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Varia

Les lanternes publiques, exosquelette de la « machine » policière (Paris, xviiie siècle)

The Street Lanterns, Exoskeleton of the Police “Machine”
Benjamin Bothereau
p. 359-381

Résumés

Français English

Que peut apporter l’histoire des techniques à la compréhension de la police moderne ? Cet article vise à montrer comment la généralisation de l’éclairage public parisien au xviiie siècle participe à la matérialisation de l’action policière dans la cité, en même temps qu’elle alimente la métaphore de la « machine » policière. Les lanternes, en éclairant de façon homogène et synchrone tout le territoire parisien, prennent non seulement part au nouveau style policier mais donnent véritablement « corps » à la jeune lieutenance de police parisienne.

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Texte intégral

1L’historiographie récente de la police à l’époque moderne, en renouvelant la notion de police comme « technique de gouvernement », a conduit à passer de la simple étude organisationnelle à celle des pratiques policières (Milliot, 2007 ; Denis et al., 2016 ; Marin, 2003 ; Napoli, 2003). Or, l’illumination publique parisienne, dès sa naissance en 1667, est elle-même administrée par la lieutenance de police (Cabantous, 2009 ; Bothereau, 2018 ; Reculin, 2017 ; Vidoni, 2018) et devient un instrument de contrôle policier majeur (Denys, 2002 ; Laffont, 1997 ; Bothereau, 2020a, 2020b).

2Les traités de police, mais aussi la grande majorité des récits de voyage, des tableaux ou des descriptions de Paris du xviiie siècle vantent les mérites de la « grande machine policière » qui fait régner un ordre admirable dans la capitale (Farge, 1979 ; Milliot, 2011). Ces textes emploient d’ailleurs fréquemment une terminologie plus mécaniste qu’organique :

  • 1  Jacques Peuchet, Traité de la police et de la municipalité, Encyclopédie méthodique, série : Juris (...)

Le magistrat était le centre de l’immense machine de la police ; tous les rayons qui partaient de la circonférence, venaient aboutir à lui, ils n’avaient d’impulsion que par lui. Ainsi on ne pouvait mieux le comparer qu’au mouvement central qui faisait agir un grand corps. Sans lui, tout était réduit à l’inertie. Il était le principal ressort de cette étonnante machine ; c’est lui qui faisait marcher toutes les roues dont l’ensemble produisait l’ordre et l’harmonie [...]. Tel était l’étonnant mécanisme de la police de la capitale. (Peuchet, 1789-1791, fol. 15)1

3La métaphore de la machine et de ses rouages est appuyée par l’utilisation d’un champ lexical technique : « rayons », « mouvement », « inertie », « ressort », « roues », « mécanisme ».

4L’objectif de cet article est de montrer que l’infrastructure d’éclairage donne de l’épaisseur à cet imaginaire d’une « machine » policière, et en ce sens, que les lanternes donnent corps à l’idée même de la (jeune) police parisienne, la lieutenance étant créée la même année que l’illumination publique parisienne, en 1667. Il s’agit également de mettre en valeur ce que la culture matérielle, au carrefour de l’histoire des techniques et de l’histoire urbaine, peut apporter à la compréhension de la police moderne.

5L’anthropologie de la culture matérielle a inséré les objets techniques dans un système plus vaste de significations, en les analysant comme des témoins et des instruments du social, de l’économique et du culturel (Roche, 1997 ; Gerritsen & Riello, 2015 ; Thébaud-Sorger, 2010). À la fin des années 1970, dans le cadre de son cours « Sécurité, territoire, population » donné au Collège de France, Michel Foucault interroge, lui, l’État sous l’angle de sa « gouvernementalité », c’est-à-dire de ses pratiques ordinaires comme mode d’exercice du pouvoir (Foucault, 2004). Dans son sillage, des travaux ont réalisé une véritable archéologie des dispositifs matériels du quotidien qui construisent l’étatisation de la société, notamment via les processus d’identification (Offerlé, 1993 ; Denis & Milliot, 2004 ; Gardey, 2008). En forçant le trait, l’État n’est plus alors perçu comme une abstraction (discours politiques, imprimés législatifs, etc.) mais se construit au quotidien à partir de dispositifs matériels concrets. Dans notre cas, en croisant l’étude de la rhétorique policière, des pratiques de terrain et l’histoire « au ras du sol » de la rue et de son mobilier, nous montrerons que la lanterne publique intègre elle aussi cette économie matérielle.

6L’analyse se fera en trois temps, selon trois dimensions : deux spatiales — la ville intramuros d’une part, les faubourgs et les barrières périphériques d’autre part — et une temporelle. Nous mobiliserons les archives policières (traités, mémoires) et celles de l’institution d’éclairage public (productions administratives, mémoires techniques) pour en faire ressortir l’entremêlement et la résonance des discours. Il s’agira de montrer comment le parc d’éclairage parisien du xviiie siècle permet d’inscrire visuellement, et vite, les nouvelles missions de la lieutenance de police dans la cité, et alimente l’imaginaire d’une « machine » policière.

  • 2  F12 523 Mémoire de Charencourt du 22 germinal an IV. Différents objets d’économie résultants du no (...)

7Avant de croiser les fonctions de l’illumination publique et les missions policières de la lieutenance parisienne, présentons le dispositif technique d’éclairage que les Parisiens côtoyaient au début du xviiie siècle. En levant les yeux au ciel dans une rue parisienne, un passant voyait tout un réseau de cordes : les cordes traversières régulièrement tendues entre les façades des bâtiments auxquelles étaient suspendues les lanternes, et les cordes obliques, dites de service, reliées à un système complet (potence, poulie, coffret) et servant à abaisser la lanterne pour l’allumage de la chandelle (puis de la lampe à huile). Ceci créait une sorte de chape sur la rue et un quadrillage visuel du ciel parisien. Pour se donner une idée de l’importance du cordage à l’échelle de la ville, il faut consulter l’unique chiffrage global du parc établi par l’ingénieur Charancourt dans son mémoire Aperçu du dénombrement des différents objets d’économie résultants du nouveau procédé d’illumination de 17952. Charancourt évalue à 50 500 toises la longueur totale des cordes pour l’ensemble du parc d’éclairage : Paris comptait donc environ 98 kilomètres et demi de cordes qui striaient son ciel !

