Les organisateurs remercient les directeurs du GIP Atlantech et de l'ENITIAA pour le soutien financier qu’ils ont apporté à la réalisation matérielle de la présente publication.

1Le colloque s’est tenu à l’Institut de l’Homme et de la Technologie, Nantes (44), le 27 novembre 1997 à l'initiative du Centre François Viète d'Histoire des sciences et des techniques de l'Université de Nantes en partenariat avec l'Ecole Nationale d'ingénieurs des Techniques des Industries Agricoles et Alimentaires, Nantes.

Comité d'organisation : Gérard Emptoz, Professeur à l'Université de Nantes, Directeur-adjoint du Centre François Viète ; Jean-Louis Lambert, Professeur à l'Ecole Nationale d'ingénieurs des Techniques des Industries Agricoles et Alimentaires de Nantes ; Brigitte Fradin, Secrétaire générale de l'Institut de l'Homme et de la Technologie ; Christine Marseille, Doctorante en Histoire des techniques, Centre François Viète

Documentation : Florence Héraut, IHT

Secrétariat : Géraldine Raitière, IHT

Édition des actes : Gérard Emptoz, avec la collaboration de Christine Marseille

2L'objectif de ce colloque est de sensibiliser les élèves-ingénieurs, les doctorants, les étudiants et les professionnels de l'agro-alimentaire à la dynamique d'un secteur d'activité régional dominant, en éclairant la situation actuelle par des approches historiques.

3Ce colloque s'inscrit dans l'un des champs thématiques de l'IHT qui étudie l'histoire et l'épistémologie des techniques, et, en particulier, les dimensions humaines et sociales liées à l'évolution des techniques et des industries.

4Le colloque a été organisé autour de quatre thèmes :

• une technologie des conservations, avec le froid industriel,

• la création de nouveaux aliments, avec la gélatine et le surimi,

• la multiplicité des processus biotechnologiques dans l'agro-alimentaire,

• les relations entre innovations technologiques, produits créés et consommateurs.

5Pour chacun de ces thèmes, l'approche historique précédera la présentation de problèmes contemporains avec des interventions de spécialistes de plusieurs centres de recherche, des enseignants-chercheurs et des représentants d'organismes professionnels.

Programme du colloque

Accueil des participants par Francis BRUCELLE, IHT

Ouverture du colloque par Jean-Louis LAMBERT, ÉNITIAA et Gérard EMPTOZ, Centre François Viète

PERSPECTIVES HISTORIQUES

De l'agriculture à la transformation de ses produits. François SlGAUT - Centre de Recherche Historique - École des Hautes Études en Sciences Sociales – Paris. Historiquement, l'agriculture a commencé par la fin, c'est à dire par la récolte et l’élaboration des produits. La culture proprement dite (ou l'élevage, lorsqu'il s'agit d'animaux), n'est venue qu’ensuite. Jusqu'au XIX^e siècle, l'importance des produits agricoles non alimentaires est essentielle. L'équation agriculture = alimentation est récente, elle est le résultat de plusieurs séries parallèles d'innovations.

UN PROCÉDÉ : LE FROID

Aperçu de la mécanisation des industries agro-alimentaires au XIX^e siècle. Gérard EMPTOZ- Centre François Viète - Université de Nantes La mécanisation progressive des industries agro-alimentaires au siècle dernier est liée à la diffusion de l'industrialisation dans le monde occidental, entraînant la modernisation de secteurs traditionnels, comme la meunerie ou la brasserie, et l'émergence de nouvelles activités comme la sucrerie de betterave, la conserverie ou la biscuiterie.

Le froid industriel, aperçu historique et aspects contemporains. Jacques TlREL - Comité Français pour l'Institut International du Froid – Paris. Le froid industriel et plus généralement le froid artificiel, sont nés au XIXe siècle avec la révolution industrielle. Le siècle a connu le développement du moteur électrique, du conditionnement d'air, des fluides frigorigènes "doux", CFC et HCFC. À l'aube du XXIe siècle, ces fluides sont diabolisés, les CFC interdits et les HCFC contestés. Quelles conséquences pour le froid artificiel ? 

