• 1 Paris, AN, X^1A 4788, f. 494v, 500r-500v, 506v (1410) ; X^1A 58, f. 101r-101v (1411 nouveau style, n. (...)
• 2 Pour la ville de Montpellier : “Lettres de Charles VI, interdisant l’exercice de la médecine, de la (...)

4Cette documentation judiciaire permet d’abord de questionner le déroulement concret des examens. Des études ont démontré que ces sources peuvent livrer des détails précis sur les épreuves des candidats à l’exercice du métier, notamment à partir de l’analyse du récit de l’examen truqué que dit avoir subi une chirurgienne nommée Perrette la Petonne, en 1410 (Dumas, 1996 ; Garrigues, 1998)1. Les procès complètent les minces informations contenues dans les sources normatives et législatives. Ces dernières sont d’ailleurs plus précises sur ce point pour les villes de Montpellier, de Beaune ou de Toulouse (Gouron, 1958, p. 411) que pour Paris2. Quelques éléments ponctuels documentant le déroulement des examens peuvent ainsi être identifiés dans les plaidoiries qui contiennent les arguments de fait et de droit des plaideurs. Celles-ci délivrent des informations sur le déroulement d’un examen de maîtrise antérieur à la procédure judiciaire ou sur une mise à l’épreuve décidée par la justice et menée par des experts sollicités par la cour. Combinés, ces éléments permettent d’ébaucher une analyse des gestes techniques et des savoir-faire attendus.

• 3 Quelques actes d’apprentissage de barbiers et de chirurgiens sont conservés au Minutier central à p (...)
• 4 (Pagel, 1892, p. 135; É. Nicaise, 1893, p. 202).

6À la différence des médecins qui, pour bénéficier du droit d’exercer à Paris, devaient avoir obtenu la licence ou la maîtrise de la faculté de médecine, la certification des barbiers et des chirurgiens avait lieu à l’issue de plusieurs années d’apprentissage chez un maître3. Pour obtenir l’autorisation d’exercer dans la ville, les candidats devaient réussir un examen d’entrée, puis prêter serment devant le Prévôt de Paris (Jacquart, 1981, p. 78–83 ; 1998, p. 78–84 ; Lunel, 2008, p. 26–28, 37 ; Bullough, 1959 ; V. Nicaise, 1902). Les chirurgiens approuvés recevaient la licentia operandi, conformément aux volontés exprimées par Henri de Mondeville qui répète l’importance que des chirurgiens “suffisants” exercent cet art et qui rapporte le cas romain des chirurgiens du palais princier qui servaient d’examinateurs à leurs confrères (Jacquart, 1998, p. 78–79)4. En dépit du développement de l’enseignement chirurgical dans le cadre universitaire, la chirurgie demeurait, comme la barberie, un “art mécanique” dont le contrôle des savoirs et savoir-faire appartenait aux gens de métiers (Jacquart, 1998, p. 75–83 ; McVaugh, 2000).. À partir du xiv^e siècle, les examens sont bien attestés, mais les témoignages que nous possédons sont peu nombreux. Dans le cadre judiciaire, certaines affaires livrent des détails sur les savoir-faire évalués, en particulier dans le domaine de la barberie.

• 5 Paris, AN, X^1A 1487, f. 231v (1477).
• 6 Paris, AN, X^1A 1488, f. 53r (1478 n. st.).
• 7 Paris, AN, X^1A 4788, f. 293v (1409) (Cité dans Garrigues, 1998, p. 38 et dans Dumas, 1996, p. 10).
• 8 L’obligation se retrouve dans les ordonnances montpelliéraines (Dumas, 2015, p. 109–110, 225). Au x (...)
• 9 Voir l’article “Lancette” de l’Encyclopédie (Diderot & d’Alembert, 1765, p. 239).
• 10 Paris, AN, X^1A 4963, f. 288v-295r (1556 n. st.).
• 11 Paris, AN, X^1A 1470, f. 76r (1374 n. st.), Jeanne la Poignande ; X^1A 1486, f. 200v-201r (1474), Jea (...)
• 12 Paris, AN, X^1A 4819, f. 67r (1477).
• 13 Paris, AN, X^1A 4963, f. 289r (1556 n. st), Isaac d’Allemagne.
• 14 Il est appointé que le premier “jra ouvrer chiez deux des quatre barbiers jurez qui sont de present (...)

