Toute modification de l’espace public engendre des débats, qu’il s’agisse de la création d’un piétonnier, d’un tunnel fermé ou du tracé d’une nouvelle route. Les parcs peuvent également soulever des polémiques : le Bois de la Cambre en fait régulièrement les frais à propos de ses usages et de la place à allouer aux voitures en particulier. Le 187^e article de Brussels Studies y est consacré. Pour Nicola da Schio (VUB), Claire Pelgrims (ULB), Anneloes Vandenbroucke et Sebastiano Cincinnato (Brussels Studies Institute), le débat sur l’autorisation ou l’interdiction de la circulation automobile dans les parcs urbains et périurbains traduit l’opposition entre deux priorités: l’habitabilité urbaine ou l’accessibilité géographique. Les auteurs et autrices notent que l’opposition entre l’une et l’autre est particulièrement marquée à Bruxelles, où la mobilité est depuis longtemps influencée par des visions divergentes de la ville. Le fait d’accorder la priorité à l’habitabilité urbaine ou à l’accessibilité géographique dépendrait fortement des différents modes de vie, eux-mêmes sous-tendus par des imaginaires urbains différents.

Afin de vérifier cette hypothèse dans le cas précis du Bois de la Cambre, les chercheurs et chercheuses ont retracé l’histoire de l’organisation des mobilités en son sein et ont mené une enquête sur les représentations actuelles des usages du Bois. Ils constatent ainsi que la circulation des véhicules motorisés n’a jamais été le résultat d’un plan explicite, mais est plutôt la conséquence d’un laisser-faire. Depuis la fin des années 1960, toutefois, de nombreuses dispositions ont été proposées, notamment des limitations du trafic et des déviations. Elles traduisent les évolutions sociétales associées à l’attention portée à l’écologie, au patrimoine, à la fluidité du trafic automobile et, plus récemment, à l’importance accrue accordée aux usages récréatifs du parc.

En 2020, l’importance des espaces verts pour les habitant·e·s de Bruxelles confiné·e·s a rouvert la discussion sur les usages du Bois. Les données contemporaines présentées dans l’article proviennent d’une enquête en ligne menée à l’automne de cette même année, alors que les débats étaient particulièrement vifs. Il ressort que les différentes revendications concernant l’utilisation du parc sont étroitement liées à la situation résidentielle, aux modes de transport ainsi qu’à l’utilisation et à l’accessibilité des espaces verts. Ces usages correspondent à des modes de vie différents, inspirés par les imaginaires dominants relatifs à la mobilité et à la ville, et qui évoluent lentement. Les autrices et auteurs en appellent à mise en place de nouvelles solutions concrètes qui diminueraient la pression sur le Bois de la Cambre – moyens de transport plus durables, actions sur les prix du logement en ville et diminution des distances entre lieux de résidence et lieux de travail. Ces mesures, au caractère éminemment politique, devront toutefois s’accompagner de l’élaboration de nouveaux imaginaires pour la ville et la mobilité, qui permettront l’acceptation et la mise en application des solutions.

Pour citer cet article
da Schio, N., Pelgrims, C., Vandenbroucke, A. et Cincinnato, S., « Entre habitabilité et accessibilité au Bois de la Cambre », Brussels Studies [En ligne], Collection générale, n°187, mis en ligne le 18 décembre 2023, URL : https://journals.openedition.org/brussels/7183
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