Introduction

1En 2021, le Gaaf (Groupe d’anthropologie et d’archéologie funéraire) et la SAP (Société d’Anthropologie de Paris) ont constitué un groupe de travail avec pour objectif de dresser un panorama aussi exhaustif que possible de la communauté professionnelle en anthropologie biologique et en archéo-anthropologie sur le territoire français (DROM compris).

2Deux actions ont été menées en parallèle afin de mieux définir notre communauté :
- un recensement des acteurs de l’anthropologie via les données nationales disponibles (sites web des laboratoires, listing des sociétés savantes, etc.) pour en connaître le nombre et les statuts ;
- une enquête composée d’un questionnaire quantitatif et qualitatif détaillé auquel une partie de cette communauté a répondu, afin de disposer de données plus précises sur les actrices et acteurs qui animent la discipline.

3Nous commencerons par exposer les principales caractéristiques de la communauté professionnelle nationale en anthropologie biologique et en archéo-anthropologie à partir des données du recensement, puis nous présenterons les résultats de l’enquête.

Recensement de la communauté professionnelle en anthropologie biologique et archéo-anthropologie en France

4Le recensement de la communauté s’est appuyé notamment sur les informations disponibles sur les sites internet des unités de recherche et de la connaissance du paysage professionnel qu’ont collectivement les membres de ce groupe de travail. L’objectif était de s’approcher au mieux de la réalité de la communauté étudiée, d’une part pour en décrire les principales caractéristiques générales, et d’autre part pour pouvoir vérifier à quel point les résultats de l’enquête pouvaient être considérés comme représentatifs de cette communauté. Ce travail a été réalisé pour produire un instantané de cette communauté pour l’année 2022, dernière des 5 années de la période couverte par l’enquête.

5Nous avons décompté pour l’année 2022 un total de 348 personnes ayant une activité salariée en France dans les domaines de l’anthropologie biologique et de l’archéo-anthropologie. Cela paraît peu pour un pays comme la France qui possède une longue tradition de recherche, et ce d’autant plus dans un domaine où les Français ont été moteurs à bien des égards méthodologiques. Il est bien sûr inéluctable que le groupe de travail n’a pas été tout à fait exhaustif dans sa compilation, mais il est très probable que les résultats compilés soient suffisamment proches de la réalité pour donner une image fidèle de la communauté étudiée.

6Les actrices et acteurs de la discipline se répartissent pour moitié (n=174) dans le domaine académique et pour moitié dans le domaine non académique, avec 160 personnes travaillant dans le domaine de l’archéologie préventive et 14 personnes dans d’autres domaines (collectivités territoriales, ministère de la Culture, etc.) (figure 1).

7Avec 223 femmes et 125 hommes, la communauté est globalement très féminisée. Cette tendance est nettement plus marquée dans le domaine de l’archéologie préventive (72 % de femmes) (figure 2). C’est un point important à considérer en comparant des résultats entre académique et préventif, afin de ne pas introduire de biais de genre.

8Dans ce travail de recensement visant à décrire l’ensemble de la communauté, le groupe de travail a considéré "par défaut" que tous les collègues travaillant en archéologie préventive relevaient du champ disciplinaire de l’archéologie funéraire, ce qui est bien sûr réducteur. En outre, un seul champ disciplinaire a été associé à chaque personne, ce qui, là aussi, est réducteur. L’enquête, permettant aux répondants de choisir jusqu’à quatre champs disciplinaires, offre une vision plus nuancée. Mais nous proposons ici une première description de la variété des champs disciplinaires dans le monde académique (figure 3). Il est dominé par l’archéologie funéraire, les approches (paléo)génétiques/génomiques et la paléoanthropologie, ces trois champs représentant 69 % des 174 collègues travaillant dans le monde académique.

9Il existe un certain effet du genre sur les champs disciplinaires, les femmes étant plus représentées en archéologie funéraire et (paléo)génétique/génomique, les hommes en paléoanthropologie. Même si l’effectif est faible, il est notable de constater que la totalité des personnes relevant de la (paléo)biogéochimie/protéomique sont des femmes.

10Le plus gros employeur en France pour l’anthropologie biologique et l’archéo-anthropologie est l’Inrap, suivi de près par les universités puis le CNRS (figure 4). Il convient cependant de préciser que la grande majorité des doctorants ayant leur contrat doctoral opéré par les universités, ils contribuent très fortement au poids des universités dans l’emploi (notre recensement a décompté 44 doctorants sur 81 personnes employées par les universités, soit plus de la moitié). Hors étudiants, les personnels employés par les universités dans nos disciplines ne représentent donc que moins de 11 % des effectifs.

11En ce qui concerne l’implication des actrices et acteurs de la discipline dans les deux sociétés savantes ayant mené le présent travail, sur l’ensemble de l’effectif, à peine 60 % sont membres de l’une et/ou l’autre (en tout, 38,8 % sont membres de la SAP et 26,4 % sont membres du Gaaf) (figure 5). Cette situation est regrettable. À l’heure où la recherche est menacée de multiples façons, les sociétés savantes représentent des lieux d’échanges et de structuration des disciplines, offrant la tenue régulière de colloques et la possibilité de publications dans un système vertueux. Avec un nombre de personnes très faible travaillant dans ce domaine, notre discipline reste fragile. L’implication insuffisante des actrices et acteurs dans les sociétés savantes contribue à la fragiliser davantage.

12Il n’y a aucune différence sur ce point entre les actrices et acteurs du monde académique et du monde préventif où un pourcentage équivalent (41 %) ne sont membres d’aucune des deux sociétés. La principale différence réside dans le fait que les professionnels du secteur académique sont essentiellement membres de la SAP alors que ceux du secteur préventif sont majoritairement membres du Gaaf. Il est normal que ce soit le cas car les deux sociétés ont des périmètres différents, même s’ils se chevauchent en partie et que leur complémentarité est une richesse (la SAP est une société dédiée à l’anthropologie biologique au sens large, le Gaaf fédère les recherches ayant pour but la compréhension des pratiques mortuaires du passé). Il y a cependant une asymétrie supplémentaire dans cette situation puisque 19 % des personnels du secteur préventif sont membres de la SAP alors que 5 % seulement des personnels du secteur académique sont membres du Gaaf. Finalement, l’ampleur de ces déséquilibres traduit une séparation bien trop marquée entre les secteurs préventif et académique.

13Concernant le laboratoire d’affiliation des personnels, la figure 6 montre les unités comptant au moins 5 personnels du domaine académique relevant de l’anthropologie biologique ou de l’archéo-anthropologie. Cela représente sept laboratoires qui regroupent à eux seuls 75,9 % des anthropologues (UMR 7206 Eco-anthropologie, Paris ; UMR 5199 PACEA, Bordeaux ; UMR 7268, Marseille ; UMR 7194 HNHP, Paris ; UMR 5288 CAGT, Toulouse ; UMR 7269 LAMPEA, Aix-en-Provence ; UMR 7262 PALEVOPRIM, Poitiers). Les 42 autres personnes (24,1 % des académiques) sont dispersées dans pas moins de 21 unités.

14La figure 6 montre de façon similaire l’affiliation des personnels du domaine préventif pour les unités regroupant au moins 5 d’entre eux. On y retrouve les trois plus "gros" laboratoires d’anthropologie pour les académiques, mais dans un ordre différent. Il importe de préciser que seules 87 personnes du préventif (54,4 %) sont affiliées à un laboratoire. Parmi celles-ci, plus de la moitié sont donc affiliées à l’une des quatre unités regroupant plus de 5 personnels du préventif, les 41 autres (47,1 %) étant affiliées à 16 autres unités.

15Enfin, le dernier point qui peut être abordé dans ce panorama général concerne le niveau de précarisation évalué ici par le nombre de CDD. Le pourcentage de CDD est très similaire entre le domaine académique (17 %, ici les contrats doctoraux sont exclus) et celui de l’archéologie préventive (19 %) (figure 7). Dans le détail, au sein du secteur préventif, le taux de CDD est très faible dans les sociétés privées d’archéologie préventive (6 %), plus élevé à l’Inrap (18 %) et important dans les collectivités territoriales (32 %). Dans le secteur académique, hors doctorants, le taux de CDD est bas au CNRS (7 %), élevé au MNHN (28 %) et dans les universités (27 %). Les personnels en emploi stable sont deux fois plus nombreux au CNRS (n=55) que dans les universités (n=27). Ils sont 13 au MNHN et 2 à l’EPHE. Au total, d’après notre recensement, le secteur académique emploie donc 97 personnes en situation pérenne, soit moins de 28 % de toutes les personnes travaillant en France dans le domaine de l’anthropologie biologique et de l’archéo-anthropologie.

Résultats de l’enquête

16L’enquête en ligne avait pour objectif de mieux connaître la communauté anthropologique française, les membres qui la constituent, leur parcours, les formations diplômantes et leur reconnaissance, les débouchés, la précarité des emplois, les pratiques de publications, de formation et de médiation, les terrains, les financements et la relation entre monde préventif et monde académique. Elle a été réalisée de façon anonyme via le logiciel SphinxOnline mis à notre disposition par le consortium HumaNum.

17Le questionnaire en ligne comprenait 58 questions réparties en 8 sections, en lien avec les objectifs définis précédemment : Profil ; Cursus et diplômes ; Situation professionnelle ; Évaluation de la précarité de l’emploi et évolution des carrières ; Champs d’activités ; Productions ; Lien avec le monde académique (partie réservée aux acteurs du préventif) ; Commentaires libres. Il est disponible en version intégrale en Matériel supplémentaire. Compte-tenu de l’objectif, les personnes visées étaient toute personne ayant eu une activité rémunérée (ou inscrite en doctorat) en France entre le 1^er janvier 2018 et le 31 décembre 2022 dans le domaine de l’anthropologie biologique et de l’archéo- anthropologie, quel que soit le contexte chrono-culturel ou le continent concerné par cette activité. N’étaient pas inclus dans la cible de cette enquête les étudiants en Master, les personnes déjà retraitées en 2018 ou encore les collègues ayant une activité scientifique dans le domaine concerné mais tout en ayant une activité professionnelle autre (domaine médical notamment). Les possibilités de réponses ont été la plupart du temps formatées afin que les résultats puissent ensuite être exploités : sous forme de cases à cocher, de textes courts (quelques mots ou une date), de curseur à glisser, de texte à ordonner (glisser-déposer), d’occurrences à définir (de jamais à très fréquent), etc. La collecte a eu lieu de janvier à juillet 2023. Le temps moyen de saisie des réponses a été de 21 minutes.