Figure 1 - Lanternes (modèle dit « à seau ») suspendues au milieu de la rue avec le réseau aérien des cordages et poulies

Figure 1 - Lanternes (modèle dit « à seau ») suspendues au milieu de la rue avec le réseau aérien des cordages et poulies
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Source : détail de la gravure d’Antoine Humblot, rue de Quincampoix, Paris, 1720, RESERVE FOL-QB-201 ; © Bibliothèque nationale de France

8Ainsi donc, l’implantation de l’éclairage public au xviiie siècle ne se contente pas seulement d’artificialiser la lumière (par opposition à la nuit naturelle), son « lourd » dispositif (potences, poulies, cordes traversières) participe à la technicisation de la rue. En ce sens, il nous paraît que cette technique, visuellement omniprésente, prédispose le système d’éclairage à la métaphore mécaniste. Comment, dès lors, les discours et pratiques policières co-produisent-ils cet imaginaire de la « machine » ?

1.  Disséminer les lanternes, disséminer les « yeux » policiers

  • 3  Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits Français 21684, fol. 144, arrêt du Co (...)
  • 4  Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits Français 21684. Le corpus constitué p (...)
  • 5  Bibliothèque nationale de France, Ms fr 21684, fol. 211.
  • 6  Bibliothèque nationale de France, Ms fr 21684, fol. 243.
  • 7  Archives nationales, Y 12573.
  • 8  Bibliothèque nationale de France, Ms fr 21687.
  • 9  Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits Français 21684, fol. 70, lettre du co (...)

9L’obsession d’éclairer tout le territoire urbain parisien, par un équipement continu en lanternes suivant l’accroissement du tissu urbain, guide la politique de la ville parisienne depuis la naissance de l’illumination publique parisienne en 1667. Cette ligne directive se confirme au début du siècle suivant dans l’arrêt du Conseil de 1704 : « il est nécessaire, tant pour la commodité et la sûreté du public, que pour l’embellissement et la décoration de la ville, que toutes les rues, places et autres lieux publics en soient également éclairés et nettoyés »3. Afin de suivre l’extension du tissu urbain, cet arrêt est renouvelé le 24 janvier 1711 et complété pour les faubourgs par le conseil le 8 mars 1727. Il est décidé que le parc de lanternes doit s’adapter à la plasticité de la ville et incorporer les nouvelles rues construites depuis les années 1660. Le corpus constitué par le commissaire Nicolas Delamare traduit le besoin urgent, du côté de l’institution policière, de connaissance de l’espace urbain parisien (et de son actualisation) pour l’installation des nouvelles lanternes4. Toute une chaine administrative se met en place pour constituer un savoir pratique de la ville : toisés, états du bâti, inventaires des lanternes déjà présentes, etc. Delamare se voit confier la tâche de recenser les lanternes de son quartier (la Cité) par le lieutenant général de police d’Argenson. Le commissaire établit ainsi régulièrement un Mémoire du nombre de lanternes pour les années 1688, 1690 puis 17035. La dernière date correspond à la réforme des quartiers de police, la connaissance du nombre de lanternes permettant d’actualiser le montant de la taxe des boues et lanternes. Le commissaire et ses agents vont donc produire un savoir sur l’espace urbain qui permet de rationaliser l’action fiscale et de chiffrer au plus près le montant de la taxe. Le nouveau découpage est ainsi intégré au comptage : sa lettre du 26 avril 1703 recense 414 lanternes dans le quartier de la Cité « y compris l’augmentation de la nouvelle division »6. D’autres états partiels de lanternes, issus des corpus des commissaires de quartier ont été trouvés : ainsi, le commissaire Labbé du quartier de Saint-Antoine établit un état quantitatif des lanternes en août 17287. Au-delà du simple enjeu fiscal, cette actualisation régulière de l’état du parc d’éclairage est chère à la lieutenance générale, comme le montrent les imprimés de d’Argenson envoyés à ses commissaires en 1715 et 1722 pour rappeler l’importance et l’enjeu de ces recensements8. L’information sera centralisée dans un document unique, la « carte » de Jean de la Caille (1714), intitulée Description de la ville et des faubourgs de Paris en vingt planches dont chacune représente un des vingt quartiers avec un détail exact de toutes les abbayes, églises, couvents, communautés, collèges, édifices publics, principaux palais et hôtels, places, rues, fontaines, maisons, Lanternes, et tout ce qu’il y a de plus remarquable dans chaque quartier. Issue de la pratique administrative du comptage et de l’enregistrement à partir d’informations locales (à l’échelle du quartier), l’entreprise de la carte permet au lieutenant de police de se constituer un savoir général sur la ville et de formaliser le plan de distribution des lanternes publiques dans tout Paris. Tout écart au plan est rapporté. Le lieutenant général Hérault est ainsi instruit par le commissaire du quartier Saint-Antoine que « plusieurs rues dans les extrémités de la ville et des fauxbourgs ne sont pas éclairées » : il les fait immédiatement éclairer et demande d’en dresser les « rolles de contribution » pour la taxe des boues et lanternes9.

