et élévation restitués de la rotonde de marbre SD 40.
Crédits D. Laroche.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 508k
Titre Fig. 9 — Plans comparés des plafonds de péristyle de SD 40 (Delphes) et du Philippéion d’Olympie.
URL http://journals.openedition.org/bch/docannexe/image/1265/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 414k
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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Jacquemin, Didier Laroche, Sandrine Huber et Manon Bublot, « Marmaria, l’hestiatorion, le synédrion et le Philippéion »Bulletin de correspondance hellénique, 145.1 | 2021, 87-113.

Référence électronique

Anne Jacquemin, Didier Laroche, Sandrine Huber et Manon Bublot, « Marmaria, l’hestiatorion, le synédrion et le Philippéion »Bulletin de correspondance hellénique [En ligne], 145.1 | 2021, mis en ligne le 15 novembre 2021, consulté le 07 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/bch/1265 ; DOI : https://doi.org/10.4000/bch.1265

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Auteurs

Anne Jacquemin

Université de Strasbourg, UMR 7044 Archimède

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Didier Laroche

École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg, UMR 7044 Archimède.

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Sandrine Huber

université de Lille, UMR 8164 Halma

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Manon Bublot

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