Profil des répondants

18Ont répondu à l’enquête 210 personnes, soit environ les deux tiers de la communauté identifiée dans notre recensement mené indépendamment. Les actrices et acteurs du secteur préventif ont été beaucoup plus nombreux à répondre, représentant les deux tiers des répondants (alors qu’ils représentent la moitié de la communauté globale seulement, figure 8). Si l’on compare le nombre de répondants aux effectifs que nous avons estimés dans le recensement évoqué ci-dessus, on peut en effet constater que plus des trois quarts des personnels du secteur préventif ont répondu à l’enquête contre bien moins de la moitié des personnels du secteur académique. Il est donc légitime de considérer que les réponses à l’enquête concernant le secteur préventif seront représentatives de cette communauté alors qu’il est possible que des biais affectent celles du secteur académique. Parmi les raisons pouvant contribuer à cette nette différence du taux de répondants entre les secteurs académique et préventif, on peut écarter celle d’une diffusion inégale de l’information. En effet, celle-ci s’est faite principalement par les canaux du Gaaf et de la SAP, et les personnes qui ne sont membres d’aucune des deux associations représentent très exactement la même proportion (41 %) des secteurs académique et préventif. Les raisons, probablement multiples, sont donc à chercher ailleurs.

19Les répondants sont pour 69 % des femmes et pour 31 % des hommes (figure 9) ce qui est très proche de ce que nous avons évalué lors du recensement de la communauté (64 % contre 36 %). La répartition des genres pour chaque secteur est également très proche ici de celle du recensement de sorte que l’on peut la considérer représentative que ce soit globalement ou par secteur.

20La majorité des répondants ont entre 30 et 49 ans quel que soit leur genre mais l’on constate que la cohorte des femmes est globalement plus jeune avec 83 % des répondantes qui ont moins de 50 ans contre seulement 68 % des répondants (figure 10). En envisageant un âge moyen très approximatif de début d’activité professionnelle vers 30 ans, cela traduit donc une féminisation des métiers de notre domaine depuis une vingtaine d’années, phénomène qui est allé en s’accentuant (la féminisation des 30-39 ans étant supérieure à celle des 40-49 ans) et qui est beaucoup plus marqué dans le secteur de l’archéologie préventive que dans le secteur académique. Les femmes de moins de 40 ans représentent en effet 38 % des personnes qui ont répondu à l’enquête dans le secteur du préventif, contre 28 % pour le secteur académique.

21Parmi les répondants, 6 % sont étrangers (11 % dans le secteur académique et seulement 3 % dans le secteur préventif). C’est un pourcentage faible, notamment pour le secteur académique où l’internationalisation est plus marquée (à titre d’exemple, environ le quart des chercheurs au CNRS est de nationalité étrangère).

22La principale différence dans les pourcentages d’appartenance aux sociétés animant nos champs disciplinaires entre le recensement et l’enquête est que la proportion des répondants à l’enquête n’étant membre d’aucune des deux associations est nettement plus faible que ce qui est le cas pour l’ensemble de la communauté, aussi bien dans le secteur académique (19 % de non membres ici contre 41 % pour l’ensemble de la communauté académique) ou dans le secteur préventif (32 % de non membres ici contre 41 % pour l’ensemble de la communauté de l’archéologie préventive) (figure 11). Il y a donc un certain biais puisque l’enquête n’a que trop partiellement touché les collègues qui ne sont pas membres de nos associations. Cela peut avoir plusieurs raisons : diffusion qui s’est faite beaucoup par les canaux des associations, collègues non membres étant de fait moins impliqués et pouvant ne pas avoir répondu même s’ils étaient au courant de l’enquête, etc. En revanche, les personnels du secteur académique qui sont membres du Gaaf ont beaucoup répondu à l’enquête puisqu’ils ne représentent que 5 % de ce secteur dans le recensement, mais 28 % des répondants.

23On retrouve par ailleurs la logique de l’ensemble de la communauté telle qu’évaluée dans le recensement, où les personnes travaillant dans le milieu académique sont surtout membres de la SAP (68 % ici, 57 % dans le recensement) alors que celles travaillant dans le milieu de l’archéologie préventive sont surtout membres du Gaaf (62 % ici, 49 % dans le recensement).

Situation professionnelle

24Les trois premiers employeurs des répondants sont l’Inrap, les collectivités territoriales et les sociétés privées d’archéologie préventive (figure 12). Parmi les répondants du secteur académique, l’université présente un pourcentage égal au CNRS car les doctorants sont le plus souvent en contrat dans une université et viennent fortement contribuer à ce pourcentage. Comparé aux résultats du recensement (figure 4), les personnels du secteur préventif, notamment ceux de l’Inrap, des collectivités territoriales et des sociétés privées d’archéologie préventive, ont davantage répondu à l’enquête, tandis que les réponses des personnels des universités, des organismes de recherche et du MNHN sont sous-représentées, avec une différence particulièrement marquée pour les universités.

25Sur l’ensemble des répondants, le pourcentage d’hommes en CDI est un peu plus élevé que celui des femmes, la différence ne se faisant pas sur le pourcentage de personnes en CDD, à peu près identique, mais sur les personnes en recherche d’emploi ou entre deux contrats, nettement plus important chez les femmes (figure 13). Dans le secteur du préventif, l’effet de genre sur la précarisation est beaucoup plus marqué avec un pourcentage de femmes en CDI très inférieur à celui des hommes. Le pourcentage de femmes en CDD est très supérieur à celui des hommes et ce n’est que chez les femmes que l’on trouve également des personnes en recherche d’emploi ou entre deux contrats. Dans le secteur académique, la situation est plus équilibrée, le pourcentage de femmes en CDI est même très légèrement supérieur à celui des hommes. Le pourcentage de femmes en CDD est inférieur à celui des hommes. En revanche, le pourcentage de femmes en recherche d’emploi ou entre deux contrats est très supérieur à celui des hommes. Il y a donc globalement un net effet de genre sur la précarisation, mais qui se manifeste différemment entre le secteur académique et le secteur préventif. Dans le secteur préventif, la précarisation touche aussi bien un plus fort taux de CDD chez les femmes qu’un plus fort taux de non emploi, alors que dans le secteur académique, c’est l’accès à l’emploi seul qui est concerné.

26Parmi les 133 répondants bénéficiant d’un CDI, 40 % font partie du corps des chercheurs, 36 % de celui des ingénieurs, et 7 % de celui des techniciens (figure 14). Les 22 personnes ayant répondu "autre" à cette question proviennent toutes du secteur préventif, indiquant soit qu’elles ont un emploi ne correspondant effectivement à aucune de ces catégories, soit qu’elles ignorent à laquelle de ces catégories, relevant plus du secteur académique, correspond leur emploi. Dans le corps des chercheurs, il y a environ deux fois plus de chargés de recherches et assimilés que de directeurs de recherches et assimilés. Dans le corps des ingénieurs, il y a un peu plus d’ingénieurs d’étude ou assimilés que d’ingénieurs de recherche. Presque tous les techniciens sont spécialisés.

27Dans le secteur académique, 85 % des personnels sont des chercheurs, répartis à parts égales entre les grades de directeur de recherche (ou équivalent) et de chargé de recherche (ou équivalent). Le corps des ingénieurs, exclusivement de recherche, représente 12,5 % des effectifs en CDI, tandis que les techniciens spécialisés constituent les 2,5 % restants. Dans le secteur préventif, il n’y a pas de directeurs de recherche ou équivalents. Les chercheurs y sont tous chargés de recherche (ou équivalents) et représentent un peu plus de 20 % des employés en CDI. Le secteur préventif compte principalement des ingénieurs, avec une majorité d’ingénieurs d’étude (ou assimilés) par rapport aux ingénieurs de recherche.

28Parmi les répondants en CDI du secteur académique, il y a un équilibre entre les grades du corps des chercheurs, que ce soit pour les hommes ou les femmes (figure 15). Le pourcentage de femmes dans le corps des chercheurs est un peu inférieur à celui des hommes. Symétriquement, le pourcentage de femmes ingénieures de recherche est un peu supérieur à celui des hommes. Dans le secteur préventif, la proportion de femmes dans le corps des chercheurs est un peu inférieure à celle des hommes. Dans le corps des ingénieurs, la proportion de femmes ingénieures de recherche est très inférieure à celle des hommes et à celle des femmes ingénieures d’étude, qui est, elle, en outre supérieure à celle des hommes ingénieurs d’étude. La proportion de femmes techniciennes est également très supérieure à celle des hommes. En tout, dans le secteur préventif, 34,3 % des femmes ont un emploi dans les deux catégories de grade les plus élevés, contre 50 % des hommes. Rappelons que les femmes représentent plus des trois quarts des répondants à cette enquête pour le secteur préventif (figure 9) et que la très forte proportion de femmes jeunes dans le secteur préventif (figure 10) induit un déséquilibre marqué. En outre, la part importante de personnes ayant répondu "autre" peut aussi contribuer à biaiser en partie les résultats. En fait, dans le secteur préventif, les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans tous les grades : elles représentent 70 % des chargés de recherche ou assimilés, 56 % des ingénieurs de recherche, 78 % des ingénieurs d’étude ou assimilés, 86 % des techniciens spécialisés, 100 % des techniciens non spécialisés et 73 % de la catégorie autre.

Évaluation de la précarité de l’emploi et évolution des carrières

29Pour les 19 personnes sans emploi lors de l’enquête, 7 déclarent que leur précédent emploi ne correspondait pas à leur diplôme. Environ les trois quarts (14 sur 19) occupaient précédemment un emploi en CDD d’1 an maximum avant d’être sans emploi. Dans le secteur académique, sur les 8 personnes sans emploi, 5 occupaient précédemment un emploi dans le cadre d’un CDD de 2 ans ou plus alors que dans le secteur préventif, la totalité des 11 personnes sans emploi occupaient précédemment un emploi dans le cadre d’un CDD d’1 an maximum. Concernant les sans emploi, 17 des 19 personnes l’étaient depuis moins de 6 mois, sans différence entre secteurs académique et préventif.

30Sur les 53 répondants en CDD, 4 seulement déclarent ne pas avoir un emploi correspondant à leur dernier diplôme. Les deux durées de CDD les plus fréquentes sont les CDD de moins de 6 mois et entre 2 et 3 ans, chacune pour près d’un tiers de l’ensemble des répondants (figure 16). Il existe sur ce point des différences entre secteurs académique et préventif puisque dans le secteur académique, près de la moitié des agents en CDD ont un contrat entre 2 et 3 ans et plus du quart entre 1 et 2 ans. Les CDD de moins de 6 mois représentent moins de 10 %. Dans le préventif, ces CDD de moins de 6 mois sont au contraire de loin les plus nombreux puisqu’ils représentent près de la moitié des cas. La seconde catégorie la plus fréquente est celle des CDD de 6 à 12 mois. Les contrats d’1 an maximum concernent donc près de 7 personnes sur 10 en CDD dans le secteur préventif. Les effectifs sont trop faibles pour que l’analyse des résultats concernant l’effet de genre dans chacun des deux secteurs soit pertinente.