10Comment cette dissémination des lanternes appuie-t-elle les discours d’un contrôle policier sur le territoire parisien ? Comment donne-t-elle « corps » à la lieutenance de police parisienne ? L’analogie avec les stratégies pour rendre visible l’autorité à travers l’exemple des placards (Cuvelier, 2015) est forte. En parallèle de la diffusion et de la justification du programme policier par la multiplication des signes écrits (Napoli, 2003) — via l’affichage des ordonnances par exemple — les lanternes deviennent également des outils de communication non écrits, des signes visuels urbains dans un système de manifestation et de communication plus large entre la lieutenance de police et la population à superviser.

Figure 2 - Les lanternes publiques dans l’espace parisien

Figure 2 - Les lanternes publiques dans l’espace parisien
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Source : détail du plan de Paris dit « plan de Turgot » levé et dessiné par Louis Bretez, Paris, 1739, GESH18PF37DIV3P56, Bibliothèque Nationale de France, département Cartes et plans ; © Bibliothèque nationale de France

  • 10  Mémoire de Lemaire, Bibliothèque nationale de France, Arsenal 10015 : correspondance du lieutenant (...)

11L’inscription des lanternes dans l’espace urbain participe elle aussi d’un « faire preuve » de l’autorité de l’État. Or, le commissaire Lemaire définit la mission de la police parisienne comme devant porter « sur tout », et « tout ce qui se passe » : évènements, actions, conduites, opinions, etc. Cette action policière globale, « totale », fonctionne donc en synergie avec la visibilité du parc d’éclairage sur l’ensemble du territoire urbain. Le réseau des lanternes se superpose ainsi au réseau de surveillance, effectif à plusieurs échelles, sédentaire ou mobile, visible ou induit, voire caché — avec les agents espions. Notre objet participe des « milliers d’yeux postés partout » — expression empruntée à Foucault (1975) — aux attentions toujours en éveil d’un long réseau hiérarchisé que le commissaire Lemaire décrit ainsi : 48 commissaires, 20 inspecteurs, les « observateurs » payés régulièrement, les « basses mouches » rétribuées à la journée, les dénonciateurs qualifiés selon la tâche et les prostituées. En plus de cette généralisation territoriale de la force policière, Lemaire souligne la temporalité de son action : l’objet de la police, ce sont les « choses de chaque instant »10. En ce sens, l’éclairage rend possible une continuité de la surveillance, en suggérant une possibilité d’être observé : c’est le principe panoptique (Vidoni, 2018 ; Chappey & Denis, 2013). La dimension pédagogique, ou plutôt disciplinaire ici, passe par un rapport visuel et spatial (Foucault, 1975). L’incorporation de l’idée de surveillance, d’un regard porté par la lieutenance de police sur l’ensemble, est suggérée par la contrainte — ici visuelle — que représente la lanterne. Avec cette décharge du potentiel de surveillance dans l’objet-lanterne, l’artefact devient un instrument clé du contrôle policier.

  • 11  Citée par Wolfgang Schivelbusch (1993, p. 55).
  • 12  Le poème est mentionné par Édouard Fournier (1854, p. 60).

12Il n’est donc pas étonnant que l’installation massive de lanternes, synonyme de mécanisation de la surveillance, puisse renforcer la rhétorique d’une « machine » policière. Cette dernière est massivement véhiculée par les écrits policiers de la deuxième moitié du xviiie siècle. Les deux exemples les plus parlants sont le mémoire de Lemaire (1770) et le Plan de travail pour la sûreté de Paris (1778) rédigé par Lenoir qui prônent tous les deux d’articuler et de coordonner l’ensemble des forces policières et militaires de la ville autour de la figure du lieutenant de police (Milliot, 2006). Cette métaphore va circuler en dehors des mémoires et traités policiers. Par exemple, l’appareil policier est à la fois dénoncé et admiré par l’écrivain Louis-Sébastien Mercier (1782, p. 55) dans son Tableau de Paris. Il y définit la police comme une « machine » dont les éléments constitutifs les plus importants sont « les lanternes, réverbères, et falots errants ». Les objets d’éclairage — fixes et mobiles — sont donc vus par l’écrivain des Lumières comme des pièces constituantes d’une grande mécanique policière, où l’artefact, la technique, prend le dessus sur l’humain. Cet imaginaire va s’épanouir dans différentes maximes de l’époque telles « après minuit, chaque lanterne vaut un veilleur de nuit »11 ou dans la formule du poème Les nouvelles lanternes de 1746 d’Adrien-Joseph de Valois d’Orville : « ces nouvelles lanternes serviront dans Paris d’armes, de gardes, de barrières »12.

13La lanterne devient personnage policier, et cet anthropomorphisme de l’objet va par la même occasion donner de l’épaisseur au corps policier. Ainsi, en même temps que l’appropriation policière de l’espace nocturne se concrétise dans la distribution de lanternes sur l’ensemble du tissu urbain, elle devient une matérialisation du corps de la police.