CRÉER DES ALIMENTS

La gélatine, aliment nouveau du début du XIX^e siècle. Anne-Claire DÉRÉ - Centre François Viète - Université de Nantes. L'objectif de cette intervention est principalement d'analyser, à travers l'exemple historique de la gélatine, l'émergence d'un aliment nouveau au XIXe siècle pour voir à quels facteurs scientifiques mais aussi économiques et humains, répond cette volonté de "création" réalisée en chimie par J.P. Darcet, et les risques que parfois elle implique.

Le surimi, nouvel aliment à la fin du XX^e siècle. Luçay HAN-CHING - Laboratoire de valorisation des Produits - IFREMER – Nantes. De la genèse du produit d'origine à l'évolution actuelle du surimi et des produits dérivés, les grandes étapes historiques sont passées en revue et les perspectives actuelles discutées.

LES FACETTES DES BIOTECHNOLOGIES

La fermentation du pain : histoire et modernité. Hubert CHIRON - Laboratoire de Biochimie et de Technologie des Protéines - INRA – Nantes. Après plusieurs millénaires de suprématie, le levain naturel cède la place à toute une gamme de levures industrielles fiables, pures et actives. La modernité dans ce secteur d'activité réside dans la parfaite maîtrise de différents diagrammes de fermentation cherchant à associer productivité et goût, tout en notant le retour significatif de l'appellation pain au levain.

Problèmes techniques et perspectives d'évolution de la filière viti-vinicole à l'aube du XXI^e siècle. Alain POULARD - Centre Technique Interprofessionnel de la Vigne et du Vin - Unité de Nantes/Vertou. La protection phytosanitaire des vignobles est devenue une nécessité économique qualitative. En revanche, le devenir des molécules utilisées dans l'environnement et leur passage éventuel dans le vin sont l'objet de préoccupations majeures des consommateurs. Demain, la qualité hygiène-santé sera presque aussi importante pour le vin que ses qualités organoleptiques.

Lutte microbiologique contre les bactéries responsables de toxi-infections alimentaires. Xavier DOUSSET- Laboratoire de Microbiologie Industrielle - ENITIAA – Nantes. L'une des dernières toxi-infections alimentaires est engendrée par la listéria monocytogène que l'on a retrouvée dans divers aliments tels les fromages et les charcuteries. Le respect des directives d'hygiène permet de limiter les risques de contaminations. Cependant, des méthodes complémentaires de bio-préservation peuvent être utiles pour diminuer encore ce risque de toxi-infection par ce micro-organisme. 

ÉCONOMIE ET INNOVATION AGRO-ALIMENTAIRE

Les mangeurs face aux nouvelles technologies alimentaires. Jean-Louis LAMBERT- Laboratoire d'Économie et de Gestion des Industries Alimentaires - ENTTTAA – Nantes. Les systèmes de représentations des mangeurs évoluent plus lentement que les systèmes de production-distribution avec leurs innovations technologiques. Face aux innovations alimentaires, les omnivores ont une attitude néophobe d'autant plus forte qu'elles sont pour eux une véritable boîte noire.

Les innovations récentes dans les industries françaises. Gaëlle BRAYER-JAOUEN - Doctorante - Laboratoire d'Économie et de Gestion des Industries Alimentaires - ENITIAA – Nantes. L'innovation dans l'alimentaire apparaît comme relativement faible, et souvent comme une amélioration de la qualité. L'étude conduite par l'ENITIAA sur l'innovation de 300 produits alimentaires lancés dans la grande distribution en 1992 et sur leur évolution, amène à s'interroger sur les difficultés d'innover et leurs origines.

LES BREVETS ET LES MARQUES

Des expositions ont été réalisées à partir du fonds ancien des brevets français d'invention et marques de fabrique, ainsi que des brevets contemporains, disponibles au Centre de Documentation de l'IHT.

Le brevet d'invention : source d'informations. Christine MARSEILLE - Doctorante - Centre François Viète - Université de Nantes

Accueil de Françis Brucellle

6Vous êtes ici dans un institut qui est tout d’abord un lieu de rencontre à plusieurs titres, par notre manière d’aborder et de traiter les problèmes avec une double approche. Une approche science humaine d’une part, et science plutôt dure d’autre part. Aujourd’hui c’est dans ce cadre 'homme et technologie' que nous accueillons ce colloque.