31Quel que soit le type de contrat (CDI ou CDD), près des deux tiers des répondants ont eu un contrat préventif et un peu plus d’un tiers un contrat académique, les autres types de contrat restant marginaux (figure 17). Logiquement, 8 personnes sur 10 déclarant au moment de l’enquête un emploi dans le secteur académique ont occupé entre 2018 et 2022 des emplois relevant de ce secteur. Mais certaines d’entre elles ont occupé d’autres types emploi dans toutes les catégories. Dans le secteur préventif, ce sont quasiment 95 % des personnes qui déclarent des contrats occupés dans le secteur où elles travaillent encore au moment de l’enquête. À part les contrats académiques qui ont aussi été occupés par un peu plus de 10 % des répondants de ce secteur, les autres types de contrat sont encore plus marginalement représentés que dans le secteur académique. Il n’y a pas de différence marquée entre hommes et femmes au sein de chaque secteur sur ce point.

32Les personnes qui ont occupé un ou des contrats académiques entre 2018 et 2022 (quels que soient le type de contrat et le secteur actuel, académique ou préventif, où travaillaient ces personnes au moment de répondre à l’enquête) sont 6 sur 10 à n’en avoir occupé qu’un seul et plus d’une sur 4 à en avoir occupé 2 ou 3 (figure 18). Seuls 13 % de ces personnes ont occupé plus de trois contrats académiques en 5 ans. Concernant les personnes qui ont été en contrat dans le secteur préventif, 55 % n’ont eu qu’un seul contrat, une part légèrement moins élevée que pour les contrats académiques. Par rapport à ceux-ci, il y a environ moitié moins de personnes (12 %) qui ont occupé deux ou trois contrats préventifs, mais beaucoup plus, un tiers, qui a occupé plus de trois contrats préventifs en 5 ans.

33Concernant les contrats académiques, les hommes sont 69 % à n’en avoir occupé qu’un seul alors que les femmes ne sont que 55 % (figure 19). Il y a peu de différences concernant la proportion de personnes ayant occupé deux ou trois contrats académiques (24 % pour les hommes, 28 % pour les femmes), mais il y a une nette différence pour celles en ayant occupé plus de trois avec 17 % de femmes contre seulement 6 % d’hommes, aucun homme n’ayant en outre eu plus de cinq contrats académiques en 5 ans alors que plusieurs femmes sont dans ce cas.

34En ce qui concerne les contrats occupés dans le secteur préventif (figure 20), le même type de différence peut être observé avec 66 % des hommes n’ayant eu qu’un seul contrat en 5 ans contre 52 % des femmes. Il n’y a pas de différence pour les personnes ayant occupé deux ou trois contrats entre les femmes (13 %) et les hommes (14 %). Mais les femmes sont proportionnellement plus nombreuses (35 %) que les hommes (20 %) à avoir occupé plus de trois contrats en 5 ans et notamment à en avoir occupé plus de cinq (29 % des femmes contre 13 % des hommes).

35Si l’on se penche maintenant sur la durée cumulée des contrats occupés (figure 21), la proportion de personnes ayant eu un ou des contrat(s) dans le secteur académique pour toute la période couverte par l’enquête est de 45 %, contre 51 % pour les contrats préventifs. C’est surtout pour les durées les plus faibles que de nettes différences peuvent être observées puisque 26 % des personnes ont eu des contrats académiques avec une durée cumulée de moins d’1 an contre seulement 10 % des personnes avec des contrats préventifs.

36Il y a un net effet du genre sur la question de la durée des contrats puisque 55 % des hommes ont eu un contrat dans le secteur académique sur toute la période couverte par l’enquête, contre seulement 39 % des femmes (figure 22). Les femmes sont en outre 32 % à avoir eu des contrats académiques pour une durée inférieure à 1 an contre seulement 17 % des hommes.

37La différence est un peu moins marquée concernant les contrats préventifs, avec 59 % des hommes ayant eu un contrat sur toute la période couverte par l’enquête contre 50 % des femmes (figure 23). Il n’y a pas ici de différence marquée entre les femmes et les hommes pour les durées de travail de moins d’1 an, les différences sur situant pour les durées entre 1 et 4 ans, correspondant à 27 % des hommes contre 42 % des femmes.

38Concernant le nombre d’employeurs, plus du tiers des personnes ayant été sous contrat académique n’en a eu qu’un seul et 27 % que deux (figure 24). Seules 8 % des personnes en contrat académique ont eu plus de deux employeurs en 5 ans. La proportion de personnes n’ayant eu qu’un seul employeur dans le cadre d’un contrat préventif (63 %) est à peine inférieure à ce qui est le cas pour les contrats académiques. Il y a en revanche une proportion moins importante de personnes ayant eu deux employeurs avec des contrats préventif (18 %) que pour les contrats académiques, et symétriquement, une plus grande proportion ayant eu plus de deux employeurs dans le secteur préventif (19 %) que ce qui est le cas pour les contrats académiques.

39Il n’y a pas de différence entre les hommes et les femmes qui n’ont eu qu’un seul employeur dans le cadre de contrats académiques avec environ deux tiers des uns comme des autres (figure 25). Les hommes sont en proportion un peu plus nombreux (31 %) que les femmes (25 %) à avoir eu deux employeurs. Seul un homme a eu plus de deux employeurs dans le cadre de contrats académiques, ce chiffre étant plus élevé pour les femmes (5, soit 12 % des effectifs).

40Pour les personnes ayant travaillé dans le cadre de contrats préventifs (figure 26), les hommes sont proportionnellement un peu plus nombreux que les femmes à avoir eu un seul employeur (69 % contre 61 %) ou deux (21 % contre 17 %), impliquant par là même que les femmes ayant eu plus de deux employeurs représentent une part plus importante (22 %) que les hommes (10 %).

41En ce qui concerne les promotions (figure 27), sur l’ensemble des répondants, près de 4 personnes sur 10 ont changé de catégorie/grade, près de 2 sur 10 ont décroché un CDD après avoir été sans emploi, et un peu plus d’1 personne sur 10 est passée d’un CDD à un CDI. Mais 16 % des personnes déclarent avoir vu leurs responsabilités augmenter sans augmentation salariale, et un tiers n’a bénéficié d’aucune évolution de carrière en 5 ans. Les principales différences entre les secteurs académique et préventif sur ces points concernent les personnes qui ont eu plus de responsabilité sans augmentation salariale associée, bien plus nombreuses dans le secteur préventif (plus de 20 %) que dans le secteur académique (un peu plus de 5 %). De façon plus positive, c’est aussi dans le secteur préventif que les personnes qui sont passées d’un grade/catégorie à un autre sont proportionnellement plus nombreuses (près de 42 %) que dans le secteur académique (près de 34 %).

42Dans le secteur académique (figure 28), les hommes sont plus nombreux (plus de 20 %) que les femmes (15 %) à avoir obtenu un CDD alors qu’ils étaient sans emploi, mais ils sont moins nombreux (un peu moins de 9 %) à avoir vu leur CDD passer en CDI que les femmes (12,5 %) ou à avoir changé de catégorie/grade (26,5 % contre 40 %). Les hommes sont aussi un peu plus nombreux (près de 9 %) à avoir eu plus de responsabilités sans augmentation salariale que les femmes (2,5 %) et à n’avoir bénéficié d’aucune évolution de carrière (plus de 38 % contre 27,5 % pour les femmes). Dans le secteur préventif, les femmes sont un peu plus nombreuses (21 %) que les hommes (16 %) à avoir décroché un CDD après avoir été sans emploi. Près de 43 % de femmes sont passées d’un grade/catégorie à un autre contre près de 39 % des hommes. Près d’un quart de femmes s’est vu assumer plus de responsabilités sans augmentation salariale alors que ce n’est le cas que d’un peu moins d’1 homme sur 10. Mais le pourcentage d’hommes n’ayant eu aucune évolution de carrière en 5 ans est plus élevé (42 %) que pour les femmes (30,5 %).

Cursus et diplômes

43Sur l’ensemble des répondants, l’immense majorité des personnes ayant une activité professionnelle dans le domaine de l’anthropologie biologique et de l’archéo-anthropologie a au moins un diplôme de Master, avec une infime différence entre les hommes et les femmes (figure 29). Environ 4 personnes sur 10 ont une thèse et environ 1 sur 10 une HDR, avec cette fois une disparité assez importante entre les hommes et les femmes, le déséquilibre entre les deux augmentant avec le niveau de diplôme. Il n’y a pas de différence entre les secteurs académique et préventif concernant les quelques personnes ayant un emploi salarié sans avoir de Master, très peu nombreuses. Toutes sont des femmes. Il y a en revanche une grande différence entre les deux secteurs concernant les thèses et les HDR puisqu’environ les trois quarts des personnes travaillant dans le secteur académique ont une thèse contre un cinquième dans le secteur préventif. Près de 30 % des personnes travaillant dans le secteur académique sont également titulaires d’une HDR alors que ce n’est le cas d’aucune personne répondante travaillant dans le secteur préventif. La nécessité d’être titulaire d’une HDR pour postuler à des postes de rang A (professeur et directeur de recherche), qui existe dans le secteur académique mais pas dans le préventif, explique sans doute tout ou partie de ces différences. Les différences de genre affectant les titulaires d’une thèse sont anecdotiques dans le secteur préventif, avec un très léger avantage pour les femmes. C’est également le cas, de façon un peu plus sensible, dans le secteur académique où le pourcentage de femmes titulaires d’une thèse est supérieur à celui des hommes. La tendance s’inverse totalement en ce qui concerne l’HDR où le pourcentage d’hommes habilités est nettement plus élevé que celui des femmes. Parmi ceux et celles qui ont une HDR, on constate que le délai moyen entre le doctorat et l’habilitation est de 12 à 13 ans chez les hommes comme chez les femmes.

44Concernant les lieux d’obtention des diplômes, précisons pour commencer qu’un travail d’homogénéisation par ville a été réalisé pour tenir compte au mieux de l’évolution du paysage universitaire (changement de noms d’universités, fusion, etc.). En ce qui concerne la formation, on constate que Bordeaux est nettement le principal vivier des actrices et acteurs de nos disciplines, que ce soit pour le secteur académique ou préventif (figure 30). Le MNHN a formé des personnes travaillant dans le secteur académique uniquement. Celles formées dans les universités parisiennes travaillent essentiellement dans le secteur préventif. C’est à Aix-Marseille qu’une majorité des thèses des personnes du secteur du préventif ont été soutenues. Enfin, il est intéressant de constater que les lieux de formation des acteurs du secteur préventif sont plus diversifiés que ceux des acteurs du secteur académique.