2.  Connecter et contrôler les nouveaux territoires : l’exemple du Trône

14À la fin du xviiie siècle, le toisé de la nouvelle enceinte des Fermiers généraux pour y installer des lanternes traduit la volonté de l’administration de s’accaparer par la lumière, non seulement les nouveaux territoires aménagés intramuros, mais aussi (et surtout) les nouvelles limites du péri-urbain. Le toisé des nouvelles barrières est réalisé par l’entrepreneur de l’illumination Sangrain à la demande du lieutenant général Thiroux de Crosne. La construction des nouvelles barrières parisiennes a lieu entre 1785 et 1790. La capitale se retrouve alors murée sur un périmètre long de 24 kilomètres, où la Ferme perçoit des droits d’entrée à ses portes. La Ferme a préalablement persuadé Louis XVI de l’édification de cette clôture afin d’empêcher la fraude, notamment sur les boissons (le vin et l’eau-de-vie), qui faisait perdre des entrées d’argent colossales, pertes que le fermier général Lavoisier chiffre à 48 millions de livres (Nicolas, 2002). Pour réaliser ce projet également colossal, les Fermiers généraux font appel à l’architecte Ledoux, qui finalise le tracé de la future enceinte. Au sud, le mur englobe Vaugirard, le Champ de Mars et le Gros-Caillou. Sur la rive droite, la clôture cerne Picpus, Charonne — que nous prendrons comme exemple dans la suite —, les quartiers Belleville, Ménilmontant, la Villette et les Porcherons, et se termine à l’ouest par la Petite Pologne et Chaillot. Les travaux débutent rapidement dans la partie méridionale — désignée par « côtés du Midi » par l’entreprise d’illumination — et, au début de l’année 1786, les bâtiments et le mur sont terminés, et la perception établie. En revanche, les tronçons sont mis en service à des dates différentes sur la rive droite, certains achats de terrain étant retardés. Ainsi, durant l’année 1788, une première tranche est ouverte à l’ouest, en partant de la Seine jusqu’à la place du Roule. Les autres parties édifiées s’échelonnent entre 1789 et 1790, connaissant un rythme moins soutenu, dû essentiellement au déclenchement de la Révolution et retardant ainsi la fin des travaux (Markovich, 2013). Mais, à la différence de la construction de la nouvelle ceinture qui est parfois lente, l’implantation des lanternes aux barrières est quasi immédiate : la lieutenance veille au suivi et à la réactivité de la maitrise d’œuvre de l’entreprise d’illumination, et cela en dit long sur la relation entre territoire policier et lumières.

  • 13  Archives nationales, F12 351 : lettre accompagnatrice du mémoire de Cellerier à Dufresne, l’admini (...)
  • 14  Archives nationales, F/13/351 : Éclairage ou « Illumination » de Paris. 1769-1790. Correspondance (...)
  • 15  Archives nationales, F/13/351 : Éclairage ou « Illumination » de Paris. 1769-1790. Correspondance (...)

15Une volonté de s’approprier et de coloniser ce nouveau territoire guide le projet d’éclairage de cet espace tampon. Ce sont des espaces à investir et à policer par la lumière comme le confirme la rhétorique employée par le lieutenant de maire au département des travaux publics de Cellerier : « Il est bien important pour la sûreté publique que les distances des anciennes aux nouvelles barrières soient éclairées car on ne peut dissimuler que la longue durée des nuits favorise les malfaiteurs. »13 La sécurité et l’ordre public justifient selon lui la dépense. L’entrepreneur de l’illumination Sangrain est sollicité pour son expertise afin d’établir la configuration spatiale du nouveau parc d’éclairage. Il réalise un toisage et expose ses résultats dans l’Etat du nombre de lanternes nécessaires pour éclairer les distances qu’il y a des anciennes barrières aux nouvelles […] selon le plan qui a été levé par le S. Tourtille Sangrain, de mai 1789. D’après les premiers relevés de l’entrepreneur, le nombre de lanternes nécessaires est fixé à 252 pour les barrières du Nord et à 103 pour les barrières du Midi. Le montant de ce gigantesque chantier d’éclairage culmine à 88 416 livres, ce qui est, à titre de comparaison, plus de vingt-six fois supérieur au devis établi la même année pour tout le village de Chaillot — un projet de 27 lanternes dont l’illumination est pourtant considérée comme urgente par de Cellerier : « les habitants sollicitent depuis longtemps cet établissement qu’il n’est plus possible de différer »14. Le projet de l’illumination des nouvelles barrières est donc pharaonique : il représente à lui seul une augmentation de 10 % du parc de l’éclairage public parisien en se basant sur les 3 554 lanternes du début d’année 1789. Ainsi, afin de compenser l’impact financier de ce gros chantier, la police propose de « diminuer la première dépense d’établissement en faisant usage d’une partie des lanternes et des poteaux qui sont établis sur la route de Paris à Versailles », tout en précisant que « cette disposition pourrait ne pas être agréable au roi »15. Une balance des avantages va ainsi être opérée entre la volonté d’étendre le tissu urbain illuminé, et le besoin en économie. La priorité est alors donnée au « faire voir » de l’autorité policière qui veut conquérir les nouvelles limites de la ville. Un « quoiqu’il en coûte » pour ce nouveau parc de 355 lanternes court-circuite tous les obstacles, qu’ils soient financiers ou de prestige, c’est-à-dire proche du lèse-majesté ici ! Le projet devient alors réalité : nous présentons dans le tableau suivant les lanternes installées par barrière, depuis l’ancienne jusqu’à la nouvelle enceinte (les barrières changent parfois de noms mais sont le plus souvent rebaptisées en « nouveau/nouvelle [Nom] »).

Tableau 1 - Lanternes installées depuis les anciennes jusqu’aux nouvelles barrières (1790)

Nom des barrières

Nom ancien -Nom nouveau

Nombre de lanternes installées

Barrières « du midi »

l'Hopital-la Garre

9

Gobelins-Villejuif

5

Champ de Lalouette-Gentilly

5

Champ des Capucins-la Santé

6

St Jacques-"nouvelle"

2

St Michel-Orléans

6

Notre Dame des Champs-Parnasse

3

Carmes-Vaugirard

12

Varenne-Chaussée du Maine

3

petit Vaugirard-Fourneaux

8

Sève-"nouvelle"

7

École militaire-"nouvelle"

4

"côté de la rivière"-Princes

10

Université-"bord de l'eau"

23

TOTAL Barrières du Midi

103

Barrières « du nord »

Place Louis XV-Etoile

23

Roule-nouvelle

5

Jardin de Mousseaux-Courcelle

4

rue de Courcelle

2

Pologne-nouvelle

12

Clichy-nouvelle"

