- 1 Il s’agit d’un statut assigné par la mutuelle aux personnes en risque de pauvreté sur base du sta (...)
- 2 Pour les compteurs individuels, l’octroi de cette intervention est automatique pour une partie de (...)
12022 a été une année de changement pour le prix de l’eau en Région de Bruxelles-Capitale. D’une part, la tarification progressive, qui posait de nombreux problèmes [May et al. ; 2021], a été abandonnée au profit d’une tarification linéaire (le prix du m³ d’eau est identique, quelles que soient les quantités consommées). D’autre part, une nouvelle méthodologie tarifaire est entrée en vigueur pour la période 2022-2026. Celle-ci prévoyait une hausse du prix de l’eau de 15 % dès 2022 pour un ménage type de deux personnes ayant une consommation moyenne (35 m³/habitant/an). En parallèle, une intervention sociale a été mise en place pour les Bénéficiaires de l’Intervention Majorée1 (BIM), soit environ un quart des ménages bruxellois. En fonction des quantités d’eau consommées, cette intervention sociale permettra en théorie de compenser partiellement l’augmentation du prix de l’eau, voire de réduire la facture totale pour les ménages qui ont une consommation moyenne (Vivaqua, 2021a)2.
- 3 Ce qui a entrainé une baisse réelle du prix de l’eau si on prend en compte l’inflation.
2Cette hausse du prix de l’eau résulte des besoins de financement de l’intercommunale Vivaqua qui gère le service de l’eau à Bruxelles. À partir du début des années 2000, Vivaqua a progressivement repris la gestion du réseau d’égouttage aux 19 communes qui ont historiquement peu investi dans l’infrastructure. Le réseau d’égouttage est par conséquent en mauvais état et nécessite des investissements importants (Brugel, 2019b : 6/14). Ce besoin d’investissements couplé au blocage du prix de l’eau entre 2014 et 20193 expliquent les difficultés financières de Vivaqua dont la dette augmente chaque année (Vivaqua, 2021b). Pour y remédier, l’augmentation du prix de l’eau était considérée comme une évidence par tous les acteurs institutionnels (Brugel, Vivaqua, Bruxelles-Environnement et le Cabinet du Ministre bruxellois de l’Environnement).
- 4 Les eaux résiduaires sont toutes les eaux présentes dans le réseau public d’assainissement.
3Pour justifier cette hausse du prix de l’eau, Vivaqua argüe que l’eau bruxelloise reste la moins chère de Belgique. Toutefois, ce prix plus bas résulte de différents facteurs, en particulier de certains avantages structurels objectifs. En matière d’approvisionnement (production et distribution d’eau potable), Vivaqua bénéficie de deux avantages substantiels par rapport aux autres sociétés de distribution de Belgique (Cornut, 1999). Premièrement, elle gère un réseau exclusivement urbain, donc dense et par conséquent moins couteux à entretenir. Deuxièmement, Vivaqua a de longue date acquis des captages en Wallonie (Modave, Vedrin, Braine-l’Alleud, Tailfer…), qui offrent l’avantage de pouvoir produire à faible cout d’importants volumes d’eau. La situation est plus contrastée sur le plan de l’assainissement (collecte et épuration des eaux résiduaires4). D’un côté, la densité du réseau de collecte et la modeste présence sur le territoire bruxellois de l’agriculture, source potentielle de pollution des eaux, tend à réduire les couts. De l’autre, l’imperméabilisation d’une part importante de la surface de la Région renchérit les couts car elle augmente la quantité d’eau à collecter et à épurer.
4Affirmer que l’eau est moins chère à Bruxelles que dans les deux autres Régions ne constitue donc pas un argument pertinent pour l’augmenter, en particulier dans un contexte où 31 % des Bruxellois disposent d’un revenu inférieur au seuil de risque de pauvreté, soit bien davantage qu’en Flandre (10 %) ou en Wallonie (18 %) [Englert et al., 2021].
5Dès lors, l’augmentation du prix de l’eau en 2022 était-elle inéluctable ? Cet article vise à faire le point sur cette question. Pour ce faire, nous présentons tout d’abord le cadre institutionnel bruxellois du secteur de l’eau. Ensuite, nous décrivons schématiquement le cycle de l’eau à Bruxelles, puis montrons que le principe du pollueur-payeur n’est pas respecté dans la mesure où le consommateur d’eau paie en partie pour des couts dont il n’est pas responsable. Enfin, nous réalisons une approximation des montants indument à charge des consommateurs et examinons comment ceux-ci pourraient être financés autrement que par la facture d’eau.