Champs d’activités/disciplinaires

45Lorsque l’on demande aux actrices et acteurs de nos disciplines de nommer leur métier (figure 31), le terme qui est de loin le plus utilisé est celui d’archéo-anthropologue, avec 41 % des réponses. Si l’on y ajoute des termes proches comme archéologue, archéologue funéraire ou archéothanatologue, ce sont plus de 60 % des répondants qui décrivent leur métier par des termes en lien avec l’archéologie, ce qui traduit en partie le poids important des actrices et acteurs du secteur préventif dans les répondants. Si l’on ne regarde que les collègues de ce secteur, ces termes en lien avec l’archéologie représentent en effet plus de 81 % des réponses, seuls un peu plus de 10 % des personnes travaillant dans le secteur préventif se qualifiant d’anthropologue. Dans le secteur académique, les réponses sont plus variées, les deux termes les plus fréquemment cités, tous deux à près de 20 %, étant archéo-anthropologue et paléoanthropologue, suivis d’anthropologue biologiste (16,7 %) et anthropologue (12,5 %). Si l’on regroupe les termes en lien avec l’archéologie, près de 28 % des collègues du secteur académique se définissent en ces termes. Il faut préciser que ce verbatim a été obtenu en homogénéisant les propositions des répondants (par exemple, trait d’union ajouté pour tous dans "archéo-anthropologue" ou spécialités conservées au masculin seul).

46Les différences entre le secteur académique et préventif ne concernent que certains champs (figure 32). Logiquement, c’est dans le secteur académique que se fait surtout la recherche en primatologie, en paléoanthropologie, en bioanthropologie du vivant/de la santé/épidémiologie, en (paléo)génétique/génomique et en (paléo)biogéochimie/protéomique. L’archéologie funéraire et la paléopathologie sont plus présentes dans le secteur préventif, même si ces deux champs sont bien représentés également dans le secteur académique. La bioanthropologie du squelette, l’anthropologie médico-légale et la gestion des collections/conservation ne montrent pas de différences importantes entre les secteurs académique et préventif.

47Si l’on compare ce que les participants à l’enquête ont répondu, avec la possibilité de choisir jusqu’à quatre réponses, des différences apparaissent inéluctablement par rapport aux résultats du recensement où un seul champ disciplinaire était attribué à chaque personne par les participants au groupe de travail. L’approximation qui avait été faite de considérer tous les acteurs du secteur préventif comme relevant de l’archéologie funéraire était une approximation pertinente puisque près de 98 % des acteurs du secteur préventif ont indiqué ce champ disciplinaire dans leurs réponses à l’enquête. Mais bien sûr, leurs réponses nous permettent d’avoir une vision plus complète et nuancée des activités réalisées dans le secteur préventif. S’il est logique d’y trouver en deuxième position la bioanthropologie du squelette et en troisième la paléopathologie, il est intéressant de voir que la gestion des collections/conservation et l’anthropologie médico-légale sont déclarées être autant pratiquées dans le secteur préventif que dans le secteur académique.

48Dans le secteur académique, trois des quatre principaux champs disciplinaires ressortant du recensement sont aussi ceux des résultats de l’enquête : l’archéologie funéraire, la bioanthropologie du squelette et la paléoanthropologie. Les différences dans l’ordre et les pourcentages entre le recensement et l’enquête peuvent être dues autant aux différences de modalités (une seule réponse pour le recensement, jusqu’à quatre pour l’enquête) qu’à de légers biais de représentativité en fonction des répondants. Un champ disciplinaire apparaît totalement différent entre le recensement et l’enquête, c’est la (paléo)génétique/génomique qui représente près de 22 % des actrices et acteurs du milieu académique dans le recensement, mais qui ne représente que 7 % des répondants à l’enquête pour ce secteur.

49Concernant les grandes zones géographiques concernées par les recherches, les différences entre les secteurs académique et préventif sont inéluctablement importantes en lien avec la nature même de l’activité du secteur préventif. Ses actrices et acteurs travaillent principalement en France, mais il est notable que près du quart travaille également à l’étranger (figure 33). Dans le secteur académique, la configuration correspondant à près de 6 personnes sur 10 est d’avoir une activité de recherche portant à la fois sur la France et l’étranger. Un tiers des actrices et acteurs du secteur académique ne travaille que sur des contextes français, et un dixième uniquement sur des contextes étrangers.

50Si l’on se focalise sur les régions de France sur lesquelles les personnes travaillent (figure 34), sur l’ensemble des répondants, un cinquième déclare des recherches ubiquistes. Certaines régions font l’objet de peu de recherche (Bretagne, Bourgogne Franche-Comté, Corse, DROM et COM). Il est noté un déséquilibre très marqué entre les régions de la moitié sud de la France métropolitaine et de la moitié nord. Ce n’est en fait qu’un artefact de la taille des régions, la moitié sud de la France en comptant 4 contre 8 pour la moitié nord. Les pourcentages cumulés des moitiés nord et sud sont extrêmement proches. Les principales différences entre les secteurs académique et préventif traduisent là aussi les spécificités de chacun, près de la moitié des actrices et acteurs du secteur académique incluant toutes les régions de l’Hexagone dans leurs recherches alors que ce n’est le cas que pour moins d’1 personne sur 10 dans le secteur préventif. Dans la moitié sud de la France métropolitaine, la région Nouvelle Aquitaine a pour particularité d’être la zone de recherche la plus déclarée par les actrices et acteurs du secteur académique et la moins déclarée par celles et ceux du secteur préventif. Dans le secteur préventif, c’est la région Grand-Est qui mobilise le plus les actrices et acteurs. Une autre différence apparaît entre secteurs puisque près de 70 % des actrices et acteurs du secteur académique déclarent travailler sur la moitié sud de l’Hexagone contre un peu moins de 40 % pour la moitié nord alors que pour le secteur préventif, plus de 86 % des actrices et acteurs déclarent travailler sur la moitié nord contre moins de 66 % pour la moitié sud.

51Les collègues qui travaillent, au moins en partie, hors de France, sont beaucoup plus nombreux dans le secteur académique (68 %) que dans le secteur préventif (23 %). En revanche, il n’y a pas de différences notables entre les secteurs académique et préventif dans les zones géographiques concernées : l’Europe est largement majoritaire dans les deux secteurs (figure 35). Les deux continents hors Europe sur lesquels les collègues travaillent le plus sont l’Asie et l’Afrique, presque à égalité et très loin devant les Amériques et l’Océanie. Avec une symétrie presque parfaite, les actrices et acteurs du secteur académique travaillent plus en Afrique qu’en Asie, et plus dans les Amériques qu’en Océanie, à l’inverse de ceux du préventif.

52Sur l’ensemble des répondants, les recherches menées en France couvrent toutes les périodes chronologiques avec cependant une dominance des périodes allant de l’Antiquité à la période moderne, avec toujours plus d’un tiers des personnes travaillant sur ces périodes (figure 36). Les spécificités de l’archéologie préventive influent ici d’autant plus que ses actrices et acteurs représentent deux tiers des répondants. Ces quatre périodes mobilisent en effet entre 40 % et 60 % des personnels du secteur préventif. En revanche, pour les périodes préhistoriques, ils interviennent très peu sur les périodes paléolithique et mésolithique, davantage sur le Néolithique, et n’incluent pas du tout les collections de références sub-actuelles ou actuelles dans leurs recherches. Les personnels du secteur académique couvrent les champs chronologiques de façon plus homogène. Les périodes préhistoriques constituent une part importante de leurs recherches, avec en tête le Paléolithique, de même que les collections sub-actuelles ou actuelles, alors que les périodes allant de l’Antiquité à la période moderne ne sont pas aussi dominantes que dans le secteur préventif.

53Il existe un effet du genre sur les périodes des recherches menées en France, les femmes étant plus impliquées que les hommes dans les périodes allant de l’Antiquité à la période moderne, et les hommes étant plus impliqués dans les périodes préhistoriques, surtout paléolithique et mésolithique. Ceci reflète le poids de l’archéologie préventive et de sa forte féminisation, ce secteur travaillant davantage sur les périodes récentes, mais aussi le biais de genre qui existe dans le secteur académique, les paléoanthropologues qui travaillent sur les périodes les plus anciennes étant majoritairement des hommes. Ce sont aussi les hommes qui travaillent le plus sur les collections de référence sub- actuelles et actuelles.

54Les actrices et acteurs de l’anthropologie biologique et de l’archéo-anthropologie qui travaillent à l’étranger (figure 37) couvrent toutes les périodes, avec une légère dominance pour les deux derniers millénaires et le 3e millénaire av. J.-C. Ceci est en partie lié au poids du secteur préventif où les périodes privilégiées des collègues de ce secteur sont le 3e millénaire av. J.-C. et le 1er millénaire apr. J.-C. Ils interviennent en revanche très peu sur les périodes préhistoriques jusqu’au 5e millénaire av. J.-C. inclus, et, comme pour les recherches en France, pas du tout sur les collections de référence sub-actuelles ou actuelles. Les actrices et acteurs du secteur académique mènent des recherches à l’étranger sur toutes les périodes, de façon plus homogène que leurs collègues du secteur préventif, avec tout de même une légère prédilection pour les périodes pléistocène et holocène et les collections de référence sub-actuelles ou actuelles. Pour les deux millénaires de notre ère, ils ont une très légère prédilection pour le 2nd millénaire, là où leurs collègues du secteur préventif l’ont pour le premier.

55Comme observé pour les travaux concernant le territoire français, les biais de genre que l’on constate quant aux périodes chronologiques concernées par les recherches menées sur des contextes hors de France découlent en grande partie du poids de l’archéologie préventive et de la paléoanthropologie. Les périodes du Pléistocène et de l’Holocène, de même que les collections de référence, sont surtout étudiées par les hommes, et les périodes entre le 4e millénaire av. J.-C. et le 1er millénaire apr. J.-C. surtout par les femmes.

Productions de l’activité scientifique

Activités scientifiques

56Sur l’ensemble des répondants, les activités qui dominent le travail des actrices et acteurs de nos disciplines sont celles qui correspondent à toute la chaîne allant de la production des données de terrain (avec parfois la direction des missions) à la publication des résultats (que ce soit sous forme de publications, de rapports de terrains, ou de communications en colloques et congrès), en passant par le traitement post-fouille, la saisie et l’analyse des données (figure 38). Dans nos disciplines fortement ancrées dans la production des données primaires à partir du terrain, il est normal et bienvenu que ce soit le cas. On peut également noter un investissement non négligeable dans la participation à des groupes de travail subventionnés.

