Notes de la rédaction
Ceci est le communiqué de presse relatif à l'article d'Emmanuelle Lenel publié le 6 septembre 2010. Accéder à la publication.
Voilà quelques années que la mixité sociale est au cœur du débat sur l’école. Pour beaucoup, elle apparaît comme « ce qu’il faut promouvoir » pour atteindre plus de justice à l’école, question cruciale pour Bruxelles s’il en est. Est-elle pour autant toujours et partout le meilleur instrument pour favoriser la réussite et, plus largement, la meilleure insertion future des élèves dans la société ?
C’est la question qu’Emmanuelle Lenel (FUSL/CES) pose dans la 40ème livraison de Brussels Studies au travers de l’étude ethnographique de deux écoles bruxelloises représentant deux approches différentes de la mixité sociale.
La première école que l'auteure appellera « l’école des mixités » regroupe les trois filières du secondaire. On y prête une grande attention au maintien d’une mixité maximale : population bigarrée, insertion des doubleurs dans les classes ordinaires et discours de défense de la mixité sociale sont quelques-uns des traits saillants de l’établissement. La mixité y est vue comme un préalable à l’égalité.
Pourtant, l’on constate une tendance à la ségrégation sociale avec, par exemple, une progressive relégation des populations moins favorisées dans les filières les moins prestigieuses. La cohabitation des trois filières n’empêche par ailleurs pas l’orientation professionnelle d’être considérée comme une « poubelle » où sont relégués ceux qui « ne veulent pas étudier ». L’expérience de l’altérité ne prémunit donc pas contre la fermeture et le rejet.
La deuxième école, dite « L’école des filles », présente un profil radicalement autre. De tradition féminine, cet établissement n’accueille des garçons que depuis quelques années. La mixité y est faible d’un point de vue sexué et social. Cette faiblesse est liée à la volonté de créer un espace préservé pour les filles originaires du quartier, pour l’essentiel issues de l’immigration maghrébine et turque. Les filières qui y sont organisées ont pour vocation essentielle de permettre un accès au marché du travail. L’homogénéité sexuée et ethnique de cette école est défendue dans le cadre d’une approche particulariste de l’intégration. Le maintien d’un « entre-soi » vise ainsi notamment à préserver un public dont le capital culturel ne permettrait pas de tirer avantage d’une compétition avec d’autres jeunes. L’entraide mutuelle au travers de liens de solidarité forts est ainsi mise en avant, sur fond d’une égalité considérée ici comme équivalence des moyens.
L’étude renvoie à une question fondamentale, celle du modèle de « bonne école » qu’il convient de privilégier. Est-elle un établissement préparant les « bons élèves » à l’entrée à l’université ? Ou est-elle un lieu d’ouverture vers divers modèles de réussite ? Au-delà du débat éthico-philosophique entre mixité et communautarisme, différenciation et indifférenciation, au-delà également d’une opposition simpliste entre écoles ouvertes et écoles-ghettos, on peut considérer que les deux modèles d’école analysés favorisent chacun un certain type de réussite.
On l’aura compris, l’auteur nous renvoie à des interrogations aussi essentielles que négligées dans le débat actuel. Des questions qu’il faudra bien affronter si l’on souhaite relever le défi de l’enseignement à Bruxelles.
Pour citer cet article
Lenel, Emmanuelle, « La mixité à l’école comme levier de réussite ? », Brussels Studies [En ligne], Collection générale, n° 40, mis en ligne le 6 septembre 2010, URL : https://journals.openedition.org/brussels/782
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