6La politique de l’eau est une compétence régionale. Le Gouvernement régional a délégué ses compétences en la matière au Ministre bruxellois de l’Environnement. La compétence est mise en œuvre par Bruxelles Environnement, qui est l’administration de l’environnement en Région de Bruxelles-Capitale.
- 5 Ordonnance du 20 octobre 2006 établissant un cadre pour la politique de l’eau. Art. 5 /43o, 38.
7La politique de l’eau est régie par l’Ordonnance du 20 octobre 2006 établissant un cadre pour la politique de l'eau5 (ci-après : l’Ordonnance Cadre Eau) qui met en œuvre la Directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau et qui a imposé le principe de cout-vérité de l’eau, conformément au principe du pollueur-payeur. L’Ordonnance Cadre Eau fixe les modalités d’établissement et de récupération du cout du service de l’eau. Ce cout-vérité comprend notamment la protection des captages, la production, la collecte et l’épuration des eaux usées qui comprenaient initialement les eaux de pluie. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 16 mai 2019 modifiant l’Ordonnance Cadre Eau, les eaux de pluie ont (logiquement) été exclues de la définition des eaux usées domestiques. Par conséquent, l’Ordonnance n’impose plus que le cout-vérité de l’eau inclue l’épuration des eaux de pluie. En outre, celle-ci établit que les différents secteurs économiques, décomposés en distinguant au moins le secteur domestique d’un côté et ceux rejetant des eaux usées non domestiques d’un autre côté, contribuent à la récupération des couts des services liés à l'utilisation de l'eau dans le respect du principe du pollueur-payeur.
8Les deux principaux opérateurs de l’eau en Région de Bruxelles-Capitale, Vivaqua et Hydria (précédemment Société Bruxelloise de Gestion de l’Eau), sont des acteurs publics. Vivaqua assure la production et la distribution de l’eau potable, la gestion d’une partie des infrastructures assurant la collecte et le stockage tampon des eaux résiduaires urbaines (30 bassins d’orage) tandis que Hydria gère l’autre partie des infrastructures de collecte et de stockage tampon (cinq des principaux bassins d’orage bruxellois) ainsi que les deux stations d’épuration présentes sur le territoire régional. Contrairement à Vivaqua, Hydria gère un réseau de collecteurs en bon état puisque les investissements ont été réalisés récemment.
9Brugel est l'autorité bruxelloise de régulation du secteur de l’eau depuis 2017. Cet organisme assure quatre missions : le contrôle du prix de l’eau ; l’audit et le conseil sur le fonctionnement du secteur ; l’approbation des conditions générales de vente de Vivaqua et la fourniture d’un service de médiation de l’eau.
10En 2022, chaque ménage connecté au réseau de distribution d’eau paie une redevance annuelle d’abonnement de 29 € et l’eau est facturée 3,86 € par m³. Pour les consommateurs non domestiques, un multiplicateur est appliqué à la redevance annuelle de 29 € en fonction du calibre du compteur et l’eau coute 4,70 €/m³. Ces montants sont entièrement perçus par Vivaqua et sont ensuite partiellement reversés à Hydria. Ces prix couvrent la production et la distribution d’eau potable ainsi que la collecte des eaux résiduaires urbaines, leur épuration et la lutte contre les inondations.
11Comme Bruxelles dispose d’un réseau d’égouts unitaire, outre la plupart des eaux usées domestiques et non domestiques, les égouts et les collecteurs convoient aussi les eaux claires. Celles-ci sont constituées de la grande majorité des eaux de ruissèlement par temps de pluie (les eaux pluviales), mais aussi de certaines eaux de drainage, de ruisseaux, d’étangs, de sources et de suintements (appelées eaux claires parasites). Les eaux claires et les eaux usées sont mélangées dans les égouts et envoyées vers les stations d’épuration.
- 6 35,5 millions de m³ sont consommés par le secteur domestique, 21 millions de m³ par le non-domest (...)