4

rue blanche-"nouvelle"

12

rue royale-Rats

3

Martyrs-"nouvelle"

8

rue de la tour d'Auvergne

7

rue Cadet-"nouvelle"

6

Ste Anne-"nouvelle"

7

St Denis-"nouvelle"

6

Pantin-Villette

5

St Martin-"nouvelle"

10

St Martin-petit Bureau des vertus

5

fbg St Martin-bureau de St Louis

6

St Louis-"nouvelle"

8

rue St Maur-Chopinette

4

Courtille-"nouvelle"

5

Courtille-Trois Couronnes

6

Ménilmontant-"nouvelle"

7

Amandiers-"nouvelle"

8

la Roquette-"nouvelle"

2

la Croix St Aubin-"nouvelle"

3

la Croix St Aubin-des Rats

2

Montreuil-"nouvelle"

8

Trône-"nouvelle"

7

Trône-St Mandé

7

rue Picpus-barrière Picpus

3

rue Picpus-Reuilly

4

Reuilly-"nouvelle"

10

Poules-"nouvelle"

3

Rapée-"nouvelle"

8

le long de la rivière jusqu'à l'Arsenal

24

TOTAL Barrières du Nord

252

TOTAL Nord et Midi

355

Source : (Bothereau, 2018)

16La carte de la figure 3 (Bothereau, 2018), montrant l’état du parc en 1714, permet de visualiser la dynamique de connexion du nouveau territoire à la cité parisienne grâce au réseau d’éclairage.

Figure 3 - Carte du faubourg St-Antoine en 1714

Figure 3 - Carte du faubourg St-Antoine en 1714
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Le territoire urbain est seulement éclairé jusqu’aux anciennes portes (ici Porte St-Antoine, à côté de la Bastille). Le faubourg n’est pas éclairé.

Source : (Bothereau, 2018), carte établie par l’auteur (logiciel QGIS, atelier Géomatique, EHESS, avec fonds de carte établi par Michel Huard que je remercie pour son autorisation d’utilisation)

  • 16  Je remercie la plateforme géomatique de l’EHESS pour leur formation à QGIS et les ateliers de trav (...)
  • 17  Bibliothèque nationale de France, RES GR FOL-LK7-6007 Jean de la Caille, Description de la Ville e (...)

17Pour traiter les données, un logiciel SIG (QGIS) a été utilisé pour cartographier les points lumineux, en ayant auparavant constitué un filaire des rues illuminées et géolocalisé une carte vectorielle du bâti parisien pour la même année16. Nous avons mobilisé la Description de la Ville et des Faubourgs de Paris de Jean de la Caille17, l’unique recensement de lanternes par rue qui soit disponible pour le tout Paris au xviiie siècle. C’est également l’état du parc d’éclairage le plus fiable grâce au soin et à la finesse apportés au recensement par les moyens administratifs et policiers mobilisés pour cette entreprise. Nous nous concentrons ici sur une seule partie de la carte générale des 5 557 lanternes constituant le parc parisien en 1714. Nous zoomerons sur un faubourg en particulier : le faubourg St-Antoine. On note que la cité intramuros est densément illuminée jusqu’à ses portes (ici Porte St-Antoine), contrairement au faubourg St-Antoine qui ne l’est pas encore. De nuit, le tissu urbain (en orange) du faubourg n’est pas encore connecté au reste de la ville.

18Un chantier d’ampleur se déroule tout au long du xviiie siècle afin d’implanter des lanternes le long des faubourgs. Ce programme s’accélère avec la construction des nouvelles barrières : pour les autorités il faut absolument rattacher ce nouvel espace-tampon (entre le Paris intramuros et ses nouvelles limites) à la cité, et pour se faire, équiper en lumières ces zones autrefois coupées du reste. En 1790, le faubourg est finalement totalement « connecté par la lumière » depuis l’ancienne porte St-Antoine jusqu’à la nouvelle barrière du Trône. Le réseau de lanternes tisse sa maille au-delà des anciennes portes pour intégrer ce nouveau « Grand-Paris » dans son tissu lumineux. La lanterne devient alors un marqueur spatial de la conquête des nouveaux territoires par les autorités.

3.  Un territoire simultanément éclairé : un lieutenant de police « porté en même temps dans tous les quartiers »18

  • 18  Précis des représentations faites à Monseigneur le procureur général, 1756. Mentionné également da (...)

19Au-delà de la dimension spatiale, la question temporelle est essentielle dans la maitrise de la nuit, à la fois temps et espace. Le parallèle avec la figure du lieutenant de police, omniscient, omniprésent, conduit à explorer cette dimension. Le mémoire produit par les inspecteurs parisiens, Précis des représentations faites à Monseigneur le procureur général (1756), présente le lieutenant de police comme « porté en même temps dans tous les quartiers ». La maitrise policière de la cité se veut donc à la fois spatiale et temporelle. Cette exigence transparait dans les tableaux d’illuminations, qui coordonnent l’allumage des lanternes publiques.

20Nous constatons tout d’abord une évolution de l’approche temporelle des tableaux entre le milieu et la fin du xviiie siècle. Voici le calendrier et les horaires d’éclairage pour l’année 1744 :

Du 22 septembre jusqu’au 1er octobre, à sept heures

Du 1er Octobre au 13 Octobre, à 6 heures et demie,

Depuis le 22 octobre jusqu’au 31, à 6 heures et demie,

  • 19  Archives de Police de Paris sous-série DA - Période 1810-1980. Réglementation et vie quotidienne. (...)

Du 1er Novembre jusqu’au 12, à 6 heures du soir […]19

  • 20  Voir l’étude du Prix Sartine dans (Bothereau, 2018).