7L’institut travaille aujourd’hui sur trois thèmes principaux avec cette double approche transversale.

8Un premier thème qui est le management des risques industriels. Tout ce qui est vulnérabilité de l’entreprise aussi bien sur le plan technique que l’on connaît classiquement en termes de qualité, sécurité, environnement, mais également pour tout ce qui concerne une approche beaucoup plus science humaine avec, en particulier, la fiabilité humaine des organisations.

9Un deuxième thème, que j’anime, le management des technologies multimédia est, en fait, le regard sur tout ce qui touche aujourd’hui aux technologies du multimédia et à leurs apports aussi bien dans l’entreprise que dans les enseignements supérieurs et la formation continue, avec un fort regard sur le rapport à la pédagogie aujourd’hui.

10Un troisième thème, Y histoire et épistémologie des techniques", co-animé par Jean DHOMBRES, pour la partie histoire des sciences et Gérard Emptoz, pour la partie histoire des techniques, est le thème qui accueille ce colloque aujourd’hui.

11C’est dans ce cadre d’histoire des techniques, avec la double approche homme et technologie qu’a été monté ce colloque agro-alimentaire avec la présence de deux co-animateurs au niveau de la direction scientifique : Jean-Louis Lambert, de l’E.N.I.T.I. A. A. et Gérard Emptoz, qui représente aujourd’hui le Centre François Viète, mais également l’I.H.T.

12Pour continuer la présentation de l’institut, ces trois thèmes se déclinent en plusieurs actions.

13Un premier groupe d’actions qui est tourné vers la formation avec des composantes diverses. Ce type de colloque peut être considéré comme une composante formation. On a d’autres formations qui sont, soit des formations courtes sur des thèmes appropriés, soit des formations longues en alternance en particulier dans le domaine du risque ou de la qualité en agro-alimentaire. Les participants sont en formation sur un an : dix semaines dans l’institut et le reste du temps sur une mission entreprise. On a donc là une composante double avec une alternance extrêmement forte qu’on trouve assez peu souvent dans d’autres endroits et c'est ce qui fait l’originalité pédagogique de cette formation.

14Les deuxièmes actions sont des études et des recherches sur les thèmes abordés.

15Et puis, la troisième capacité de l’institut est la conception d’outils pédagogiques multimédia. C'est un domaine un peu transversal à l’ensemble des thèmes et pour lesquels aujourd’hui on a déjà réalisé plusieurs outils et d’autres sont en cours de constitution.

16Je vais laisser la parole à Gérard Emptoz et Jean-Louis Lambert qui vont vous présenter plus en détail cette journée. Je crois qu’elle s’articule autour de plusieurs thèmes et également autour d’un ensemble d’ateliers qui ont été préparés par des gens qui travaillent sur le thème, mais également par les documentalistes de l’I.H.T., en particulier Florence Héraut qui vous accueillera tout à l’heure et qui a fait un travail principalement d’animation autour d’un outil de travail, pour les gens qui travaillent sur l’histoire des sciences et des techniques en particulier. Je veux parler de la collection de brevets et de marques conservée ici à l’T.H.T., qui est l’une des rares collections complète avec celle qui existe à l’T.N.P.L ; ce qui permet à un certain nombre de chercheurs d’accéder à cet outil de travail et de le faire fructifier. Avec Christine Marseille, doctorante du Centre François VÊTE, Florence Héraut a préparé une présentation de ce fonds.

17Je vous souhaite une bonne journée et de bons échanges au sein de l’institut. 

Présentation de la journée - Jean-Louis Lambert

18Lorsque l’T.H.T. nous a demandé de collaborer pour la préparation de cette journée c’est avec plaisir que nous avons répondu à cette demande. Au cours des années précédentes, lorsque l’T.H.T. a posé les premières bases de son organisation nous avions fait partie des établissements nantais qui avaient collaboré à la réflexion pour la mise en place de cet institut.