7À l’occasion du procès de Pierre Hostelin, candidat barbier malheureux en 1477, la cour ordonne une expertise : il “fera saignees, barbes et autres operacions touchant le fait et mestier de barberie”5 devant deux maîtres barbiers de Paris, et en présence d’autres professionnels de la santé. Le rapport des examinateurs sur son examen porte sur “les lancetes, seignees et chef d’euvre faiz par ledit appellant sur le fait et mestier de barberie”6. Avec davantage de précision, en 1409, les barbiers de Paris décrivent les enjeux de l’épreuve : pour devenir maître, il “faut que tel soit examiné par les maistres, qu’il face une lancette convenable que saigne, qui rée [rase], que sache dire des veinnes ce qu’il apartient de situ et natura”7. Retenons que les aspirants à l’exercice du métier sont examinés dans quatre domaines principaux. Ils peuvent avoir à fabriquer l’instrument servant à ouvrir la veine et à percer l’abcès, le “fer de lancette”8. S’agissait-il d’affûter la pointe de la lame à deux tranchants, et de savoir la monter, mobile, sur une châsse9 ? Sans doute, mais les textes ne détaillent pas les procédés alors mis en œuvre. Les sources judiciaires nous apprennent néanmoins qu’est exigée la fabrication de plusieurs de ces instruments, possédant des pointes adaptées aux différentes incisions : deux d’entre elles sont demandées au barbier Isaac d’Allemagne10. Les outils jouent également, dès cette fin du Moyen Âge, un rôle symbolique important dans la pratique du métier : ils sont confisqués par la justice en cas d’exercice illégal et restitués lorsque la cour y est favorable11. Alors que les maîtres barbiers mettent en doute son habileté, l’aspirant Pierre Hostelin requiert ainsi “que les lancetes qu’il avoit faictes feussent apportees ceans en offrant faire chef d’euvre”12, comme démonstration de son habileté. Les barbiers devaient également maîtriser la pratique des phlébotomies avec un contrôle du geste de ponction adapté aux différentes veines, et savoir raser correctement la barbe. Outre ce contrôle du savoir-faire opératoire, les aspirants étaient enfin tenus de “respondre a tous venans”13 à une série d’interrogations sur la connaissance des principales veines du corps humain. Ces épreuves pouvaient être effectuées dans les maisons des maîtres jurés des métiers. Les comptes rendus des procès de Baudet Boyau (1416 n. st.) et d’Isaac d’Allemagne plus d’un siècle plus tard (1556 n. st.) concordent sur ce point14.

• 15 Paris, BnF, Clairambault 763 (I. 1401-1464), p. 287, 9 juillet 1448 ; Clairambault 764 (II. 1467-14 (...)
• 16 Paris, BnF, Clairambault 764 (II. 1467-1489), p. 144, 9 juillet 1478.
• 17 Paris, AN, X^1A 4811, f. 252v (1470 n. st.).

8Les exemples d’examens de chirurgiens rassemblés se révèlent moins détaillés. Les extraits des registres du Châtelet de Paris rapportent des cas de réceptions, par exemple en 1448 et en 147815. Les candidats sont reçus à l’issue d’un examen devant un jury qui semble composé exclusivement de chirurgiens, tous nommés. Après l’épreuve de Thomas le Nain, ceux-ci “ont relaté [l’] avoir bien et diligemment examiné”, sans détail supplémentaire16. Comparativement aux barbiers, il est a priori exigé d’eux une connaissance plus approfondie du corps humain. Dans le procès de Jehan de Verrières, à partir de janvier 1470 (n. st.), son avocat rapporte l’usage dans le cadre judiciaire : quant ung homme est condemné par justice on le baille aux cirurgiens pour en faire l’anatomie, en quoy l’appellant est bien experimenté et y a beaucoup aprins17. Cette épreuve de l’“anatomie générale ou particulière du corps humain” se retrouve un siècle plus tard désignée comme le chef-d’œuvre des chirurgiens (Brillon, 1711, p. 389). Si les précisions sur les modalités d’évaluation des candidats demeurent ponctuelles, les sources judiciaires délivrent davantage d’informations sur les querelles qui ont ces examens pour enjeu.

