Avant‑propos
Texte intégral
- 1 « Varieties of Capitalism in the Mediterranean (18th-20th c.) » ; le programme de cette manifestati (...)
1Ce dossier prend appui sur les recherches développées dans le cadre du programme « Entreprises françaises en Grèce, xixe-xxie siècle » sous l’égide de l’École française d’Athènes depuis 2017 et sur les communications présentées lors d’une session du 4ème congrès international organisé par l’Association Hellénique d’Histoire Économique, qui s’est tenu à Athènes à l’Université Panteion de Sciences Sociales et Politiques du 29 septembre au 1er octobre 2022 et qui avait pour thème les variétés de capitalisme en Méditerranée du xviiie au xxie siècle1. L’ambition de cet ensemble de contributions produites par un collectif composé d’historiens d’universités grecques (universités de Thessalie, de Ioannina et université Polytechnique Nationale d’Athènes) et de chercheurs de laboratoires français (UMR TELEMMe et École des Ponts ParisTech) est d’analyser, au plus près des acteurs, la présence des entreprises, des entrepreneurs et des ingénieurs français en Grèce depuis le milieu du xixe siècle jusqu’à nos jours, en privilégiant tout aussi bien les mécanismes ayant guidé leurs choix stratégiques et leur fonctionnement sur place que leurs contributions au développement économique et technologique du pays d’accueil.
2Rationalité économique, stratégies d’expansion des marchés, perception de l’espace d’implantation, contacts personnels, affinités culturelles, obstacles juridiques, conjonctures politiques : le dosage de ces éléments varie selon les domaines d’activités, l’échelle de l’investissement et les époques considérées par les études de cas. Comparer les différentes démarches dans un large éventail de secteurs d’activités – principalement l’extraction minière, la métallurgie, les transports, les travaux publics ou encore l’armement et la construction navale – permet de mieux comprendre les ressorts ayant déterminé l’action de ces entreprises, de ces entrepreneurs et de ces ingénieurs.
3Avant comme après leur installation dans le pays, les initiatives françaises ont dû faire face à un environnement institutionnel, politique, social et culturel différent, entraînant à chaque étape une série de contraintes. Comment s’y sont‑elles adaptées pour penser leurs projets et développer leurs activités ? Les négociations préalables, la fiscalité, les privilèges et les exemptions sollicités, les rapports de force et les pressions politiques, la mise en œuvre de transferts technologiques et de mobilités de travailleurs étrangers vers la Grèce, la gestion du personnel local, mais aussi les modalités d’accueil ont conditionné l’établissement et le fonctionnement des entreprises. Peut‑on dégager une ligne de conduite plus ou moins stabilisée à travers le temps, une forme de culture commune produite progressivement par l’osmose des normes et des pratiques des deux partenaires ? Les travaux présentés ici montrent une grande variété de situations, mais aussi des liens importants et durables entre la France et la Grèce et leurs acteurs économiques et politiques, des attaches sans cesse renouvelées dans le cadre de l’évolution économique des deux pays et de leur processus d’industrialisation.
4Certaines études procèdent à un élargissement spatial pour examiner la stratégie des entreprises à l’échelle méditerranéenne afin d’insérer la Grèce dans un Orient perçu par la France comme un espace économique riche d’opportunités, et d’évoquer enfin le rôle prépondérant de Marseille, le grand port de la Méditerranée, siège de plusieurs Grecs de la Diaspora et foyer principal de la plupart des initiatives. Par un jeu de miroir, de similitudes et de différenciation, ces études permettent de mieux identifier et caractériser l’action des acteurs économiques français en territoire hellénique.
5Ce dossier entend enfin évaluer à force d’exemples les résultats de cette présence française, non seulement ceux des entreprises et des hommes venus tenter leur chance en Grèce, mais aussi ceux finalement obtenus pour l’économie et la société grecques. Il faut ici s’éloigner des discours du xixe siècle, et parfois même de représentations plus récentes, qui percevaient la présence économique française soit comme une activité prédatrice des « richesses nationales grecques », soit comme la dynamique extérieure offrant à la Grèce les indispensables moyens de sortir son économie d’un retard profondément ancré. Dans quelle mesure les initiatives françaises ont‑elles contribué au développement économique hellénique au cours des différentes périodes de l’époque contemporaine ? Ont‑elles joué un rôle majeur pour l’intégration de la Grèce dans les circuits techniques, industriels et financiers des étapes successives de l’industrialisation européenne ? Pour quels bénéfices mutuels ? C’est à l’ensemble de ces questions que ce dossier entend fournir des éléments de réponse par des études de cas couvrant la majeure partie des activités exercées par les Français dans l’économie grecque des deux derniers siècles. Les travaux décrivent finalement des relations franco-helléniques jamais univoques, toujours nuancées, et confirment le caractère heuristique d’une étude par les acteurs pour comprendre la diversité des situations, la force des liens interpersonnels ou des affinités culturelles et le poids des conjonctures économique et politique.
Notes
1 « Varieties of Capitalism in the Mediterranean (18th-20th c.) » ; le programme de cette manifestation est consultable en ligne : https://www.panteion.gr/wp-content/uploads/2022/09/Program-booklet-for-upload.pdf
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Christina Agriantoni et Olivier Raveux, « Avant‑propos », Bulletin de correspondance hellénique moderne et contemporain, 8 | -1, 3-4.
Référence électronique
Christina Agriantoni et Olivier Raveux, « Avant‑propos », Bulletin de correspondance hellénique moderne et contemporain [En ligne], 8 | 2023, mis en ligne le 27 décembre 2024, consulté le 12 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/bchmc/1173 ; DOI : https://doi.org/10.4000/130w4
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