57Il y a cependant dans cette vision générale un poids important des activités des actrices et acteurs du préventifs qui représentent les deux tiers des répondants. De façon tout à fait cohérente avec leurs missions, les activités en lien très fort avec la chaîne allant de la production des données sur le terrain jusqu’à la présentation des résultats sous toutes leurs formes dominent très fortement les activités dans ce secteur. On note également leur implication dans la médiation auprès du grand public et la participation à des groupes de recherche subventionnés, même si c’est de façon plus occasionnelle pour beaucoup d’entre eux. Leur intervention dans l’enseignement universitaire et l’encadrement, en particulier de Masters, n’est pas négligeable.

58Les activités des actrices et acteurs du secteur académique sont plus variées. Même si les activités allant de la production de données primaires à partir du terrain jusqu’à la publication des résultats occupent pour eux également une place très importante, cela se fait de façon un peu différente, les activités de terrain (y compris la direction), de post-fouille et de production de rapports de terrain représentant une proportion bien moins importante de leur activité comparativement à leurs collègues du secteur préventif. Ils consacrent en revanche nettement plus de temps à l’analyse des données et à la diffusion de leurs résultats sous forme de publications ou dans des manifestations scientifiques. L’autre grande différence avec le secteur préventif est que les actrices et acteurs du secteur académique sont aussi très impliqués dans la plupart des autres activités liées à la recherche dans nos disciplines : enseignement, encadrements de Masters et thèses, administration de la recherche, recherche de financement, expertise d’articles, implication dans les activités collectives (organisation de colloques et congrès, animation de sociétés savantes, participation au comité de rédaction d’une revue), participation à des instances d’évaluation. Ils déclarent aussi se consacrer plus que leurs collègues du secteur préventif à la diffusion des connaissances auprès du grand public et participent également plus à des groupes de recherches subventionnés.

59À cause du poids important du secteur préventif, très féminisé, dans les réponses, les différences entre les hommes et les femmes pour l’ensemble des répondants ont tendance à ressembler à celles entre les secteurs académique et préventif. Nous avons donc souhaité voir s’il y avait des différences entre les hommes et les femmes au sein de chacun des deux secteurs. Dans le secteur académique (figure 39), les femmes sont un peu plus investies que les hommes dans les étapes de terrain (y compris direction), de post-fouille, de saisie des données, et de production de rapports de terrain, le fait qu’elles soient deux fois plus nombreuses que les hommes à travailler dans le champ de l’archéologie funéraire (figure 3) n’étant sans doute étranger à cela. Elles sont également plus investies que les hommes dans l’organisation de manifestations scientifiques, dans l’encadrement de Masters, dans l’enseignement universitaire et dans la recherche de financements. Les hommes consacrent en revanche plus de temps que les femmes à la participation à un comité de rédaction de revues scientifiques et à l’animation des sociétés savantes.

60Dans le secteur préventif, les hommes consacrent plus de temps aux directions de terrain et aux communications dans des manifestations scientifiques, alors que les femmes sont plus investies dans la participation à ces activités de terrain et aux activités de post-fouille (figure 40). Les femmes participent davantage que les hommes aux enseignements universitaires, mais les hommes participent un peu plus à l’encadrement d’étudiants de Master et de doctorants. C’est également le cas pour les recherches de financements. Les hommes sont également plus impliqués que les femmes dans la gestion et l’administration de la recherche, dans l’expertise d’articles, dans la participation à des comités de rédaction de revues scientifiques, l’animation de sociétés savantes et des instances d’évaluation. En résumé, toutes ces tendances à bas bruit dans le secteur préventif traduisent le fait que les hommes déclarent des activités un peu plus diversifiées que les femmes (figure 15).

Enseignement

61Sur l’ensemble des répondants, la proportion de femmes déclarant assurer des enseignements est nettement inférieure à celle des hommes (figure 41). Il convient cependant de nuancer cette différence par le fait que les femmes ont beaucoup plus répondu à l’enquête et qu’en effectif brut, ce sont 59 femmes et 43 hommes qui ont déclaré une implication dans l’enseignement.

62À l’université, presque tous les personnels sont impliqués dans l’enseignement et assurent une centaine d’heures d’enseignement annuel en moyenne (rappelons qu’il s’agit d’heures réelles et pas d’heures équivalent TD). Les différences entre les hommes et les femmes sont faibles, la proportion de femmes impliquées dans l’enseignement étant un peu plus basse que celle des hommes, mais le nombre moyen d’heures de cours assuré par les femmes étant un peu supérieur. Les valeurs sont nettement plus basses au MNHN, traduisant notamment le fait qu’une partie de ses personnels occupe des postes d’ingénieurs et techniciens, et que, au-delà du statut individuel des personnels, le MNHN a des missions en plus de l’enseignement par comparaison avec les universités (tout particulièrement la mission de conservation). La différence entre les hommes et les femmes est ici plus marquée qu’à l’université puisque les femmes sont beaucoup plus impliquées dans l’enseignement, que ce soit par la proportion d’entre elles qui en assure ou par le nombre moyen d’heures dispensées.

63Il est notable de constater la part très importante, environ 9 personnes sur 10, des personnels des organismes de recherche qui sont impliqués dans l’enseignement, avec un volume moyen annuel d’une trentaine d’heures, soit environ un quart de service statutaire d’enseignant-chercheur universitaire. En tenant compte du nombre de personnes en poste au CNRS, il est donc possible d’estimer qu’ils assurent environ l’enseignement correspondant au service statutaire d’une douzaine d’enseignants-chercheurs. De façon similaire à la situation des personnels universitaires, la proportion de femmes des organismes de recherche impliquées dans l’enseignement est un peu plus basse que celle des hommes, mais elles font en moyenne plus d’heures de cours.

64Les personnels du secteur préventif ne sont pas en reste puisqu’ils participent également activement à l’enseignement universitaire. Il y a cependant une différence marquée entre l’Inrap et les collectivités territoriales d’un côté, et les sociétés privées d’archéologie préventive de l’autre. Les personnels de ces sociétés qui participent à des enseignements ne sont que des femmes et ne constituent qu’une proportion faible des effectifs et un volume moyen annuel assez faible. Les personnels de l’Inrap et des collectivités territoriales sont environ 30 % à assurer des cours pour un volume annuel moyen d’une dizaine d’heures pour les personnels de l’Inrap et d’une quinzaine pour les personnels des collectivités territoriales. Dans les deux types de structures, il y a de nettes différences de genres, les femmes contribuant nettement moins aux enseignements, que ce soit en proportion ou en nombre moyen d’heures dispensées (mais comme pour l’effectif total, il faut fortement nuancer par le fait que le secteur préventif est féminisé à environ 75 % ; en effectif réel, il y a donc plus de femmes que d’hommes du secteur préventif qui assurent des enseignements). Comme calculé pour le CNRS, en tenant compte des effectifs des personnes du secteur préventif, du pourcentage d’entre elles assurant des enseignements et du nombre d’heure moyen annuel assuré, il est possible d’estimer qu’ils assurent globalement un volume horaire annuel équivalent au service statutaire annuel de 4 à 5 enseignants-chercheurs.

65Au final, il est loisible de constater que les personnels des organismes de recherche et du secteur de l’archéologie préventive soient si impliqués dans les enseignements car cela permet de donner aux formations de notre domaine un ancrage très fort avec la variété des débouchés professionnels et avec la réalité de la recherche, qu’elle soit académique ou préventive. Ces personnels contribuent ainsi indéniablement à la qualité des formations délivrées en France dans nos disciplines. Mais il est tout autant loisible de considérer que ces enseignements pourraient être assurés par 15 à 20 enseignants-chercheurs de plus que ceux qui sont en poste dans notre pays.

Évaluation de la recherche

66Sur la période 2018-2022, 129 personnes du secteur préventif (soit près de 95 %) et 50 du secteur académique (près de 68 %) n’ont siégé dans aucune instance d’évaluation. Parmi les personnes qui se sont investies dans des instances d’évaluation, la plupart l’ont fait dans celles qualifiées "autres". Les quelques personnes concernées du secteur préventif n’ont siégé qu’au CoNRS et dans des CTRA alors que leurs homologues du secteur académique ont aussi siégé au CNU et dans les instances du MESRI et du MC (figure 42).

Publications

67Globalement, la moitié des répondants à l’enquête n’a publié ni dans les BMSAP ni dans les Publications du Gaaf (actes de colloques) entre 2018 et 2022, sans différence sur ce point entre les actrices et acteurs du secteur académique et celles et ceux du secteur préventif (figure 43). Les autres ont davantage publié dans les Publications du Gaaf qu’aux BMSAP et très peu nombreux sont ceux qui ont publié dans les deux supports. On retrouve par ailleurs le même type de différences que celles constatées pour l’appartenance aux deux associations. Les personnels du secteur académique publient nettement plus dans les BMSAP (43 %) que dans les Publications du Gaaf (15 %) alors que leurs collègues du secteur préventif publient beaucoup plus dans les Publications du Gaaf (48 %) que dans les BMSAP (5 %). Il y a donc une légère nuance avec ce qui pouvait être observé pour les appartenances aux associations, puisqu’ici les personnels académiques publient plus dans les Publications du Gaaf que les personnels du secteur préventif ne publient dans les BMSAP, alors que les premiers sont moins souvent membres du Gaaf que les seconds ne sont membres de la SAP.

68Une faible proportion de la communauté (n=26 soit un peu plus de 12 %) a déclaré avoir des réticences à publier dans des revues internationales, avec une légère différence entre les actrices et acteurs du secteur préventif (14 %) et celles et ceux du secteur académique (9,5 %). Il y a aussi un effet du genre, allant au-delà du poids du secteur préventif féminisé, puisque 16 % des femmes contre 3 % des hommes déclarent avoir des réticences. Pour l’ensemble des 26 personnes ayant déclaré des réticences à publier à l’international, les trois principales raisons invoquées sont l’inadéquation de leurs thématiques de recherche à ce type d’audience, la barrière de la langue et les procédures de soumission trop lourdes (figure 44).

69Il existe quelques différences entre les actrices et acteurs des secteurs académique et préventif à ce sujet. La barrière de la langue, raison la plus citée par les personnels du préventif, est très peu évoquée par ceux du secteur académique. Eux voient comme principal frein la lourdeur des procédures de soumission, également problématique pour les collègues du préventif, mais dans une moindre mesure. L’inadéquation des thématiques à l’audience internationale est évoquée de façon importante et très comparable dans les deux communautés. Les actrices et acteurs du secteur académique sont également rebutés par le caractère payant des revues internationales, raison très peu évoquée par leurs collègues du secteur préventif. Quelques personnes du secteur académique ont également évoqué la question des réseaux dominants de relecteurs, un point jamais mentionné par leurs collègues du préventif.