• 18 “Selon les ordonnances royalx, nulx s’il n’est approuvé ne doit soy meller de sirurgerie”, Paris, A (...)
• 19 Dans le cas de Jeanne la Poqueline (1427) et des barbiers Jean Pelot (1485), Mathurin Jaquet (1521- (...)
• 20 Paris, AN, X^1A 8318, f. 302v (1485).
• 21 Paris, AN, X^1A 4868, f. 181r-181v (1521) ; X^1A 4869, f. 399r-400r (1522 n. st). Il ne s’agit toutef (...)
• 22 La reine à son entrée à Paris aurait octroyé au premier des “lectres de don […] de l’estat et maist (...)

9Devant la justice, les représentants des métiers rappellent volontiers que cette approbation est la condition sine qua non de l’exercice, en citant les ordonnances royales18. La question de l’exemption des examens de capacité est toutefois discutée par cinq parties devant la cour souveraine19. Jean Pelot, en 1485, prétend ainsi bénéficier d’une promesse que lui auraient faite les maîtres barbiers en temps de guerre : en l’absence de volontaires, ils “le prindrent comme maistre dudit mestier, et comme tel l’envoierent audit Arras et luy promistrent lors que s’il retournoit le recevroient a joir de ladite maistrise sans faire quelque chef d’euvre ne autre chose requise a ceulx qui se veulent faire maistres dudit mestier”20. Au nom du service rendu et pour le respect de cette promesse, il estime pouvoir être reçu sans se plier aux épreuves. L’argumentation s’appuie également sur la possession de lettres royales. Dans le cas du barbier Mathurin Jaquet, des lettres octroyées par le roi au connétable, le duc de Bourbon, pour qu’il crée dans plusieurs villes un maître juré, permettent à l’aspirant de demander à être reçu maître juré à Paris21. L’exemption par lettres est de la même façon revendiquée par Noël Le Roy (1531) et par Isaac d’Allemagne (1556 n. st.)22.

• 23 “a ce qu’il dit [Jean Pelot] que on luy avoit promis le recevoir, c’est ung fait controuvé [inventé (...)
• 24 Paris, AN, X^1A 8318, f. 304r (1485).

10Les bénéficiaires de ces lettres se présentent devant le Prévôt de Paris pour prêter serment et faire entériner leurs documents. Les maîtres s’opposent à la sentence rendue par ce dernier, favorable au candidat, et interjettent appel devant le Parlement de Paris. Le premier argument des avocats qui cherchent à empêcher les réceptions est de rappeler l’usage et de nier les éventuelles promesses23. En ce qui concerne l’argumentation proprement juridique, la loi ne prévoyant pas les cas de dispense, les avocats des maîtres jurés peuvent insister sur l’absence de précédents. Saillart, l’avocat des maîtres jurés barbiers, affirme par exemple lors du procès de Jean Pelot en 1485 que “jamais ne fut veu que aucun ait esté receu a la maistrise dudit mestier sans faire chef d’euvre, ou avoir esté experimenté non obstant quelque don qu’il ait eu”24.

• 25 Elles sont documentées dans les cas de Jeanne la Poqueline (1427), Noël Le Roy (1531) et Isaac d’Al (...)

11Lorsque les décisions sont documentées, la cour tranche en faveur des métiers et va dans le sens de l’illégalité de l’exemption d’examen25. Celles-ci sont conformes aux décisions que l’on peut trouver à la même époque pour les médecins. L’exemption comme récompense pour service en temps de peste, telle qu’elle a pu être relevée pour l’époque moderne, ne se retrouve pas dans le corpus (Hildesheimer, 1990, p. 43 ; Pauthier, 2002, p. 226–227, 233). Néanmoins, dans certains cas, l’aménagement des examens peut être envisagé. En août 1489, six aspirants barbiers requièrent d’être reçus à l’examen. Il s’agit de la seule requête collective du corpus. L’arrêt rendu dispose qu’ils seront examinés et feront leur chef-d’œuvre dans l’hôtel des quatre jurés, conformément à l’usage, à une disposition près :

• 27 “en la presence d’ung des conseilliers de ceans lequel recepvra le serment d’iceulx”, X^1A 4868, f. (...)
• 28 Paris, AN, X^1A 1480, f. 59v (1416), Baudet Boyau.
• 29 L’ordonnance royale de 1311 prévoit la présence de six chirurgiens jurés : “Edict portant deffenses (...)
• 30 Dans une plaidoirie du 22 avril 1473, les maîtres barbiers de Paris rappellent que “par leurs statu (...)
• 31 Paris, AN, X^1A 4787, f. 403r (1406), Baudet Boyau.
• 32 Paris, AN, X^1A 1524, f. 121r (1522 n. st.), Mathurin Jaquet.