- 7 Les eaux claires parasites représentent 24 % du volume traité chaque année dans la station d’épur (...)
- 8 Le volume de 33 millions de m³ est obtenu par déduction : 140 millions de m³ sont collectés par l (...)
- 9 Selon une estimation réalisée en 2013, la part des eaux usées issues de Flandre s’élèverait à env (...)
12À la figure 1, nous avons schématisé les flux d’eau transitant par les égouts sur base des informations que nous avons pu rassembler. Les flux collectés par les égouts sont constitués de volumes vendus par Vivaqua (60 millions de m³)6, d’eaux claires parasites (± 29 millions de m³)7, d’eaux pluviales (± 33 millions de m³)8 et d’eaux usées provenant de Flandre en raison de la configuration du réseau hydrographique (± 18 millions de m³)9. Tous ces chiffres constituent de simples ordres de grandeur et varient d’une année à l’autre en fonction de la pluviométrie.
- 10 Cette estimation des surverses est réalisée par Bruxelles-Environnement. En cas de pluie, pour év (...)
13Environ 130 millions de m³ aboutissent chaque année dans les deux stations d’épuration bruxelloises [Brugel, 2018 : 11] et 10 millions de m³ sont déversés dans la Senne et le Canal sans aucun traitement lors des épisodes de pluie intense10. Ces volumes rejetés directement dans le réseau hydrographique sont principalement composés d’eaux de pluie mais sont néanmoins mélangés à des eaux usées et à des eaux claires parasites.
Figure 1. Schéma illustrant la nature des eaux collectées par les égouts en Région de Bruxelles-Capitale (volumes annuels)
14Par conséquent, si on exclut les eaux usées provenant de Flandre pour lesquelles la Région bruxelloise est indemnisée, un peu plus de la moitié des eaux présentes dans les égouts sont des eaux claires.
- 11 Comme nous le verrons ci-après, la Région de Bruxelles-Capitale a alloué en 2022 un subside de 36 (...)
15En pratique, excepté un subside alloué par la Région à Hydria11, ce sont les consommateurs d’eau qui financent par le biais de la facture d’eau la collecte et l’épuration de toutes les eaux résiduaires bruxelloises (en ce compris les eaux de pluie et les eaux claires parasites) mais aussi la lutte contre les inondations. Ce mode de financement est-il en accord avec la notion de cout-vérité de l’eau conformément au principe du pollueur-payeur ?
16Sur la base de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est établi que le principe du pollueur-payeur implique que les pollueurs ne sont responsables que de la pollution à laquelle ils contribuent [Lindhout et al., 2014]. Ils n’ont pas à payer pour l’élimination et la prévention de la pollution à laquelle ils ne participent pas. En conséquence, s’il est légitime qu’au nom du principe susmentionné les consommateurs d’eau paient pour la collecte et l’épuration des eaux usées résultant de leur consommation d’eau, en revanche, il n’est pas justifiable de leur imputer les montants destinés à la lutte contre les inondations, la collecte et l’épuration des eaux de pluie et des eaux claires parasites. En d’autres termes, le principe du pollueur-payeur est ici détourné : les acteurs dont il est le plus simple d’obtenir une participation financière sont désignés comme pollueurs, sans véritable lien entre eux et la pollution. Dans les faits, il s’agit d’une taxe déguisée, intégrée au prix de l’eau et servant à financer sa gestion.
17Un tel mécanisme de taxe est intrinsèquement inéquitable, puisqu’il fait contribuer les consommateurs en fonction de leur consommation d’eau et non en fonction de leur capacité contributive. Comme la consommation d’eau est proportionnelle au nombre de personnes présentes dans un ménage [May et al., 2021], les grands ménages paieront davantage pour l’assainissement des eaux de pluie, des eaux claires parasites et la lutte contre les inondations que les plus petits. De même, les activités économiques consommant beaucoup d’eau sont arbitrairement mises davantage à contribution.
18L’Ordonnance Cadre Eau, telle que modifiée par l’Ordonnance du 16 mai 2019, va dans le même sens que notre interprétation, puisqu’elle prévoit que les couts des services liés à l’utilisation de l’eau comprennent la collecte et l’épuration des eaux usées au sens strict, desquelles les eaux de pluie sont exclues.