21À partir des années 1770, le calendrier et les horaires sont tous les deux affinés. L’entreprise d’éclairage de Sangrain doit fournir un tableau d’éclairage actualisé chaque année, c’est une obligation contractuelle : « il sera fait tous les ans un tableau des jours et heures qu’on devra éclairer, relativement aux époques de lunes de l’année, nous en remettrons un double au magistrat, duquel nous prendrons les ordres pour illumination ». Il est dès lors possible de comparer la précision des tableaux d’éclairage. Dans le calendrier de 1744, les horaires d’allumage ou d’extinction sont donnés avec une précision à la demi-heure près. Cette dernière est à comparer avec l’intervalle de cinq minutes pour la nouvelle version de 1789 : on peut lire dans cette dernière un allumage le 22 septembre à « sept heures cinq » du soir. Les horaires sont désormais donnés avec une précision six fois plus grande. Cette exigence croissante synonyme d’une coordination quasi parfaite de l’éclairage policier apparait dans les années 1770 : il n’y pas de hasard, la rationalisation des pratiques de l’illumination apparait très nettement après le Concours d’éclairage (1763-1766) dit de Sartine, car c’est bien le lieutenant qui en passe la commande auprès de l’Académie des sciences20.

Figure 4 - Tableau de l’illumination pour l’année 1789

Figure 4 - Tableau de l’illumination pour l’année 1789
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Source : Archives nationales, F13351, Mémoire de l’éclairage, marchés de l’illumination, 1789

22Deuxièmement, l’administration policière intègre de plus en plus finement le calendrier lunaire à l’équation de l’éclairage parisien. L'année étant réglée sur le cours du soleil, l'accroissement et la diminution des jours sont les mêmes pour chaque année et produisent périodiquement, aux mêmes dates, un nombre égal d'heures de nuit d’éclairage ; de sorte que si l'éclairage ne se base que sur le soleil, le tableau devient perpétuel. Cependant, comme l’éclairage parisien prend en compte la clarté de la lune, le service doit être réglé d'après le cours de celle-ci. Étant donné que les phases de la lune ne se reproduisent pas chaque année aux mêmes jours, et que d'un autre côté sa clarté ne peut être employée que pendant une partie de son cours, il devient indispensable de renouveler tous les ans le tableau. Ainsi, contrairement aux versions antérieures aux années 1770, le nouveau tableau d’illumination n’est pas donné mensuellement, mais quotidiennement. Celui-ci inscrit très clairement le calendrier lunaire dans une colonne en parallèle : cela permet de justifier et de rendre visible l’adéquation entre les heures d’allumage et d’extinction des lanternes et les phases de la lune. « Éclairer juste », c’est la nouvelle devise de la lieutenance dans cette entreprise.

  • 21   Bibliothèque nationale de France, F-23717(182) Instructions sur le service des commis destinés au (...)

23Troisièmement, la lieutenance de police exige une coordination au niveau du service. Comment les gestes et les opérations des allumeurs sont-ils réglés ? Les Instructions sur le service des commis destinés au service des lanternes à réverbères établies par Monsieur de Sartine21 datent de 1768. Elles inscrivent le parcours et les gestes contractuels des opérations des allumeurs au moyen d’un vocabulaire quasi « militaire ». Par ces Instructions se construit la normalisation du service des allumeurs. Chaque commis est tenu de « se transposer tous les jours à cinq heures du matin pour recevoir à l’Entrepôt le nombre de réservoirs dont il sera chargé ». Il reçoit de la part des commis des entrepôts d’huile un panier qui contient exactement le nombre de réservoirs pleins de combustibles et équipés de mèches correspondant aux lanternes à la charge de l’allumeur. Une fois équipé, l’opérateur doit se rendre directement à son espace de travail : « en sortant dudit entrepôt il ne pourra entrer chez lui ni même dans aucune maison, il doit se transporter tout de suite dans son département ». Il descend alors la lanterne pour extraire le réservoir vide et placer le réservoir de rechange, avant de procéder aux différentes opérations de maintenance : nettoyage des vitres et des réverbères au moyen d’un « vieux linge et de blanc d’Espagne » et disposition des mèches avec ciseaux et peigne. Une durée est inscrite pour cette séquence par de Sartine dans son Mémoire sur les lanternes nouvelles qu’on se propose d’établir à Paris du 2 janvier 1768 : le lieutenant de police chiffre à une demi-heure le service par allumeur pour une vingtaine de lanternes, soit une minute trente secondes par unité (déplacement entre lanternes compris). Après cette opération, les allumeurs retournent aux entrepôts d’huile nettoyer les paniers et les réservoirs vides puis préparer les mèches et les lampes du lendemain. Un parallèle existe entre la rationalisation du calendrier d’éclairage et le séquençage des gestes des opérateurs. Les autorités mettent donc en place un double réglage du matériel et de l’humain pour structurer le service d’illumination.

  • 22  Mémoire sur le guet de Leclerc du Brillet, 1745, Bibliothèque nationale de France, Ms fr 21575, fo (...)

24Tous ces efforts pour instaurer une action homogène et coordonnée de l’éclairage viennent compléter la dissémination de la lanterne policière. Car ce qui se cache finalement derrière cette obsession du « partout » et « en même temps » est le manque d’effectif de la force policière et les enjeux d’économie, la lieutenance de police ne bénéficiant pas du « quoiqu’il en coûte » royal. Anne-Louis Leclerc du Brillet, collaborateur du commissaire Nicolas Delamare pour la rédaction du Traité de la police fait ainsi un bilan peu flatteur de l’état de la police en 1732 : des barrières inoccupées la nuit faute d’effectifs suffisants, et plus largement des difficultés à continuer le service après deux heures du matin22. Face à l’impossibilité (humaine et surtout financière) de maintenir une occupation policière constante de la ville, il faut recourir à des stratagèmes, et passer par des techniques de dissuasion en montrant la force policière (Chagniot, 1985). C’est peut-être le mémoire du commissaire Lemaire qui résume le mieux les objectifs du jeu du visible et du vu :

  • 23  Mémoire de Lemaire, Bibliothèque nationale de France, Arsenal 10015 : correspondance du lieutenant (...)