70Sur l’ensemble des répondants, un peu plus de 20 % publient majoritairement en anglais, mais les personnels du secteur préventif ne publient presque pas dans cette langue. Les modalités de diffusion des recherches sont variées (figure 45). Seuls les livres, les directions d’ouvrages et les comptes-rendus d’ouvrages sont peu pratiqués. En revanche, il y a une forte dominance des rapports de fouille, influence du poids important des actrices et acteurs du secteur préventif dans les réponses à l’enquête.

71Dans le secteur préventif, après les rapports de fouille très dominants, viennent les bases de données et logiciels et les communications dans des manifestations scientifiques nationales. Les articles publiés dans des revues sont assez peu nombreux et le plus souvent publiés dans des revues nationales ou des revues sans comité de lecture.

72Les productions scientifiques des acteurs du secteur académique sont plus diversifiées que celles de leurs homologues du secteur préventif. Dans le secteur académique, l’anglais est une langue importante de diffusion des travaux pour plus de 60 % des répondants, et est même la langue dominant la production d’un gros tiers d’entre eux. Les articles dans des revues internationales représentent logiquement à peu près les mêmes proportions. Les autres articles publiés sont surtout des articles dans des revues nationales à comité de lecture, et très peu des articles dans des revues sans comité de lecture. Les personnels du secteur académique communiquent également beaucoup dans les manifestations scientifiques aussi bien internationales que nationales, un peu plus à l’oral qu’en poster. Leur production comporte aussi une part notable de chapitres d’ouvrages et de rapports de fouille, même si ce dernier support n’atteint naturellement pas le même niveau que pour leurs collègues du secteur préventif. Ils produisent en revanche moins de base de données et de logiciels que leurs collègues du préventif.

73En ce qui concerne les différences femmes/hommes, dans le secteur académique (figure 46), la principale différence est que les femmes publient beaucoup plus que les hommes de chapitres d’ouvrage ou d’actes de colloques et de rapports de fouilles, ceci pouvant s’expliquer en partie au moins par la proportion importante de femmes développant des recherches dans le champ de l’archéologie funéraire, pour lequel ce mode de publication est très habituel. Il apparaît que les hommes du secteur académique déclarent publier un peu moins dans les revues nationales à comité de lecture. Les hommes communiquent à peu près autant en congrès international ou national, que ce soit sous forme orale ou affichée, alors que les femmes ont tendance à un peu plus communiquer en congrès international, sous quelque forme que ce soit.

74Dans le secteur préventif, les hommes publient un peu plus que les femmes d’articles dans des revues nationales à comité de lecture et de chapitres d’ouvrage (figure 47). Ils présentent également un petit peu plus de communications orales que les femmes dans les colloques internationaux et nationaux. Comme pour les activités de recherche, les différences entre femmes et hommes dans le secteur préventif sont minimes, mais suggèrent de façon cohérente et systématique une légère tendance des hommes à adopter des pratiques plus proches de celles du secteur académique.

Médiation scientifique

75Globalement les actrices et acteurs de l’anthropologie biologique et de l’archéo-anthropologie sont extrêmement investis dans les activités de médiation scientifique avec plus de 9 personnes sur 10 se disant impliquées (figure 48). Près des deux tiers participent à des conférences grand public, cafés des sciences ou tables-rondes, tandis que la même proportion (61,4 %) organise des visites de chantiers ou des portes ouvertes, et près de la moitié prennent part à des ateliers/animations en milieu scolaire, médiathèque ou musée, et à des documentaires, reportages ou émissions de radio. Les organisations d’exposition (14,3 %), et les productions internet (18,6 %) sont plus rarement évoquées dans les pratiques de médiation.

76Les personnels du secteur préventif participent beaucoup plus que leurs collègues du secteur académique à des visites de chantier/portes ouvertes (l’activité la plus pratiquée par ce secteur avec plus des trois quarts de ses actrices et acteurs). Les personnels du secteur académique sont plus impliqués que leurs homologues du secteur préventif dans les articles et ouvrages de vulgarisation et catalogues d’exposition, dans les conférences grand public, cafés des sciences et tables rondes (l’activité la plus pratiquée par ce secteur avec environ trois quarts de ses actrices et acteurs), dans les expositions, les documents audiovisuels et les productions internet. Les femmes sont plus impliquées que les hommes dans les ateliers/animations en milieu scolaire, musée ou médiathèque et dans les visites de chantiers/portes ouvertes. Les hommes sont plus impliqués que les femmes dans les articles ou ouvrages de vulgarisation et catalogues d’exposition, les conférences grand-public, cafés des sciences et tables rondes, et les expositions dans les musées.

77Parmi les grandes manifestations nationales, ce sont les Journées européennes de l’archéologie et les Journées européennes du patrimoine qui mobilisent le plus les actrices et acteurs de nos disciplines, un peu moins la Fête de la science, et presque pas la Nuit européenne des chercheurs et chercheuses (figure 49). Le poids du secteur de l’archéologie préventive est net puisque la répartition générale entre les quatre manifestations est la même pour ses personnels. Les personnels du secteur académique s’investissent en revanche beaucoup plus dans la Fête de la science (la manifestation mobilisant le plus les actrices et acteurs de ce secteur) et la Nuit européenne, même s’ils sont également assez investis sur les deux autres manifestations.

Financement de la recherche

78Environ la moitié des actrices et acteurs des deux secteurs rencontrent des difficultés à financer leurs activités de recherche (figure 50). Ce constat est plus prononcé dans le secteur préventif, et chez les femmes. La part des crédits récurrents dans le fonctionnement varie elle aussi : les actrices et acteurs du secteur préventif en dépendent aux deux tiers, tandis que seul un tiers de celles et ceux du secteur académique ne fonctionne qu’avec ces crédits. Un déséquilibre similaire est observé entre femmes et hommes (60 % des femmes fonctionnent seulement avec les crédits de leur structure/employeur, contre 45 % des hommes).

79Si on analyse de façon plus détaillée les projets déposés par l’ensemble des répondants durant la période 2018-2022 (figure 51), ils ont été 227 parmi lesquels 70 (31 %) n’ont pas été retenus, 21 (9 %) ont été retenus après plusieurs tentatives et 136 (60 %) l’ont été à la première demande. Les demandes les plus nombreuses ont été faites aux SRA, aux dispositifs d’excellence, aux fondations privées, aux régions et à d’autres appels nationaux. Les demandes auprès des SRA sont celles qui montrent le plus fort taux de réussite (94 %), presque toujours à la première demande. Les projets déposés auprès des régions ont des taux de réussite très élevés (87 %, presque toujours à la première demande). Ceux déposés auprès de dispositifs d’excellence ont aussi de très bons taux de réussite (73 %) de même que ceux déposés dans le cadre d’autres appels nationaux (72 %). Ont été déposés auprès de l’ANR 19 projets en 5 ans et 10 ont été retenus. Ce taux de réussite de près de 53 % est près du double de celui de 24,3 % donné par l’ANR pour l’ensemble des projets de l’année 2023. En revanche, aucun des rares collègues ayant sollicité un financement auprès de l’ERC n’a été retenu.

80Les actrices et acteurs du secteur préventif ont déposé 69 demandes de financements, soit 30 % des demandes alors qu’ils représentent 65 % des répondants à l’enquête. Ils se sont tournés naturellement très préférentiellement vers les SRA pour leurs demandes de financement. Les régions représentent le deuxième guichet auprès duquel ces personnels s’adressent. Globalement, les agents du secteur préventif ont essuyé très peu de refus sur l’ensemble des projets déposés.

81La situation est très différente pour les actrices et acteurs du secteur académique. Leurs demandes se sont faites de façon beaucoup plus variée avec en tête les dispositifs d’excellence (28 demandes), les autres appels nationaux (24 demandes) et les fondations privées (23 demandes). L’ANR n’est que la quatrième source de financement sollicitée avec 18 demandes. Sur l’ensemble des 158 dépôts effectués, 59 (37 %) n’ont pas été retenus. Sur les 99 retenus (63 %), 30 proviennent des régions et des dispositifs régionaux, avec des taux de réussite respectivement de 83 % pour les financements régionaux et 71 % pour les dispositifs d’excellence. Près du tiers des financements des personnels du secteur académique proviennent donc de dispositifs locaux/régionaux qui sont les moins sélectifs avec ceux du SRA et les autres appels nationaux. Ceci met en lumière des inégalités importantes entre une chercheuse ou un chercheur travaillant dans une unité s’inscrivant dans un dispositif d’excellence et se trouvant aussi dans une région finançant fortement la recherche, et leurs homologues dans la situation inverse.

82Sur l’ensemble des répondants, les femmes ont déposé 126 des 227 demandes, soit 56 %, alors qu’elles représentent 69 % des répondantes (figure 52). 40 de ces demandes (32 %) n’ont pas été retenues, les 86 retenues représentant un taux de succès de 68 %. Les hommes ont déposé 87 demandes dont 30 (34 %) n’ont pas été retenues et 57 (66 %) l’ont été. Il n’y a donc aucune différence dans le taux de réussite entre les femmes et les hommes.

83Sur l’ensemble des répondants, plus de la moitié n’ont déposé aucune demande de financement et un quart en a déposé entre une et trois (figure 53). Il y a d’importantes différences entre les secteurs académique et préventif. Un gros quart seulement des agents du secteur académique n’a pas déposé de demande de financement alors que près de 70 % des agents du secteur préventif sont dans ce cas. La part des personnes ayant déposé une à trois demandes est en revanche similaire dans les deux secteurs. Mais dans le secteur préventif, rares sont celles et ceux qui ont déposé quatre demandes ou plus, alors que près de la moitié des personnels du secteur académique l’ont fait.

84Dans le secteur académique (figure 54), les femmes sont plus nombreuses à avoir déposé une demande (80 %) que les hommes (68 %). La proportion de personnes n’ayant déposé qu’une seule demande en 5 ans est plus grande pour les hommes que pour les femmes. En revanche, les femmes dominent les hommes pour toutes les catégories correspondant à la proportion de personnes ayant déposé plus d’une demande. En résumé, dans le secteur académique, les femmes ont déposé plus (en proportion de leur effectif) et plus souvent que les hommes des demandes de financement.

85Dans le secteur préventif en revanche (figure 55), la proportion de femmes ayant déposé une ou plusieurs demande(s) de financement est nettement plus faible (26 %) que celle des hommes (48 %). Contrairement au secteur académique, personne n’a déposé plus de 10 demandes. La situation est à l’inverse de celle du secteur académique puisque dans le secteur préventif, ce sont les hommes qui ont déposé plus (en proportion de leur effectif) et plus souvent que les femmes des demandes de financement.