19En conclusion, le prix de l’eau tel que pratiqué actuellement en Région de Bruxelles-Capitale ne respecte ni le principe du pollueur-payeur, ni l’Ordonnance Cadre Eau. Dans la prochaine section, nous cherchons à estimer les montants indument facturés au consommateur.
- 12 Le système d’égout à Bruxelles n’est pas uniquement gravitaire. À certains endroits du réseau, le (...)
20L’assainissement des eaux de pluie représente un cout important à Bruxelles. Dans un réseau d’égouts unitaire, les répercussions financières des eaux de pluie se font ressentir à plusieurs niveaux. En effet, elles induisent le dimensionnement des égouts et des stations d’épuration et entrainent la construction d’infrastructures de lutte contre les inondations (les bassins d’orage). Par ailleurs, les précipitations peuvent provoquer des surcharges du réseau, ce qui entraine une dégradation accélérée des canalisations et conduisent à une consommation accrue d’énergie12. Enfin, elles augmentent sensiblement le volume d’eau à traiter et diluent la pollution des eaux à épurer. Or, cela coute moins cher et est plus efficace d’épurer de faibles volumes d’eau présentant une plus forte concentration en polluants.
21Le rôle des eaux claires parasites dans le cout total de l’assainissement est plus ambivalent. D’un côté, la présence des eaux claires parasites dans les égouts augmente les dépenses opérationnelles des stations d’épuration mais, de l’autre, un afflux moindre d’eau limpide provoquerait un affaiblissement du débit dans les canalisations à faible déclivité (surtout le long et à l’ouest de la vallée de la Senne), donc une diminution des quantités de matières solides transportées et, partant, une sédimentation accrue dans les collecteurs. Les économies réalisées sur le fonctionnement de la station d’épuration seraient au moins partiellement contrebalancées par une hausse des couts d’entretien des égouts [de Ville et al., 2017].
- 13 Les activités régulées directes englobent toutes les activités entreprises par l’opérateur du sec (...)
22Comment dès lors estimer le cout d’assainissement des eaux de pluie et des eaux claires parasites ? Nous ne disposons pas des informations nécessaires pour le faire avec précision. Brugel annonce qu’il devra être en mesure d’isoler les couts de la gestion des eaux de pluie dans le réseau [Brugel, 2019a : 5]. En attendant, il est possible de réaliser une première estimation sur base du tableau ci-dessous fournissant une projection budgétaire des activités régulées directes de Vivaqua pour l’année 202213.
Tableau 1. Prévisions des charges et produits des activités régulées directes de Vivaqua pour l'année 2022
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Charges
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Produits
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TOTAL (charges nettes)
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Production et Captage
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61 878 637
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1 636 847
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-60 241 791
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Transports et Stockage
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19 865 009
|
942 612
|
-18 922 397
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Répartition
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7 486 387
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346 099
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-7 140 287
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Distribution
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55 536 367
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2 393 176
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-53 143 192
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Tarif abonnés à ventiler sur l'approvisionnement
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123 157 593
|
123 157 593
|
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Part du tarif approvisionnement qui couvre AIG*
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-1 463 437
|
-1 463 437
|
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Total approvisionnement
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144 766 400
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127 012 890
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-17 753 510
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Égouts, collecteurs et épuration
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114 857 476
|
4 364 924
|
-110 492 552
|
|
Stockage tampon et régulation des flux/lutte contre les inondations
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12 186 963
|
495 736
|
-11 691 227
|
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Tarif abonnés à ventiler sur l'assainissement
|
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130 989 290
|
130 989 290
|
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Part du tarif assainissement qui couvre AIG*
|
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-688 043
|
-688 043
|
|
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Total assainissement
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127 044 439
|
135 161 907
|
8 117 468
|
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Projets
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2 965 763
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-2 965 763
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Total pour les activités régulées directes pour Bruxelles
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274 776 602
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262 174 797
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-12 601 805
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Source : Brugel [2021a]
*Activités d’Intérêt Général (Fonds Social de l’eau, Fonds de Solidarité Internationale et inspection des bassins d’orage)
23Les charges relatives à la production, la distribution et l’assainissement des eaux résiduaires s’élèvent à 274,8 millions d’euros pour la Région de Bruxelles-Capitale. L’approvisionnement représente 144,8 millions d’euros (53 %) et l’assainissement 127 millions d’euros (46 %).