13Lorsque la cour du Parlement requiert qu’un examen soit organisé et consulte l’avis d’experts sur la capacité d’un individu, le détail de la composition des jurys constitués est parfois conservé. Le plus souvent, deux conseillers au Parlement ou “commissaires” sont chargés d’assister à l’examen et de recevoir le serment des examinateurs27. C’est sur leurs conclusions et sur le rapport des experts que la cour de justice rend sa décision. Bien sûr, assistent également aux épreuves des “gens expers et ordonnez a ce faire”28, à savoir des professionnels mobilisés pour l’examen. La composition du jury est en conformité avec la hiérarchie interne de la communauté de métier. Pour l’examen de chirurgie, sont ainsi convoqués les deux chirurgiens jurés du roi au Châtelet, et quelques maîtres jurés (Jacquart, 1981, p. 80)29. L’examen des barbiers se fait en présence du lieutenant du premier barbier du roi et de quatre maîtres ju- rés conformément aux dispositions des ordonnances royales30. Bien souvent, le greffier rapporte le souci des juges d’éviter le conflit d’intérêts. Ils se préoccupent de nommer des examinateurs qui doivent être “autres que celx qui l’ont [déjà] examiné”31 ou “non suspectz ne favorables a l’une ne a l’autre desdites parties”32.

• 33 Paris, AN, X^1A 4788, f. 500v (1410), Perrette la Petonne (Garrigues, 1998, p. 340; Dumas, 1996, p. (...)
• 34 Sur les rapports entre la chirurgie et la faculté de médecine voir notamment : (Jacquart, 1998, p. (...)

14En justice, on observe toutefois que sont adjoints aux maîtres du métier concerné d’autres spécialistes, chirurgiens ou médecins. La composition pluridisciplinaire des jurys peut contribuer à garantir l’objectivité de l’avis rendu par les praticiens sollicités par la cour ; elle permet aussi de se prémunir contre d’éventuels abus corporatifs qui sont monnaie courante parmi les plaintes reçues au Parlement. Toutefois cette adjonction n’est-elle pas aussi l’occasion pour un groupe d’affirmer sa préséance en revendiquant un droit, parfois exclusif, à contrôler le métier ? Concernant l’examen qualifiant des chirurgiens, un édit daté de 1311 donne autorité au chirurgien juré au Châtelet de Paris sur les maîtres jurés dans le contrôle des examens obligatoires ( Jacquart, 1998, p. 79 ; ORF, 1723-1849, t. I, p. 490–492 ; Lunel, 2008, p. 26–27). La participation des maîtres en médecine est attestée dans certains examens évoqués en justice. Ils sont deux à examiner la chirurgienne Perette la Petonne (1411) et le chirurgien Jean de Verrières (1470 n. st.)33. Cette présence des médecins n’est pas sans provoquer le mécontentement de la confrérie, notamment lorsque la faculté tente, à partir de 1551, de subordonner les chirurgiens en imposant la participation de quatre maîtres en médecine aux examens (V. Nicaise, 1902 ; Concasty, 1964, p. LXXX-LXXXII)34. L’exemple de la composition controversée des jurys d’examen de barbiers, moins connu, peut être précisément développé à partir de l’étude des sources judiciaires.

• 35 Paris, BnF, Français 24069, f. 249v ; Paris, BnF, Français 11709, f. 14r ; Paris, AN, KK 1336, f. 1 (...)
• 36 Dans les statuts de la Communauté des barbiers de 1371 et les suivants, cette obligation a disparu. (...)

15Le rôle des chirurgiens dans les examens des barbiers est mentionné par un règlement daté d’août 1301. Celui-ci interdit à vingt-huit barbiers d’exercer la petite chirurgie avant qu’ils ne soient examinés et jugés “suffisants” par les maîtres en chirurgie35. Leur participation à l’examen se justifie par la nature des gestes techniques de la petite chirurgie qu’impliquent les soins des plaies non mortelles effectués par les barbiers. Il est difficile de déterminer si le règlement de 1301 fut ou non suivi d’effet dans l’immédiat (Lunel, 2008, p. 27)36. Il est néanmoins possible d’observer l’évolution chronologique de la composition des commissions d’examen ordonnées par décision de la cour, grâce à une enquête dans les registres du Parlement de Paris. Trois périodes peuvent être distinguées.