86Sur l’ensemble des répondants, un peu plus de la moitié des personnes n’a consacré aucun temps aux demandes de financement (figure 56). Près d’un quart n’a consacré qu’un à deux mois à cette activité sur 5 ans. Seuls près de 4 % des personnes ont déclaré avoir consacré plus d’1 an sur les 5 ans couverts par l’enquête à rechercher des financements. La situation est très contrastée entre les secteurs académique et préventif. En effet, dans le secteur académique, moins d’un quart des répondants déclare ne pas avoir consacré de temps à la recherche de financement alors qu’ils sont plus des deux tiers dans le secteur préventif. La grande majorité des personnels du secteur préventif qui ont déposé des demandes de financement n’y ont consacré qu’1 à 2 mois en 5 ans. En conséquence, à peine plus de 5 % des agents du préventif ont consacré plus de 2 mois aux demandes de financement. Dans le secteur académique en revanche, ce sont près de 57 % des personnes qui ont consacré plus de 2 mois à rechercher des financements de recherche. Il y a presque autant de personnes qui ont consacré à cette activité 7 à 12 mois de leur temps que de personnes y ayant consacré 3 à 6 mois. Enfin, il y a près d’1 personne sur 10 du secteur académique qui a consacré plus d’1 an sur 5 ans à chercher des financements.

87Le temps passé à la recherche de financement étant très supérieur dans le secteur académique, nous avons souhaité voir s’il y avait un effet de genre sur cette activité (figure 57). Il n’y a pas véritablement de différence dans la proportion de femmes et d’hommes qui n’ont consacré aucun temps à la recherche de financement. En revanche, la proportion de femmes n’ayant consacré qu’un à deux mois à cette activité est beaucoup moins importante que pour les hommes. La proportion d’hommes ayant consacré 3 à 6 mois aux demandes de financement est un peu supérieure à celle des femmes. Ce sont ensuite les femmes qui dominent toutes les catégories restantes. En tout, 40 % des femmes ont consacré plus de 6 mois à la recherche de financement, contre 21 % d’hommes, et seules des femmes ont consacré plus d’un an et demi à cette activité. Ceci corrobore que les femmes du secteur académique s’investissent nettement plus que leurs homologues masculins dans la recherche de financements, comme déjà décelé d’une autre façon (figure 41).

88On retrouve les mêmes tendances générales en ce qui concerne l’estimation du temps passé à réaliser l’évaluation de demandes de financement (figure 58) que ce que nous avons observé pour les demandes elles-mêmes. Globalement, près de 7 personnes sur 10 n’ont réalisé aucune évaluation en 5 ans et la plupart de celles qui l’ont fait n’y a consacré qu’1 à 2 semaines. Les différences entre les secteurs académique et préventif sont ici aussi marquées. La proportion de personnes du secteur préventif n’ayant réalisé aucune évaluation est près du double de ce qui est le cas dans le secteur académique (près de 81 % contre 44 %). L’immense majorité des actrices et acteurs du secteur préventif qui ont réalisé des évaluations n’y ont consacré qu’1 à 2 semaines. Celles et ceux qui y ont consacré plus de temps ne représentent que 3 % des personnels du préventif et personne n’a consacré plus de 2 mois à cette activité. En revanche, dans le secteur académique, près d’un tiers des personnes a consacré une à 2 semaines aux évaluations, plus de 12 % 2 à 4 semaines et les personnes ayant consacré plus d’1 mois à cette activité représentent près de 11 % des effectifs, certaines d’entre elles y ayant consacré plus de 2 mois.

89Comme pour les demandes de financement et pour les mêmes raisons, nous avons souhaité voir s’il existait un effet de genre dans le secteur académique en ce qui concerne le temps passé aux évaluations de demande de financement (figure 59). Comme pour les demandes elles-mêmes, les femmes du secteur académique sont plus investies dans l’évaluation des demandes que leurs homologues masculins, 60 % d’entre elles y ayant consacré du temps contre 50 % pour les hommes. La proportion de personnes n’ayant consacré qu’1 à 4 semaines à cette activité est la même pour les femmes et les hommes. Mais la part de femmes ayant consacré plus d’1 mois à l’évaluation de demandes de financement est plus importante que celle des hommes (15 % contre 6 %). En revanche, seuls certains hommes ont consacré plus de 8 mois à l’évaluation de demandes de financement.

Les problèmes rencontrés dans la pratique des métiers

90Sur l’ensemble des répondants, il est flagrant de constater que de toutes les difficultés rencontrées dans la pratique de leur métier, celle qui arrive loin en tête est le manque de temps de recherche qui concerne 7 personnes sur 10 (figure 60). Viennent ensuite le manque de moyens financiers pour près d’une personne sur deux, la difficulté d’assister aux manifestations scientifiques et le manque de moyens humains de soutien à la recherche. On peut noter que ces difficultés ne sont pas propres à nos disciplines mais malheureusement structurellement partagées par l’ensemble des personnels de recherche en conséquence direct des transformations de l’ESR depuis une vingtaine d’années, comme l’a montré le rapport du CNESER sur les transformations de la gestion du temps de travail et des activités dans la recherche publique et financement par appels à projets (https://hal.science/​hal-04249254). Il existe cependant quelques différences entre les secteurs académique et préventif. Si pour les personnels des deux secteurs le manque de temps de recherche revient comme première difficulté évoquée, c’est de façon plus marquée encore pour les personnels du secteur préventif. Parmi les difficultés les plus souvent citées, le manque de moyens financiers est dans le trio de tête dans les deux secteurs, un peu plus dans l’académique que dans le préventif. Mais pour le préventif, une autre difficulté majeure est la difficulté à assister aux manifestations scientifiques, point moins sensible pour les personnels du secteur académique (même s’il est notable de constater que plus d’un quart d’entre eux signalent cette difficulté), alors que dans le secteur académique, c’est le manque de moyens humains de soutien à la recherche qui est souvent évoqué. Les lourdeurs administratives affectent plus les personnels du secteur académique que du préventif, de même que les conflits d’intérêt et l’intensité de la compétition. Les personnels du secteur préventif mettent en avant davantage que leurs homologues du secteur académique l’absence de reconnaissance du travail et des compétences et l’absence ou le manque d’interaction avec le milieu académique. La précarisation est une difficulté évoquée par un gros tiers des agents des deux secteurs.

91Afin de bien cerner les éventuels effets de genre, nous les avons observés au sein de chaque secteur séparément (figure 61). Dans le secteur académique, le manque de temps de recherche est de loin la première difficulté, légèrement plus encore pour les femmes que pour les hommes. Les manques de moyens financiers arrivent en bonne place, là aussi sans différence marquée entre femmes et hommes. Le manque de moyens humains de soutien à la recherche et l’encadrement administratif limitant ou bloquant affectent à la fois les femmes et les hommes, les premières étant néanmoins plus affectées par le manque de moyens humains tandis que les seconds déplorent plus souvent les blocages administratifs. En résumé, les principaux travers structurels liés aux transformations de l’ESR affectent similairement femmes et hommes. Les femmes du secteur académique en revanche signalent plus que les hommes la difficulté d’assister aux manifestations scientifiques, la deuxième difficulté évoquée par elles, la précarisation, l’absence ou le défaut de formation continue, le manque de poste de travail, l’absence de reconnaissance de leur travail et compétence et enfin les conflits d’intérêts et la compétition trop forte. Dans le secteur préventif, le manque de temps de recherche est aussi la première difficulté citée, et là aussi, plus encore par les femmes que les hommes. Le manque de moyens financiers arrive aussi en bonne place sans différence majeure entre hommes et femmes. Le manque de moyens humains de soutien à la recherche est aussi bien plus cité par les femmes que par les hommes, de même que la précarisation. Les femmes signalent plus que les hommes le manque de poste de travail, l’absence de reconnaissance de leur travail et compétence, les conflits d’intérêt et compétition trop forte. Les hommes du secteur préventif signalent proportionnellement plus que les femmes la difficulté d’assister aux manifestations scientifiques et l’encadrement administratif limitant ou bloquant.

Liens et passerelles entre secteurs académique et préventif

92La dernière et courte séquence de questions ne s’adressait qu’aux actrices et acteurs du secteur préventif. Elle avait pour objectif de définir les liens et passerelles entre ces actrices et acteurs et le monde académique. Il en ressort qu’une petite majorité (56 %) seulement de personnels du préventif est affiliée à une Unité Mixte de Recherche ou autre structure académique (figure 62). Il faut signaler sur ce point une différence importante entre les agents qui bénéficient d’un CDI, dont les deux tiers sont affiliés à une structure de recherche, et ceux qui sont en CDD, dont plus des deux tiers ne le sont pas (la réticence des structures de recherches à signer des conventions pour les personnels en CDD étant probablement une part importante de l’explication de ce contraste). Signalons aussi, pour les personnes bénéficiant d’un CDD, une différence entre les agents de l’Inrap, dont les trois quarts sont affiliés à une structure académique, et ceux des sociétés privées d’archéologie préventive dont la moitié le sont.

93Parmi les personnes affiliées à une structure de recherche, 59 % seulement déclarent que leurs activités de recherche sont pleinement intégrées aux programmes des unités en question et 38 % estiment que ça n’est pas le cas. Au final, en tenant compte de ceux qui ne sont pas affiliés à une structure de recherche et ceux dont les activités ne sont pas valorisées au sein des structures auxquelles ils appartiennent, seulement un tiers des activités des agents du préventif fait pleinement partie des programmes des unités de recherche, ce que l’on peut fortement déplorer. Dans la mesure où les actrices et acteurs du préventif travaillent majoritairement sur les périodes récentes, ce manque d’interaction entre le monde académique et l’archéo-anthropologie préventive leur est particulièrement dommageable.

94Parmi les personnes qui sont membres d’une structure de recherche, 63,2 % y sont affiliées par le biais d’une convention officielle signée entre leur employeur et la structure en question (figure 63), 25 % ne bénéficient pas de ce dispositif et 12 % n’en sont pas sûrs. Cela a des conséquences sur la participation des agents à la vie du laboratoire. Ainsi parmi ceux conventionnés, 67 % sont représentés au Conseil de leur laboratoire (contre 21 % des non conventionnés) et 60 % ont droit de vote aux Assemblées Générales (contre 32 % des non conventionnés). Ces taux en contexte conventionné devraient être beaucoup plus élevés. Il faut ajouter qu’un bon nombre d’agents ne connaissent pas leurs droits (jusqu’à 32 % des non conventionnés) sur ces points.