24Ces charges d’assainissement incluent les montants reversés par Vivaqua à Hydria pour mener à bien sa mission mais pas le subside régional de 36,4 millions d’euros (en 2022) reçu directement par Hydria pour l’épuration des eaux. La valeur réelle du poste « égouts, collecteurs et épuration » du tableau 1 est donc de 114,9 + 36,4 = 151,3 millions d’euros. Étant donné que près de la moitié des eaux bruxelloises présentes dans les égouts provient des eaux de pluie et des eaux claires parasites, et que les eaux pluviales ont un cout sensiblement plus élevé que les eaux usées, nous faisons l’hypothèse prudente que les eaux claires représentent la moitié de ce poste de dépense, soit 75,6 millions d’euros. En outre, 12,2 millions d’euros sont destinés au « stockage tampon et régulation des flux/lutte contre les inondations ». Par conséquent, nous estimons qu’environ 87,8 millions d’euros sont consacrés à l’assainissement des eaux de pluie et des eaux claires parasites chaque année.
25Comme la Région bruxelloise fournit un subside de 36,4 millions d’euros (à Hydria), cela signifie que 87,8 – 36,4 = 51,4 millions d’euros sont directement à la charge des consommateurs d’eau. En vertu du principe du pollueur-payeur, 51,4 millions d’euros ne devraient pas faire partie de la facture d’eau des consommateurs et devraient être financés autrement. Sur un total des recettes générées par la vente d’eau à Bruxelles estimées à 254 millions d’euros pour 2022 (Brugel, 2021a : 8), ce montant représente 20 % du prix de l’eau (abonnement et prix au m³ de l’eau confondus).
26Il semble logique que le consommateur d’eau ne doive pas prendre en charge les 51,4 millions d’euros nécessaires à la lutte contre les inondations et à l’assainissement des eaux de pluie et des eaux claires parasites. Néanmoins, la question de savoir comment financer ce montant demeure. Au vu des investissements nécessaires pour la rénovation des égouts à Bruxelles, il est certain que Vivaqua a besoin de ces recettes. Dès lors, nous explorons deux pistes de financement alternatives au paiement par le consommateur : la taxation des surfaces imperméabilisées et le subside régional.
27Bruxelles-Environnement et Brugel, conscients de la question du financement de l’assainissement des eaux de pluie, ont entamé une réflexion sur ce thème. Dans une note préparatoire sur la lutte contre les inondations, Brugel [2019] entrevoit deux possibilités de financement en dehors des subsides régionaux :
-
Un système de redevance qui considère que la gestion des eaux pluviales se fait au niveau de la parcelle et que les volumes se retrouvant dans les égouts sont liés au ruissèlement sur le sol. D’après Brugel, il est cohérent de lier le calcul de cette redevance à la surface imperméabilisée au sol ou tout au moins, à l’emprise du bâti sur la parcelle pour correspondre au principe de pollueur-payeur.
-
La mise en place d’une taxe environnementale, qui a pour objectif de cibler un groupe afin d’apporter un effet positif sur l’environnement, ou une taxe financière visant le financement d’un service ciblé (sans garantie que cet argent sera in fine utilisé en tout pour ce service).
28Dans sa note, Brugel privilégie le système de redevance calculée sur base des surfaces imperméabilisées. Cette dernière pourrait être corrigée en fonction des mesures compensatoires dans la gestion des eaux de pluie (toitures vertes, citernes…) qui seraient prises sur la parcelle. Selon le régulateur, un tel système de redevance serait conforme au principe du pollueur-payeur et inciterait les acteurs à réduire leur impact sur les inondations.
29Pour deux raisons au moins, nous exprimons des doutes au sujet de cette redevance. Contrairement à ce qu’avance Brugel, elle violerait le principe du pollueur-payeur et il existe des obstacles pratiques à sa mise en place.