19Il nous apparaissait effectivement intéressant que dans la formation des ingénieurs, au sens large, ou des technologues, de ceux qui sont formés aux sciences dites dures, pour reprendre une expression qui vient d’être formulée, il nous apparaissait intéressant que ces technologues aient une approche, une ouverture culturelle vers d’autres disciplines. Et personnellement participant à ces réflexions dans le cadre d’un laboratoire d’économie et de gestion et d’un département qui s’intitule Sciences et Méthode à la Décision, j’ai d’autant plus accepté d’aider à la préparation du programme de cette journée. L’approche historique nous permet, de manière assez générale et particulièrement sur ce point, de resituer un peu les données, les évolutions, sur d’assez longues périodes. Au cours de cette journée nous avons, Gérard Emptoz va vous le préciser, choisi un certain nombre de thématiques pour essayer de montrer que l’histoire des technologies alimentaires, l’histoire de l’alimentation, est importante pour mieux comprendre les réactions des mangeurs actuels.

20Si l’on se rappelle qu’il a fallu trois siècles pour introduire dans toute la population française la consommation de pomme de terre, ça nous donne un peu une idée de l’évolution très lente des modifications qui se passent dans le domaine alimentaire. Même si au cours des dernières années, avec un certain nombre d’innovations qui sont apparues, aussi bien en technologie que sur les produits, nous pouvons avoir l’impression que ça change très vite, en fait ce n’est peut-être qu’une ‘illusion’ et l’objectif, entre autres, de la journée, est d'essayer d’appréhender ce type de problème.

Présentation de la journée - Gérard Emptoz

21Le Centre François Viète a souhaité, en tant que co-organisateur de cette journée, mettre les technologies agro-alimentaires en perspective, c’est à dire les replacer dans un cadre de longue durée, de façon à ouvrir la réflexion la plus large possible sur chacun des thèmes d’activités de la région.

22L’agro-alimentaire est le second thème que nous traitons selon cette approche. L’année dernière il s’agissait de celui du bois que nous avons abordé en partenariat avec l’École Supérieure du Bois. Notre souhait est d’offrir quelques outils de réflexions pour contribuer à l’innovation technologique. C’est une démarche qui, en fait, apparaît de plus en plus nécessaire.

23À l’heure actuelle on parle beaucoup de perte de mémoire dans les entreprises, où l'on assiste à des départs à la retraite anticipée, à des fusions et à des restructurations. Il existe même des entreprises qui se retrouvent sans mémoire, en perdant certains de leurs documents, et qui viennent par exemple s’adresser à des institutions, comme l’Institut National de la Propriété Industrielle pour demander de reconstituer leur dossier de brevets ou de marques. Ce sont des faits qui nous paraissent un peu surprenants mais qui existent. Or le savoir-faire industriel c’est une accumulation de savoir et souvent un long apprentissage. Ce n’est pas dans une école d'ingénieurs ou de techniciens qu’on apprend tout. Il faut durant plusieurs années exercer un métier pour être vraiment au fait d’un domaine et donc pouvoir participer à l’innovation.

24Nous avons cherché à développer autour de l’agro-alimentaire cette réflexion. Je vous avouerais que nous avons quelques difficultés à trouver des études historiques sur un certain nombre de domaines que l’on aurait aimé traiter aujourd'hui ; parce que là aussi, il semble que l’agro-alimentaire ait encore peu de mémoire de ses activités passées.

25De plus nous avons pensé qu’il fallait essayer à l'occasion de notre journée de mettre en valeur une collection originale évoquée il y a quelques instants, constituée par ce fonds des brevets français qui, à la suite d’un certain nombre d’événements, se trouve déposé dans son intégralité ici à l’I.H.T. Intégralité c’est à dire depuis 1791 jusqu’à nos jours, et sous différents supports comme vous le verrez. Il vous est donc possible de faire dans ce domaine des opérations de reconstitution de mémoire. Notre objectif est de vous le montrer. Notre programme de la journée comportera plusieurs temps de pause réservés à des ateliers autour des marques et brevets, afin que vous puissiez y aller et y retourner. Nous avons essayé de mettre à votre disposition le maximum de documents et de vous montrer tout ce qu’on peut tirer comme informations à partir de ces documents. Cette démonstration qui a reçu l’aide de l’Institut National de la Propriété Industrielle, est peut-être même une opération pilote en France, et je vous souhaite d’en profiter et d'en tirer le plus grand bénéfice.