95Les dernières questions posées portaient sur les dispositifs de détachement existant du préventif vers l’académique (l’inverse n’existant pas) ou de dispositifs autorisant davantage de temps de recherche. Parmi les sept dispositifs cités, les projets d’action scientifique ("jours PAS") sont les mieux connus des 136 répondants (figure 64). Les dispositifs qui concernent les doctorants ou docteurs sont bien moins connus. La connaissance de ces dispositifs est bien meilleure parmi les agents qui sont affiliés à un laboratoire de recherche (avec ou sans convention), toutefois les réponses apportées à la question de l’évolution de ces dispositifs montrent que l’ensemble de la population répondante est très mal informée à ce sujet dans la mesure où les réponses sont discordantes. À la question "Y a-t-il d’autres dispositifs non mentionnés" aucun des 136 agents n’a répondu affirmativement.

96Le nombre de personnes ayant bénéficié de ces dispositifs est si faible qu’une représentation graphique n’aurait pas été pertinente. En effet, au cours des 5 ans couverts par l’enquête, sur 136 personnes seules 8, toutes des femmes, ont candidaté et obtenu un temps de recherche ou de formation. La durée moyenne de ces périodes était de 1,2 mois, pour un total cumulé de seulement 9 mois.

Synthèse et éléments de réflexion

97Le panorama réalisé ici montre que la communauté professionnelle en anthropologie biologique et archéo-anthropologie en France est une petite communauté d’environ 350 personnes. Elle se répartit pour moitié entre le secteur académique et le secteur de l’archéologie préventive. C’est une communauté féminine aux deux tiers, une tendance plus marquée encore dans le secteur préventif que dans le secteur académique. C’est aussi une communauté assez jeune où les 30-49 ans sont très nombreux, la féminisation se renforçant dans les classes d’âge les plus jeunes, davantage dans le secteur préventif.

98Le nombre de personnes ayant répondu à l’enquête, qui a livré la plupart des données analysées pour produire ce panorama, est suffisamment important pour que l’on puisse considérer que les biais potentiels sont faibles. L’équilibre femmes/hommes des répondants est notamment très proche de celui de l’ensemble de la communauté. Les professionnels du secteur préventif ont répondu en plus grand nombre que ceux du secteur académique. Cela suggère que, si les résultats de l’enquête reflètent bien la réalité du personnel du secteur préventif, ils pourraient être légèrement moins représentatifs pour le secteur académique, en particulier en ce qui concerne la diversité des disciplines. Par exemple, très peu de chercheurs en (paléo)génétique ou génomique ont participé à l’enquête.

99De manière générale, de nombreux résultats de cette enquête soulignent les effets négatifs des nombreuses transformations que l’enseignement supérieur et la recherche en France ont subies, notre communauté n’échappant pas à ces tendances. En ce qui concerne les particularités de nos disciplines, nous laissons à chacun le soin d’interpréter les nombreux et riches résultats de ce panorama. Cependant, nous tenons à mettre en avant quelques points essentiels liés à trois sujets principaux.

Les liens entre secteurs académique et préventif

100Les résultats montrent clairement que les passerelles/relations sont insuffisantes. Un peu plus de la moitié des personnels du secteur préventif est affiliée à une structure académique, mais pour ceux qui le sont, leurs activités de recherche sont insuffisamment intégrées dans les programmes de recherche de ces structures. De plus, les échanges entre les personnels du secteur préventif et le milieu académique sont insuffisamment encadrés par des conventions formelles. Les agents du secteur préventif affiliés à une structure académique sont également mal intégrés dans les instances des unités (comme les assemblées générales ou les conseils de laboratoire) et sont insuffisamment informés de leurs droits au sein de ces structures, un problème encore plus marqué pour les collaborations sans convention formelle. Enfin, le nombre de personnes ayant déclaré avoir bénéficié de dispositifs d’échange ou de temps dédié à la recherche sur les 5 ans couverts par l’enquête, ainsi que le temps total de travail consacré à ces activités, est extrêmement faible au regard des 136 répondants à l’enquête.

101La position des actrices et acteurs de nos disciplines vis-à-vis des associations qui animent leurs champs disciplinaires traduit aussi ces liens et échanges insuffisants. Compte tenu de recherches menées respectivement dans les secteurs académique et préventif, et des périmètres couverts par le Gaaf et la SAP, il est normal que les personnels du secteur académique soient surtout membres de la SAP et les personnels du secteur préventif membres du Gaaf. Mais les différences sont trop marquées, trop peu d’actrices et acteurs du préventif étant membres de la SAP et encore moins du secteur académique membres du Gaaf. Pourtant, les thématiques de recherche abordées dans les deux sociétés sont plus chevauchantes que ce que l’ampleur de ces différences ne traduit.

102Cette situation est préjudiciable pour de nombreuses raisons, mais concentrons-nous ici sur l’aspect scientifique. Les professionnels du secteur préventif travaillent principalement sur les périodes récentes (notamment à partir de l’Antiquité) et sur le territoire national. Plusieurs contraintes structurelles, dues à la libéralisation des recherches archéologiques, influencent profondément leurs conditions de travail comme en témoignent leurs réponses sur les difficultés rencontrées ou les caractéristiques de leurs activités de recherche. Ils peinent, par exemple, à assister aux manifestations scientifiques et publient très peu tant au niveau international que national, la majorité de leur production scientifique étant constituée de rapports de fouille (certes indispensables). En conséquence, une grande partie de la connaissance issue des travaux réalisés par les structures d’archéologie préventive est très insuffisamment valorisée. Dans la mesure où les contraintes structurelles, comme le manque de recrutement, ne changeront pas dans un avenir proche, il est crucial d’en atténuer les effets néfastes. Pour ce faire, il faut dynamiser les possibilités d’échanges et d’intégration avec le secteur académique et offrir aux agents du secteur préventif davantage de solutions pour développer et améliorer leurs recherches.

La précarité et l’évolution des carrières

103La précarité se manifeste différemment entre les secteurs académique et préventif, bien que le pourcentage de CDD dans les deux secteurs soit similaire, avoisinant les 20 % (hors contrats doctoraux pour le secteur académique). Pour autant, la proportion de personnes n’ayant eu qu’un seul CDD en 5 ans est plus élevée dans le préventif que dans l’académique. Une autre différence est que les personnes qui ont eu plus d’un contrat sont plus nombreuses à en avoir eu deux ou trois dans le secteur académique et plus nombreuses à en avoir eu plus de trois dans le secteur préventif. Ceci est en partie lié à la durée des contrats. En effet, dans le secteur académique, environ trois quarts des CDD durent d’1 à 3 ans, généralement liés aux postes financés par des appels à projet type ANR. En revanche, dans le secteur préventif, près de 70 % des CDD concernent des contrats d’un an ou moins, reflétant la nature ponctuelle des activités de fouille et de post-fouille, effectuées site par site. Au sein du secteur académique, hors doctorants, le taux de CDD est bas au CNRS mais élevé au MNHN et dans les universités. Dans le secteur préventif, le taux de CDD est très faible dans les sociétés privées d’archéologie préventive, plus élevé à l’Inrap et important dans les collectivités territoriales. Il y a plus de mobilité entre différents employeurs dans le secteur préventif et au sein de ce secteur, et les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes par la mobilité entre plusieurs employeurs.

104Sur l’ensemble de nos domaines, la précarité des femmes se traduit par un taux de CDI inférieur à celui des hommes et un pourcentage plus élevé de recherche d’emploi, bien qu’il n’y ait pas de différence notable sur le taux de CDD. En conséquence, la part de femmes n’ayant eu qu’un seul contrat en 5 ans est inférieure à celle des hommes, aussi bien dans l’académique que dans le préventif, ce qui se manifeste logiquement dans la proportion de femmes ayant été sous contrat pendant la totalité des 5 ans, inférieure à celle des hommes. Dans les deux secteurs, les femmes sont aussi plus nombreuses que les hommes à avoir occupé plus de trois contrats en 5 ans. Dans le secteur préventif, les femmes sont à la fois plus nombreuses à être en CDD et à être sans emploi, tandis que dans le secteur académique, c’est surtout l’accès à l’emploi qui leur est défavorable. Enfin, dans le secteur académique, la part des femmes à avoir eu des contrats pour une durée totale inférieure à un an est près du double de celle des hommes. Dans le secteur préventif, c’est la part des femmes ayant travaillé entre un et 4 ans qui est nettement supérieure à celle des hommes. Plus d’un tiers des répondants à l’enquête s’inquiète de la précarité, sans différence notable entre les secteurs académique et préventif, mais cette préoccupation est nettement plus marquée chez les femmes que chez les hommes.

105Concernant l’évolution des carrières, un pourcentage alarmant de personnes déclare avoir pris plus de responsabilités sans augmentation de salaire, en particulier dans le secteur préventif, où ce phénomène touche surtout les femmes. Il est également préoccupant qu’un tiers des répondants n’ait bénéficié d’aucune évolution de carrière au cours des cinq dernières années.

Les effets du genre

106En plus des inégalités liées à la précarisation, d’autres différences liées au genre sont perceptibles. Dans le secteur académique, elles sont relativement limitées en ce qui concerne le grade salarial, liées au fait que les femmes occupent proportionnellement plus de postes d’ingénieur ou de technicien (18 % des femmes contre 11 % des hommes). Dans le secteur préventif, les écarts sont plus prononcés : les femmes occupent moins souvent des postes équivalent à ceux d’ingénieur de recherche et plus souvent les postes de technicien, comparativement aux hommes.

107Concernant les diplômes, les rares personnes à travailler dans nos disciplines sans avoir un Master sont toutes des femmes, dans les deux secteurs. La proportion de femmes titulaires d’une thèse est légèrement supérieure à celle des hommes dans les deux secteurs. Cependant, seulement 22,5 % des femmes dans le secteur académique détiennent une HDR contre 38,2 % des hommes.

108Les femmes rencontrent également plus de difficultés que les hommes pour financer leurs activités de recherche. Elles dépendent davantage des financements récurrents que les hommes, bien que dans le secteur académique elles soient proportionnellement plus nombreuses à faire des demandes de financement et en déposent davantage. La situation est inversée dans le secteur préventif. De plus, les femmes du secteur académique consacrent également davantage de temps à l’évaluation des demandes de financement que leurs homologues masculins.

109En plus des nombreuses tendances relevées en termes de précarité en défaveur des femmes, ces exemples montrent donc que même dans une communauté majoritairement féminine, les biais de genre persistent.

Matériel supplémentaire

110Le questionnaire de l’enquête est disponible à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/​bmsap/​14441?file=1

111Les résultats bruts sont accessibles sur demande auprès des auteurs correspondants.

Remerciements : Nous remercions très chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette enquête et qui, par leur nombre, ont fortement contribué à la qualité des données analysées. Nous remercions également les équipes des conseils d’administration du Gaaf et de la SAP pour leur aide et leurs conseils tout au long de ce travail, ainsi que les deux sociétés pour leur soutien logistique et financier.