30Le taux d’imperméabilisation des sols de la Région de Bruxelles-Capitale est passé de 27 % en 1955 à 47 % en 2006 [Vanhuysse et al., 2006] et ces chiffres ont vraisemblablement continué à augmenter avec la croissance démographique de la Région au cours des 15 dernières années. Comme environ 15 % de la surface régionale est constituée de voiries (routes et trottoirs), cela signifie qu’au moins un quart des surfaces imperméabilisées sont des infrastructures publiques qui bénéficient à toutes et tous. Vouloir faire contribuer les communes ou la région gestionnaires de ces voiries (comme envisagé par [Brugel, 2019]) pour un service public essentiel qu’elles offrent gratuitement à tous les usagers semble peu cohérent. D’autant que cela contraindrait vraisemblablement les communes ou la Région à répercuter cette nouvelle charge sur leurs habitants qui ne sont pas les seuls utilisateurs des voiries, loin de là.
31Une autre possibilité consisterait à adapter la logique de la redevance sur les surfaces imperméabilisées de manière à exclure les voiries communales et régionales. Mais une telle solution aurait pour conséquence de mettre à mal le principe consistant à faire contribuer les surfaces imperméabilisées puisqu’une part substantielle de celles-ci seraient exonérées.
32Ces constats nous amènent à nous interroger sur la réelle pertinence d’une redevance basée sur les surfaces imperméabilisées. Pour respecter le principe du pollueur-payeur, il faudrait que les (propriétaires des) surfaces imperméabilisées soient responsables de l’assainissement des eaux claires et de la lutte contre les inondations. Ce raisonnement n’est que partiellement correct. L’imperméabilisation de la ville a bien entendu un impact important sur la quantité d’eau collectée par le réseau d’égout (unitaire) et sur le risque d’inondation dans certains fonds de vallée. Toutefois, l’imperméabilisation n’est pas l’unique cause des inondations ou du besoin de collecter et d’épurer les eaux claires. En effet, des textes remontant au XIIe siècle témoignent déjà d’inondations régulières à Bruxelles [Deligne, 2003 : 67, 207-214], alors que la cité était faiblement imperméabilisée. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà souligné, parmi les eaux qui aboutissent dans les stations d’épuration, plus de 20 % sont des eaux claires parasites [de Ville, Verbanck, 2017 : 7]. Il est hasardeux d’imputer la présence de ces dernières dans les égouts aux surfaces imperméabilisées.
33En réalité, plusieurs facteurs non liés à l’imperméabilisation des sols jouent un rôle dans le cout engendré par l’assainissement des eaux claires et la lutte contre les inondations. D’abord, la politique du tout-à-l’égout conduit à envoyer toutes les eaux vers un réseau d’égout unitaire, qui doit absorber et épurer une quantité élevée d’eaux claires. Ensuite, le réseau hydrographique bruxellois a été profondément modifié au cours de l’histoire récente. De nombreux cours d’eau ont été enfouis et leurs eaux claires renvoyées vers le réseau d’égout. Des étangs ont été asséchés ou remblayés, faisant ainsi disparaitre des zones tampons pour les crues. Enfin, en raison du changement climatique, il est probable que Bruxelles enregistrera à l’avenir une diminution des évènements orageux en été mais de plus grande intensité et une augmentation de la durée des précipitations en hiver [Bruxelles-Environnement, 2018 :3]. Si ces tendances se confirment, le risque d’inondations augmenterait.
34Par conséquent, faire reposer toute la responsabilité et la charge de l’assainissement des eaux claires et de la lutte contre les inondations sur les détenteurs des surfaces imperméabilisées n’est pas conforme au principe du pollueur-payeur : seule la partie relative aux eaux de pluie ruisselant sur les surfaces imperméabilisées privées pourrait tout au plus leur être imputée. L’assainissement des eaux claires parasites et des eaux de pluie ruisselant sur les voiries devrait encore être financé.
35Les obstacles pratiques à la mise en place d’une redevance proportionnelle aux surfaces imperméabilisées servant à financer l’assainissement des eaux claires sont de plusieurs ordres :
-
Pour taxer les surfaces imperméabilisées, celles-ci doivent d’abord être estimées. Ensuite, il faudrait régulièrement actualiser la base de données inventoriant ces surfaces. URBIS, un ensemble de bases de données géographiques de la Région de Bruxelles-Capitale, comprend une estimation des surfaces bâties. Cet outil constitue une première approximation des surfaces imperméabilisées. Brugel [2019] envisage que les surfaces imperméabilisées puissent être corrigées en fonction de mesures compensatoires dans la gestion des eaux de pluie prises sur la parcelle (toitures vertes, citernes, percolation…). La collecte et la mise à jour de ces données ainsi que la gestion des plaintes et des contestations nécessiteraient des ressources humaines et financières importantes au regard des montants à prélever.
