À l’heure où se développe une économie de plus en plus fondée sur la connaissance, la recherche joue un rôle primordial. Et les objectifs politiques généraux, telle que la Déclaration de Lisbonne qui prévoyait d’affecter au budget de la recherche 3 % du PIB de l’UE, doivent s’ancrer dans des territoires. La coopération entre tous les acteurs de la Recherche et Développement (R&D) - entreprises, pouvoirs publics, universités, organismes intermédiaires – sera stimulée pour produire de l’innovation.

Bruxelles est généralement reconnue comme la capitale de l’Union Européenne, principalement en raison des activités politico-administratives qu’elle héberge. Mais constitue-t-elle pour autant un nœud stratégique pour la R&D en Europe ? Quels acteurs fondent sa compétitivité et comment leur poids relatif a-t-il évolué au fil du temps ? Le contexte institutionnel complexe de Bruxelles influence-t-il la performance de l’ensemble du système de recherche et d’innovation de l’aire métropolitaine ?

C’est à ces questions que le numéro 81 de Brussels Studies s’attaque. Pour y répondre, Nicola Dotti et Bas Van Heur (Cosmopolis, Vrije Universiteit Brussel), ainsi qu’André Spithoven (Politique scientifique fédérale et Universiteit Gent) ont analysé la répartition géographique des bénéficiaires des financements de recherche-développement des programmes-cadres (Framework programs ou FP). C’est pour eux une manière d’évaluer la capacité de Bruxelles à s’impliquer dans les projets financés par l’Europe. Les auteurs, économistes et géographes, s’accordent sur le fait que les FP constituent un indicateur significatif pour un territoire, ce pour trois raisons. Premièrement, la procédure est très sélective et le taux de participation est donc un indicateur de compétitivité. Deuxièmement, les financements européens constituent des ressources pour la R&D, qui améliorent le système d’innovation local. Troisièmement, ces fonds ne sont octroyés que s’il existe un consortium de projet transnational, ce qui suppose des réseaux de coopération.

Comment Bruxelles s’en sort-elle dans la compétition ? Pour comparer Bruxelles aux autres métropoles européennes, il faut joindre la Région de Bruxelles-Capitale et les deux Brabant et inclure ainsi, dans les calculs, les pôles universitaires de Leuven et Louvain-la-Neuve. L’aire métropolitaine de Bruxelles ainsi définie, qui correspond d’ailleurs au territoire de la Communauté métropolitaine de Bruxelles tel que fixé par la loi du 19 juillet 2012, obtient un très bon résultat. Elle figure dans le top 10 européen, au côté de villes comme Paris ou Londres, et arrive en tête des régions les mieux placées pour ce qui est de l’augmentation entre le 5e FP (1999-2002) et le 7e FP (2007-2010). C’est une bonne performance, puisque presque toutes les régions concurrentes accusent une tendance à la baisse sur ce dernier indicateur.

Les auteurs soulignent toutefois la forte contribution au bon score bruxellois des acteurs non belges de la R&D et en particulier des associations européennes. La plupart de ces structures hybrides ne mènent pas directement des activités de R&D. Elles agissent en tant que « courtiers de connaissances » en établissant, coordonnant et administrant des réseaux. Globalement, elles « recueillent » les participations aux FP pour les réorienter ailleurs, là où se trouvent les parties prenantes. Cette fonction est localisée à Bruxelles, car intimement liée au statut de capitale de l’UE. Cela montre que Bruxelles est aussi, au sens strictement organisationnel, la « capitale de la recherche européenne ».

Mais ce rôle spécifique qui booste la compétitivité du Bruxelles ne doit pas occulter les bons résultats des acteurs « locaux » face à la concurrence. Même sans les acteurs « européens », la performance de Bruxelles reste au niveau de Londres, Munich ou Helsinki. Cependant, à l’échelle métropolitaine, un glissement s’observe entre le rôle grandissant des entreprises (plutôt soutenues par les Régions) et la diminution relative de la participation des Universités et instituts de recherche publics (largement financés par les Communautés, voire le Fédéral).

Dans le cadre complexe de la gouvernance de la R&D qui s’articule, dans l’aire métropolitaine bruxelloise, entre trois Régions, deux Communautés et un Etat fédéral, la présence importante des acteurs européens soulève, selon les auteurs de l’étude, un défi spécifique à Bruxelles : comment tirer profit de cette présence au bénéfice des acteurs locaux ? Comment créer davantage de synergies entre acteurs belges et européens ?

Pour citer cet article
Dotti, Nicolas Francesco, Spithoven, André, et Van Heur Bas, « La compétitivité de Bruxelles dans la recherche européenne », Brussels Studies [En ligne], Collection générale, n°81, mis en ligne 10 novembre 2014, URL : https://journals.openedition.org/brussels/1240

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