Ce mouvement continuel de la garde fait le plus grand effet et le meilleur. Quoiqu’il ne puisse y avoir qu’environ 120 hommes qui soient en marche à la fois, comme ils passent toujours dans les rues principales […] il semble qu’ils remplissent tout Paris : on les voit à tous les instants, et leur présence qui en impose, arrête et prévient une infinité de désordres.23

25Mais on pressent aussi toutes les limites de la force « humaine » pour « remplir tout Paris » et « à tous les instants », à savoir les deux dimensions spatiales et la dimension temporelle étudiées au fil de cet article.  Tout le potentiel stratégique de la lanterne policière se lit entre les lignes : l’artefact va pallier le problème humain et répondre aux ambitions « panoptiques » et d’ubiquité de la police moderne.

4.  Conclusion

26Éclairer tout le territoire parisien, illuminer de manière synchronisée tous les quartiers, ces crédos renvoient à l’évolution des pratiques policières. Contrairement au style « bourgeois » des commissaires, qui continue à s’inscrire au xviiie siècle dans le cadre juridictionnel du quartier, la lieutenance de police met en place une prévention ciblant l’espace urbain de façon autonome, pour lui-même (Vidoni, 2010), avec une volonté de porter le regard policier sans discrimination sur l’ensemble de la cité. Cette même dynamique guide la gouvernance et l’approche territoriale de l’éclairage public, qui tend à dépasser le particularisme local pour englober homogènement tout le tissu urbain. Mieux, nous avons voulu montrer que la généralisation de l’éclairage public au xviiie siècle participe à la matérialisation de l’action policière, et ce à trois niveaux : l’inscription de signes matériels pérennes (des lanternes comme marqueurs spatiaux), l’occupation de l’ensemble du territoire urbain (une dissémination plutôt qu’un modèle centre-périphérie) et l’imaginaire de contrôle (la métaphore de la machine policière ou l’anthropomorphisme de la lanterne policière). Ainsi, les lanternes deviennent un « faire preuve » de l’autorité de l’État dans toute la cité, en même temps qu’elles donnent « corps » à la lieutenance de police parisienne.

  • 24  Amand Durantin (1843), « Le sergent de ville », Les Français peints par eux-mêmes, Paris.

27Le prolongement de l’étude au xixe siècle est tentant avec le développement de l’éclairage au gaz en réseau et plus largement de l’imaginaire du « réseau » — et la métaphore de la machine (Hard & Misa, 2010) — pour penser les canaux fluviaux, les chemins de fer et le réseau télégraphique de la France contemporaine (Musso, 2003 ; Chatzis & Coutard, 2005 ; Picon, 2014). Est-ce que ce nouveau mode d’illumination nourrit l’imaginaire de certaines descriptions de la police française au xixe siècle : « Invisible réseau, géant aux mille bras, aux mille oreilles, fantôme à la marche ténébreuse, la police est là, qui, nuit et jour, veille sur la cité »24 ? Il s’agirait alors de questionner l’apport de ce nouveau « techno-imaginaire » (Balandier, 2001, p. 20) à l’idée d’une machine panoptique, aux fantasmes d’un dispositif qui saurait constamment localiser et discipliner les individus.

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Bibliographie

Sources

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F13351 : Marchés pour l'éclairage. 1769-1790. Éclairage jusqu'aux nouvelles barrières. 1789-1790. Fol. 45.

F13351 : Tableau de l’illumination pour l’année 1789.

F12 523 : Mémoire de Charencourt du 22 germinal an IV.

Bibliothèque nationale de France : manuscrits français

21684 : collection formée par Nicolas Delamare sur l'administration et la police de Paris et de la France. CXL-CXLIV Nettoiement des rues, Lanternes. CXL Boues et lanternes, 1668-1743 (fol. 1).— Lanternes, 1407-1744 (fol. 76) : quarteniers, dizainiers et cinquanteniers.

21684 fol. 144 : arrêt du Conseil, février 1704.

RES GR FOL-LK7-6007 Jean de la Caille, Description de la Ville et des Faubourgs de Paris en vingt planches, 1714.

Plan de Paris dit « plan de Turgot », Plan de Paris levé et dessiné par Louis Bretez, Paris, 1739.

F-23717(182) : Instructions sur le service des commis destinés au service des lanternes à réverbères, 1768.

Arsenal

10015 : correspondance du lieutenant général de police, 1761-1775.

10281 : voirie, boues et lanternes, éclairage.

Archives de la préfecture de Police de Paris

Sous-série DA - Période 1810-1980. Réglementation et vie quotidienne. Tableau du xviiie siècle archivé comme point de comparaison avec les manuels des allumeurs du xixe siècle.

Archives de l’Académie des sciences

Manuscrits Prix (1763-1766). Prix Sartine éclairage des villes.

Archives du Musée des arts et métiers, Réserves de Saint Denis

N96 résumé des pièces du premier tour, Concours Sartine 1763 1766.

Sources imprimées

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Notes

1  Jacques Peuchet, Traité de la police et de la municipalité, Encyclopédie méthodique, série : Jurisprudence, Paris, 1789-1791 ; « De l’exercice de la police », T. X. cité dans (Milliot, 2011).

2  F12 523 Mémoire de Charencourt du 22 germinal an IV. Différents objets d’économie résultants du nouveau procédé d’illumination proposé par Charancour, ingénieur, an III.