-
Une fois les surfaces imperméabilisées établies et corrigées par parcelle, il faudrait effectuer un couplage avec le cadastre pour déterminer qui doit payer la taxe. Dans le cas d’une maison unifamiliale, il est possible de désigner le propriétaire redevable. En revanche, lorsque l’immeuble (de logement ou non) est divisé entre plusieurs propriétaires, il sera nécessaire d’attribuer à chaque propriétaire une part de l’édifice et donc le montant dont il serait redevable.
-
Plus les espaces sont denses, plus les immeubles comportent d’étages et plus la taille des logements diminue, plus les superficies imperméabilisées par logement seront faibles et plus le montant de la taxe par logement sera réduit. Dans un tel environnement, les immeubles auront souvent de multiples propriétaires. Par conséquent, plus la taxe sera faible, plus le cout de collecte sera élevé (puisque les propriétaires seront nombreux) et le rendement de la taxe bas.
-
La redevance devra obligatoirement constituer une nouvelle taxe ne pouvant figurer sur la facture d’eau, car le récipiendaire de celle-ci n’est souvent pas le propriétaire du bien. Il faudra donc mettre en place une nouvelle infrastructure fiscale en charge de la collecte de cette taxe, ce qui aura également un cout.
36En conclusion, la redevance proportionnelle aux surfaces imperméabilisées ne respecterait le principe du pollueur-payeur que pour la partie relative aux eaux de pluie ruisselant sur les surfaces imperméabilisées privées, elle serait onéreuse et compliquée à mettre en place et couterait très cher à prélever, en particulier dans les environnements les plus denses. Au vu de la difficulté d’appliquer le principe du pollueur-payeur, nous préconisons d’abandonner la piste de la redevance sur les surfaces imperméabilisées et envisageons dans la section suivante la possibilité que l’assainissement des eaux claires soit pris en charge par le budget régional.
- 14 L’accès à l’eau et à l’assainissement a été reconnu comme un droit humain par consensus par l’Ass (...)
37Puisqu’il semble compliqué d’appliquer le principe du pollueur-payeur au financement de l’assainissement des eaux claires et de la lutte contre les inondations, il parait raisonnable de sortir de cette logique et de mettre ce cout à charge du budget régional. Un tel mécanisme aurait l’avantage d’être plus équitable que le système actuel de taxe déguisée sur un bien de première nécessité14. La Cour des comptes française va dans le même sens puisqu’elle affirme que la gestion des eaux pluviales relève du budget général de la collectivité tandis que les couts d’assainissement des eaux usées doivent être couverts par l’usager [Cour des comptes française, 2003 : 27].
- 15 La Région de Bruxelles-Capitale a un PIB par habitant élevé par rapport aux deux autres régions d (...)
- 16 La Région perçoit néanmoins différents impôts régionaux liés à la présence de l’activité économiq (...)
38Des acteurs du secteur de l’eau objectent que financer l’assainissement des eaux de pluie et des eaux claires parasites par le budget régional serait inapproprié – voire socialement injuste –, car un tel mécanisme ne ferait pas participer au service de l’eau les employés internationaux (nombreux à Bruxelles) et les activités économiques qui ont pourtant une capacité contributive plus élevée que beaucoup de Bruxellois15. En effet, les employés internationaux (nombreux à Bruxelles) et les activités économiques ne contribuent pas directement au budget de la Région bruxelloise. Cette dernière reçoit de l’autorité fédérale une dotation indexée (sur l’inflation) pour la présence de nombreux employés internationaux sur son territoire, par contre ces employés ne sont pas soumis à l’impôt sur les personnes physiques (dont une partie est reversée au budget régional). De même, l’impôt des sociétés (ISOC) et la TVA sont perçus par (et au bénéfice de) l’autorité fédérale16.