• 37 Paris, AN, X^1A 4787, f. 403r (1406), Baudet Boyau.
• 38 Paris, BnF, Français 11768, p. 87.
• 39 Paris, AN, X^1A 1480, f. 45r (1416 n. st.), Baudet Boyau ; X^1A 1485, f. 47v (1470 n. st.), Gilbert l (...)

16En 1406, la présence de deux chirurgiens dans un jury d’examen de barbier est requise par une décision rendue dans le procès opposant l’aspirant Baudet Boyau aux maîtres barbiers de Paris37. Ernest Wickersheimer (1915, p. LXXIX, n. 2) qui a eu connaissance de cette affaire par la copie du xviii^e siècle d’un extrait de registres, doutait de la constance du rôle des chirurgiens dans les jurys qualifiant les barbiers38. Il faut toutefois reconnaître que leur présence semble alors récurrente. En effet, entre 1406 et 1495, la cour ordonne un examen dans sept procès relatifs à l’accréditation, qui mettent en scène douze aspirants barbiers39. La composition des jurys est renseignée pour six affaires sur sept ; cinq décisions prévoient la présence d’un ou de deux chirurgiens et trois celle de médecins.

• 40 “Alligret dit que l’examen doit estre faict par deux des barbiers de Paris et n’y doyvent estre les (...)
• 41 Paris, AN, X^1A 4868, f. 181v (1521).
• 42 Paris, AN, X^1A 1523, f. 233r (1521).
• 43 Contract passé entre les docteurs de la faculté de médecine de Paris : et les maistres barbiers chi (...)
• 44 12 décembre 1500. L’arrêt, mentionné dans les Secondes représentations au Roy pour le Sr de la Mart (...)
• 45 Paris, AN, X^1A 4847, f. 507r (1506) ; X^1A 1510bis, f. 16r-16v (1506).
• 46 Paris, AN, X^1A 1523, f. 233r (1521).

17À partir de la fin du xv^e siècle apparaissent des débats autour du droit d’accréditer. Les avocats de chacune des parties proposent alors une composition spécifique du jury. En 1521, le cas de Mathurin Jaquet est présenté à la cour sur appel des maîtres barbiers d’une sentence du Prévôt de Paris. L’avocat des maîtres barbiers revendique l’absence des chirurgiens à l’examen “parce qu’ilz ont proces contre eulx”40. L’argument est toutefois jugé insuffisant par le juge qui entérine la requête telle qu’elle a été formulée par l’avocat de Mathurin Jaquet en ordonnant qu’il sera examiné “par le lieutenant du barbier du Roy, et deux maistres barbiers et deux cirurgiens de Paris, en la presence d’ung des conseilliers de ceans”41. La présence ou non des médecins dans les commissions d’examen est également débattue lors de ce procès. Mathurin Jaquet, en mai 1521, sollicite la participation d’un médecin ; un mois plus tard, alors qu’il demande l’exécution de l’arrêt rendu en sa faveur, les barbiers ont requis la présence de deux médecins, faisant peut-être ainsi obstacle à l’autorité des chirurgiens42. Il ne s’agit toutefois pas d’une innovation. Au siècle précédent, un ou deux médecins ont en effet assisté aux examens de Gilbert le Roux (1470 n. st.), Jean Nouvel (1474) et Pierre Hostelin (1477). Mais cette demande suit alors un Contract passé entre les docteurs de la Faculté de médecine de Paris et les Maistres Barbiers Chirurgiens de ladite ville le 13 janvier 1506 (n. st.) qui stipule que seront appelés aux examens deux docteurs de la faculté. Après la délibération des maîtres barbiers, ils concluront à la suffisance ou l’insuffisance de l’examiné43. Les demandes ne sont malheureusement pas motivées dans le texte que nous fait parvenir le greffier. Est-ce là une manifestation de la volonté d’autonomie des barbiers vis-à-vis des chirurgiens ? Quoi qu’il en soit, les requêtes conformes à la réforme de 1506 furent refusées par la cour. L’examen de Mathurin Jaquet sollicité en 1521, comme ceux d’un autre barbier en 150044 et de Léonard de Coloigne en 150645, se firent sans médecins, uniquement en présence de barbiers et de chirurgiens. Dans l’affaire Mathurin Jaquet qui connaît de nombreux rebondissements, la cour, un an plus tard, ordonne un second examen cette fois en présence de deux docteurs en médecine46. Dans les procès suivants, la présence des médecins est d’une constance remarquable.