3  Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits Français 21684, fol. 144, arrêt du Conseil, février 1704.

4  Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits Français 21684. Le corpus constitué par le commissaire Delamare puise parmi les archives du Parlement, de la lieutenance de Police et du Châtelet.

5  Bibliothèque nationale de France, Ms fr 21684, fol. 211.

6  Bibliothèque nationale de France, Ms fr 21684, fol. 243.

7  Archives nationales, Y 12573.

8  Bibliothèque nationale de France, Ms fr 21687.

9  Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits Français 21684, fol. 70, lettre du commissaire du quartier Saint-Antoine, 1727.

10  Mémoire de Lemaire, Bibliothèque nationale de France, Arsenal 10015 : correspondance du lieutenant général de police, 1761-1775.

11  Citée par Wolfgang Schivelbusch (1993, p. 55).

12  Le poème est mentionné par Édouard Fournier (1854, p. 60).

13  Archives nationales, F12 351 : lettre accompagnatrice du mémoire de Cellerier à Dufresne, l’administrateur des finances, octobre 1789.

14  Archives nationales, F/13/351 : Éclairage ou « Illumination » de Paris. 1769-1790. Correspondance de Cellerier, lieutenant de maire au département des Travaux publics ; 1789-1790. Marchés pour l'éclairage, 1769-1790, fol. 27.

15  Archives nationales, F/13/351 : Éclairage ou « Illumination » de Paris. 1769-1790. Correspondance de Cellerier, lieutenant de maire au département des Travaux publics ; 1789-1790. 1790. Mémoires et pièces diverses sur l'éclairage, fol. 32.

16  Je remercie la plateforme géomatique de l’EHESS pour leur formation à QGIS et les ateliers de travail mensuels sans quoi le travail accompli n’aurait pas pu être réalisé.

17  Bibliothèque nationale de France, RES GR FOL-LK7-6007 Jean de la Caille, Description de la Ville et des Faubourgs de Paris en vingt planches, 1714

18  Précis des représentations faites à Monseigneur le procureur général, 1756. Mentionné également dans (Milliot, 2006).

19  Archives de Police de Paris sous-série DA - Période 1810-1980. Réglementation et vie quotidienne. Commerces et industries. Mendicité. Incendies. Épidémies, expositions, voirie. Prostitution, délinquance, etc., Tableau du xviiie siècle archivé comme point de comparaison avec les manuels des allumeurs du xixe siècle.

20  Voir l’étude du Prix Sartine dans (Bothereau, 2018).

21   Bibliothèque nationale de France, F-23717(182) Instructions sur le service des commis destinés au service des lanternes à réverbères, 1768.

22  Mémoire sur le guet de Leclerc du Brillet, 1745, Bibliothèque nationale de France, Ms fr 21575, fol. 312.

23  Mémoire de Lemaire, Bibliothèque nationale de France, Arsenal 10015 : correspondance du lieutenant général de police, 1761-1775.

24  Amand Durantin (1843), « Le sergent de ville », Les Français peints par eux-mêmes, Paris.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 - Lanternes (modèle dit « à seau ») suspendues au milieu de la rue avec le réseau aérien des cordages et poulies
Crédits Source : détail de la gravure d’Antoine Humblot, rue de Quincampoix, Paris, 1720, RESERVE FOL-QB-201 ; © Bibliothèque nationale de France
URL http://journals.openedition.org/cahierscfv/docannexe/image/4155/img-1.png
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Titre Figure 2 - Les lanternes publiques dans l’espace parisien
Crédits Source : détail du plan de Paris dit « plan de Turgot » levé et dessiné par Louis Bretez, Paris, 1739, GESH18PF37DIV3P56, Bibliothèque Nationale de France, département Cartes et plans ; © Bibliothèque nationale de France
URL http://journals.openedition.org/cahierscfv/docannexe/image/4155/img-2.png
Fichier image/png, 101k
Titre Figure 3 - Carte du faubourg St-Antoine en 1714
Légende Le territoire urbain est seulement éclairé jusqu’aux anciennes portes (ici Porte St-Antoine, à côté de la Bastille). Le faubourg n’est pas éclairé.
Crédits Source : (Bothereau, 2018), carte établie par l’auteur (logiciel QGIS, atelier Géomatique, EHESS, avec fonds de carte établi par Michel Huard que je remercie pour son autorisation d’utilisation)
URL http://journals.openedition.org/cahierscfv/docannexe/image/4155/img-3.png
Fichier image/png, 674k
Titre Figure 4 - Tableau de l’illumination pour l’année 1789
Crédits Source : Archives nationales, F13351, Mémoire de l’éclairage, marchés de l’illumination, 1789
URL http://journals.openedition.org/cahierscfv/docannexe/image/4155/img-4.png
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Pour citer cet article

Référence papier

Benjamin Bothereau, « Les lanternes publiques, exosquelette de la « machine » policière (Paris, xviiie siècle) », Cahiers François Viète, III-14 | 2023, 359-381.

Référence électronique

Benjamin Bothereau, « Les lanternes publiques, exosquelette de la « machine » policière (Paris, xviiie siècle) », Cahiers François Viète [En ligne], III-14 | 2023, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 14 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/cahierscfv/4155 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cahierscfv.4155

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Auteur

Benjamin Bothereau

est docteur en histoire des techniques (EHESS, 2018) et ingénieur diplômé de l’École centrale de Lyon. Il est actuellement postdoctorant au Centre Alexandre Koyré dans le cadre du projet ANR « FabLight, à l'intersection de l'histoire de l'art, de l'histoire des sciences et des techniques et de l'informatique ». Ses recherches portent sur la nuit urbaine et l’éclairage public à l’époque moderne, à la croisée de l’histoire environnementale et de l’histoire des techniques.

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