39En réponse à cette objection, on peut citer au moins une manière d’accroitre les recettes régionales en faisant contribuer ces deux catégories d’acteurs par le biais d’une hausse des additionnels sur le précompte immobilier dus à l’Agglomération (et reversés de facto à la Région). Ce mécanisme mettrait à contribution tous les propriétaires de biens immobiliers en Région de Bruxelles-Capitale quel que soit leur lieu de résidence ; les employés internationaux et les agents économiques seraient donc également concernés. Par ailleurs, pour certains biens publics immunisés du paiement du précompte immobilier (certains bâtiments de l’autorité fédérale, les ambassades, les institutions européennes…), la Région de Bruxelles-Capitale serait indemnisée par l’autorité fédérale.
40Certes, le précompte immobilier n’est pas exempt de tout problème dans la mesure où la dernière réévaluation générale de la valeur des biens immobiliers a été réalisée en 1975. L’estimation de la valeur des biens n’est donc plus toujours conforme à leur valeur réelle. Mais, une hausse des additionnels au précompte immobilier présenterait l’avantage d’être basée sur une infrastructure fiscale déjà existante et les couts additionnels pour augmenter les recettes seraient limités.
41On pourrait objecter qu’une hausse des additionnels au précompte immobilier dus à l’Agglomération profiterait au budget régional et ne serait pas directement affectée à l’assainissement des eaux claires mais ce que nous tenons ici à souligner c’est qu’il est possible pour la Région de Bruxelles-Capitale de dégager des recettes qui fassent aussi contribuer les employés internationaux et les activités économiques.
42Cet article n’a pas pour objet de se positionner par rapport au principe du pollueur-payeur qui a été critiqué, car il soulève entre autres des questions en termes d’équité et d’identification des acteurs responsables d’une pollution [Cornut, 2003 ; Cavagnac et Gouguet, 2008]. En revanche, nous montrons qu’à Bruxelles, comme dans beaucoup de régions ou pays européens [Cour des Comptes Européenne, 2021 ; Cour des comptes, 2020], le principe est détourné de son fondement dans le cadre de la facturation du service de l’eau.
43En effet, les consommateurs d’eau bruxellois sont les principaux contributeurs au financement de la lutte contre les inondations, de la collecte et de l’épuration des eaux présentes dans les égouts bruxellois. Si l’on excepte les eaux usées provenant de Flandre pour lesquelles la Région bruxelloise est indemnisée, environ la moitié des eaux présentes dans le réseau d’égouts bruxellois sont des eaux de pluie et des eaux claires parasites (les eaux de drainage, de ruisseaux, d’étangs, de sources et de suintements). Les consommateurs d’eau ne sont pas responsables de la présence de ces eaux claires dans les égouts, ni de la nécessité de lutter contre les inondations et ne devraient dès lors pas être mis à contribution en vertu du principe du pollueur-payeur pour les couts qu’elles engendrent.
44Une première analyse des montants indument à charge des consommateurs, en prenant en compte le subside octroyé à Hydria, conduit à un montant annuel supérieur à 50 millions d’euros, soit environ 20 % des recettes liées à la vente d’eau en Région de Bruxelles-Capitale. Cette estimation doit être affinée mais elle indique que le prix de l’eau est trop cher à Bruxelles. Il n’était donc pas fondé d’augmenter le prix de l’eau de 15 % en 2022. Le principe du pollueur-payeur impliquait de financer autrement une partie du service de l’eau.
45Nous nous sommes également interrogés sur la meilleure manière de financer autrement ces 50 millions d’euros chaque année. Une piste régulièrement évoquée par différents acteurs de l’eau consiste en la mise en place d’une taxe sur les surfaces imperméabilisées. Nous pensons qu’il s’agit d’une mauvaise solution : elle ne respecte le principe du pollueur-payeur que pour une partie des volumes d’eaux claires présentes dans les égouts, sera onéreuse à mettre en place et sera difficilement applicable.
46Dès lors, au vu de la difficulté d’appliquer le principe du pollueur-payeur au financement de la lutte contre les inondations, de la collecte et de l’épuration des eaux claires, il parait logique de couvrir ces couts en les répercutant sur le budget de la Région plutôt que sur la facture d’eau du consommateur.
47Nous espérons dès lors que la prochaine fois que le régulateur se penchera sur le prix de l’eau à Bruxelles, d’autres pistes que la hausse de prix pour le consommateur seront envisagées pour financer le service de l’eau à Bruxelles.