• 47 Paris, AN, X^1A 4890, f. 486r-487v (1531) ; X^1A 1548, f. 463v-464r (1542) ; X1A 4963, f. 288v-295r ( (...)

18Les années 1531-1556 marquent en effet un net recul de la présence chirurgienne au profit de représentants de la faculté de médecine. Aux examens des barbiers Noël Leroy (1531), Estienne de la Rivière (1542) et Isaac d’Allemagne (1556 n. st.) deux médecins sont appelés47. Dans le dernier cas, ils sont sollicités à la fois en première instance par la sentence du Prévôt de Paris et en appel par l’arrêt du Parlement. Le rôle des médecins est conforme aux échos qu’en donnent, à la même époque, les Commentaires de la faculté de médecine. Les doyens y rapportent la participation de deux docteurs en médecine aux examens, ainsi que le mécontentement de la faculté lorsqu’elle n’est pas consultée par les maîtres barbiers (Concasty, 1964, LXXXVI, 328a, 413b, 538a). Cette nouvelle composition et le recul de la présence des chirurgiens s’expliquent peut-être par l’évolution des rapports de force professionnels. Les tensions sont alors vives entre les chirurgiens d’une part et les barbiers et la faculté de médecine d’autre part qui discutent, à partir de 1547, d’un renouvellement de l’accord de 1506 prévoyant la convocation de deux docteurs de la faculté (p. LXXX–LXXXII).

• 48 Paris, AN, X^1A 1548, f. 464r (1542) : “adjoustez le lieutenant dudit suppliant avec deux desditz ju (...)
• 49 Paris, AN, X^1A 4963, f. 289v (1556 n. st.).

19Dans le contexte de cette transformation de l’équilibre des jurys d’examen au profit des médecins, les maîtres barbiers veillent toutefois à maintenir leur propre position. Ceux-ci réagissent à deux décisions prévoyant des jurys d’examen sans barbiers, pour Étienne de la Rivière (1542) et Isaac d’Allemagne (1556 n. st.). Dans le premier cas, une requête présentée par le barbier du roi Adam Deshayes demande qu’au jury, prévu par l’arrêt, soient ajoutés le lieutenant et deux jurés barbiers ou deux maîtres barbiers élus par la communauté ; la demande est acceptée par la cour48. Dans le second cas, le Prévôt de Paris a ordonné de faire examiner Isaac d’Allemagne uniquement par le lieutenant du barbier du roi et deux médecins. Sur appel des barbiers de la communauté qui jugent “prejudiciable aux statutz” cette décision, un arrêt du Parlement prévoit que désormais le premier barbier sera tenu de faire appeler pour tout examen, en plus de deux médecins, les quatre jurés barbiers, et les quatre plus anciens barbiers49.

• 50 En 1470 (n. st.), à l’occasion du procès contre Jean de Verrières, l’avocat des chirurgiens rappell (...)
• 51 Paris, AN, X^1A 8318, f. 302r (1485).
• 52 Paris, AN, X^1A 1485, f. 47v (1470 n. st.), Gilbert le Roux ; X^1A 1485, f. 291r (1472 n. st.), Jean (...)
• 53 Jean Julien par une décision interlocutoire (Paris, AN, X^1A 1485, f. 291r, 1472 n. st), et Pierre H (...)
• 54 Dans ce cas, les précédents judiciaires sont peu éloignés dans le temps, de mémoire d’homme. Dans l (...)

22Les arrêts évoqués dans les plaidoiries portent sur l’obligation d’examen50. En 1485, une affaire oppose les maîtres jurés barbiers de Paris à Jean Pelot qui souhaite être reçu barbier sans avoir fait son chef-d’œuvre. Dans la demande, l’avocat des maîtres jurés barbiers de la ville de Paris rappelle qu’il “a esté ordonné des long temps a que […] aucun ne seroit receu a tenir ouvrouer dudit mestier sinon que premierement il fust experimenté par les maistres jurez, et fait son chef d’euvre et eust esté rapporté ydo[i]ne et souffisant, aussi y a ordonnance et plusieurs arrestz a ceste fin”51. Pour ces années, le corpus permet de recomposer une partie au moins de l’actualité judiciaire du Parlement. Il semble exister une cohérence de la jurisprudence en la matière. En effet, les décisions concernant les affaires du corpus les plus proches par le temps et les thématiques convergent. Il s’agit des cas de Gilbert le Roux (1470 n. st.), Jean Julien (1472 n. st.), Jean Nouvel (1474) et Pierre Hostelin (1477)52. Les quatre barbiers sollicitant leur acceptation ont dû se plier aux exercices imposés par les statuts et par la loi. Deux d’entre eux ont été acceptés au sein de la communauté, malgré l’opposition des maîtres53. Ce sont donc bien des épreuves qui ont déterminé l’autorisation ou l’interdiction de l’exercice. Dans l’affaire Jean Pelot, l’allégation des arrêts rendus par la cour ne permet pas de dégager des règles de droit mais plutôt de conforter la loi en illustrant son application. Elle témoigne que les avocats des maîtres estimaient que l’argument de la jurisprudence pouvait jouer en leur faveur à la cour54.

• 55 Paris, AN, X^1A 4890, f. 487v (1531).
• 56 Paris, AN, X^1A 4963, f. 288v-295r (1556 n. st.).

23L’arrêt rendu dans l’affaire qui concerne Noël Le Roy, en 1531, est également invoqué en justice. Alors qu’il justifiait de lettres de la reine lui faisant don de la maîtrise, la cour ordonna que, quelles que furent ses lettres et dispenses, il serait examiné “en la maniere acoustumee que ont acoustumé estre examinez ceulx qui veullent estre passez maistres barbiers”55. Cet arrêt est évoqué vingt-cinq années plus tard comme précédent au cas d’Isaac d’Allemagne, assez semblable56. L’allusion est cette fois claire, l’arrêt est daté, le barbier est cité, les enjeux du procès et la décision de la cour sont rapportés par l’avocat qui a une connaissance précise de l’affaire.

• 57 Seconde représentations au Roy pour le Sr de la Martinière son premier chirurgien et le Collège des (...)
• 58 Paris, BnF, Français 11768, p. 87.
• 59 Paris, AN, X^1A 1480, f. 45r (1416 n. st.) ; X^1A 61, f. 10v-11v (1416).

24Les confréries conservaient-elles une mémoire écrite des sentences et des arrêts rendus ? C’est probable, même si cela n’est pas attesté. Quoi qu’il en soit, tous les arrêts n’ont pas connu la même postérité. L’arrêt rendu sur plaidoiries le 5 août 1406 dans l’affaire qui concerne Baudet Boyau semble avoir eu un écho considérable. La décision prévoyait qu’en dépit de l’opposition des maîtres barbiers, l’appelant serait examiné par quatre barbiers et deux chirurgiens. Trois siècles plus tard, un mémoire présenté au roi en faveur des chirurgiens s’appuie encore sur cette décision ancienne57. Le contenu de l’arrêt est également repris par un manuscrit du xviii^e siècle, dans une partie consacrée à la chirurgie58. Pourquoi choisir de conserver la mémoire de cet arrêt particulier ? Il s’agit de l’un des premiers arrêts rendus sur la matière. Il est ensuite favorable aux chirurgiens, à la fois en leur accordant une place dans un jury d’examen de barbiers, et en en excluant les médecins. Toutefois, lorsque l’on replace cette décision dans la série plus vaste de décisions rendues, elle n’apparaît pas comme la norme. Même à l’échelle du dossier Baudet Boyau, cette décision n’est pas la seule rendue. Dix ans après ce premier arrêt, un second est rendu. Cette fois, il prévoit un examen devant les seuls barbiers, sous le regard des conseillers au Parlement59. Ainsi, pour justifier leurs droits et conquérir leur autonomie dans la délivrance des examens de capacité, la mémoire d’une certaine jurisprudence, sélective, du Parlement de Paris est un outil de choix.